Sur le site du journal La Croix le 2 novembre 2022 : Dérives sectaires : le gouvernement va organiser des assises (Pascal Charrier).
Les faits. Les signalements de dérives sectaires ont augmenté de 33,6 % en 2021, selon le rapport annuel de la Miviludes, qui doit être publié jeudi 3 novembre. Des assises des dérives sectaires et du complotisme devraient se tenir au premier trimestre 2023, a annoncé le gouvernement, et la création d’un numéro Vert est à l’étude.
En 2021, les signalements de dérives sectaires ont augmenté de 33, 6 % par rapport à l’année précédente, selon le rapport annuel de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), qui doit être publié jeudi 3 novembre. L’augmentation est de près de 50 % par rapport à 2015.
Au total, 4 020 signalements ont été enregistrés en 2021 et 20 ont été transmis à la justice. « Ce n’est sans doute que la partie émergée de l’iceberg », commente Sonia Backès, secrétaire d’État chargée de la citoyenneté, dont dépend l’organisme rattaché au ministère de l’intérieur.À lire aussiSectes : la lutte s’organise contre les nouvelles dérives, amplifiées par la crise sanitaire
L’augmentation statistique se double d’une évolution de forme. Au-delà de la permanence des habituelles « multinationales de la spiritualité », à l’image de la scientologie et des Témoins de Jéhovah, la Miviludes souligne la multiplication de « petites structures » présentes dans le domaine de la santé, du bien-être et de l’alimentation. Le rapport décrit un phénomène « à l’état gazeux », avec des groupes qui apparaissent et disparaissent. Enfin, « la mouvance chrétienne au sens large » représente 293 saisines, dont 106 sur le catholicisme et 168 sur le protestantisme.
Le champ de la santé représente 20 % des signalements
Le champ de la santé représente à lui seul 20 % des cas, soit 744 dossiers, dont 520 relèvent des thérapies non conventionnelles. C’est un sujet d’inquiétude, en raison du « danger majeur » que cela représente en termes de santé publique. « Quand vous avez un cancer et que l’on vous dit qu’il faut arrêter la chimiothérapie et qu’on vous vend des jus de légumes à la place, cela peut avoir des conséquences très graves », rappelle Sonia Backès.À lire aussi163 cas traités par la cellule des dérives sectaires dans l’Église
Le rapport évoque notamment Thierry Casasnovas, qualifié de « dérapeute », contraction de dérapage et de thérapeute. Cet homme, qui se présente comme étant « naturopathe, adepte du jeûne et du régime alimentaire cru », a fait l’objet de 54 saisines auprès de la Miviludes. Pour cette dernière, il exercerait une « emprise mentale » qui est de « nature à favoriser une dérive sectaire ».
La multiplication des « gourous 2.0 »
Les rapporteurs font également état de la multiplication des « gourous 2.0 » sur les réseaux sociaux, qui touchent en particulier les plus jeunes. Leurs activités sont à mettre en perspective avec le développement de thèses complotistes, qui entretiennent un « lien clair » avec les phénomènes sectaires et en sont une « porte d’entrée ». « Cela crée un terreau favorable », résume Sonia Backès, qui s’alarme de « la vulnérabilité des Français » face à ces thèses, notamment parmi la jeunesse : « Il y a tout un travail à faire en amont sur la formation à l’esprit critique. »À lire aussiÉcole : la méditation de pleine conscience soupçonnée de dérive sectaire
La secrétaire d’État prévoit de tenir au premier trimestre 2023 les premières assises des dérives sectaires et du complotisme, qui réuniront associations de victimes, services de l’État concernés et experts. « L’idée n’est pas juste de parler, mais qu’il en sorte un plan d’action pour faire évoluer nos réponses, assure-t-elle. On veut voir quels sont les outils qui nous manquent. » La création d’un numéro Vert pour recueillir les signalements est envisagée et des évolutions législatives ne sont pas exclues.