La Communication NonViolente

Bertran Chaudet

Cet article de 2023 remplace un article précédent de 2018.

Une mère de famille avait raconté à un prêtre une situation grave dans laquelle était plongé son enfant. Elle reçut par mail la réponse suivante de ce prêtre : « Je reçois votre message, ainsi que l’expression de votre souffrance ». Elle se dit que cela « sentait la technique de communication », et en effet, elle apprit par la suite qu’il était formé par des coachs Talenthéo à la CNV.

Une autre dame se rappela, que lors d’un rassemblement diocésain, pour évoquer le rapport de la CIASE, qu’elle interpella vigoureusement le vicaire général qui lui répondit « j’entends votre colère ». Oui, et alors ?

Ce qui pourrait paraitre des réponses inadaptées, provient de fait de techniques de communication fort peu conforme à ce que l’on attend de la parole d’hommes d’Église : une vraie écoute, pleine non pas d’empathie, mais de compassion spontanée. La relation est comme aseptisée et tourne court. Les paroles dites selon les principes de la CNV ont enterré le conflit, clôt le débat, il s’agit d’une hypocrisie maitrisée par un apprentissage artificiel, masquant l’exigence de justice et de vérité.

La Communication NonViolente (CNV) a été conceptualisée par un américain d’origine juive, Marshall B. Rosenberg (1934- 2015) docteur en psychologie. La légende voudrait qu’il ait expérimenté préalablement les bienfaits de la CNV en Israël, pour résoudre avec succès les conflits entre des communautés presque irréconciliables. Rosenberg a été l’élève de Carl Rogers (1902-1987) dont il adopté puis adapté les principes d’empathie et de non-directivité ; il s’inspire également des recherches d’Abraham Maslow (1908-1970), théoricien de la hiérarchie des besoins humains. Gandhi est la référence sous-jacente et l’emblème iconique de la non-violence. Son nom souvent cité par Rosenberg justifie le sérieux de la CNV.1

La CNV se fonde sur le présupposé selon lequel nous ne savons pas communiquer nos sentiments, nos besoins, nos demandes dans le cadre d’un conflit. Il s’agit alors grâce à la méthode CNV d’apprendre à communiquer efficacement, en évitant toute agression verbale, et également tout jugement de valeur qui pourrait être pris pour une agression verbale. Les techniques proposées ressemblent aux autres méthodes de communication proposées dans le New Age à savoir : la reformulation du propos de l’autre, dire « je » c’est-à-dire parler de soi à la première personne du singulier, partir de soi et de ce qu’on ressent, et proscrire le « tu » accusateur, le « tu » tue dit-on dans ces milieux. La CNV repose sur quatre piliers dits OSBD : Observation, Sentiment, Besoin, Demande.

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Il faut sortir de l’omerta sur les abus spirituels

Les deux récentes enquêtes historiques sur les frères Thomas et Marie-Dominique Philippe ont permis de mettre au jour les mécanismes de l’abus spirituel précédant les abus sexuels. Depuis dix ans, Yves Hamant enquête et dénonce ce phénomène au sein des communautés religieuses.

Yves Hamant. Spécialiste de civilisation russe,  soviétique et post-soviétique, Yves Hamant a été attaché culturel près  l’Ambassade de France en URSS et a enseigné à l’Université de Nanterre.  Son engagement en faveur des chrétiens d’URSS lui a valu d’être reçu  plusieurs fois par Jean Paul II et de gagner l’amitié du cardinal  Lustiger. Il est connu pour ses liens avec Soljénitsyne et on lui doit  une biographie du Père Alexandre Men, prêtre de l’Eglise orthodoxe russe  assassiné en 1990. MP

Yves Hamant était l’invité par visioconférence de l’assemblée générale du groupe SAPEC (soutien aux personnes abusées par des prêtres de l’Eglise catholique) qui s’est tenue le 16 mars 2023 à Lausanne.

Sur le site cath.ch


Comment vous êtes-vous intéressé à ces questions de l’abus spirituel?

Un membre de ma famille a été impliqué dans l’association Points-Coeur fondée par Thierry de Roucy (renvoyé de l’état clérical en 2018, ndlr). Ce fut une expérience douloureuse dont j’ai découvert les séquelles. Je me suis senti alors le devoir de faire quelque chose. De fil en aiguille j’ai reçu d’autres témoignages et en 2013, avec un groupe de quelques personnes, nous avons lancé ‘l’Appel de Lourdes’ à la Conférence des évêques de France (CEF). En 2015 la CEF a mis sur pied une cellule pour les dérives sectaires avec laquelle nous sommes en contact. Je me suis concentré sur les abus spirituels dans les communautés, même s’ils peuvent exister aussi au niveau individuel.

Comment jugez-vous les progrès réalisés depuis?

Les récentes révélations, notamment sur les frères Philippe, font qu’on commence à admettre que cela existe et à en prendre la mesure. Mais la prise de conscience me semble encore insuffisante aussi bien dans le clergé que dans la communauté des fidèles.

Abus de conscience, abus spirituel, emprise, dérive sectaire… divers termes sont utilisés. Peut-on préciser un peu les choses?
Le terme d’abus spirituel s’est imposé par analogie avec celui d’abus sexuel. Cependant, concernant l’abus sexuel, on comprend immédiatement que c’est quelque-chose de mal. L’abus spirituel, au contraire, est une réalité complexe parfois assez difficile à saisir. Le ressort psychologique de l’abus est l’emprise qui peut d’ailleurs se trouver également en dehors d’un contexte religieux.

«Comme pour les abus sexuels, les victimes d’abus spirituels ne parlent que longtemps après»

Les abus spirituels seraient plus répandus et plus fréquents que les abus sexuels?

C’est difficile à mesurer, mais diverses sources au Vatican et à la CEF confirment ce sentiment. Souvent, comme pour les abus sexuels, les victimes ne parlent que longtemps après. Elles ont honte de s’être laissées berner, mais il leur faut surtout rompre les attaches personnelles et les liens affectifs qui ont pu se nouer avec la communauté.

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Vocation, vocation professionnelle, orientation : la complexité du marché de l’orientation (CGP/A2P)

Bertran Chaudet et une équipe

 Dans notre époque souvent difficile sur le plan économique, les jeunes comme les adultes cherchent leur place, tant dans la société que dans l’entreprise. Pour les jeunes, il s’agit de choisir un cursus d’études supérieures qui sera une porte d’entrée dans la vie active. Ce choix doit correspondre le mieux possible aux potentiels, aux compétences et aux aspirations de chacun. 
Pour les adultes en reconversion, il s’agit d’abord de réaliser un bilan des expériences professionnelles antérieures avant de construire un nouveau projet, en continuité ou en rupture. Ce bilan de compétences est finançable entièrement dans le cadre du compte personnel de formation (CPF) dont bénéficie tout salarié.
C’est dire si l’enjeu du travail du consultant en orientation est important ! Quant aux candidats à l’orientation, ils doivent faire leur choix dans une offre opaque où le meilleur côtoie l’approximatif.
On découvre par exemple en interrogeant ceux qui ont fait un bilan de compétence dans une chambre de commerce et d’industrie (CCI) que c’est l’ennéagramme qui en a été l’outil dominant. La même expérience est relatée dans le cadre de l’année de discernement proposée par des structures éducatives chrétiennes aux jeunes en panne d’idée pour leur avenir. Dans le domaine de la reconversion professionnelle, on pourra lire à titre d’exemple le programme psycho-spirituel teinté de concepts professionnels, intitulé « bilan de compétences », proposé par le cabinet de recrutement EcclésiaRH.1 La certification Qualiopi des organismes formateurs ne certifie en rien le contenu des formations dispensées, puisqu’elle vise essentiellement la qualité administrative de la procédure.
Nous pensons qu’il est difficile de vouloir distinguer une méthode ou une œuvre de son fondateur. Il nous a semblé utile d’apporter des critères de discernement sur une de ces méthodes en particulier, appelée Analyse de la personnalité professionnelle (A2P). En effet, l’analyse de la personnalité professionnelle, appuyée sur l’outil intitulé Centre de Gravité Professionnel (CGP) séduit de nombreuses personnes et de nombreuses entreprises ou institutions, dans le milieu chrétien notamment. Et quel ne fut pas notre étonnement quand nous avons investigué les bases de cette démarche.
Notre objectif est d’éveiller à quelques questions fondamentales afin que chacun puisse mener sa propre réflexion et faire un choix éclairé sur la méthode et le professionnel avec lequel il discutera de ses projets d’avenir. (Toutes les informations sourcées d’internet sont susceptibles de disparaître).

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Jourda, l’inventeur du Centre de gravité professionnel

L’inventeur du concept de Centre de Gravité Professionnel et fondateur de l’Institut de la Vocation de Lyon, Mathieu-Robert Jourda, est peu bavard sur sa formation : il revendique une formation commerciale supérieure, trois ans de fac de psycho, une psychanalyse et de nombreuses intuitions personnelles. Sur linkedin il met en évidence son « auto-formation », dont il se montre très fier. On y trouve des traces de psychanalyse jungienne : « j’ai intégré, à l’université, et aussi par mes propres moyens, tout un corpus de sciences humaines dont l’élément de base est évidemment la Conscience Humaine dans ses constituants, son fonctionnement et ses effets. Or de cette chose aussi importante qu’est la conscience, la science n’a pas pu dire un seul mot d’explication scientifique, ni de son origine ni de sa nature, et pourtant je n’ai jamais cessé de croire à l’existence de la conscience ».2

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Taux vibratoire ? Soins énergétiques ?

La notion de “taux vibratoire“ ou de “niveau énergétique“ est en droite ligne avec celle de Loi de l’attraction.

Cette idée d’énergie émanant du corps humain, d’un animal ou de toute chose sur Terre n’est pas uniquement véhiculée dans le milieu spirituel au sens strict, mais aussi très largement dans ceux du yoga, de la méditation, du Qi Gong, du Tai Chi, de la médecine traditionnelle chinoise, de la médecine ayurvédique indienne ou du coaching de vie.

ÉCOUTER LE PODCAST MÉTA DE CHOC : LES ÉNERGIES VIBRATOIRES

Les soins dits “énergétiques“ sont partout. Non seulement il est possible à chacun d’aller voir un praticien en consultation privée, mais il n’est pas rare que certains services hospitaliers proposent à leurs patients d’y avoir recours en parallèle d’un traitement conventionnel.

Il n’est pas rare non plus d’entendre ici et là des personnes faire part avec enthousiasme d’expériences leur ayant apporté calme, épanouissement personnel, voire un total changement dans leur manière de se percevoir et de percevoir le monde. De plus en plus de gens en viennent même à opérer une reconversion professionnelle pour devenir énergéticien, maître Reiki ou facilitateur Access bars. Pole Emploi répond d’ailleurs à cette demande en proposant officiellement des milliers de formations professionnelles en lien avec ces métiers.

Comment expliquer un tel succès populaire et institutionnel ?

ÉCOUTER LE PODCAST MÉTA DE CHOC : LES SOINS ÉNERGÉTIQUES

Ces podcasts sont tirés de la série « Chroniques de la spiritualité contemporaine » d’Elisabeth Feytit sur le site metadechoc.fr

Les églises, lieux d’énergies guérissantes ?

Dans son ouvrage « Les portes du sacré », l’écrivain et journaliste Bernard Rio évoque 28 lieux saints de Bretagne bâtis entre les IXème et XVIIème siècle à travers l’architecture, le légendaire, la mythologie, mais pas seulement ! L’auteur parle aussi d’orientation, de principes cosmo-telluriques, de géobiologie, de points énergétiques…

Une personne me communiquait récemment l’adresse de cette vidéo où cet homme de grande culture est interviewé sur les mystères énergétiques des lieux saints…

Bernard Rio explique le mode d’emploi de ces sanctuaires comme lieux de fusion entre les énergies du ciel et de la terre et où tout détail est signifiant.

Et il cite l’écrivain Jacques Bonvin parlant de nos églises romanes : « Un ouvrage d’art qui fonctionne comme une machine à régénérer et à guérir, non seulement sur le plan physique, mais sur tous les plans de la conscience manifestée, du vital au spirituel ».

Quelques réflexions après l’écoute de cette la vidéo

Certes, l’orientation des églises, liée aux dédicaces des saints patrons, en fonction des solstices et équinoxes, est une donnée vérifiable et exacte. 

Mais Jésus, la Trinité, Dieu, sont les grands absents de cette réflexion. Or les églises permettent de rassembler la communauté croyante, qui vient y prier et surtout offrir le sacrifice eucharistique.

Une fois de plus tout est ramené au bien-être, à la guérison, présentée comme étant  liée à l’énergie maîtrisée du lieu, indépendamment de toute conversion.

A la fin de l’interview, les courants d’eau sous les églises sont mesurables à l’aide de pendules ou de baguettes… objets à connotation occulte.

Quelle vision réductrice du rôle des églises !