Les raisons de faire dire une messe

POUR UN DÉFUNT, POUR UN VIVANT, LES RAISONS SONT DIVERSES, LES INTENTIONS VARIÉES. SI LA PRATIQUE EST ANCIENNE, ELLE ÉVOLUE AUJOURD’HUI.

Il se nomme Pierre, il a 37 ans, il est catholique et vit dans la banlieue parisienne. Faire dire une messe, il en avait déjà entendu parler. Mais dans sa famille, il n’en avait jamais été vraiment question. «Cela m’apparaissait un truc un peu vieillot et un brin superstitieux », sourit-il. Il y a quatre ans, sa fille cadette, Claire, alors nouveau-née, présentait des signes inquiétants de retard mental aux yeux de son pédiatre : des examens approfondis du cerveau furent demandés. Le jour de la consultation, Pierre est bloqué en Égypte pour son travail. « Ma femme y est allée seule. C’était terrible d’être si loin. Je me suis souvenu que l’on pouvait faire dire des messes pour des proches. J’ai demandé à un ami prêtre de le faire pour Claire. Ce jour-là, je l’ai particulièrement remise entre les mains de Dieu. » L’appréhension du pédiatre s’est révélée infondée. Pierre ne sait pas s’il y a un lien avec la messe célébrée pour sa fille mais il s’en souvient comme d’un moment de « grâce » et de « communion spirituelle » avec sa fille, son épouse et Dieu.

« Chaque messe offerte est une manière d’appliquer la rédemption du Christ à notre situation particulière, explique le P. Ludovic Serre, curé de Chaville. Concrètement, le fidèle demande au prêtre, et à travers lui, à l’Église tout entière, de prier pour une intention au moment où il célèbre l’eucharistie », ajoute le carme Christophe-Marie Baudouin, prieur du couvent de Lille.

Messe pour les défunts, pour les vivants, pour une action de grâce… les raisons en sont variées. « La plus courante est de prier pour les défunts, observe cependant le P. Serre, afinqu’ils accèdent à la plénitude de la lumière de Dieu par l’action du Christ actualisée dans l’eucharistie. » Il précise : « Il ne faut pas oublier que, une fois mort, je ne peux plus rien faire pour mon âme. Il n’y a que les vivants qui pourront m’aider, par leur prière, à rencontrer Dieu.»

Ces messes sont le plus souvent demandées par les familles des défunts. Elles peuvent faire dire une, dix, trente messes… l’usage est souple et varié. « La famille désire le salut du disparu qu’elle espère retrouver au royaume des cieux. Et c’est aussi un lien qui la rattache à cette personne», souligne le P. Serre.

Ne pas rompre ce lien, manifester la présence de l’absent parmi les vivants. C’est l’histoire d’Olivier, 52 ans. Sa mère est morte brutalement au mois de décembre à Toulon. Issue d’une famille athée, la défunte est incinérée et ses cendres sont dispersées au bord de la mer : « Et puis c’est tout, dit-il. J’ai ressenti un immense vide. Un de mes amis, qui connaissait ma mère, m’a proposé de faire dire une messe pour elle, un dimanche. J’ai accepté aussitôt.» Pourquoi ? « J’avais besoin que l’on prie pour elle, de vérifier que tout ne se finissait pas avec sa mort et son incinération. »

Le jour dit, Olivier est venu à la messe avec ses deux filles, sa sœur, ses neveux et nièces. « Nous ne mettons jamais les pieds à l’église mais ce jour-là, ce n’était pas pareil, explique-t-il. Lorsque le prêtre a nommé ma mère, j’ai été profondément ému. J’ai eu l’impression qu’elle n’était pas seule, là où elle était. Et qu’elle n’avait pas complètement disparu de notre monde. »

Cette relation spirituelle avec le défunt dépasse très largement les frontières culturelles. En Afrique, par exemple. « Chez nous au Burundi, observe le P. Arsène Dutunge, prêtre du diocèse de Bujumbura, les morts ne sont pas morts.Ils sont toujours vivants en une autre dimension. En disant une messe pour eux, nous manifestons notre communion avec eux comme s’ils étaient présents en nous. »

Et à Bujumbura comme à Chaville, la perspective de cette démarche qui se porte au-delà de la mort est centrale pour les fidèles. « Il s’agit de secourir une âme, de l’aider à quitter le purgatoire, complète le P. Arsène. Dans ce chemin, l’âme du mort a besoin de la prière des vivants. C’est pourquoi, dire une messe pour les défunts est un usage très répandu chez nous. »

Le Catéchisme de l’Église catholique ne dit pas autre chose : « Dès les premiers temps, l’Église a honoré la mémoire des défunts et offert des suffrages en leur faveur, en particulier le sacrifice eucharistique (cf. DS 856 ), afin que, purifiés, ils puissent parvenir à la vision béatifique de Dieu. L’Église recommande aussi les aumônes, les indulgences et les œuvres de pénitence en faveur des défunts. »

Si la pratique est ancienne, elle évolue toutefois aujourd’hui. Les prêtres observent d’abord la part plus grande prise par les intentions pour les « vivants », notamment chez les plus jeunes. Autour d’un enfant malade, d’un parent au chômage, d’une situation « désespérée », de plus en plus de chaînes de prière se mettent en place. Parmi les nouveautés, note le P. Arsène, il y a cette action de grâce « pour avoir obtenu un visa ».

Autre variation sensible : dire le nom de la personne pour qui la messe est célébrée. « Avant, nous portions les intentions dans notre cœur. Aujourd’hui, on nous demande de nommer les personnes sans quoi, il y a quelque chose d’incomplet pour les fidèles », remarque le P. Serre. Ce qui n’est pas sans risque : « On peut écorcher les noms », constate le P. Baudouin. Dans certaines églises, on s’y refuse aux messes dominicales.

Depuis le VIIIe siècle, faire dire une messe a aussi un coût. Dans le langage de l’Église, on préfère le terme d’offrande ou d’intention de messe : 17 € en France, 50 centimes d’euro au Burundi. Cet usage est lié à la participation du fidèle à la vie matérielle du prêtre et de l’Église (lire ci-contre). Mais pas seulement. Ils s’inscrivent aussi dans l’histoire de la pénitence tarifée née au Moyen Âge. Une pénitence pouvait être rachetée par un certain nombre de messes : par exemple, trente messes pouvaient racheter un an de jeûne.

« Dans le passé, il y a eu des abus, souligne le P. Christophe-Marie Baudouin. Au Moyen Âge, par exemple, on a vu des communautés multiplier les ordinations de prêtres afin de pouvoir augmenter leurs revenus liés aux messes tarifées”. C’est pourquoi, cette pratique a décliné dans les années 1960-1980. Les 17 € sont indicatifs. La messe n’a pas de prix,elle est gratuite !

En pratique

La définition. L’Église permet aux fidèles de s’unir plus intimement au sacrifice de la messe par une intention personnelle confiée au célébrant. Cette possibilité d’associer une intention privée à l’intention générale est très ancienne.

Le moyen. Le plus simple est de contacter sa paroisse. Mais on peut aussi s’adresser à un sanctuaire, une communauté religieuse. Cela peut aussi se faire par Internet.

L’intention. Si l’on prie le plus souvent pour un défunt, on peut aussi prier pour une multitude d’intentions : pour de jeunes mariés, un malade, un parent, un ami, pour soi-même, pour la vie du monde ou de l’Église, en action de grâces pour des noces d’or ou d’argent, pour un jubilé sacerdotal, une guérison, une paix retrouvée… Il faut formuler l’intention le plus simplement possible et si l’on souhaite rester discret, on peut demander « pour une intention particulière ».

La date. On peut préciser la date à laquelle on veut que la messe soit célébrée. Mais il vaut mieux vérifier – avec le célébrant ou ceux qui sont chargés de ce service – que la date n’est pas déjà prise par beaucoup. Dans les lieux où cette pratique est très demandée, il est courant de ne pas pouvoir choisir la date retenue. En revanche, il est d’usage que l’on vous prévienne du jour et de l’heure retenus par le célébrant.

L’offrande. Pour une messe, l’offrande s’élève actuellement à 17 €. Pour une neuvaine (célébration de neuf messes consé- cutives en neuf jours), il est proposé une offrande de 170 €. Pour un trentain dit grégorien (célébration de 30 messes consécutives, 30 jours), l’offrande est de 595 €.

Ces messes qui n’ont pas de prix

SI L’ÉGLISE PROPOSE CHAQUE ANNÉE UNE GRILLE INDICATIVE DE MONTANTS POUR LES OFFRANDES DES MESSES DITES POUR DES INTENTIONS PARTICULIÈRES, LES FIDÈLES RESTENT TOUJOURS LIBRES DE DONNER CE QU’ILS SOUHAITENT.

Combien coûtera la messe ? Quels sont vos honoraires, Père ? » Qu’elles soient posées aux prêtres d’une voix assurée ou avec un brin de gêne, ces questions taraudent régulièrement nombre de paroissiens souhaitant faire dire une messe pour un proche ou un événement particulier. Comment, dès lors, fixer le coût d’une telle célébration ?

Chaque année depuis près de quarante ans, la Conférence des évêques de France (CEF) propose une grille indicative de prix pour aiguiller les fidèles s’interrogeant à ce sujet (voir repères). « Pour l’année 2017, les montants votés en novembre par l’assemblée des évêques restent inchangés par rapport à l’an dernier », explique Corinne Boilley, secrétaire générale adjointe de la CEF depuis 2012, chargée des questions économiques, juridiques et sociales. « Il n’y a en revanche  ‡ particulières pour les offrandes des enterrements, des baptêmes ou encore des mariages », poursuit-elle, tout en précisant que les diocèses suivent, dans leur grande majorité, les premières recommandations.

Il revient en effet à chaque diocèse de choisir ensuite de s’écarter ou non de ces propositions indicatives, en relayant d’autres sommes sur leurs sites ou dans leurs paroisses. Généralement, la variante n’excède pas, dans un sens comme dans l’autre, quelques euros. « À Strasbourg, les montants proposés sont traditionnellement inférieurs à ceux votés par la CEF : cette spécificité est liée au statut particulier des prêtres dans la région, toujours régie par le concordat », explique le chanoine Bernard Xibaut, chancelier et secrétaire général du diocèse. « Par exemple, nous proposons la neuvaine à 160 € », cite-t-il, tout en concluant d’une voix amusée : « Mais nous rappelons toujours qu’il s’agit là de montants indicatifs, et que le SDF pourrait donner 50 centimes là où un milliardaire pourrait donner 100 euros ! »

À la Plaine-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), le P. Jean-Marc Danty-Lafrance, curé de l’église Sainte-Geneviève, est à la tête d’une assemblée paroissiale très modeste. « Les montants votés par la CEF sont affichés dans l’église, mais nous répétons aux fidèles que la participation reste libre », témoigne-t-il, tout en ajoutant « ne pas faire payer la moitié des messes (qu’il dit) pour des intentions particulières ».

Tous rappellent que les sommes données ne permettent pas d’acheter la bienveillance de Dieu, et que les sacrements n’ont pas de valeurs marchandes. « La messe n’a en soi pas de prix : ou si elle en a un, c’est bien celui que le Seigneur a payé par le don de sa vie », explique ainsi le P. Paul Préaux, modérateur général de la communauté Saint-Martin. « L’offrande en argent qui accompagne la demande de messe ne correspond pas au paiement de la célébration, mais elle permet au paroissien de participer plus étroitement au sacrifice eucharistique en pourvoyant à la subsistance du prêtre qui officie », poursuit-il.

Les sommes récoltées sont en effet entièrement reversées aux célébrants. Et leur apport est loin d’être négligeable dans la vie de l’Église. D’après les derniers chiffres de la CEF, elles auraient rapporté, en 2015, plus de 52 millions d’euros aux paroisses.

MALO TRESCA

Dans le journal La Croix du 18 février 2017.

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