Des roses aux boutons de roses

Il y a une cinquantaine d’années, Mamma Rosa transmettait les paroles de la Madone Miraculeuse des Roses à San Damiano. On sait ce qu’il en est advenu.

Aujourd’hui, la voyante Virginie avec l’Alliance des Coeurs Unis nous donne une nouvelle déclinaison… on a ainsi le Livret des rituels des boutons de rosesle Livret de prière pour les roses

Et voici la version de l’hymne de l’ACU chantée par des enfants déjà vu plus de 11 000 fois depuis mars 2023

Peut-être préférerez-vous la version de Steven Riche…

Des étrangetés « mais rien d’anormal sur le plan doctrinal ». Tel est le diagnostic de Mgr Aillet et de ses enquêteurs à propos des écrits de Virginie. L’avenir dira. Et sans trop tarder à mon avis. « Il va sans dire que les membres de l’Alliance sont renvoyés à la Parole de Dieu lue en Église, comme première référence de leur vie chrétienne ». Mais ne sait-il pas qu’à partir du moment où l’on a deux livres côte à côte, la Bible et une révélation privée, le péril de dérive est avéré ?

Je trouve personnellement plus de bon sens dans la réaction de Jean de Saint Chéron, et plus de discernement dans l’analyse de Joachim Bouflet…

L’essayiste Jean de Saint Cheron

Pour la première fois depuis de longues années, je suis retourné à Lourdes. La ferveur simple des pèlerins, la fraternité joyeuse des échanges, la figure de Bernadette, si humble, si discrète, et surtout la charité qui continue d’animer les alentours de la grotte, avec cette extraordinaire attention à la pauvreté de chacun, m’ont profondément touché.

Quelques jours plus tard, je découvre dans le journal un papier sur de prétendues apparitions christiques. L’histoire aboutit évidemment à ce qui ressemble à une secte, tout ce qu’il y a de plus classique et tristoune – entre-soi morbide autour d’une gourou sexagénaire, parlant essentiellement, sous le couvert d’une révélation divine, d’elle-même et de ses fantasmes (politiques en l’occurrence).

Nul besoin d’être extralucide pour discerner la vacuité de son discours complotiste, mâtiné d’un délire nostalgico-identitaire dont certains éléments m’ont fait tantôt éclater de rire (« le Christ aurait annoncé depuis l’an 2000 qu’après de “grands événements mondiaux” les descendants des Bourbons et des Capétiens reviendront gouverner la France »), tantôt pleurer de pitié pour les pauvres gens qui continuent de tomber dans le panneau (« Jésus me montre un triangle qui ressemble à une pyramide : il y a 13 boules noires. Ce sont les tout-puissants de notre monde d’aujourd’hui. Je reçois qu’eux aussi ont fait un pacte, mais avec les ténèbres. »). L’engouement pour ce genre de fraude témoigne certainement d’une attente, d’une angoisse, d’un besoin de croire. Mais quand même.

Un ami professeur de philosophie à qui j’en parle me répond ces mots réfléchis : « Ce qu’ils refusent de considérer, à mon avis, c’est le sens de ces apparitions. Leurs apparitions sont non seulement grotesques, mais porteuses d’un sens répugnant, qui ne pourrait pas tenir par lui-même. Il ne tient que parce qu’il se présente comme “révélation secrète”. Il a besoin de se prévaloir de cette autorité pour s’établir comme sens. Enlève cette caution mystérieuse, et tout s’effondre. 1»

Joachim Bouflet, Historien spécialiste des phénomènes mystiques

« Virginie se met beaucoup en valeur, ce qui constitue déjà un critère rédhibitoire. Je ne vois pas, dans ses propos, de ligne conductrice – sauf un programme politique royaliste. Elle prône le retour au royaume chrétien, à la France de Jeanne d’Arc. Cela s’inscrit dans une filière pseudo-mystique et occulte qui remonte jusqu’au XIXe siècle, à l’image de fausses visionnaires comme la Bretonne Marie-Julie Jahenny (1850-1941).

Cette “alliance” va à l’encontre de l’unité du corps ecclésial en ravivant passions et nostalgies. Elle verse dans le non-théologique, autour d’une utilisation du titre de “Marie co-rédemptrice” pouvant aller jusqu’à une déification de la Vierge. La situation sociopolitique en France est un terrain pour ce phénomène, dans un milieu traditionnel en opposition au pape François. Ceux qui y adhèrent se considèrent comme des élus, le petit reste des fidèles qui espèrent sauver la France et l’Église. »

1https://www.la-croix.com/print/article/1201238079

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