Grand ménage sur Doctolib

Les médecines « douces » dans le dur. Jeanne Ferney. La Croix du 15/11/22.

Grand ménage d’hiver sur Doctolib ! Il y a deux mois, après des semaines de polémique autour des dérives de la naturopathie, le site décidait de notifier le caractère non réglementé de certaines médecines dites « douces ». Saine clarification qui devait éviter aux patients de se méprendre sur le statut de ces praticiens présentant parfois toute la panoplie du médecin, excepté un diplôme reconnu par l’État.

Fin octobre, après avoir consulté des dizaines d’acteurs du secteur, la plateforme a finalement décidé d’aller plus loin. Désormais, les naturopathes mais aussi les sophrologues, acupuncteurs, hypnotiseurs, chiropracteurs, phytothérapeutes… n’auront plus le droit de cité sur la première plateforme de prise de rendez-vous médical en France. Avertis de la résiliation de leurs contrats, ces 5 700 praticiens ont six mois « pour trouver une autre solution ».

Une décision largement saluée par les médecins, dont François Braun lui-même, le recadrage de Doctolib allant dans « le sens d’une plus grande clarté et lisibilité de l’information en santé », selon le ministre de la santé. De tribunes en lettres ouvertes, les professionnels du bien-être, eux, dénoncent une condamnation à mort, l’exclusion de la plateforme les privant d’une visibilité aussi commerciale que symbolique. Pour les médecins, qui alertent de longue date sur les risques liés à ces thérapies, la science a gagné face au « charlatanisme ». Pour les défenseurs d’une médecine non conventionnelle, le « scientisme » a eu raison de l’approche naturelle, pourtant de plus en plus plébiscitée par les Français. Chacun jugera.

Mais dans cette affaire, une voix manque cruellement : celle des patients. S’est-on demandé pourquoi ils s’en remettent de plus en plus aux mains de ces thérapeutes ? Qu’y cherchent-ils, à tort ou à raison, qu’ils ne trouvent pas ou plus chez leur médecin ? À l’heure où l’accès aux soins se complique en France – hôpital public en crise, généralistes débordés –, ces médecines « douces » sont parfois perçues comme une alternative, voire l’ultime recours. Est-ce une bonne chose ? Pas toujours, surtout quand l’état de santé d’un patient nécessite une prise en charge médicale. Est-ce systématiquement une mauvaise chose ? Peut-être pas, surtout si le patient est au clair avec ce qu’il peut attendre de ce praticien, une approche complémentaire qui ne remplace en rien l’expertise d’un médecin. Un « plus », à l’image des soins de support pour les malades du cancer, qui ne soignent pas mais offrent un peu de confort.

Évidemment, la volonté de protéger les patients des guérisseurs sévissant sur le marché du bien-être est louable. Mais si ces disciplines s’avèrent aussi dangereuses qu’on le laisse entendre, alors ce n’est pas à une entreprise privée mais aux autorités de santé de mieux les encadrer, voire de les interdire si elles peuvent nuire. La majeure partie de ces praticiens étant, pour l’heure, toujours dans la légalité, la logique voudrait que l’utilité des thérapies qu’ils proposent soit examinée, en s’appuyant sur l’état actuel des connaissances. Voilà qui irait véritablement « dans le sens d’une plus grande clarté ».


J’oserai ajouter : aurons-nous le courage, dans les lieux de communication d’Église, de faire le ménage en arrêtant toute publicité aux « surnaturopathes » ? ! D.A.

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