La psychologie transpersonnelle

Une conférence de Bertran Chaudet

La psychologie transpersonnelle, née au tout début des années 70, se situe dans l’idéologie du New-Age, nébuleuse prétendant changer les représentations habituelles du monde, grâce à un syncrétisme pseudo scientifique et un mélange des différentes traditions spirituelles. Ces courants sont nés sur la côte ouest des États-Unis et notamment à Esalen, épicentre du New-Age. Abraham Maslow[1] (cofondateur de la psychologie humaniste) et Stanislav Grof (fondateur de la respiration holotropique[2], avec sa seconde épouse professeure de yoga) en sont les fondateurs et les maîtres à penser. Ils se recommandent de Carl Gustav Jung. [3]

Grof définit la psychologie transpersonnelle comme « une discipline visant à faire une synthèse de la spiritualité authentique et de la science ».

En France la tradition laïciste suspicieuse à l’égard de toute approche spirituelle, n’a pas permis à la psychologie transpersonnelle de pénétrer les universités et ici l’on ne doit pas s’en plaindre. La psychologie transpersonnelle ne bénéficie d’aucun encadrement institutionnel et son efficacité n’a jamais été démontrée. La Miviludes a, dans son rapport de 2013, dénoncé les dérives provoquées par cette approche.

Historique

Carl Gustav Jung a en apparence intégré la spiritualité dans ses analyses psychologiques, contrairement à Freud qui faisait de la vie spirituelle une sorte de névrose voire de psychose. De plus, avec son concept d’archétype (1907) Jung dépassait la notion du moi, et avec celui de synchronicité il ouvrait un autre champ à la notion de causalité.

En 1971, Stanislav Grof, est un psychiatre tchécoslovaque vivant aux États-Unis depuis 1967 ; il fonde l’International Transpersonal Association et devient professeur à l’institut Esalen de Big Sur en Californie de 1973 à 1987. Il travaille sur les « états non ordinaires de conscience » notamment en faisant prendre à des cobayes étudiants, du LSD (acide lysergique diéthylamide) et d’autres drogues pour observer leurs effets sur les modifications des états de conscience.

La journaliste papesse du New-Age, Marilyn Ferguson, convaincue par la pertinence, de la psychologie transpersonnelle écrira Les enfants du Verseau (The Aquarian Conspiracy, 1980), livre qui aura un succès phénoménal sur toute la planète. Elle y magnifie la psychologie transpersonnelle, ayant auparavant, dans son livre La révolution du cerveau (1973) abordé « les états altérés de la conscience », « le super-cerveau », « la conscience et l’hyper-conscience. »

L’école transpersonnelle se présente comme la quatrième grande école, parfois appelée « Quatrième force » en psychologie, dépassant les théories comportementales et positivistes de la première école, la psychanalyse de la deuxième école, la psychologie humaniste étant la troisième école. Ainsi pour Carl Rogers l’être humain est fondamentalement bon, il évolue toujours positivement s’il suit sa propre expérience et se débarrasse des conditionnements qui limitent sa liberté. Il s’agit pour le thérapeute de confirmer ce que ressent son patient. Les notions de psychopathologie ou de bien et de mal disparaissent. Enfin pour l’école transpersonnelle : l’état transpersonnel est atteint lorsqu’une personne dépasse de façon permanente son petit moi individuel, ou ego, pour s’unir à l’Absolu non-personnel (Déité de Maître Eckhart, Soi, Bouddhéité, Conscience cosmique…).

Ainsi Maslow déclare :

« Je considère la troisième école de psychologie, la psychologie humaniste, comme transitoire, comme une préparation pour une quatrième école psychologique encore plus haute, transpersonnelle, transhumaine, centrée sur le cosmos plutôt que sur les besoins et les intérêts humains, allant au-delà du fait humain, de l’identité, de la réalisation de soi et toute autre chose de cette nature. »

C’est dans cette même veine d’exploration de tous les champs de conscience, qu’en 1968, Carlos Castaneda, très en vogue dans les milieux hippies et dans la culture underground nord-américaine, relayé en France par le mensuel « Actuel », publie sa thèse sur la consommation de peyotl en milieu amérindien The Teachings of Don Juan. A Yaqui Way of Knowledge (trad. fr. : L’herbe du diable et la petite fumée) ; la description qu’il y fait de sa rencontre avec un chamane et sorcier yaki n’est que pure invention. Les livres de Castaneda ont été traduits en français. Il terminera sa vie dans la paranoïa, se cachant de tout et vivant dans l’isolement.

Aujourd’hui bien des personnes fréquentant le néo chamanisme, se recommandent des travaux de Stanislas Grof. Grof s’inscrit également dans les mêmes perspectives que Timothy Leary qui dans son livre « La politique de l’extase » s’extasiait sur les bienfaits du LSD et autres substances hallucinogènes pour élargir, selon lui, les champs de la conscience. C’était la période hippie où il était de bon ton d’explorer tous les possibles. Allen Ginsberg (Sur la route), Aldous Huxley (Le meilleur des mondes), et John Lennon (le Beatles), étaient avec Leary et Grof les chantres de cette prétendue liberté de conscience et de son expansion par tous les moyens.

Ces chefs de file parlaient non pas d’expériences psychologiques, mais d’expériences spirituelles. Ils comparaient leurs expériences provoquées par leurs drogues à des expériences mystiques telles que peuvent en avoir des praticiens de techniques yogis ou de méditations orientales ou encore de rituels chamaniques. Ces drogues sont appelées aujourd’hui, substances enthéogènes, c’est-à-dire censées engendrer en soi l’expérience de Dieu. Deux médecins français ont entre autres, pris le relai, le docteur Mabit et le docteur Mouret en organisant des voyages d’initiations chamaniques[4].

Le transpersonnel est décrit comme une expérience

L’expérience transpersonnelle permettrait d’accéder ou d’intégrer des états de conscience dépassant le moi, l’espace, le temps, la causalité. Par changement d’identification le sujet se désindividualise et s’identifie momentanément à d’autres réalités que son ancien moi. Il s’agit de ressentis dépassant la conscience ordinaire : vision archétypale, identification à des animaux ou même à des objets, souvenir de vies antérieures, souvenir de la naissance, précognition, etc. De fait, magnétisme et médiumnité, sont les deux mamelles du transpersonnel[5]. Cette psychologie souscrit à toutes les formes d’occultisme et de chamanisme, sous couvert d’une approche qui se voudrait descriptive et scientifique.

De plus, très souvent, ces expériences sont induites, par des drogues (peyotl, datura, ayahuasca, amanite, L.S.D., kétamine, cannabis…) ou par des techniques psychospirituelles (méditation, respiration, yoga…, holotropique).

Voici quelques morceaux choisis de Stanislav Grof dans son livre « Psychologie transpersonnelle », une approche globale et spirituelle pour épanouir sa conscience [6].

De nombreux scientifiques et professionnels de santé mentale ont pris conscience du fait qu’il existe un fossé insondable entre la psychologie et la psychiatrie contemporaine, et les grandes traditions spirituelles antiques ou orientales. Citons parmi celles-ci les diverses formes de yoga, le taoïsme, le bouddhisme zen, le soufisme, la kabbale ou l’alchimie. La richesse de connaissance profonde de la psyché et de la conscience humaine accumulée par ces systèmes depuis des siècles, voire des millénaires, n’a été ni appréciée à sa juste valeur, ni étudiée, ni intégrée par la science occidentale[7].

Pour Grof, Leary ou Huxley et bien d’autres penseurs de cette lignée, les religions instituées ont toujours cherché à réduire les capacités des hommes, en limitant leurs expériences, pour mieux asseoir leur pouvoir.

Les expériences recourant à l’hypnose, à l’isolation ou à la surcharge sensorielle, aux contrôles volontaires des états internes, biofeedback, et à l’acupuncture ont éclairé d’un jour nouveau nombre de pratiques antiques et orientales, mais elles ont engendré plus de problèmes qu’elles n’ont apporté de réponses satisfaisantes. La recherche psychédélique a clarifié d’une certaine manière de nombreuses données historiques et anthropologiques jusqu’alors troublantes concernant le chamanisme, les cultes à mystères, les rites de passage, les cérémonies de guérison et les phénomènes paranormaux résultants de l’emploi de plantes sacrées… L’expérimentation à l’aide de drogues psychédéliques a ébranlé la compréhension conventionnelle de psychothérapie, les modèles traditionnels de la psyché, la représentation de la nature humaine ainsi que des convictions essentielles quant à la nature de la réalité[8].

La science des substances hallucinogènes, ou un certain travail sur le corps, permettraient enfin de découvrir les mystères de la nature !

« La psychologie sera transpersonnelle »

Dans une interview tirée du site : www.psychologies.com Stanislav Grof explique : «… ce qui s’est passé pour moi a transformé ma vie : après avoir pris une dose infime de cette substance (LSD), j’ai vu une lumière extraordinaire. Je ne le savais pas à l’époque, mais c’était exactement cette lumière indicible décrite dans Le Livre des morts tibétain, que nous sommes censés voir lors de notre départ vers l’au-delà. Tout à coup, je me suis senti propulsé hors de mon corps, comme si ma conscience filait droit dans le cosmos, traversant galaxies et trous noirs en s’élargissant toujours plus. J’avais l’impression de devenir « un » avec tout ce qui existe, d’être « dans » l’univers physique. J’ai ressenti des émotions d’une puissance que je n’aurais jamais pu concevoir. Ma conscience s’est ensuite comme « rétrécie », et a tourné autour de mon corps avant de le réintégrer. »

C’est ainsi que Grof multipliant les expériences et les reliant à des traditions spirituelles multiples a cherché une convergence cohérente entre toutes ces approches et les a intégrées dans la psychologie transpersonnelle, pensant ainsi trouver une cohérence entre tous les états mystiques. Cependant, dans la tradition catholique aucune expérience mystique ne peut être provoquée si ce n’est par le prince de l’illusion, c’est l’objet du combat spirituel que de ne pas se laisser berner par celui qui prétend que : « vos yeux se dessilleront et vous serez comme des dieux. » (Gen 3, 5).

Grof poursuit : Avec mon épouse Christina, nous avons mis au point la respiration holotropique, une technique spécifique d’hyperventilation qui, avec un protocole très précis, permet de « voyager » dans l’inconscient et au-delà. C’est là que j’ai eu la confirmation d’une intuition que j’avais eue pendant ma première expérience personnelle : notre conscience – notre « esprit » si vous préférez – n’est pas localisée dans le cerveau.

Et de conclure : La psychologie du XXIe siècle sera transpersonnelle, parce qu’elle participe à la transformation de la conscience planétaire.

L’expérience spirituelle dans la tradition chrétienne.

L’expérience de Dieu dans la tradition judéo-chrétienne ne peut être induite. Dieu se révèle aux hommes de manière inattendue. Au contraire ceux qui provoquent des états modifiés de conscience comme les prophètes de Baal sont combattus par des prophètes comme Élie. Élie, comme tous les prophètes, est conduit par l’Esprit- Saint et n’a d’autres moyens que sa confiance absolue en son Dieu qui intervient au bon et juste moment. Toute l’Histoire Sainte de la Bible décrit une relation inimaginable où la tendresse de Dieu Créateur et Sauveur se manifeste en respectant notre liberté. Tout le reste est idolâtrie et illusion. L’expérience spirituelle est une prise de conscience progressive de l’Amour infini de Dieu pour les hommes. En Jésus le Fils unique de Dieu, chacun ou chacune peut devenir par grâce, fils ou fille de Dieu, sous l’action de l’Esprit-Saint. Il ne s’agit jamais comme dans les descriptions de Grof d’états modifiés de conscience que l’on pourrait provoquer à loisir. Ces expériences sont d’ordre purement psychologique, le psychisme étant sous l’emprise artificielle de drogues ou de technique psycho corporelles.

D’ailleurs ces expériences décrites dans la Psychologie transpersonnelle semblent permettre d’échapper au temps et à l’espace. Il y a là comme un mystère de désincarnation, alors que les chrétiens sont invités à contempler et à méditer le mystère de l’Incarnation. Tout Dieu qu’il est, le Christ se fait homme et en accepte toutes les limites et les contingences.

Physique quantique[9]

L’appel à la physique quantique est un grand classique de ces conceptions mystico psychiques pour tenter de donner un verni scientifique à ces élucubrations. La physique quantique a un domaine propre, et le mélange de la psyché avec celui-ci ne fait qu’ajouter à la confusion, car ils n’ont strictement rien à voir. La confusion est double ici entre psychologique et spirituel et entre physique et psychologique.

Cela n’empêche en rien Grof de prétendre :

« On remarque avec intérêt que nombre de physiciens modernes, familiers de la physique quantique relativiste, montrent en général un intérêt de plus en plus grand pour les phénomènes paranormaux, contrairement à la majorité des psychiatres et des psychologues traditionnels. Il convient également de mentionner à cet égard les données fascinantes relevant du champ de la thanatologie, qui suggèrent que des individus décédés sur le plan clinique perçoivent souvent avec précisions les événements se déroulant à leur proximité, et ce d’une position qu’il ne leur serait pas accessible dans un état conscient[10].

Psychologie périnatale et psychologie transpersonnelle

Stanislav Grof distingue dans la psyché trois niveaux, trois « plans de l’inconscient » :

1) le biographique et l’inconscient individuel (découvert par Sigmund Freud),

2) le domaine périnatal (découvert par Otto Rank en 1924), rattaché aux expériences de naissance et de mort,

3) le domaine transpersonnel, qui concerne les états non ordinaires de conscience et l’inconscient collectif (découvert par Carl Gustav Jung avec sa notion d’archétype).

Ces deux derniers domaines forment le transbiographique.

« Un autre groupe important d’expériences transpersonnelles fait intervenir la télépathie, le diagnostic psychique, la clairvoyance, la claire audience, la prémonition, la psychométrie, les expériences hors du corps, les voyages dans l’espace et d’autres phénomènes paranormaux. Certains se caractérisent par la transcendance des limites temporelles ordinaires, d’autres par la transcendance des barrières spatiales, où un encore par la combinaison des deux[11]. »

Nous sommes effectivement en pleine médiumnité, que l’Église en sa sagesse à la suite des Écritures Saintes a toujours condamnée.

Cependant, il est curieux de constater que ces approches psychologiques s’intéressant à la période prénatale et postnatale, sont la plupart du temps utilisées par des thérapeutes sans compétence réelle à la recherche d’une clientèle facile, ayant des moyens financiers. D’abord aux États-Unis puis en Europe occidentale, ces approches ont entrainé nombre de dérives.

C’est ainsi que de nombreuses thérapies nouvelles souscrivent à ces approches mêlant magnétisme ou médiumnité à la recherche du traumatisme ou de la blessure initiale. Cette prolifération de nouvelles thérapies sans contrôle ont engendré notamment, ce que l’on appelle des faux souvenirs induits, remarquablement décrits par Élisabeth Loftus dans son livre « Le syndrome des faux souvenirs » ayant pour sous-titre « Ces psys qui manipule la mémoire. [12] »

La kinésiologie, la psychophanie, la sophrologie, l’hypnose, une certaine ostéopathie dite fluidique quand il y a recherche d’un traumatisme ou d’une blessure passée, peuvent s’inscrire dans ces courants[13].

Pascal Ide et ses ressources pour guérir

Pascal Ide docteur en médecine, en philosophie et en théologie, membre de la communauté de l’Emmanuel, dans une approche purement livresque, sans grand discernement, décrit quelques-unes de ces méthodes dans son livre : « Des ressources pour guérir.[14] »

En lisant ce livre, il est aisé de reconnaître que son auteur n’a aucune distanciation critique dans sa compilation d’étude de livres sur l’hypnose ériksonienne, EMDR, cohérence cardiaque, EFT… avec leurs cas de guérison tous plus merveilleux les uns que les autres. On n’aimerait que le docteur en médecine se rappelle des grandes exigences de l’observation clinique et de la distanciation, que tout scientifique doit opérer dans l’examen des faits qu’il observe. Et aussi que le progrès objectif de la médecine moderne a substantiellement avancé grâce à des méthodologies rigoureuses. Ide se contente de relater ce qu’il lit dans ces livres tout à la gloire de « nouvelles méthodes miracle ». Les attestations scientifiquement validées de ces méthodes ne sont pas produites dans son livre, et pour cause : elles n’existent pas dans la littérature scientifique médicale, reconnue par la profession. Il s’agit d’études parallèles dont les protocoles n’ont pas l’exigence requise par la recherche médicale.

Dans certaines de ces thérapies permettant de réactiver la mémoire de l’enfance, il y a grand danger. Car la mémoire est labile et peut être reconstruite ; ainsi des éléments totalement inventés ou suggérés peuvent prendre la place de la réalité des faits. Ide semble méconnaître la réalité de ces dangers décrits par Élisabeth Loftus dans son livre sur « les faux souvenirs induits » bien qu’il la cite. Faux souvenirs spécialement induits par certaines thérapies dont Ide fait l’éloge. En particulier la PNL : « Les sensations (le quadruplé sensoriel que la programmation neuro-linguistique appelle VAKO : Visuel, Auditif, Kinesthésique, et Olfactif- gustatif) et les émotions affleurent comme si cela se passait maintenant. Or ce vécu intense est une remémoration vivide par laquelle je me représente le passé, mais que mes besoins d’aujourd’hui et toute mon histoire influencent et remodèlent. Voire, plus les souvenirs retrouvés sont chargés émotionnellement, plus ils drainent mon histoire et mon état actuel, donc plus ils sont élaborés de manière inconsciente. Ces souvenirs sont donc toujours de vrais-faux souvenirs, c’est-à-dire des mémoires mélangeant données et constructions. Mais, si cette indémêlable intrication interdit de leur accorder une valeur factuelle, ils sont d’une grande valeur psychologique et psychothérapeutique.[15] »

Aux États-Unis après une période euphorique due aux « miracles » opérés par ces thérapies, l’heure est au réalisme et à la tentative de réparation des dégâts opérés dans le remaniement de la mémoire ou de la personnalité, dégâts parfois irréversibles.

Ide est-il naïf ou inconscient quand il prétend : « Nous l’avions observé pour l’ennéagramme : la suspicion est proportionnelle à la crainte et celle-ci à la puissance d’analyse de la grille, qu’en retour elle atteste. De fait, un hypnotiseur peut utiliser la méthode pour manipuler et servir ses propres intérêts. Mais cela est vrai de tout thérapeute compétent et de toute thérapie efficace. Rappelons seulement que celui-là doit avoir bénéficié d’une formation diplômante et que celle-ci doit s’exercer selon une déontologie rigoureuse, le tout dans un cadre européen de plus en plus strict. [16] » Ide ignore-t-il que la plupart des formateurs en ennéagramme, PNL, sophrologie, hypnose, n’ont pas d’autres diplômes que ceux délivrés par des écoles privées ? Que la plupart de ces praticiens contournent les normes nationales ou européennes en vigueur en changeant la présentation de ce qu’ils font pour ne pas être pénalement répréhensibles ? Sa citation d’Aristote, notant que l’on peut mésuser de tout, est une pirouette, qui devient après cette « expertise » si légère, particulièrement déplacée.

Ide révèle une confidence qu’une personne lui a faite : « Depuis que j’ai découvert l’auto-hypnose, ma prière a changé : chaque matin, je prends un quart d’heure de méditation en cet état. Je trouve ce moment très bienfaisant. La paix n’est-elle pas le fruit de l’Esprit ? [17] » Ide ne semble avoir aucune objection à faire. La prière n’est pas une rencontre avec soi-même dans une recherche de confort ou de paix, mais un désir de rencontrer le Tout Autre révélé en Jésus-Christ. L’exercice d’auto hypnose procurant un effet bienfaisant d’une paix toute subjective, nous étanchéifie d’une vraie relation à Dieu. L’objectif de la prière étant de rendre gloire à Dieu Père Fils et Saint Esprit, et non pas notre bien être personnel et immédiat. Il est dans le don de soi, pour un plus grand bonheur, et non dans la consommation d’un fruit qui paraît savoureux… Vu la notoriété que Pascal Ide entretient dans les milieux chrétiens, nous aurions aimé plus de réserve, de prudence et de discernement.

Dérives dans l’Église catholique

Ces dérives sont à déplorer jusqu’au sein de retraites dans l’Église catholique : Agapè, sessions Henry Lemay, week-ends organisés par les époux Fourchaud, mais également dans les sessions ennéagramme à la recherche des blessures de l’enfance qui entacherait notre liberté psychologique et spirituelle…

Ce sont les Canadiens qui ont commencé ces retraites, notamment à Cacouna. Voici un extrait d’un article paru sur Aleteia.org (dernier paragraphe) qui interviewe la fondatrice Sr Yolande Bouchard[18] : « Les guérisons physiques ou psychiatriques. »

Quand une guérison s’opère, ceux qui ont un charisme de connaissance (ou de science), même s’ils ne connaissent pas la personne et ne savent pas sa pathologie, commencent à prier et vont tout de suite sentir qu’il y a un mal dans telle région du corps qu’ils demandent au Seigneur de guérir. C’est à ce moment-là que Dieu envoie des signes de guérison à celui qui a ce charisme afin qu’il l’exprime à haute voix en disant par exemple : « merci Seigneur de visiter un estomac et un cerveau gauche ». Pour un cancer de l’estomac, sœur Yolande raconte qu’elle ressent le malaise qui est dans la personne malade et peu à peu avec la prière, la partie endommagée diminue, jusqu’à disparaître totalement. Ou pour une scoliose, sœur Yolande va la sentir dans son corps comme si on déplaçait sa colonne (alors que la sienne va très bien), puis tout à coup elle sent que tout se redresse et que c’est guéri. Le priant qui exerce un charisme sent l’action du Seigneur dans la personne qui est visitée et en train d’être guérie. Mais il est toujours expressément demandé aux participants de ne jamais cesser une médication d’eux-mêmes en cas de guérison. S’ils ont un traitement, il faut qu’il soit contrôlé par leur médecin.

L’usage de la raison passe à la trappe. Ce dernier chapitre est une illustration fidèle d’une séance de médiumnité.

Ce dossier est loin d’être terminé

La psychologie transpersonnelle n’a aucune rigueur épistémologique. La multiplicité de définitions dans des champs et des catégories sans limites conduit à une confusion conceptuelle fourre-tout. De plus, les définitions varient d’un auteur à l’autre, ajoutant à ce tohu-bohu de la pensée.

La psychologie transpersonnelle n’est encadrée par aucune autorité en France ou à l’échelle européenne, et n’importe qui peut se proclamer « thérapeute » sans la moindre formation. Cela n’empêche pas que certains instituts privés proposent des formations, dont le diplôme n’a aucune valeur institutionnelle. Cette psychologie transpersonnelle s’immisce dans tous les domaines, elle pénètre les méthodes de coaching personnel ou de management des entreprises. Mais sournoisement, dans l’Église catholique, l’accompagnement spirituel s’en trouve parfois imprégné.

Il est à déplorer qu’il n’y ait à ce jour que très peu de critique ou de travail de discernement approfondi autour de ces « nouvelles thérapies ». Nouvelles thérapies qui ne sont pas si nouvelles que cela, car elles reposent sur des données que l’Église dans sa sagesse a déjà connues, explorées et discernées dans la vie et les écrits de ses saints et de ses docteurs qui ont eu une réelle expérience spirituelle de Dieu et du réel de la création. De tout temps l’Église a combattu toutes les gnoses, c’est-à-dire ces connaissances nées d’initiations et non d’un savoir rationnel et de l’intelligence de la Foi.

Lisons saint Jean de la Croix au chapitre 21 de La montée du Carmel : « Des spirituels qui approuvent la curiosité dont usent quelques personnes en cherchant à connaître certaines choses par voie surnaturelle. Ces personnes s’imaginent que Dieu répondant quelquefois à leurs interrogations, c’est une indication que cette manière de faire est bonne et qu’elle plaît à Dieu. La vérité est que, bien que Dieu réponde, le procédé est répréhensible et ne lui plaît pas. Il lui déplaît même, et encore ce n’est pas assez de dire : souvent Dieu s’en irrite et s’en tient offensé. En voici la raison. Il n’est licite à aucune créature se sortir des bornes naturelles que Dieu lui a tracées pour se conduire. A l’homme il a donné des limites naturelles et raisonnables pour la conduite de sa vie. Il ne lui est donc pas licite de chercher à les franchir. Or, s’efforcer de savoir et de connaître par voie surnaturelle, c’est sortir des limites naturelles. C’est donc chose illicite et cela déplaît à Dieu, car tout ce qui est illicite l’offense. [19] »

L’enseignement de l’Église ne cesse de nous dire que les deux ailes de notre intelligence du réel sont la foi et la raison. Fides et Ratio : « La foi et la raison sont comme deux ailes qui permettent à l’esprit humain de s’élever vers la contemplation de la vérité. [20] »

Bertran Chaudet

Pncds72, Janv. 2017

Le texte au format PDF

[1] C Abraham Harold Maslow, 1908-1970, est un psychologue américain considéré comme le père de l’approche humaniste, puis avec Grof, de la psychologie transpersonnelle. Son influence sur le monde des psychologues vient en partie de son explication sur la motivation par la hiérarchie des besoins, représentée sous la forme d’une pyramide qui, de la base au sommet, distingue cinq niveaux de besoins :

à la base, les besoins physiologiques (tels que la faim, la soif) ;

ensuite, les besoins de sécurité et de protection (tels que le désir d’un toit ou d’une bonne assurance). Ces deux aspects assurent la survivance physique d’une personne ;

puis viennent les besoins d’appartenance, besoins sociaux qui reflètent la volonté de faire partie d’une famille, d’un groupe, d’une tribu ;

ensuite arrivent les besoins d’estime de soi (qui permettent de se regarder dans le miroir le matin);

enfin, apparaissent au sommet de la hiérarchie, les besoins de s’accomplir.

[2] Dans la respiration holotropique, la conscience est modifiée en associant une respiration rapide, une musique non modale et un travail sur le corps visant à éliminer les blocages énergétiques. Cette méthode a des points communs avec le rebirth.

[3] Voir site internet Charismata page Bertran Chaudet ou Pncds72 : L’INCONSCIENT SPIRITUEL (pdf). Freud, Jung, et la tradition patristique.

[4] Voir le site psychothérapie vigilance (http://www.psyvig.com) particulièrement bien renseigné dans ce domaine.

[5] Voir les sites internet pncds72.free.fr, occultismedantger.free.fr, sosparanormal.free.fr…

[6] Stanislav Grof, Psychologie transpersonnelle » Une approche globale et spirituelle pour épanouir sa conscience, Aventure secrète, Éditions J’AI LU, septembre 2009.

[7] Ib., p. 20.

[8] Ib., p. 21.

[9] Voir les remarquables exposés Médecine quantique : approche innovante ou imposture Mésusage des termes, Bioénergie quantique & École Européenne de l’Énergie, de Bertrand Jordan, directeur de recherche CNRS, biologiste moléculaire, doctorat de Physique des particules, et de Christophe de la Roche Saint André, chercheur CNRS, Centre de Recherche en Cancérologie de Marseille, président AFIS13 : exposés Médecine quantique : approche innovante ou imposture. Mésusage des termes, Bioénergie quantique.

Lors du colloque : Quand la méditation et les croyances donnent prétexte à des dérives sectaires et thérapeutiques. Approche éthique, scientifique et historique, samedi 1er octobre 2016 à l’Espace Éthique Méditerranéen (EEM), Hôpital adultes de La Timone à Marseille.

[10]Stanislav Grof, Psychologie transpersonnelle. Une approche globale et spirituelle pour épanouir sa conscience, Aventure secrète Éditions J’AI LU septembre 2009. p.23.

[11] Ib., p. 40

[12] Elisabeth Loftus, Le syndrome des faux souvenirs. Ed Exergue, octobre 2001.

[13] Denis Lecompte, Bertran Chaude, Nouvelles croyances, thérapies alternatives : des dérives possibles. Éd. Sarment le Jubilé, décembre 2008.

[14]Pascal Ide, Des ressources pour guérir. Comprendre et évaluer quelques nouvelles thérapies : hypnose ériksonienne, EMDR, cohérence cardiaque, EFT, Tipi, CNV, kaizen.

Aux éditions DDB, collection psychologie ! Livre de 500 pages ! Août 2012, Clermont-Ferrand.

[15] Ib., p. 118.

[16] Ib.p.122.

[17] Ib.p.124.

[18] http://fr.aleteia.org/2016/09/28/notre-si-belle-province-lagapetherapie-une-histoire-de-guerisons-interieures-et-physiques-stupefiantes/

[19] Saint Jean de la Croix, Oeuvres complètes. Éd. du Cerf, déc 2000, p. 725.

[20] Fides et ratio est l’incipit de l’encyclique publiée le 14 septembre 1998 par le pape Jean-Paul II. L’intégralité de la phrase introductive est la suivante :

« Fides et ratio binæ quasi pennæ videntur quibus veritatis ad contemplationem hominis attollitur animus. »

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