L’anthropologie biblique (corps-âme) contredit l’idéologie Nouvel Âge (corps-âme-esprit)

Le quatrième concile de Constantinople est, pour l’Église catholique, le 8e concile œcuménique. Il s’est tenu en 869 à Constantinople. Ce concile a condamné la trichotomie (l’homme est composé d’un corps, d’une âme et d’un esprit) au profit de la dichotomie (l’homme est composé d’un corps et d’une âme, canon 11).

Un des objectifs de ce concile était de mettre fin au schisme du patriarche de Constantinople Photius (Photios en grec). Photios prétendait que l’homme avait deux âmes, dont une de nature spirituelle, correspondant à l’Esprit éternel. Photios refusant d’abjurer, a été frappé d’anathème par l’Église catholique. La définition de l’âme par Photios s’opposait à celle de Rome ; il affirmait en effet que : « l’homme a deux âmes, dont une de nature spirituelle, correspondant à l’Esprit éternel ».

Cependant, l’Église orthodoxe compte Photios parmi les saints et les Pères de l’Église. En effet ce quatrième concile de Constantinople n’a pas été reconnu par l’Église byzantine, orthodoxe.

Le Concile Vatican II enseigne une anthropologie binaire, corps et âme :

« Corps et âme, mais vraiment un, l’homme est, dans sa condition corporelle même, un résumé de l’univers des choses qui trouvent ainsi, en lui, leur sommet, et peuvent librement louer leur Créateur. Il est donc interdit à l’homme de dédaigner la vie corporelle. Mais au contraire il doit estimer et respecter son corps qui a été créé par Dieu et doit ressusciter au dernier jour. »

Gaudium et Spes, n° 14 § 1

Le Catéchisme de l’Église Catholique enseigne lui aussi une anthropologie binaire :

« Parfois il se trouve que l’âme soit distinguée de l’esprit. Ainsi Saint Paul prie pour que notre « être tout entier, l’esprit, l’âme et le corps » soit gardé sans reproche à l’avènement du Seigneur (1 Th 5, 23). L’Église enseigne que cette distinction n’introduit pas une dualité dans l’âme (Cc. Constantinople IV en 870 : DS 657).  » Esprit  » signifie que l’homme est ordonné dès sa création à sa fin surnaturelle (Cc. Vatican I : DS 3005 ; cf.GS 22, § 5) et que son âme est capable d’être surélevée gratuitement à la communion avec Dieu (cf. Pie XII, Enc, »Humani generis », 1950 : DS 3891). ».

(CEC 367)

Le Magistère enseigne donc que l’anthropologie catholique est binaire, s’appuyant sur la Révélation biblique.


Cet article est téléchargeable sous forme de livret :

La Révélation, et son accomplissement dans l’Incarnation de Jésus donnent le sens1, le principe et la finalité de cette dimension physique, corporelle et ouvre à la métaphysique.

L’héritage de la philosophie grecque, surtout platonicienne, considère qu’il y a une opposition entre, d’une part le corps et la matière et d’autre part l’âme et l’esprit ; le corps mortel et l’âme immortelle, le terrestre et le céleste, l’humain et le divin. Pour Platon, sôma, séma, le corps est un tombeau dont l’âme prisonnière doit se libérer.

Cette dichotomie n’est pas biblique, où l’unité du composé humain est évidente. Ainsi la néphèsh, qui dans un sens premier veut dire la gorge, est le lieu du passage du souffle, de la nourriture et de la parole, elle signifie la personne vivante, son être, sa conscience. « Alors le Seigneur Dieu modela l’homme avec la poussière tirée du sol ; il insuffla dans ses narines le souffle de vie, et l’homme devint un être vivant. » (Gn 2, 7). Être vivant ou néphèsh, gorge vivante.

Bâsâr, la chair, le corps n’est pas séparé de la néphèsh, il en est sa manifestation concrète. Ainsi l’homme n’a pas un corps, il est un corps, il est bâsâr.

Ruâh est le même mot qui désigne le souffle et le vent. Cette Ruâh traverse la Bible. C’est elle qui plane sur les eaux primordiales de la Genèse : « La terre était informe et vide, les ténèbres étaient au-dessus de l’abîme et le Souffle de Dieu planait au-dessus des eaux. » (Gn 1, 2)

Il est intéressant de noter que le verbe de planer, utiliser ici, vient de l’hébreu rah’ef et signifie en même temps couver, voler très près, voler en frôlant. Dieu protège Israël dans le désert comme, l’aigle couve ses oiseaux. « Tel un aigle qui éveille sa nichée et plane au-dessus de ses petits, il déploie son envergure, il le prend, il le porte sur ses ailes. » (Dt 32, 11).

Aucun dualisme, pas de conception ternaire en anthropologie catholique

Il n’y a pas de dualisme, en ce sens qu’il n’y a pas d’opposition entre l’âme et le corps. L’esprit n’est donc pas une troisième composante de l’être. La personne est Une, comme dit le Concile, même si elle est composée d’une âme et d’un corps ; l’esprit, lui, fait partie intégrante de l’âme, il n’est pas autre qu’elle, il est en elle, c’est là qu’est la présence divine, dite « ontologique », dans ce « mas profundo del alma« , (la fine pointe de l’âme) comme le dit si bien Saint Jean de la Croix.

Cependant certains chrétiens, influencés par les pensées inspirées du Nouvel Âge, s’appuient sur les écrits de Saint Paul (1 Th 5, 23 et He 4, 12) pour dire que son anthropologie est ternaire. Les conclusions du Magistère s’opposeraient-elles à saint Paul ?

Dans ses commentaires bibliques, saint Thomas reste fidèle au Concile de Constantinople IV, qui avait récusé toute distinction entre l’âme forme du corps et l’esprit capable de connaissance (en particulier le commentaire de 1 Th 5,23 et de He 4,12). L’âme est une, en tant que forme du corps, et en tant que principe de la connaissance par l’intellect.

N’ayant pas accès au grec d’origine, Thomas n’a pas pu deviner que l’esprit, dont parle Saint Paul dans cette tripartition, n’est pas l’esprit qui réfléchit, mais le pneuma, l’activité du Saint-Esprit dans l’homme, qu’il divinise. Il ne s’agit donc pas d’une anthropologie à trois composantes, mais d’une théologie de la grâce dans laquelle l’Esprit Saint vient perfectionner tout l’être humain : corps et âme. Nous pouvons donc dire que saint Thomas et Saint Paul enseignent une anthropologie binaire : corps et âme, mais non dualiste.

St Thomas d’Aquin

Il ne faudrait pas non plus que le fait de distinguer le psychique du spirituel conduise à désunir l’âme de l’esprit, et à théoriser une anthropologie ternaire. L’âme ne peut être réduite à son seul aspect psychique ni l’esprit contenu dans la seule dimension psychique, puisqu’il est uni à l’âme spirituelle. Ce qui est troublant chez les partisans du ternaire et dans les thérapies du Nouvel Âge, c’est qu’ils rejettent la dualité corps/âme pour tomber dans la fusion des plans et finalement une confusion.

Le catéchisme enseigne que : « La tradition spirituelle de l’Église insiste aussi sur le cœur, au sens biblique de  » fond de l’être  » (Jr 31, 33) où la personne se décide ou non pour Dieu »2.

Le cœur, léb, (prononcé lev) en hébreu, n’est pas seulement le siège de l’affectivité ou des émotions. Il désigne toute la personne, sa mémoire, son intelligence, sa volonté. La Bible le mentionne plus de mille fois. Cela va du cœur ouvert, au cœur endurci. « Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau. J’ôterai de votre chair le cœur de pierre, je vous donnerai un cœur de chair » (Ez 36, 26).

Le « fond de l’être », fine pointe de l’âme, est un sanctuaire impénétrable. En effet la théologie mystique enseigne que les facultés purement spirituelles de l’âme, intelligence et volonté, forment un sanctuaire impénétrable au démon. Il ne faut pas confondre ce sanctuaire, avec le niveau le plus intérieur et personnel « psychique »3 du Nouvel Âge dans lequel les êtres humains « perçoivent » cette « énergie cosmique divine ».

Distinguer pour unir en évitant à la fois la fusion et la confusion des plans

Si notre âme a trois aspects distincts : végétatif, sensitif et intellectif, cela ne veut pas dire que nous ayons trois âmes, cela veut dire qu’une âme humaine est à la fois végétative, sensitive et intellective. Il n’y a pas pour autant une tripartition de l’âme.

Une sorte de révolution planétaire silencieuse semble s’opérer par « les techniques d’élargissement de la conscience destinées à révéler aux hommes leur pouvoir divin, qui leur permettra d’ouvrir la voie à l’ère de l’Illumination »4. Elle enseigne que « les individus naissent avec une étincelle divine, ils sont comme des êtres divins bien qu’ils participent de cette divinité cosmique à des niveaux de conscience différents ». Ainsi, chacun pourrait faire l’expérience de Dieu en soi-même…

Autrement dit, le Dieu du Nouvel Âge est la conscience cosmique, et : Tout est un. Tout est Dieu… tout esprit est Dieu. […] Le titre de « Christ » est donné à tout homme qui atteint un état de conscience dans lequel il perçoit sa propre divinité. […] Le niveau le plus intérieur et personnel « psychique » auquel les êtres humains « perçoivent » cette « énergie cosmique divine » est aussi appelé « Esprit Saint »5.

Si le niveau le plus intérieur est appelé « psychique » ou « Esprit Saint », alors le mysticisme cosmique6 se justifie pour expérimenter des psychothérapies censées élargir la conscience. Il s’agit alors d’un mysticisme gnostique dans lequel l’esprit humain est de nature divine.

Face à cette révolution « douce », ce changement de paradigme du Nouvel Âge se heurte à la définition de l’esprit donnée par le Magistère : l’esprit humain n’est pas une parcelle divine. Il est capable de Dieu, capax Dei, mais non pas Dieu.

La non-distinction entre « dualité » et « dualisme » peut engendrer une confusion

Descartes pensait que « l’esprit planait au-dessus des os », le point de jonction étant la glande pinéale, radicale séparation entre l’âme purement spirituelle et le corps mécanique. Le christianisme, à la suite de la tradition apostolique et de saint Irénée de Lyon, enracinés dans la Bible, consolide une conception unifiée de l’être humain, en opposition au dualisme platonicien, néoplatonicien, et gnostique des premiers siècles. Certes, le dualisme cartésien est une gnose à rejeter (Descartes était Rose-Croix), contrairement à la dualité catholique. La vision ternaire peut naître de la confusion entre dualité et dualisme et ainsi faire de ce concept ternaire le remède à la gnose dualiste.

Une telle confusion ferait qu’il serait nécessaire, pour rejeter ce dualisme, de rejeter l’anthropologie catholique binaire et d’opter pour le concept ternaire. Croyant alors éviter une gnose (le dualisme) on basculerait dans une autre (le ternaire).

Comme nous l’avons vu, Gurdjieff, affirmait qu’en l’Homme existaient trois centres : mental-émotionnel-psychique. Il élabora alors des techniques permettant, grâce à un travail sur soi, d’unifier l’homme, libérant en lui chacun de ces trois centres.

Michel Fromaget, anthropologue, Maître de conférences honoraire à l’Université de Caen-Basse Normandie, a soutenu une thèse de Doctorat d’Etat intitulée : Individuation et idée de mort. Essai d’anthropologie de l’imaginaire. Il y assimile dualité catholique et dualisme, il enseigne une anthropologie ternaire. Il a été initié à la divination du Bwiti 7, autrement dit à la sorcellerie au Gabon (une anthropologie ternaire de l’imaginaire).

Les écrits de M. Fromaget illustrent la confusion entre dualisme et dualité catholique. La rationalité de la méthode scientifique n’est pas applicable à de l’irrationnel, mais seulement à des faits objectifs. Lorsque des méthodes se disant scientifiques sont utilisées pour valider de l’irrationnel ou des pratiques initiatiques subjectives, c’est une tromperie intellectuelle, un vernis scientifique au service d’une idéologie.

Dans le résumé de son livre : Corps-Ame-Esprit – Introduction à l’anthropologie ternaire, Almora, 2017, cette confusion est manifeste.

« • Résumé : Notre anthropologie fondamentale est aujourd’hui dualiste : l’homme, croyons-nous, est formé seulement d’un corps et d’une âme. Nous pensons que notre vie ne présente que deux aspects, unis certes, mais distincts : un aspect physique (le corps) et un aspect psychologique (l’âme). Cette anthropologie dualiste est celle de l’opinion commune, mais aussi celle de la culture, des philosophes, des sociologues, des anthropologues, des théologiens, des artistes. Bref le dualisme âme/corps est une évidence incontestable pour nous aujourd’hui.

Or, Michel Fromaget nous montre qu’en oubliant l’esprit, l’homme ne se connaît plus ; l’humanité a oublié le secret fondamental de son essence : l’esprit. L’objet de cette étude, interrogeant les anthropologies antiques, tout particulièrement celle du christianisme originel et celle des premiers Pères de l’Église, est donc d’aider à retrouver le sens, ainsi que le chemin, de cette troisième « phase » de l’homme : l’esprit.

L’anthropologie ternaire fondamentale (corps, âme, esprit), introduite en ces pages, tâchera de montrer que ce secret concerne la réalité et la nature de l’être essentiel vivant en chacun. Nous pourrions écrire : ce secret est l’Être même de l’homme.

Ce livre exceptionnel pourrait nous servir de boussole dans le monde qui est le nôtre, en recherche de sens.

« Ce livre traite de manière approfondie d’un thème essentiel, car la confusion du psychique et du spirituel, autrement dit de l’âme et de l’esprit, rend incompréhensible l’essence des enseignements justement désignés comme spirituels. Ce livre peut donc efficacement contribuer à inspirer et à guider celui qui s’est engagé sur la voie de la libération… » Arnaud Desjardins. » 8

Quelle est la définition de l’âme de Michel Fromaget ? Dans L’anthropologie ternaire ou conception spirituelle de l’homme chez les Pères de l’Église il écrit : « Contrairement aux modèles scientifique et catholique, le paradigme ternaire affirme l’existence de trois composantes ontologiques de l’être : le corps, l’âme et l’esprit. Le corps ouvre sur le monde physique. L’âme, n’est autre que le psychisme. L’âme est cette entité qu’étudie la « psychologie ». L’esprit : l’anthropologie qui nous a éduqués dit que « l’être humain est corps et âme ». C’est ce que l’on veut nous faire croire. Or, il faut savoir qu’il y eut des hommes pour expérimenter que l’être humain, loin d’être condamné à vivre dans cette prison à deux dimensions, est capable d’explorer de lui-même une autre profondeur que nous nommons ici esprit. Et les hommes reviennent de leur expérience de l’esprit, bouleversés. Le sujet qui fait l’expérience de l’esprit a le sentiment que celle-ci l’ouvre sur la totalité de son être et le transforme en direction même de cette totalité. Expérimenter, accueillir et vivre son esprit, c’est sortir de la condition où l’on est encore « corps et âme » pour se vivre en totalité tissée de « corps, d’âme et d’esprit ». Cette métamorphose se traduit par des transformations et l’une des plus significatives est une attitude radicalement différente face à la mort. L’anthropologie spirituelle ou ternaire a la particularité de connaître de l’homme : deux naissances, deux vies, deux morts. Deux naissances, deux vies ! Deux morts véritables. La première mort, partielle, relative clôt la vie biologique, cette mort nous est imposée. Celle-ci est partielle, car elle ne tue que le corps physique, et relative, puisque le défunt lui survit. La seconde mort totale, absolue et définitive contrairement à la première, n’est nullement imposée : elle est libre, en ce que l’être humain, s’il consent à son achèvement, peut l’éviter. Et c’est bien là le cas de l’immortalité conditionnelle, car, si l’homme refuse de naître à lui-même, alors il peut déjà se considérer comme mort, mort d’une mort totale, absolue, définitive, une mort dont il peut être certain qu’elle s’actualisera. À ce sujet, je vous rappelle que les évangiles ignorent cette vie de souffrances horribles et éternelles que nous appelons « Enfer ». C’est la lecture avec les lunettes de saint Augustin et saint Thomas d’Aquin qui brutalise les textes jusqu’à les faire accoucher d’un Enfer éternel qu’ils ignorent totalement. »9

Cette vision ternaire de l’homme est essentiellement composée d’un esprit (principe divin immortel) d’une âme (subtile pour rattacher l’esprit au corps) et d’un corps (fait de matière périssable). Le corps relève du plan matériel ; l’âme subtile du plan astral ; l’esprit du plan spirituel. Il est important de préciser ce plan astral, car il relève de l’ésotérisme, voire de l’occultisme.

Le Conseil Pontifical parle du niveau le plus intérieur et personnel (« psychique »)10 où l’on perçoit l’énergie cosmique divine ; ce niveau le plus intérieur s’appelle : « corps astral » ou « âme subtile » ou encore « psychique ». L’anthropologie du New Age est donc ternaire et se caractérise par sa complexité, tantôt : corps — âme subtile — esprit parcelle divine, tantôt : corps — âme subtile ou âme « psychique » — esprit ; tantôt encore : physique — « psychique » — spirituel, ou encore corps physique corps éthérique et corps astral.

La vision du ternaire de Michel Fromaget a été résumée à l’occasion d’un stage : « Avril 1985 (Michel Fromaget) vient de l’éprouver au plus profond de lui-même, il peut l’affirmer : Oui le soleil se lève à minuit ! Une fois encore l’antique adage qui nous vient de l’Inde sanscrit s’est vérifié : quand le disciple est prêt, le Maître paraît ! … Plus concrètement, à la faveur d’une rencontre providentielle, il a l’intuition bouleversante de l’intelligence et de la profondeur incommensurable de la conception ternaire : corps-âme-esprit. Cette conception anthropologique ternaire est quasiment universelle : son empreinte est observable dans la plupart des grandes civilisations, des grandes traditions spirituelles. Elle se déploie avec une cohérence particulièrement lumineuse dans le christianisme des origines. Ayant constaté que comprendre le sens réel de la tripartition peut suffire à transformer radicalement l’existence dans le sens le plus heureux qui se puisse concevoir. Il se consacre depuis 2010 à la présenter dans des monastères et centres spirituels. »11

Fromaget n’utilise pas les mots : subtil, astral, parcelle divine, il revient à la dénomination courante de : corps, âme, esprit, ou encore de : physique, psychique, spirituel, sans donner à chacun de ces termes une définition précise, toute transcendance étant écartée.

La distinction recommandée par le Conseil Pontifical de la Culture et le Conseil Pontifical pour le Dialogue interreligieux permet de dire que l’anthropologie ternaire du Nouvel Âge relève de l’ésotérisme (par la présence du plan astral), alors que les techniques, les thérapies et pratiques psychologiques du New Age relèvent, elles, de l’occultisme et de la magie. Cela invite à la plus grande prudence et parfois s’abstenir envers ces psychotechniques thérapeutiques.

Le cardinal Daniélou prévenait déjà en 1969 :

« Tout un courant de pensée tend à minimiser la résurrection du corps du Christ d’un côté, de la future résurrection de nos corps de l’autre, pour ne mettre l’accent que sur la résurrection comme actuellement réalisée par l’union de l’âme avec le Christ vivant. […] Il s’agit d’une « spiritualisation » au sens péjoratif du mot. Car la vraie « spiritualisation » est le fait que le corps et l’âme sont transfigurés par l’Esprit-Saint ».12

Ni révélation, ni grâce : « Le nouvel homme du Nouvel Âge n’a ainsi plus besoin de la foi : elle est remplacée par la gnose, l’illumination où l’on prend conscience d’être soi-même divin. L’homme du Nouvel Âge n’a plus besoin de la grâce. Il lui suffit de mettre en œuvre les puissances de sa conscience. Autonome, il n’a pas besoin de salut. Il lui est acquis à la fois par l’illumination intérieure et par la succession de renaissances qui lui assurent purification et conscientisation croissante. La spiritualité du Nouvel Âge est celle du salut de l’homme par l’homme. »13

Le salut de l’homme par l’homme singe la théologie de la grâce

Les courants du Nouvel Âge et de ses avatars pourraient-ils être des résurgences de la Trichotomie ?

L’autoguérison

L’autoguérison est une conséquence immédiate de l’anthropologie holistique, affirme Sœur Marie Ancilla, dans son livre Le Nouvel Âge à l’œuvre dans l’Église :

« Une petite enquête sur Gurdjieff a fini par me donner une certitude : il a mis en place la racine de tout ce qui afflue dans notre univers contemporain et le New Age s’est chargé de le véhiculer en l’habillant de concepts empruntés à l’Église catholique pour ne pas éveiller de défiance. »14

« Une anthropologie holistique remplace l’anthropologie dite dualiste des catholiques. La vision de l’Homme sous-jacente est une unité : corps-âme-esprit, physique-psychique-spirituelle. L’auto guérison est une conséquence immédiate de cette anthropologie holistique » 15

La distinction entre dualisme et dualité est occultée dans le ternaire, afin de dénigrer et même d’éliminer l’anthropologie binaire du catholicisme.

L’auto guérison est une nouveauté du Nouvel Âge, affirme le Conseil Pontifical de la Culture et le Conseil Pontifical pour le dialogue interreligieux : « Qu’y a-t-il de nouveau dans le Nouvel Âge ? Une approche mixte de la santé combinant la médecine officielle et l’auto guérison »16.

Le corps astral, les énergies

L’autre nouveauté est l’utilisation du corps astral (des énergies) et des thérapies occultes, sous-tendant l’auto guérison. Marguerite le dit : « les thérapies du New Age c’est la capacité que l’homme a de se guérir lui-même par l’énergie cachée qu’il tire de la nature »17 Le Conseil Pontifical le confirme : « Il existe une grande variété d’approches aux thérapies holistiques… le Nouvel Âge fait publicité d’un large éventail de pratiques, il est dit que c’est en nous-mêmes que se trouve la source de la guérison, et que nous pouvons l’atteindre en nous mettant en contact avec notre énergie intérieure ou énergie cosmique ». « Certaines étapes de ce parcours d’auto rédemption sont préparatoires (méditation, bien-être corporel, émanation d’énergies d’auto guérison). Elles représentent le point de départ de processus de spiritualisation, de perfectionnement et d’illumination qui contribue à la transformation du moi individuel en « conscience cosmique »18.

La dérive holistique du Nouvel Âge se cache-t-elle derrière la trichotomie ?

Le démontrer de manière scientifique ou rationnelle n’est pas possible, puisque ce qui est astral et/ou holistique est invisible, initiatique et reste caché. Les formations aux techniques holistiques sont initiatiques ou secrètes et donc sans rationalité. Par contre, nous pouvons faire une recherche basée sur l’observation d’un nombre représentatif de cas se référant à une pseudo anthropologie ternaire et observer s’ils relèvent ou non du Nouvel Âge.

Michel Lacroix évoque quatre principes dans son livre L’idéologie du New Age19.

« Le Nouvel Âge entend bien se présenter comme une synthèse religieuse qu’il fonde sur 4 principes :

1. Aucune hiérarchie n’existe entre les religions, aucune religion n’est supérieure aux autres.

2. Le fait religieux ne se réduit pas au seul monothéisme. Le monde méditerranéen qui a inventé le culte d’un dieu personnel et transcendant a beaucoup à apprendre du reste du monde. Le Nouvel Âge s’intéresse en particulier aux religions de l’immanence, d’où son intérêt pour l’Orient.

3. Le Nouvel Âge refuse d’enfermer la religion dans les seules limites de la foi, car il considère que l’initiation ésotérique est une clé d’accès au monde spirituel. Il fait place aux grands auteurs ésotéro-occultistes.

4. Le 4e principe sur lequel se fonde la synthèse du New Age est le rejet des Églises instituées ».

À propos de l’illumination : analyse et discernement

Ce travail sur soi conduit à faire l’expérience d’une lumière extraordinaire, vécue comme une expérience transformante, unifiante. Mais de quelle unité et de quelle lumière s’agit-il ? S’agit-il de la même lumière inaccessible aux profanes, mais seulement aux initiés des loges, toutes tendances confondues ? Quelle est la source de cette lumière et sa finalité ?

Cette question de la plus haute importance n’est pas facile à résoudre, car la lumière du Nouvel Âge singe celle qu’apporte la Rédemption du Christ. En effet, toutes les caractéristiques du Salut chrétien apparaissent également dans la gnose du Nouvel Âge, lorsqu’on analyse ce qu’ils ont en commun, à savoir :

L’illumination : dans tous les exemples étudiés, que ce soit chez Gurdjieff, Steiner, de Souzenelle, Fromaget, etc., nous avons constaté que leur enseignement s’enracine dans une première illumination.

La doctrine catholique appuyée sur la Bible, la Tradition apostolique, le magistère, affirme qu’Il existe de fausses lumières, le diable lui-même se transforme en ange de lumière, Saint Paul (2 Co 11, 14).

L’illumination est un terme ancien pour désigner la grâce sanctifiante ou l’illumination du baptême. La grande différence réside dans le fait que les illuminations du Nouvel Âge traduisent une expérience individuelle qui veut prendre une dimension universelle sans se fonder sur aucune révélation divine ou expérience de la foi. L’expérience de l’unité, qui comble un désir de former une communauté, singe l’Église, Corps du Christ et communion des saints et des fidèles entre eux.

Le travail sur soi, se présentant comme le moyen de la véritable libération et de la connaissance et de l’épanouissement personnels, vient séduire notre intelligence et satisfaire un désir de liberté. Cependant l’offrande de la souffrance comme chemin de croissance spirituelle, n’est jamais évoquée ou alors, elle y est moquée. Ce travail contrefait celui de la grâce du Christ, en nous dispensant d’exercer les vertus, et de porter sa croix.

Dans cette vision ternaire, l’âme, n’est autre que le psychisme, elle est réduite à l’entité qu’étudie la psychologie. La définition de l’esprit correspond à celle de la vision holistique du Nouvel Âge, puisque le sujet qui fait l’expérience de l’esprit a le sentiment que celle-ci l’ouvre sur la totalité de son être et le transforme en direction même de cette totalité.

L’anthropologie ternaire du Verseau propose donc une troisième voie, celle de l’illumination de l’esprit, et vient alors singer la grâce du Christ en offrant un chemin de développement personnel sans salut. Le Salut chrétien en effet offre à tout homme de dire oui ou non au don qui lui est fait dans la Personne du Christ, seul chemin et source de Vie divine : Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie.

L’homme, nous rappelle le Catéchisme de l’Église Catholique, a été créé « Dans une amitié avec son Créateur […] Tant qu’il demeurait dans l’intimité divine, l’homme ne devait ni mourir ni souffrir. L’harmonie intérieure de la personne humaine, l’harmonie entre l’homme et la femme, entre le premier couple et toute la création constituait l’état appelé  » justice originelle « . »20 Mais le péché nous a fait perdre cette harmonie, cette unité avec Dieu. Nous avons vocation à vivre dans l’unité avec Dieu, à être « vivant de la vie de Dieu ».

La vision holistique du New Age répond à ce besoin d’unité et d’harmonie, mais par un processus de spiritualisation (sans Dieu), de perfectionnement et d’illumination, de « transformation » du moi individuel en « conscience cosmique ».

Cette vision transforme profondément le mystère du salut selon la foi chrétienne, puisqu’elle nie la résurrection des corps, ainsi que le pouvoir de la grâce.

Le cardinal Jean Daniélou le rappelait : « La résurrection signifie la vivification par la force toute-puissante et toute sanctifiante de Dieu, aussi bien de l’âme que du corps. Le mot vie y est entendu vivant de la vie de Dieu. Il n’y a pas en ce sens d’hommes plus morts que certains de ceux que nous rencontrons chaque jour et qui sont spirituellement des morts. « Ne craignez pas, dit Jésus, ceux qui tuent le corps, mais ne peuvent tuer l’âme ; craignez plutôt celui qui peut perdre l’âme et le corps dans la géhenne » (Mt 10, 28). Comment peut-on tuer l’âme si elle est immortelle ? Mais la mort de l’âme n’est pas l’anéantissement, mais la privation de la vie en Dieu. […]

L’esprit n’est pas l’âme, et la chair n’est pas le corps. Mais l’esprit, c’est l’homme dans son âme et dans son corps, quand il est vivifié par l’Esprit Saint. Et la chair, c’est l’homme dans son âme et dans son corps, quand il est spirituellement un mort, c’est-à-dire quand il est privé de la vie en Dieu. Et c’est pourquoi la vie spirituelle est la vie qui est suscitée en nous par l’Esprit Saint, qui est une création de la grâce de Dieu.

Saint Paul a décrit en termes admirables cette opposition en nous, non de l’âme et du corps, mais de l’Esprit et de la chair (Rm 8, 5-11). C’est l’Église qui est le milieu où les énergies divines vivifiantes opèrent la divinisation. Elle est le nouveau cosmos, dont le Christ est le soleil vivificateur et illuminateur. »21

L’illumination du Nouvel Âge n’a rien à voir avec la Lumière du Ressuscité

Le diable singe Dieu. Dieu restaure la vie divine par 7 sacrements. Satan étend son emprise mortelle sur le corps pour perdre l’âme par les 7 étapes initiatiques de la magie. Le Père a envoyé son Fils pour faire l’unité entre les hommes. Le diable propose de faire l’unité par un processus de spiritualisation basé sur la magie. Jésus s’est incarné pour nous relier au Père, nous sauver et nous guérir du péché. La connaissance du ternaire propose à l’homme de se relier par lui-même sans passer par le Christ pour guérir.

Dans Sagesse 2, 24, il est dit : « C’est par l’envie du diable que la mort est entrée dans le monde : ils en font l’expérience, ceux qui lui appartiennent. »

Il n’en demeure pas moins que nombre de théologiens chrétiens se réclament de Saint Paul pour valider la conception ternaire de leur anthropologie, atténuant ainsi notre vigilance à l’égard de certaines pratiques holistiques dans le domaine de la santé, ou gnostiques dans le domaine de la foi et de la spiritualité authentiquement catholiques.

L’illumination du Nouvel Âge n’a rien à voir avec la Lumière du Ressuscité que le Saint-Esprit nous aide à recevoir.

Revenons à la doctrine catholique :

« Esprit signifie que l’homme est ordonné dès sa création à sa fin surnaturelle, et que son âme est capable d’être surélevée gratuitement à la communion avec Dieu »22.

Extrait de : « DES DÉRIVES D’UNE ANTHROPOLOGIE TERNAIRE : CORPS — ÂME – ESPRIT » par Dominique Roche-Arnaud (non publié).


1https://sosdiscernement.org/lhomme-corps-revelation-biblique/Bertran Chaudet L’homme et son corps dans la révélation biblique

2Catéchisme de l’Église catholique n° 368 s’appuyant sur D t6,5 ; 29, 3 ; Is 29, 26 ; Ez 36,26 ; Mt 6,21 ; Lc 8,15 ; Rm 5,5. Voir aussi la Petite Étude Biblique n° 63, Âme, coeur, corps, l’homme biblique.

3Conseil pontifical pour la culture- Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, Jésus Le Porteur d’Eau Vive, Une réflexion chrétienne sur le   Nouvel Âg  », Cerf 2003 aux   2.3.4.2 et p. 35.

4Ib. p. 33.

5Conseil pontifical pour la culture- Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, Jésus Le Porteur d’Eau Vive, Une réflexion chrétienne sur le   Nouvel Âge  », Cerf 2003 (p 35).

6Ib. p. 45.

7 Anthropos : Contribution du Bwiti mitsogho à l’Anthropologie de l’imaginaire : A propos d’un cas de diagnostic divinatoire au Gabon par Michel Fromaget : https://www.jstor.org/stable/40462027?seq=1#page_scan_tab_contents

8https://livre.fnac.com/a10857092/Michel-Fromaget-Corps-Ame-Esprit-Introduction-a-l-anthropologie-ternaire

9http://www.wccm.fr/wp-content/uploads/2016/03/fromaget_anthropologie.pdf

10 Conseil pontifical pour la culture- Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, Jésus Le Porteur d’Eau Vive, Une réflexion chrétienne sur le « Nouvel Âge« , Cerf 2003   2.3.4.2 p. 35.

11https://www.lesroses.be/stages-pour-adultes/developpement-personnel/introduction-%C3%A0-l-anthropologie-spirituelle/

12Cardinal Jean Daniélou, La résurrection, Ed. du Seuil, Paris, 1969 ; § La résurrection actuelle, p. 71.

13Jean Vernette, Le Nouvel Âge à l’aube de l’ère du Verseau, Téqui, 1990, p. 203.

14Sœur Marie Ancilla, Le Nouvel Âge à l’œuvre dans l’Église, Ed. L’Harmattan, 2018, p. 10.

15Ib., p. 16.

16Conseil pontifical pour la culture-Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, Jésus Le Porteur d’Eau Vive, Une réflexion chrétienne sur le « Nouvel Âge », Cerf, 2003, au § 2.1.

17Témoignage de Marguerite sur la kinésiologie : https://sosdiscernement.org/temoignage-de-marguerite/

18Jésus Le Porteur d’Eau Vive, Une réflexion chrétienne sur le « Nouvel Âge », Ed. Téqui, Paris, 2003, p. 24 et p. 35.

19Michel Lacroix, L’idéologie du New Age, Flammarion, 1996, pp. 54 à 57.

20Catéchisme de l’Église Catholique, n° 571 à 576.

21Cardinal Jean Daniélou, La résurrection, Ed. du Seuil, Paris, 1969, § La résurrection actuelle, p. 7.

22Catéchisme de l’Église Catholique, 365.

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