L’hypnose (2) : technique ou pouvoir ?

Alors que je disais à un ancien militaire formé dans les sections spéciales d’intervention que je réfléchissais sur l’hypnose, à partir de l’interrogation de cette femme ayant accouché sous hypnose (voir le début de la première partie), il m’a spontanément parlé de son entraînement au combat. Dans ces sections spéciales, il ne faut pas avoir d’état d’âme ; il me disait que des moniteurs leur induisaient un comportement, où tout sens moral disparaissait afin d’être plus performant dans la mission. Tuer un homme de sang-froid sans en avoir le moindre regret continuait à l’interroger trente ans après. Il disait se voir impassible dans certaines situations qui auraient dû lui procurer des émotions. Il venait de réaliser que ce qu’il avait subi dans son entraînement pouvait être assimilé à de l’hypnose. Les conséquences de l’induction d’une dissociation somatopsychique, psycho spirituelle ou psycho éthique, ne sont analysées dans aucun rapport dit scientifique.

Le rapport de l’Inserm de juin 2015

Dans son rapport de juin 2015 sur Évaluation de l’efficacité de la pratique de l’hypnose[1], le très sérieux organisme INSERM a donné quelques points d’évaluation et d’attention concernant l’hypnose. Voici quelques extraits :

L’hypnose recouvre en effet un ensemble de pratiques sensiblement différentes : hypnosédation (à visée sédative, utilisée en anesthésie), hypnoanalgésie (contre la douleur) et hypnothérapie (à visée psychothérapeutique). Il en est de même des formations à l’hypnose en France : elles sont hétérogènes. Il existe une douzaine de formations universitaires, à ce jour non reconnues par l’Ordre des médecins. Il existe également de nombreuses formations associatives et privées. Certaines sont réservées aux professions médicales et/ou aux professions de santé, et d’autres sont accessibles à un public plus large. Le statut d’hypnothérapeute, non réglementé, concerne ainsi des praticiens aux qualifications forts différentes.

Ce rapport se veut d’abord descriptif et analyse différentes études scientifiques menées à ce jour. Ces études visent toute l’efficience de l’hypnose au moment de l’intervention. Ce rapport admet la pratique de l’hypnose encadrée médicalement et la trouve sans danger, tout en reconnaissant que les preuves de son efficacité restent difficiles à évaluer, tant l’approche des pratiques est subjective. Aucun rapport, aucune étude ne s’intéressent à une approche épistémologique intégrant les innombrables réflexions sur le sujet à partir de la fin du 18e siècle.

À cette époque des Rapports ont été faits par Des commissaires chargés par le roi de l’examen du magnétisme animal[2] au sujet de Mesmer notamment. (Ces commissaires étaient des médecins comme Salin et Guillotin et de scientifiques comme Franklin, Bailly et Lavoisier). Leurs conclusions ne sont pas sans intérêt pour évaluer les pratiques d’aujourd’hui, car elles soulèvent des questions qui ne sont plus abordées, d’ordre scientifique, médical et philosophique. Une littérature abondante, fin 19e siècle existe sur le sujet au moment où Bernheim et Charcot ont relancé les recherches sur l’hypnose.

La pertinence des questions soulevées ne semble plus intéresser nos universitaires praticiens et enseignant l’hypnose aujourd’hui. Ceux-ci cherchent à prouver l’efficacité immédiate de l’hypnose, sans s’interroger sur des effets secondaires à moyen ou long terme, d’ordre moral ou existentiel, hors de leur champ d’investigation, mais aussi sans doute de compétence. Est-ce une raison suffisante pour faire comme ces questions n’existaient pas ?

L’Hypnose spectacle

Il est curieux de constater que l’hypnose peut être utilisée en médecine ou psychothérapie, mais que les mêmes procédés sont exhibés en spectacle. En introduction de son livre Découvrir l’hypnose, Antoine Bioy, docteur en psychologie clinique et responsable scientifique de l’institut français d’hypnose, pose des questions intéressantes : « Hypnose… Le mot fascine, car il est chargé de représentations importantes. Est-ce un don ? Un pouvoir ? Un simple état naturel ? Et que se passe-t-il quand on est hypnotisé ? Est-on sous le contrôle d’un autre ? Peut-on encore réagir ? » [3]

Les techniques et méthodes hypnotiques ont changé depuis le début de son histoire, le pendule et autre objet d’attention ont disparu, mais la focalisation du regard sur un point, l’écoute d’un son répétitif, la gestuelle demeurent. Cette focalisation de l’attention est suivie d’un élargissement de ce champ selon les modalités induites par l’hypnotiseur. Hypnose thérapeutique et hypnose de spectacle procèdent d’approches similaires pour arriver à leur fin.

Quelqu’un a pratiqué l’hypnose thérapeutique comme celle de spectacle, c’est le célèbre artiste québécois Messmer de son vrai nom Éric Normandin (né en août 1971). À sept ans, il recevait de son grand-père un recueil de Jean Filiatre, un occultiste magnétiseur, « L’enseignement facile et rapide de l’hypnotisme par l’image [4] » dans lequel il est indiqué dans l’introduction : « Résumé et complément de tous les Traités de magnétisme et cours par correspondance publiés dans les deux mondes, il s’adresse aux personnes désirant parvenir, sans tâtonnements, à influencer leurs semblables.[5] »

Éric Normandin a pris le pseudonyme de Messmer en 1995 pour rendre hommage à Franz Anton Mesmer dont nous avons vu le parcours pour le moins sinueux et sulfureux. Dans les années 1990, en plus de ses performances sur scène, Messmer développe et pratique l’hypnose thérapeutique en cabinet. C’est en 2000 qu’il cesse de pratiquer en clinique afin de se concentrer sur ses spectacles (il se confie dans cette video de 45 mn).

Les téléspectateurs français le découvrent le 8 juin 2011 lors de son apparition à l’émission le Grand Journal. Messmer hypnotise alors une jeune fille du public et lui « fait oublier le chiffre 7 », puis il hypnotise Charlotte Le Bon et la fait rire et pleurer à son insu.

Le 20 janvier 2012, Messmer présente la dernière représentation Montréalaise de son spectacle Fascinateur au Centre Bell, devant 6 000 personnes et y réalise le défi qu’il s’était lancé : réaliser le plus grand numéro d’hypnose collective. Il a donc fasciné 422 personnes en moins de 5 minutes.

Avec sa tournée Fascinateur, il a enchaîné quelque 467 spectacles en salle partout en province et a vendu plus de 260 000 billets.

Messmer ne triche pas, il hypnotise réellement son public après avoir sélectionné les sujets les plus influençables. Il commence par demander aux spectateurs de serrer leurs mains, les index collés l’un contre l’autre. Puis il annonce que les mains sont irrémédiablement collées et demande aux spectateurs d’essayer de les décoller. Sur une salle de plusieurs centaines de personnes, moins d’une centaine reste index collés. Ensuite Messmer teste individuellement ces dernières et selon des critères qui lui sont propres, il n’en sélectionne qu’une vingtaine. C’est cette dernière sélection qui monte sur scène pour l’hypnose. Seuls les quelques éléments les plus réceptifs (moins de 5) feront les tours les plus sensationnels.

Dans une interview au Dauphiné, Messmer déclare « les ouvrages n’ont plus grand-chose à m’apprendre. Il y a l’hypnose, la sophrologie… J’utilise plusieurs techniques à la fois : le toucher, la parole, la force magnétique. Tout ceci est prouvé scientifiquement. Les spécialistes parlent d’un ensemble de paramètres, qui vont de la réceptivité à la suggestion, en passant par la scénographie. C’est garanti sans trucages. » Source Wikipédia.

L’hypnotiseur parle comme s’il savait aussi bien que le patient ou le spectateur, ou même mieux que lui, ce que ce dernier pense, éprouve, ressent vraiment. Et, si tout se passe bien, le patient se mettra effectivement à vivre les situations que l’hypnotiseur lui suggère : il sentira par exemple son bras gauche devenir rigide (catalepsie), tandis que le droit se soulèvera apparemment tout seul (lévitation du bras).

Un homme secouru après avoir été « hypnotisé » par Messmer via sa télé

Un peu comme si la limite, la frontière entre l’hypnotiseur et l’hypnotisé devenait floue, incertaine, comme si elle s’abolissait…

Si vous n’êtes pas familier de l’hypnose spectacle, prenez le temps de regarder ces bandes annonces de spectacles qui circulent en France; vous comprendrez jusqu’à quel point d’avilissement peut aller ce genre de manipulation…

LE GRAND JEU, hypnotiseur Cyrille Arnaud

HYPNOSIS, hypnotiseur Hervé Barbereau

Questions

Il serait fastidieux et hors de ce propos de décrire les différentes techniques d’hypnose ou de mise sous influence, d’autant que comme le dit Messmer, c’est la pratique qui est importante et plus on pratique, plus la capacité d’hypnotisation augmente. D’ailleurs également, plus on est hypnotisé plus on est hypnotisable et sensible immédiatement à toute suggestion.

Par conséquent l’hypnose n’est pas qu’une simple technique neutre qui serait éthiquement licite, du moment que l’on respecterait une déontologie soi-disant respectueuse de la personne et de sa liberté. D’ailleurs selon quels critères ? Le consentement explicite du patient est requis dans le cadre médical. Mais a-t-on pris le temps de s’interroger sur le comment cela marche, pourquoi cela marche, y a-t-il des effets secondaires au moment de l’hypnose et après, apparents ou non apparents ? La démarche épistémologique dont les praticiens de l’hypnose se targuent, est-elle suffisamment élaborée, tient-elle compte de toutes les dimensions de la personne ?

Demander à une personne si elle souhaite être opérée sous hypnose, en lui évoquant les avantages de ne pas avoir d’anesthésiants et de sédatifs, permet d’avoir son consentement rapidement, d’autant que la démarche lui est proposée par des médecins avec le crédit que l’on peut apporter préalablement à la science médicale. Or ici il ne s’agit pas de science, mais d’un pouvoir de l’hypnotiseur sur l’hypnotisé.

Une réelle question se pose, question que les intellectuels et scientifiques du dix-huitième et dix-neuvième siècle n’éludaient pas. Quelle est l’origine de ce pouvoir hypnotique ? Taxer préalablement ces anciens d’obscurantisme, ou dire que leurs connaissances étaient à l’époque bien limitées, élimine toutes questions d’ordre métaphysique ou théologique sur l’origine de certains pouvoirs que les sciences actuelles, médicales ou psychologiques, observent sans pour autant expliquer.

François Mathijsen et l’hypothèse spirituelle

François Mathijsen[6] docteur en psychologie sociale évoque l’hypothèse spirituelle en ce qui concerne les expériences paranormales. Il ne parle pas de l’hypnose en tant que telle, mais son analyse rejoint celle de Don Aleksander Posacki, jésuite polonais.

Ainsi Mathijsen écrit que si le phénomène s’explique par l’hypothèse de facultés humaines inconnues (l’hypothèse psi) ou des lois naturelles encore incomprises, il peut être considéré comme quelque chose de neutre et il est difficilement compréhensible de ne pas l’utiliser ou de ne pas en bénéficier.

Par contre si la source de certains phénomènes paranormaux n’est pas naturelle, mais surnaturelle, que ce ne serait donc ni une faculté humaine inconnue ni une réalité physique inexploitée, mais la manifestation d’une intelligence immatérielle externe qui s’exprimerait à travers une sensibilité ou une disposition humaine naturelle, alors cela demande de discerner à quoi nous avons à faire. Cette forme d’intelligence est-elle bienveillante, neutre, ou malveillante ? Face à une réalité externe au monde matériel et humain, le discours sera celui du principe de précaution et du discernement. François Mathijsen parle alors de la prise en considération nécessaire de l’hypothèse spi.

Don Aleksander Posacki.sj. Les nouvelles formes de spiritisme aujourd’hui [7]

L’élimination de la notion d’esprit dans la culture moderne est liée également à l’élimination du concept de l’âme ou à la mauvaise redéfinition du concept d’esprit (surtout dans la philosophie de l’idéalisme allemand), en direction du rationalisme…

Depuis plus de cent ans, la mauvaise redéfinition du monde des esprits provient de la partie expérimentale de la psychologie et des sciences des religions. C’est l’interprétation subjective rationaliste qui domine. En substance, il s’agit d’un élargissement du champ de la subjectivité ou de la rationalité et non d’une acceptation de l’existence des esprits en tant qu’entités intelligentes, objectivement existantes, c’est-à-dire existantes indépendamment du sujet connaissant…

On peut considérer comme une sorte de préjugé ou d’a priori intellectuel les tendances réductionnistes et sceptiques qui cherchent à tout prix à réduire le monde des Esprits à un monde de la Nature, en ce sens que les esprits sont considérés comme des personnalisations symboliques des forces impersonnelles de la nature.

… Il n’est pas possible d’exclure ou d’éliminer rationnellement l’éventualité de l’existence des esprits. Dans le domaine de la méthodologie scientifique cette mauvaise redéfinition de ce que sont les esprits, les ramenant uniquement à des énergies psychiques, commence principalement à partir de la psychanalyse, laquelle devient un autre pilier pour les recherches parapsychologiques. (Il y a aussi les théories de Jung diffusées dans le monde entier et reprises par le New-Age, Jung n’ayant jamais été très clair et précis sur le sujet. Sa mère très déséquilibrée pratiquait le spiritisme…)

La vérité des phénomènes hypnotiques notamment se situe bien au-delà de la portée d’un tel cadre interprétatif à caractère idéologique.

L’hypnose comme possibilité d’une expérience spirite

En tant que phénomènes psycho sociobiologique qui agissent au niveau de l’inconscient très archaïque, antérieur au langage et à la sexualité, il y a transmission de l’influence émotive d’un individu à un autre (d’après Léon Chertok). Dans cette description du phénomène manque cependant la dimension spirituelle (pneumatologique, relative à l’âme)… En effet, l’influence émotive ou empathique peut être aussi une influence liée à la médiumnité. L’élimination préalable de la métaphysique, de l’expérience spirituelle et mystique, et de ses combats contre le monde des esprits mauvais qui se font passer pour des anges de lumière, restreint singulièrement le champ de la réflexion. La psychologie et la médecine contemporaines éliminant préalablement jusqu’à ce qui pourrait être cette hypothèse du métaphysique s’interdisent préalablement ce qui pourrait entrer dans une épistémologie ouverte et raisonnée. C’est pourquoi ni la médecine ni la psychologie en tant que sciences empiriques ne sont compétentes jusqu’au bout pour expliquer ce qui concerne la question du phénomène de l’hypnose.

Pour ce motif, la prédisposition à l’hypnose ne dépend pas uniquement de l’âge, du sexe, du type de système nerveux… et de l’attitude à l’égard de la personne qui provoque l’hypnose- comme le soutiennent les théories naturalistes qui croient avoir épuisé ce thème, mais elle dépend aussi de l’état spirituel et moral de l’homme.

Le risque d’abus que comporte le recours à l’hypnose ne consiste pas seulement dans le fait que l’hypnotiseur peut provoquer la dépendance de la personne hypnotisée, mais aussi de lui inculquer (avec ou sans son consentement) certains éléments qui conditionnent dangereusement sa personnalité… Il s’agit ici de quelque chose de plus fondamental, parce que l’hypnose en tant qu’elle est une sorte d’ouverture à la médiumnité, pour ouvrir la personnalité d’un homme à quelque chose pouvant échapper au contrôle, souvent par le fait de la transgression des domaines immanents et intérieurs de sa personnalité… On ne peut pas exclure que l’hypnose ouvre aussi à quelque chose qui pourrait être appelé extra conscientiel. Ou de superconscient comme le disait le sulfureux Mesmer. Elle peut donc ouvrir à des entités spirituelles intelligentes qui pourraient prendre le contrôle de la situation. Il en résulte le fait que l’hypnotiseur, même s’il est honnête et compétent, ne peut pas seulement, selon le mode objectif et d’une façon absolument certaine, garantir la sécurité ni au patient ni à lui-même, pendant sa séance, même s’il soutient que cela est possible. La possibilité d’ingérence du monde spirituel ou extrasensoriel est suggérée par la nature même d’une « ouverture médiumnique », qui n’a pas de limites claires, exactement comme la nature même de l’intelligence et de l’esprit n’en a pas…

Saint Thomas d’Aquin soutenait qu’une perception extrasensorielle entendue radicalement (c’est-à-dire au-delà des cinq sens) est plus une caractéristique des anges (esprits) que des hommes, et c’est peut-être pour ce motif qu’elle semble tellement étrangère.

L’hypnotisme est profondément immoral

C’est ce qu’osait dire un grand théologien et moraliste italien le R. P. J.-J. Franco en cette fin du dix-neuvième siècle[8]. Au chapitre IV : L’hypnotisme et la morale :

Tout esprit raisonnable sent avec une profonde conviction qu’il n’est pas permis d’éteindre la lumière de l’intelligence ni d’étouffer le jugement de la conscience : parce que l’homme resterait indifférent à vouloir le bien qu’il doit faire et indifférent à repousser le mal défendu. Autant l’obligation de faire le bien et d’éviter le mal est grave, autant est absolu le devoir de ne pas se rendre impuissant à l’un et à l’autre.[9]

Nous retrouvons ici l’expérience de ce militaire formé dans des sections spéciales d’intervention.

À titre d’exemple parmi bien d’autres, le célèbre Messmer, dans le cadre d’une émission d’Arthur Stars sous hypnose de TF1 du vendredi 27 février 2015, a hypnotisé miss France 2011, Laury Thilleman. Messmer voulait marier « à l’insu de son plein gré » Laury Thilleman. La mairesse du 17e arrondissement de Paris, Brigitte Kuster s’est prêtée à cette mascarade la trouvant « sympathique et amusante » qui a eu lieu dans sa mairie avec toutes les apparences d’un vrai mariage. L’ancienne miss France hypnotisée par Messmer, s’est réveillée en plein milieu de son propre mariage avec un inconnu. Elle n’en garde pas que de bons souvenirs. Le rôle confié à la mairesse était de rassurer et de rendre l’exercice le plus crédible possible, en portant notamment son écharpe tricolore. Un moment qualifié de « vrai cauchemar » par l’ex-miss dans les colonnes de Télé 7 Jours, repris par Voici.

Même à titre de divertissement, trouver sympathique et amusante la possibilité de marier quelqu’un contre son consentement conscient, un vrai maire se prêtant à cette mascarade, ne donne-t-elle pas crédit à la pensée de ce théologien osant affirmer que l’hypnotisme peut être parfaitement immoral ?

Partage d’un ami médecin : « Une infirmière m’a fait part d’un cas très troublant survenue durant une opération et très semblable au cas de Miss France. Une patiente s’est retrouvée mutique pendant plusieurs jours au sortir d’une intervention sous hypnose. On a découvert que durant son hypnose, elle avait fait un voyage avec un homme qui au lieu d’être son mari était un amant (imaginaire ou pas je ne sais pas) et s’est retrouvée très perturbée. Il parait qu’on lui a proposé une nouvelle séance d’hypnose pour en « guérir » ».

Au chapitre VI, Père Franco questionne : L’hypnotisme devant la Foi

L’expérience de tous les siècles nous est garante que jamais cela ne fut possible, et de fait le genre humain a toujours reconnu comme un acte de puissance supérieure de lire dans le cœur des hommes. Les théologiens catholiques, à leur tour, guidés par les divines Écritures, considèrent un attribut propre à la Divinité le pouvoir de scruter les idées intérieures de l’homme.

En vérité, nous l’affirmons, la pénétration et la communication de la pensée, les idées infusées sans l’emploi des moyens destinés à ce but, la divination de faits qui se passent dans un lieu ou dans un temps éloigné, et autres faits semblables, ne sont point de la compétence de l’homme ; et si, dans l’état hypnotique, ils se réalisent quelquefois, il est clair que l’homme est aidé par une activité qui n’est pas son activité naturelle.

Refaire revivre une expérience passée, c’est précisément pénétrer dans une manipulation de l’imaginaire. Le souvenir que nous avons de notre passé est labile, malléable. Il n’est pas à instrumentaliser pour sauver le présent. Nous retrouvons cela en PNL et en sophrologie. Il s’agit de séquencer le passé comme dans un film où l’on retirerait les éléments désagréables pour n’en retenir que les agréables ou dans certaines circonstances l’inverse. Nous savons aujourd’hui les dégâts provoqués par les faux souvenirs induits. Miss France 2011 a été en capacité de parler chinois, langue qu’elle ne connaissait pas, sous l’influence hypnotique de Messmer. Est-ce bien un phénomène d’ordre naturel ?

Le démon dit quelque vérité pour arriver à répandre l’erreur, comme l’observe expressément saint Augustin ; il éclaire pour ensuite obscurcir ; il fait une petite faveur pour enlever un bien important, souvent il offre le temporel pour ravir l’éternel.

Il ne s’agit pas bien entendu de dire que toute expérience d’hypnose est entachée de diabolisme, mais doit-on préalablement exclure ce monde des esprits et de l’invisible ? La Bible, la théologie et l’expérience mystique de l’Église catholique reconnaissent l’existence dans l’invisible du monde des esprits. Saint Ignace n’a de cesse de nous inviter au discernement des esprits. Or cette dimension du combat spirituel est tout simplement ignorée des recherches actuelles en matière d’hypnose.

L’égrégore

Il est curieux de constater que la Franc-Maçonnerie comme la Rose-Croix font elles aussi appel au monde des esprits. Certaines séances où se manifeste l’égrégore, ne ressemblent-elles pas à des manifestations d’hypnose collective. « Un égrégore est, dans l’ésotérisme, un concept désignant un esprit de groupe, une entité psychique autonome où une force produite est influencée par les désirs et émotions de plusieurs individus unis dans un but commun. Cette force vivante fonctionnerait alors comme une entité autonome. Le terme, apparu dans la tradition hermétiste, a été repris par les surréalistes, qui l’ont chargé d’un fort potentiel subversif… En franc-maçonnerie, Jack Chaboud le décrit comme un moment d’exaltation collectif, souvent vécu en fin de tenue lors de la chaîne d’union regroupant les maçons formant cercle, mains enlacées, évoquant le lien qui les unit aux maçons du monde entier, à ceux qui les ont précédés et à ceux qui les suivront[10].

Il s’agirait selon le Père Joseph-Marie Verlinde, d’un champ d’énergie à la fois mentale, émotionnelle et spirituelle. Les membres du groupe engendrent l’égrégore par lequel ils sont adombrés à mesure qu’il se constitue. L’action est dès lors réciproque : les personnes alimentent l’égrégore et celui-ci agit sur elles. La puissance de l’égrégore est fonction du nombre de personnes qui le maintiennent et de l’intensité de leur engagement dans le projet commun[11].

Stanislas de Gaita, poète et occultiste de la fin du 19e, parla de l’égrégore en termes de vivante synthèse, résultat du groupement de plusieurs individualités. Il évoqua aussi l’importance de la chaîne magique, ou chaîne d’union. Gaita, peu avant sa mort précoce, transmit des écrits à son secrétaire, qui n’est autre que son ami Oswald Wirth, à charge pour lui d’en poursuivre la rédaction. Wirth introduisit le mot égrégore en Franc-maçonnerie, suivi par Marius Lepage, puis relayé par Jules Boucher.

Ce que ces auteurs ont en commun, c’est leur conception de cette notion d’égrégore. Ce n’est pas une création spirituelle, mais une forme d’énergie résultant de la sommation des fractions énergétiques de même signe, issues des individus d’une collectivité humaine. Le concept n’est donc pas métaphysique, mais plutôt d’ordre physique prétendent-ils.

On pourrait assimiler certains types d’égrégore à la Ola des matchs de football en ce qui concerne ses manifestations les plus anodines, mais aussi aux phénomènes rencontrés dans certains concerts notamment de musique techno avec force effet lumineux, et plus dramatiquement aux effets déclenchés par le magnétisme d’Hitler ou de Mussolini. Certains spectacles n’entraînent-ils pas des effets d’hypnose collective, de fascination telle qu’ils peuvent amener des foules dans un délire collectif et dans une gestuelle irrépressible ? Les manipulations collectives que certains régimes politiques ont générées et génèrent encore ne procèdent-elles pas de ces types d’emprise hypnogène ? Mais certains rassemblements pentecôtistes évangéliques et de la troisième vague, avec paroles de connaissances et guérisons immédiates ne procèdent-ils pas de phénomènes assimilables à des égrégores ?

 Sur le plan de la foi chrétienne

L’imaginaire fait oublier la dureté du réel ou nous en distrait. Les contes de fées, les histoires, le cinéma, la musique et les arts peuvent entraîner dans un imaginaire qui pour un temps fait oublier la dureté du quotidien. Mais le caractère inductif intentionnel de l’hypnose entraîne soumission et allégeance, même si celles-ci sont préalablement autorisées par le contrat passé entre hypnotiseur et hypnotisé.

Dans sa pédagogie le Christ invite les malades et les pécheurs à un sursaut de Foi. Non pas une foi en des méthodes et techniques qui peuvent donner l’illusion de la puissance de guérison grâce à la sujétion. Le Christ dit au malade qui l’approche avec humilité : Ta foi t’a sauvé.

Le retable d’Issenheim montrant le Christ en croix et Jean-Baptiste pointant le doigt en direction du cœur de Jésus, avait été particulièrement étudié pour adoucir l’agonie des malades atteints du mal des ardents qui terminaient leur vie dans une horrible agonie. Cette invitation au Sursum corda, l’élévation du cœur pour le tourner vers le Seigneur n’est pas une fuite du réel, mais une invitation au sens de ce qui est vécu et plus encore à un méta sens.

Mon grand-oncle prêtre avait une croix avec au centre une pièce incurvée qu’il donnait aux malades agonisants qu’il ne manquait pas de visiter. Le malade posait son pouce au centre de cette croix qui tenait sans effort grâce à la pièce. Le sens de leur ultime combat était donné par cette croix signe de la mort et de la résurrection du Christ. Cette croix n’est pas un dérivatif illusoire, mais une ouverture à une méta réalité.

Nous pourrions multiplier les exemples dans la liturgie catholique avec sa pédagogie qui touche les sens. Il n’y a jamais abolition de la conscience, mais mise en relation orientée vers le sens ultime, la vie éternelle donnée par le Christ mort et ressuscité. Relire et relier, Paroles de Dieu et rites liturgiques donnent à voir la réalité de ce que l’on entend, une réalité surnaturelle, une réalité ouverte par grâce et non par sujétion.

Conclusion

L’éradication préalable de toute perspective métaphysique nous entraîne dans un utilitarisme séducteur dénué de toute spiritualité. Non qu’il faille tomber dans un dolorisme mortifère, mais nous avons à demeurer attentif et ne pas évacuer le sens de la souffrance.

Quand la souffrance est stoppée chimiquement sur le plan somatique, cela n’est pas de même nature que lorsqu’elle est stoppée par dissociation somatopsychique induite.

Finalement une ultime question devrait se poser

DISSOCIER SOMA ET PSYCHÉ DE MANIÈRE INDUITE, même pour un temps, n’est-ce pas entraîner des effets secondaires non encore évalués :

♦ indifférence à la souffrance,

♦ indifférence au pâtir et finalement au compatir,

♦ indifférence à l’autre,

♦ insensibilité du cœur

♦ et sur le plan spirituel indifférence à Dieu ?

Et tout cela à bas bruit puisque précisément on ne ressent rien…

 

Bertran Chaudet, Nov 2015

Notes

[1] Inserm, rapport juin 2015. Évaluation de l’efficacité de la pratique de l’hypnose. Juliette Gueguen Caroline Barry Christine Hassler Bruno Falissard. Avec l’expertise critique d’Arnaud Fauconnier et Elisabeth Fournier-Charrière

[2] Livre numérique Google, Marchands de Nouveautés.

[3] Antoine Bioy, Découvrir l’hypnose, Pratiques, méthodes et techniques. Ed Poche Marabout. Avril 2015, p. 9.

[4] Jean Filiatre, L’enseignement facile et rapide de l’hypnotisme par l’image. Librairie Fischbacher, Paris

[5] Ib.

[6] François Mathijsen Les expériences paranormales Collection « Que penser de… ? », n° 84.   05-02-2014.

[7] Don Aleksander Posacki.sj. Les nouvelles formes de spiritisme aujourd’hui, p 6 à 12 Actes du colloque de Hochaltingen, International Association for Delivrance. Éd. Bénédictines, mars 2004.

[8] L’Hypnotisme revenu à la mode, traité historique, scientifique, hygiénique, moral et théologique, par le R. P. J.-J. Franco,… traduit par l’abbé J. Moreau,… sur la 3e édition italienne, enrichie de nouvelles observations et de faits récents, avec un appendice sur les travaux des Drs Guermonprez et Venturoli et sur l’hypnotisme clairvoyant. Auteur : Franco, Giovanni Giuseppe (1824-1908) Éditeur : Impr. St-Joseph (Saint-Amand (Cher)) Date d’édition : 1890

[9] Ib. p.165

[10] Jack Chaboud, La Franc-maçonnerie, histoire, mythes et réalité, Librio, 2004, p.69 Wikipedia

[11] Site internet Final Age.

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