J.B.
Les origines
L’acupucture remonte au IIème siècle avant JC. En 1822, elle sera interdite par l’Empereur de Chine, comme obstacle au progrès de la médecine.
Connue en Europe depuis le XIIème siècle, elle n’y sera introduite comme méthode thérapeutique qu’au début du XIXème siècle par le Dr Louis Berlioz, père du célèbre symphoniste. Celui-ci la pratique et la fait connaître à partir d’ouvrages édités au XVIIIème siècle.
Elle retombera dans l’oubli jusqu’à la détente entre la Chine et l’Occident dans les années soixante-dix.
La redécouverte
Après la Révolution culturelle les relations de la Chine populaire avec l’étranger s’améliorent brusquement. En 1971, elle est admise aux Nations Unies à la place de la République de Chine (Taiwan). En 1972, le président des Etats-Unis, Richard Nixon, y fait une visite officielle. La propagande bat son plein. Le régime doit être présenté sous son meilleur jour. Dans le domaine de la santé, le président des U.S.A, assiste à une démonstration d’anesthésie sous acupuncture. Les journalistes qui suivent le voyage présidentiel, se font largement l’écho des miracles de cette « science millénaire ». En fait, on saura plus tard, par deux médecins de Shanghai, que les patients avaient été judicieusement sélectionnés et qu’ils avaient subi une prémédication par un anesthésique chimique. Qu’importe ! L’enthousiasme pour cette médecine exotique gagne le monde, car elle correspond bien aux aspirations orientalistes de bon nombre d’intellectuels de l’époque.
Pendant les années qui suivront, des témoignages, tous plus convaincants les uns que les autres, seront livrés au public.
A cette époque on pouvait, par exemple, lire dans un grand journal féminin, le récit par une jeune mère, de sa récente césarienne sous « anesthésie acupuncturale ». Avec un peu d’attention, on apprenait que la patiente était la compagne de l’acupuncteur, dont le nom et l’adresse étaient clairement indiqués. Il ne manquait que le numéro de téléphone et les horaires de consultations. Témoignage plus intéressé qu’intéressant !
Aujourd’hui en Chine l’acupuncture est beaucoup moins utilisée qu’on ne le pense et les grands « pontes » de la médecine traditionnelle, lorsqu’ils sont malades, vont se faire soigner dans les hôpitaux occidentaux.
Les principes
Pour les Chinois traditionnels, la maladie résulte d’un déséquilibre entre les forces antagonistes du Yin et du Yang. Le yin représente les qualités traditionnellement féminines de passivité et de soumission, tandis que le yang est le symbole de la puissance et de l’agressivité du genre masculin. L’équilibrage de ces deux forces opposées est réalisé par la circulation du Ch’i (ou Qi) à travers quatorze voies appelées « méridiens », dont l’obstruction provoque la maladie. Pour guérir, il suffit, par une piqûre au point adéquat, de rétablir la circulation du Ch’i pour que revienne l’harmonie corporelle. Au fil des ans, les aiguilles en os sont remplacées par du bronze, de l’argent, de l’or et enfin de l’acier.
A l’origine, on distinguait environ 160 points d’acupuncture. On en utilisait 349 au VIème siècle et 747 en 1981. En fait, le congrès de Manille de 1982 a officiellement ramené ce nombre à 361. Parfois les piqûres peuvent être remplacées par des pressions (acupression), par le chauffage résultant de la combustion de fibres végétales ou plus récemment d’un moxateur électrique. La version la plus technologique met en œuvre un rayon laser (laserpuncture). On peut aussi compléter la pose des aiguilles par le passage d’un courant électrique de basse tension et de faible fréquence, mais alors on sort de l’acupuncture pour entrer dans l’éléctrostimulation, ce qui est tout autre chose.
Le diagnostic laisse une large place à la prise des pouls, opération fort complexe puisque, le Dr J.J.Aulas(1) rapporte qu’on peut distinguer « sept types de pouls superficiels (flottant, dicrote, lisse, plein, vibrant, tendu, élargi) et huit types de pouls profonds (minuscule, immergé, relâché, râpeux, lent, prostré, humide, faible) ». En fait dans la chine moderne, l’acupuncture continue d’être utilisée, pour des raisons économiques, mais sans se préoccuper de ses bases théoriques.
« Autrement dit, tout en maintenant intact le dogme de l’efficacité de l’acupuncture, les praticiens chinois rejettent comme fantaisistes les explications traditionnelles » (2).
On va voir que, paradoxalement, ce n’est pas le cas en France !
Les preuves théoriques
De tout temps on a tenté de mettre en évidence les points d’acupuncture et les méridiens. L’examen anatomique microscopique n’a jamais rien montré, malgré les efforts déployés, et l’étude de la supposée variation de résistivité des points d’acupuncture a sombré dans le ridicule.
Pourtant…
Le 5 novembre 1985, le journal de 20 h sur TF1 révèle, à grand fracas, que trois médecins de l’hôpital Necker les Drs J.C.Darras, P.Albarède et P.de Vernejoul ont visualisé un méridien grâce à l’utilisation d’un isotope radioactif, le technécium 99.
L’opération a été minutieusement orchestrée, puisque les auteurs ont simultanément, publié un ouvrage de vulgarisation et présenté leur travail sous forme d’une communication à l’Académie de médecine, sous le titre : « Etude des méridiens d’acupuncture par des traceurs radioactifs ». Evidemment, les grands médias, friands de ce genre d’événement, se font immédiatement le relais de l’annonce de la « merveilleuse découverte ». Science et Vie, l’un des rares journaux à conserver, à cette époque, le sens critique, publie dans son numéro 819, sur la plume du Dr J.M.Bader, un écho intitulé : « Acupuncture : des preuves qui n’en sont pas ». L’auteur y met en cause la méthodologie employée et annonce que « des scientifiques d’un organisme de recherche vont refaire l’expérience sur l’animal, dans les normes ». Une polémique s’en suivra(3) qui prendra fin lorsqu’en 1988, le Pr.Y.Lazorthes chef de service de neurochirurgie du CHU de Rangueil à Toulouse, reprenant les expériences incriminées, montrera que la migration du marqueur ne dépend pas du point d’injection et suit en réalité un trajet veineux.
Exit donc des méridiens mystérieux et des points aux pouvoirs magiques !
Ce qui ne signifie nullement que l’acupuncture soit sans effet.
Les essais cliniques
Pour apporter la preuve de l’efficacité d’une thérapeutique, il faut réaliser des essais contrôlés. Pour cela on effectue la comparaison en double aveugle, avec un placebo et/ou avec un traitement de référence, à partir de groupes de patients nombreux, homogènes, tirés au sort, et en prenant soin que l’appréciation soit constante tout au long de l’essai. Or il est difficile de réaliser un placebo d’acupuncture parfaitement valable. C’est pourquoi la plupart des essais présentés à l’appui de l’efficacité de l’acupuncture sont des études ouvertes non contrôlées. Nous ne retiendrons donc que des études ou analyses présentant un minimum de garanties méthodologiques.
En 1976, les Drs Moore et Berk réalisent un essai particulièrement bien mené pour vérifier l’action de l’acupuncture sur la douleur. Henri Broch rapporte le résultat de cette étude qui montre que la douleur à été effectivement réduite à la fois par le placebo et l’acupuncture, mais que celle-ci « n’a pas montré de meilleur résultat que l’imitation »(4) . C’est plutôt l’inverse, sans que la différence soit significative.
Dans les années 1990/91, trois épidémiologiques G.Riet, J.Kleijnen et P.Knipschild réalisent une série de méta-analyses sur la dépendance, la douleur chronique et l’asthme, pathologies sur lesquelles l’acupuncture est réputée particulièrement active. Chaque fois ils attribuent 100 points aux études présentant une excellente rigueur scientifique, à partir de 18 critères méthodologiques prédéfinis.
Dans la première analyse portant sur la dépendance (cigarette, héroïne et alcool), 22 études contrôlées sont examinées. Les auteurs indiquent que « les méthodes d’études sont généralement mauvaises ». En effet aucune étude n’obtiendra plus de 75 points et 12 d’entre elles, soit plus de la moitié, n’auront même pas droit à la moyenne. La conclusion sera que « l’affirmation que l’acupuncture est efficace comme traitement de ces dépendances ne s’appuie donc pas sur des résultats de recherches cliniques sérieuses »(5).
Dans le cas de la douleur, c’est cette fois 51 études cliniques contrôlées qui sont examinées. Les auteurs signalent que » la qualité, même celle des meilleures études, s’avère médiocre » et que les résultats de celles qui ont au moins la moyenne sont contradictoires. En conséquence : »L’efficacité de l’acupuncture dans le traitement des douleurs chroniques reste douteuse »(6).
Enfin concernant l’asthme, les remarques sont identiques et la conclusion du même ordre : « l’affirmation que l’acupuncture est efficace dans le traitement de l’asthme n’est pas basée sur le résultat de travaux bien conduits »(7).
Une autre méta-analyse réalisée en 1989 par M.Patel, F.Gutzwiller, F.Paccaud et A.Marazzi sur les douleurs chroniques conclura dans le même sens : « Diverses sources de biais, y compris des problèmes de compétence, empêchent de conclure positivement, bien que de nombreux résultats semblent apparemment favorables à l’acupuncture » (8).
On pourrait en citer d’autres(9) . La conclusion est toujours la même et peut se résumer ainsi : l’acupuncture ne présente pas d’efficacité spécifique notable, mais on ne peut pas prouver non plus qu’elle n’agit pas.
Pourquoi cette impossibilité à trancher ?
Sans doute parce que l’acupuncture est réputée agir sur les pathologies fortement placebo-sensibles.
On cite souvent le chiffre de 30%, lorsqu’on parle de l’effet placebo. En fait, la réalité est beaucoup plus complexe. Le pourcentage d’améliorations subjectives par administration de placebo varie de quelques pour cent pour les maladies infectieuses, à plus de 80% pour certains cas de douleurs, d’arthrite ou d’ulcères(10) . Or la douleur est la terre d’élection de l’acupuncture. Certains pensent même que c’est son seul domaine d’action.
Imaginons donc que nous réalisions un essai contrôlé de l’acupuncture, d’une part sur une maladie infectieuse, d’autre part sur la douleur chronique. Cette étude est imaginaire car elle ne pourrait être faite pour des raisons d’éthique. Il est en effet impensable de priver d’antibiotique des patients atteints d’une maladie infectieuse reconnue, dans le seul but de réaliser un essai contrôlé. La description de cet essai est donc purement didactique et les chiffres donnés, le sont à titre indicatif, à partir de valeurs vraisemblables.
Donc, trois groupes homogènes seraient chaque fois constitués, l’un recevrait le traitement de référence (antibiotique dans un cas, antalgique dans l’autre), le second serait traité par acupuncture et le dernier prendrait le placebo. En fait, dans ce cas, il faudrait utiliser un placebo croisé, c’est à dire que chaque patient recevrait une gélule (produit actif ou placebo) et de l’acupuncture (vraie ou simulée). Dans le cas de l’infection, le placebo donnerait un résultat positif dans (sans doute ) environ 5% des cas et l’antibiotique ferait un score (probable) de 95%. Il serait donc facile de déterminer si, oui ou non, l’acupuncture est active, puisque son résultat s’inscrirait dans une fourchette de 90%. Par contre dans le cas de la douleur, le placebo pourrait faire jusqu’à 80%, alors que l’antalgique ne dépasserait probablement pas 90%. On comprend que l’action de l’acupuncture serait alors impossible à déterminer, la fourchette dans laquelle elle s’inscrirait probablement (10%) étant bien trop faible pour qu’un quelconque résultat (en plus ou en moins) soit significatif.
Il faut aussi dire que les mécanismes qui tentent d’expliquer l’action de l’acupuncture, ont souvent été invoqués pour expliquer l’effet placebo.
Mécanismes d’actions
Une chinoise interrogée pour savoir si l’acupuncture était douloureuse(11) répondit d’un air convaincu : »C’est dur ! Mais quand on souffre, c’est que le médecin est efficace ». De fait, le stress est souvent invoqué comme initiateur de l’action de l’acupuncture.
Tout le monde connaît ces enfants qui se relèvent après une bagarre, tout étonnés d’être ensanglantés ou encore ces histoires de fantassins s’apercevant qu’il leur manque une main, arrachée par une balle, plusieurs secondes auparavant, à la sortie d’une tranchée. Quels meilleurs exemples d’anesthésies par le stress !
L’acupuncture (et peut-être l’effet placebo), fait sans doute appel aux mêmes mécanismes. Des substances antalgiques seraient, dans certaines conditions, libérées par l’organisme : enkèphalines au niveau des terminaisons synaptiques ou endomorphines par l’intermédiaire du complexe hypotalamo-hypophysaire. De leur coté, les glandes cortico-surrénales pourraient libérer des glucocorticoïdes à action anti-inflammatoire.
Ceci est confirmé par certaines études (pas toutes) qui montrent que l’action antalgique de l’acupuncture est bloquée par l’action de la naloxone, une substance qui inhibe l’action des produits morphiniques.
Notons donc que si l’acupuncture est parfois active, ce n’est pas pour les raisons qu’elle invoque, et qu’elle n’est pas pour autant toujours sans danger.
Les dangers
Le 17 mai 1995 le Journal International de Médecine annonçait le décès d’une patiente par perforation du myocarde « l’aiguille plantée au point REN 17 a perforé la paroi antérieure du VD et provoqué un hémopericarde, à la faveur d’un foranem sternal ».
S’agit-il là d’un accident isolé, ou l’acupuncture présente-t-elle de réels dangers ?
Indépendamment des risques habituels communs à toutes les médecines non scientifiques et qui résultent d’une absence de soins ou de diagnostics inappropriés, l’acupuncture peut provoquer « des pertes de connaissance, des hématomes aux sites de pénétration, des pneumothorax par perforation pulmonaire, des convulsions, des infections locales, des dermites de contact et des blessures nerveuses ou musculaires (12) ».
Un sondage réalisé auprès de 1135 médecins norvégiens a révélé 66 cas d’infection, 25 cas de perforation pulmonaire, 31 cas de douleur aggravée, et 80 autres cas de complications diverses. Un autre sondage portant sur 197 acuponcteurs, a dénombré 132 cas de perte de connaissance, 26 cas de douleur aggravée, 8 cas de pneumothorax, et 45 cas de problèmes mineurs(13).
D’où la nécessité que l’acupuncture ne soit pratiquée que par un personnel particulièrement compétent !
La reconnaissance
En France
En France, heureusement, l’acupuncture ne peut-être utilisée que par des médecins, alors qu’aux Etats-Unis, dans vingt Etats, elle peut-être pratiquée sans compétence particulière.
L’Académie nationale de médecine, dont le rôle est de conseiller le gouvernement dans le domaine de la santé, est toujours très réservée, et sa position officielle reste que « aucun effet thérapeutique véritable n’a jamais pu être démontré, lorsqu’il s’agit d’une pathologie relevant de lésions organiques. Les succès dont il a pu être fait état l’ont été sur des malades dits fonctionnels, et ne peuvent vraiment pas être distingués d’un effet placebo ».
Pour le Conseil de l’Ordre, l’acupuncture est, tout comme l’homéopathie, une « orientation », elle est donc l’objet d’une simple déclaration, sans aucun contrôle de compétence. N’importe quel médecin en quête d’une pseudo-spécialité, peut se déclarer acupuncteur après une rapide initiation. Pourtant, neuf Facultés de médecines dispensent un enseignement d’acupuncture sanctionné par un diplôme universitaire, et il existe depuis 1945 des écoles privées de perfectionnement.
Une seule ville, Nîmes, possède un service hospitalier d’acupuncture. Créé en 1978 par le Pr. J. Bossy, ce service fait tout pour promouvoir sa spécificité, faire des adeptes et étendre son influence. Le 6 mai 1998, par exemple, un article sur une page entière paraissait dans « Midi Libre ».
Titres accrocheurs, photos couleur et contrevérités affirmées étaient au programme : « une efficacité reconnue (sic) contre la douleur » ou encore « dans ce domaine (gynécologie-obstétrique) l’acupuncture a fait ses preuves (re-sic) ». Tout était fait pour que se développe cette « exception nîmoise » présentée comme une réponse au « besoin grandissant de se recentrer sur des pratiques et des techniques thérapeutiques plus naturelles ».
Naturelle ! Le grand mot est lâché ! Comme si, se faire larder d’aiguilles, était chose naturelle !
Au plan international
Certaines organisations internationales se sont penchées sur le problème posé par le développement de l’acupuncture. Le 16 septembre 1990, le conseil de direction du National Council Against Health Fraud, Inc ( Conseil National contre la fraude dans le domaine de la santé), prenait position sur l’acupuncture. Cet organisme, « privé, sans but lucratif et formé de membres bénévoles s’intéresse au charlatanisme, à la fraude et à la désinformation dans le domaine de la santé. Il n’est financé que par les cotisations de ses membres, ses publications et ses services aux consommateurs ». Il offre toutes garanties de compétence et surtout d’indépendance.
Le NCAHF après une étude des publications concernant l’acupuncture, conclut, entre autres, que :
– L’acupuncture est un mode de traitement qui n’a pas fait ses preuves.
– Ses théories et ses pratiques sont basées sur des concepts primitifs et fantaisistes concernant la santé et les maladies et qui ne correspondent pas aux connaissances scientifiques actuelles.
– Les recherches de ces vingt dernières années n’ont pas réussi à démontrer que l’acupuncture soit efficace sur aucune maladie.
– Les effets de l’acupuncture sont probablement dus à la combinaison de l’espoir, la suggestion, le détournement d’attention, le conditionnement et d’autres mécanismes psychologiques.
Il constate que « de nombreuses publications sur cette discipline s’appuient uniquement et sans aucun esprit critique sur des anecdotes et la tradition ».
Finalement le NCAHF émet un certain nombre de recommandations :
– Aux médecins : que l’acupuncture ne doit pas être proposée sans que les patients n’aient donné leur consentement, en sachant bien qu’elle doit être considérée comme une technique expérimentale qui n’a pas fait la preuve d’une action supérieure au placebo et qu’elle n’est pas exempte de complications
– Aux patients : que ceux qui désirent essayer l’acupuncture discutent de leur situation avec un médecin compétent qui n’y a pas d’intérêt commercial.
– Aux législateurs : Que les assurances privées ou publiques ne doivent pas prendre en charge les traitements d’acupuncture.
Et pourtant, comme souvent dans le cas des pseudo-médecines, les croyants vont tout mettre en œuvre pour valider leur pratique.
La conférence de consensus du NIH
Il est sans doute bon de rappeler ici que lorsque l’on fait une conférence de consensus, c’est que la vérité n’est pas connue. Si elle l’était, la conférence n’aurait pas de raison d’être. La conférence va avoir pour but d’établir une position modérée qui sera considérée comme raisonnable. Or « une vérité scientifique s’établit sur la base de preuves irréfutables et non d’après l’opinion de la majorité » rappellent Scrabanek et Mc Cormick(14) . Dans « le sophisme du faisceau de preuves » ils nous indiquent aussi qu’il « est aujourd’hui courant d’accumuler un certain nombre d’études dont aucune n’a mis en évidence de résultats significatifs et en les associant d’apporter la « preuve » d’une différence significative… En fait un faisceau de preuves incertaines demeure incertain ».
Cela ne signifie pas pour autant que toute conférence de consensus soit inutile ou tendancieuse. Lorsque, malgré l’incertitude scientifique, des mesures concernant la prévention ou la prophylaxie sont urgentes, il faut bien essayer de trouver une position raisonnable. C’est ce qui s’est fait dans le cas de l’hépatite C, en janvier 1997. Face aux 500 000 français porteurs de la maladie, la plupart sans le savoir, il n’était pas question d’attendre des certitudes pour agir et tenter d’enrayer l’épidémie.
Nulle urgence, par contre, ne semblait imposer une décision concernant la validité de l’acupuncture, cette technique n’apportant pas, que l’on sache, de solutions révolutionnaires dans les problèmes du cancer ou du SIDA.
Et pourtant en novembre 1997 avait lieu sous l’égide du NIH (National Institutes of Health) une conférence de consensus sur cette thérapeutique. Son objectif était de « fournir au personnel soignant, aux patients et au public en général une évaluation responsable de l’usage et de l’efficacité de l’acupuncture dans différentes conditions ». Sa conclusion est, en substance, que bien que de nombreuses études semblent montrer une efficacité potentielle de l’acupuncture, beaucoup de ces études comportent des biais méthodologiques, en partie dus au fait que des contrôles sont difficiles à réaliser. Cependant il apparaît des résultats « prometteurs » dans les nausées postopératoires et chimiothérapiques, et dans la douleur dentaire postopératoire. Dans d’autres cas (dépendance, rééducation, mal de tête, ect…) l’acupuncture peut-être utile comme « traitement de complément » ou incluse dans un ensemble de soins. Et le rapport conclut en encourageant des recherches pour « découvrir d’autres domaines où l’intervention de l’acupuncture serait utile ».
Voilà un résultat bien léger et qui n’apporte finalement pas grand chose de neuf. La lecture du rapport laisse l’impression que les membres du panel se sont un peu forcés pour parvenir à trouver des formulations favorables à l’acupuncture. D’ailleurs une phrase placée dans le préambule précise que : « Ce compte-rendu est un rapport indépendant réalisé par le panel de consensus, et non une prise de position du NIH ou du Gouvernement Fédéral ». Lorsqu’on étudie plus attentivement cette publication on constate d’abord que dans les douze membres du panel, nombre sont ceux qui sont visiblement partie prenante dans l’acupuncture par le cadre dans lequel ils travaillent. On peut citer par exemple : »Asian Pacific Community Health organisations, College of Osteopathic Medicine, Research Center on the Psychobiology of Ethnicity, etc. Peut-on être à la fois juge et partie ? Même chose pour les intervenants, sur 26, au moins 14 sont, visiblement, rien que par leurs titres, originaires d’organismes d’acupuncture, de médecines alternatives ou orientales.
Les rares intervenants critiques ont dû se sentir biens seuls !
Dans son numéro de mars/avril 1998 « Skeptical Inquirer » reprenait un article de Scientific Rewiew of Alternative Medicine (SRAM) qui précisait : « le panel de consensus du NIH est l’émanation de l’Office des Médecines Alternatives (OAM). L’OAM à été créé par le NIH en 1992 pour évaluer les traitements alternatifs et fournir des informations sur les services de soins non conventionnels. Mais depuis sa formation, il fait l’objet de critiques sévères en raison de sa partialité ». Suivaient les prises de positions de différents scientifiques : »Le consensus était un consensus de partisans et non un consensus d’opinions scientifiques valables. La représentation de l’acupuncture dans les conditions indiquées par la conférence est classique des pseudosciences. Elle montre que les instigateurs avaient des motivations idéologiques et non de l’objectivité scientifique » dit le Dr Wallace Sampson, M.D., rédacteur du SRAM et professeur de médecine à Université Stanford, qui ajoute « Le panel du NIH a été conçu de toute évidence pour favoriser l’acceptation de l’acupuncture par le public, la presse… ». Victor Herbert, professeur de médecine à l’école du Mont Sinaï de New York, qui définit l’acupuncture « comme un culte pseudo-religieux » affirme que « c’était une conférence de croyants qui déclamaient leurs illusions comme des faits » (Nature, November 13)
Ce sont sans doute toutes ces raisons qui ont fait écrire au Dr Stephen Barrett(12), psychiatre et membre du NCAHF, que les conclusions de la conférence de consensus « n’étaient pas basées sur des recherches faites depuis que la position du NCAHF avait été publiée », mais qu’elles « reflètent plutôt l’opinion biaisée des participants qui avaient été choisis par un comité de planification dominé par les partisans de l’acupuncture ». Puis il conclut : » Il est honteux de proposer d’augmenter les primes d’assurance pour subvenir aux frais des visites d’acupuncture ».
Comme nous aimerions que nos ministres l’entendent !
Que les français fervents du « Ch’i » ne se désespèrent pas, il leur est toujours possible de faire réunir par l’IFOP un panel représentatif, à l’occasion d’une quelconque « Conférence des citoyens sur l’acupuncture »(15) . Après une formation de trois jours, et l’audition d’intervenants soigneusement choisis, ce panel fera aux autorités concernées, des « recommandations » dont les adeptes du « Yin » et du « Yang » pourront ensuite se prévaloir
En attendant un avenir, pas si improbable, où l’on fera « dire la vérité scientifique » par les augures…
Pour conclure
A la question : L’acupuncture est-elle efficace ? La réponse est « oui ». Elle est aussi efficace que l’homéopathie, la psychanalyse, les fleurs de Bach et les queues de lézards bouillies, c’est à dire aussi efficace que tout placebo, pur, impur, psychologique, rituel ou folklorique.
A la question : Puisqu’elle donne satisfaction à certains patients, l’acupuncture doit-elle être prise en charge par la collectivité ? La réponse est « non ». Sauf si cette collectivité a pu auparavant rembourser de manière satisfaisante tous les traitements qui ont fait la preuve de leur efficacité de façon incontestable et qu’alors, toutes les autres placebothérapies sont, elles aussi, prises en charge. Ce qui implique le remboursement, non seulement de celles citées plus haut, mais aussi de l’auriculothérapie, des sacrifices rituels, de l’urinothérapie(16) de la thérapie par la foi, etc… sans oublier la sorcellerie berrichonne et toutes les autres pratiques ethno-folkloriques équivalentes
J.B.
Notes
1) « Les médecines, douces des illusions qui guérissent. » Ed. Odile Jocob, 1993.
2) Dr J.M Bader : Science et Vie N° 823.
3) Voir Science et Vie N°823.
4) Pour les détails de cet essai, consulter : « Au cœur de l’Extra-Ordinaire », Henri Broch, Ed. L’horizon chimérique, 1994.
5)Br J Gen Pract 1990 Sep ; 40(338) : 379-382 A meta-analysis of studies into the effect of acupuncture on addiction. Ter Riet G, Kleijnen J, Knipschild P.
6) J Clin Epidemiol 1990 ; 43(11) : 1191-1199 Acupuncture and chronic pain : a criteria-based meta-analysis. ter Riet G, Kleijnen J, Knipschild P.
7) Thorax 1991 Nov ; 46(11) : 799-802 Acupuncture and asthma : a review of controlled trials. Kleijnen J, ter Riet G, Knipschild P.
8) Int J Epidemiol 1989 Dec ; 18(4) : 900-906 A meta-analysis of acupuncture for chronic pain. Patel M, Gutzwiller F, Paccaud F, Marazzi A.
9)Richardson PH, Vincent CA. The evaluation of therapeutic acupuncture : concepts and methods. Pain 24:1-13, 1986. Richardson PH, Vincent CA. Acupuncture for the treatment of pain. Pain 24:1540, 1986.
10) « Le mystère du placebo », Patrick Lemoine, Ed. Odile Jacob, 1996.
11)La marche du siècle du 27 novembre 1997.
12) »L’acupuncture, le Qigong, et la « Médecine chinoise ». Stephen Barrett, M.D. Serveur « Quackwatch ».
13) Norheim JA, Fennebe V. Adverse effects of acupuncture. Lancet 345:1576,1995.
14) « Idées folles, idées fausses en médecine. » Petr Skrabanek James Mc Cormick Ed. Odile Jacob, 1997.
15)Scénario inspiré par la « Conférence des citoyens sur les OGM »… mais ceci est une autre histoire.
16) Méthode utilisée, entre autres, en médecine Tantrique et qui consiste à boire une préparation utilisant ses propres urines. Tchin, Tchin !
Article publié sur le site pseudo-sciences.org en 2004; le site a disparu d’internet. J’avais mis l’article de côté. D.A.