Trois articles du Code de droit canonique concernent le secret de la confession :
au canon 983, il est dit que « le secret sacramentel est inviolable ; (qu’) il est absolument interdit au confesseur de trahir en quoi que ce soit un pénitent, par des paroles ou d’une autre manière, et pour quelque cause que ce soit ».
Le canon 984 précise que « l’utilisation des connaissances acquises en confession qui porte préjudice au pénitent est absolument défendue au confesseur, même si tout risque d’indiscrétion est exclu ».
Enfin, le canon 1388 prévient le confesseur que la violation directe du secret sacramentel entraîne l’excommunication latae sententiae (par le fait même, immédiatement) ; la violation indirecte, une punition selon la gravité du délit. Le
Catéchisme de l’Église catholique écrit :
« Tout prêtre qui entend des confessions est obligé de garder un secret absolu au sujet des péchés que ses pénitents lui ont confessés, sous des peines très sévères. Il ne peut pas non plus faire état des connaissances que la confession lui donne sur la vie des pénitents. Ce secret […] s’appelle le ‘sceau sacramentel’(sacramentale sigillum) car ce que le pénitent a manifesté au prêtre reste ‘scellé’ par le sacrement » (CEC, 1467).
Je cite ici Gauthier Vaillant, dans un article de La Croix, sous-titré 4-5 juin 2016 : Canoniquement inviolable même en cas de crime ou de danger, ce secret dit « sacramentel » ne doit pourtant jamais empêcher la Justice de faire son œuvre (12) :
= Est-il un secret professionnel comme les autres ?
[…] La loi française reconnaît le secret de la confession comme un secret professionnel, au même titre que celui auquel sont tenus les médecins ou les avocats. « La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende », dispose à ce titre le code pénal (art 226-13).
Au niveau anthropologique, droit canon et droit civil se rejoignent dans une même conception du secret comme un élément nécessaire dans les relations humaines. « Le bon fonctionnement de la société veut que le malade trouve un médecin, le plaideur, un défenseur, le catholique, un confesseur, mais ni le médecin, ni l’avocat, ni le prêtre ne pourraient accomplir leur mission si les confidences qui leur sont faites n’étaient assurées d’un secret inviolable », écrivait au début du XXe siècle le juriste français Émile Garçon.
« Le secret de la confession s’appuie sur la liberté de conscience, et donc sur la liberté religieuse, garantie dans l’état de droit, complète le P. Xavier Lefebvre, curé de la paroisse Saint-Louis d’Antin à Paris, qui accueille plusieurs centaines de confessions chaque semaine. Si cette liberté n’était plus garantie, l’État aurait tout pouvoir sur les consciences. Ainsi, même un État laïc peut s’honorer de respecter ce droit. » L’Église explique d’ailleurs la nécessité du secret par « la délicatesse et la grandeur de ce ministère et le respect dû aux personnes » (Catéchisme de l’Église catholique n° 1467). Par « respect », l’Église reconnaît ainsi que la démarche du fidèle qui demande le sacrement de réconciliation est particulièrement intime.
= Y a-t-il des exceptions possibles ?
Il y a pourtant des cas où le secret sacramentel, tout comme le secret professionnel, ne semble pas tenable et paraît devoir être levé. On pense aux cas de crimes, et en particulier, dans le contexte actuel, aux cas de pédophilie. Le droit civil reconnaît d’ailleurs la nécessité, dans certains cas, de lever le secret professionnel. Ainsi, celui-ci ne s’applique pas lorsqu’il s’agit d’atteintes portées à un mineur de moins de 15 ans ou à une personne en situation de faiblesse physique ou psychologique. Mais de telles exceptions n’existent pas, canoniquement. Le catéchisme de l’Église catholique précise bien (n° 1467) en effet, que le secret de la confession est « absolu » et « n’admet pas d’exception ». Il est même précisé une deuxième fois (n° 2490) que « le secret du sacrement de réconciliation est sacré, et ne peut être trahi sous aucun prétexte ».
De plus, « le confesseur n’est pas le maître, mais le serviteur du pardon de Dieu », dit le Catéchisme (n° 1466). Comme dans tout sacrement, le rôle du prêtre est d’agir au nom de Dieu, et non par lui-même. Le secret de la confession exprime également cet effacement relatif de la personne du prêtre, qui n’est que le trait d’union entre Dieu et le fidèle. « Le secret de la confession garantit la liberté de la personne dans sa relation à Dieu. Ce n’est pas au prêtre que parle le pénitent, mais à Dieu lui-même », explique le P. Xavier Lefebvre.
= Que peut faire un prêtre qui entend un crime en confession ?
« Un prêtre qui entendrait en confession un confrère lui confier ses agissements pédophiliques […] n’aurait de choix que de l’inciter à entrer dans une démarche sacramentelle où l’absolution implique pour le pénitent trois conditions : le regret sincère des fautes commises, une ferme résolution de ne plus recommencer, et enfin une réparation des torts commis », affirmait la théologienne et médecin Marie-Jo Thiel en 1999, dans un Documents Épiscopat consacré à la pédophilie (13).
Cela ne signifie pourtant pas l’impuissance du confesseur. « Le prêtre peut tout à fait demander au pénitent, comme acte de réparation, de se dénoncer à la justice, souligne le P. Lefebvre. Un ministre qui entend un criminel doit savoir que le pardon, même divin, n’efface pas la justice. » Face aux récents scandales d’abus sexuels dans l’Église, les évêques français ont rappelé l’obligation faite aux confesseurs d’inciter le pénitent d’aller se dénoncer à la justice. La justice juge en effet le for externe, c’est-à-dire la matérialité des faits, tandis que dans la confession, c’est le for interne qui s’exprime. « Tout chrétien doit faire confiance à la justice et doit accepter d’être jugé sur ses actes », insiste le P. Lefebvre.
Prenant leurs distances avec l’enseignement de l’Église, certains théologiens, comme le franciscain Nicolas Iung, estiment que dans certains cas, le secret sacramentel peut être partagé avec un autre ministre tenu au même secret – ce que permet d’ailleurs le droit civil français. Ainsi, un confesseur pourrait référer à son évêque de choses entendues en confession. Marie-Jo Thiel liste quatre critères pouvant mener à l’envisager : le bien public, le bien de celui qui a livré le secret, le bien d’un tiers innocent, et enfin le bien propre de celui qui a reçu la confidence. Pour Nicolas Iung, briser le « sceau sacramentel » est permis « chaque fois qu’il n’y aura pas d’autre moyen d’éviter qu’un tiers ne subisse injustement un tort sérieux ».
Un avis dont la pertinence ne fait pas l’unanimité. « Quoi qu’en disent les partisans de la suppression du secret, en accusant l’Église de complicité criminelle, il n’est pas si fréquent que les abus sexuels aboutissent au confessionnal car les « délits les plus graves » sont sans doute les moins avoués », écrivait en 2011 le dominicain Joël-Marie Boudaroua. On peut se poser la question : si le secret pouvait être levé, en particulier dans le cadre d’affaires hautement médiatisées, des hommes coupables de crimes continueraient-ils de s’en accuser en confession ? (14)
Notes
(12) Gauthier Vaillant, Le secret de la confession, La Croix, 4-5 juin 2016. La note (14) est postérieure.
(13) Lutter contre la pédophilie, repères pour les éducateurs. Disponible sur le site de la Conférence des évêques de France.
(14) Le 1er septembre 2016, un document de la Province de France de la Compagnie de Jésus intitulé « Face aux situations d’abus sexuels – Prévention et actions » précise : « Au cas où le confesseur aurait des doutes sur la ferme volonté du pénitent de se dénoncer, il peut différer l’absolution au moment où la condition de dénonciation sera réalisée »
Fin 2020, la Conférence des Évêques de France a sorti un document intitulé Points de repère pour les confesseurs. On le trouve en ligne sur internet, par exemple ici