Les Témoins de Jéhovah

Pour réaliser le contenu de cet exposé, je me suis beaucoup appuyé sur les travaux de M. Philippe Barbey, chercheur en sociologie des religions, docteur en sciences sociales de Paris 5 Descartes-Sorbonne, diplômé de sciences religieuses de l’École Pratique des Hautes Études — EPHE. Sa thèse, Les Témoins de Jéhovah — Une analyse sociologique, a été publiée à l’Atelier National de Reproduction des Thèses — ANRT, Villeneuve d’Ascq, 2011. Sous-titre : Max Weber et les charismes spécifiques. La mondialisation d’un christianisme de conversion : un charisme d’évangélisation ?
Son site : https://barbey.jimdo.com

https://barbey.jimdofree.com/croyances/un-christianisme-non-trinitaire/

A. Qui sont-ils ?

1. Un peu d’histoire

C’est Charles Taze Russell (1852-1916) qui, à partir de 1870 en Pennsylvanie, un état des États-Unis, fonde ce mouvement religieux chrétien. D’origine écosso-irlandaise, il est presbytérien-congrégationaliste. Il coopère un temps avec un journal adventiste puis, en juillet 1879, il lance la publication de La Tour de Garde, journal religieux toujours publié par les Témoins de Jéhovah. Il déclare officiellement son association religieuse du même nom, La Tour de Garde, en 1884. Sa Société Biblique est toujours aujourd’hui dirigée par les Témoins de Jéhovah.

Charles Taze Russell
Charles Taze Russell (1852-1916)

Son message qui s’inscrit dans le christianisme premier est simple : Jéhovah (c’est le nom de Dieu dans la Bible) enverra bientôt son fils Jésus-Christ détruire les impies et rétablir le paradis sur la Terre. Il pointe, plus de trente ans auparavant, la date de 1914 comme l’année durant laquelle Jésus-Christ commencerait son règne et provoquerait la fin des temps. Les Témoins de Jéhovah croient toujours que le Royaume millénaire du Christ est proche.

fin du monde programmé
Fin du monde programmé selon les tj

À sa mort en 1916, malgré des dissensions à l’intérieur du mouvement, Joseph Franklin Rutherford (1869-1942) est élu président de la Société biblique La Tour de Garde. En 1931, par un vote des membres des assemblées locales, le mouvement prend le nom de Témoins de Jéhovah. Il s’agissait pour eux de se singulariser clairement des autres mouvements chrétiens. Ils ne voulaient plus être appelés Russellistes ou Rutherfordistes ou encore Etudiants de la Bible, des termes trop vagues pour eux.

Nathan Homer Knorr (1905-1977) succède à Joseph Rutherford après sa mort en 1942 à la tête de la Société La Tour de Garde. Il lance le mouvement dans un grand élan missionnaire. Le nombre de fidèles augmente sensiblement durant cette période. Le dernier président historique du mouvement des Témoins de Jéhovah est Frederick Franz, un universitaire qui a traduit la Bible avec un comité de traducteurs.

La crise de 1975 et ses conséquences : aux alentours de 1966, l’organisation qui a toujours enseigné l’imminence de Harmaguédon se risque à nouveau à recalculer une date : celle de 1975. Bien que cette échéance soit avancée avec plus de prudence, la ferveur des fidèles redouble, amenant un prosélytisme accru. Ainsi, le nombre de baptêmes, qui stagne entre 1960 et 1966 autour d’une moyenne de 65 153 par an, ne cesse de croître ensuite, passant de 58 904 en 1966 à 295 073 en 1975. Après 1975, il faut bien constater qu’Harmaguédon n’est pas arrivé comme prévu. L’échec de cette prédiction amène une nouvelle crise, qui est amplifiée d’une part par une tentative du Collège central de régenter la vie sexuelle des couples mariés, d’autre part par l’interdiction de consommer du tabac. Sur un total de plus de 2 millions de Témoins de Jéhovah, 551 000 quittent le mouvement entre 1975 et 1979. Cette crise touche également les instances dirigeantes : une réforme interne donne en 1976 l’essentiel des pouvoirs au Collège central, le président n’ayant plus qu’un rôle administratif sur la société Watchtower, elle-même ramenée à son rôle d’entité commerciale.

Quand Knorr meurt en 1977, Frederick Franz lui succède avec un pouvoir limité. C’est dans ce contexte que Raymond Franz, neveu du président et lui-même membre du Collège central, se trouve en désaccord avec une partie de l’enseignement et des pratiques de ses coreligionnaires, et démissionne avant d’être exclu en 1981. Raymond Franz écrit par la suite deux livres décrivant les rouages internes du Collège central et ses dérives : Crise de Conscience et À la recherche de la liberté chrétienne.

> Pour plus de détails historiques, on peut se reporter à l’article TJ dans Wikipédia.

2. Un mouvement orienté vers le pôle protestant évangélique

Même s’ils refusent cette assimilation, les Témoins de Jéhovah peuvent être identifiés à des protestants au sens historico-sociologique du terme.
Leurs croyances font systématiquement référence à la Bible en matière de foi et de vie chrétienne (Sola scriptura), refus de la papauté, du culte de Marie et des saints, de la croix latine — symbole de l’Église catholique —, des dogmes de l’Immaculée Conception, de l’Assomption mais aussi de la Trinité, sans fondement biblique, affirmation du don (charisma) gratuit du salut (Sola gratia), avec l’amendement apporté par Saint Jacques sur les œuvres indispensables à la foi.

Leur position sur la création ? Les Témoins de Jéhovah prennent la plupart des versets de la Bible au sens littéral ; mais peut-on les taxer de fondamentalisme ? Par exemple, ils ne croient pas que le monde a été créé en six jours de 24 h., mais plutôt sur une longue période de temps indéterminée ; ils croient néanmoins à la création par Dieu des premiers hommes, rejetant ainsi la théorie de l’Évolution.

Leur position sur Jésus-Christ ? Il est pour eux, comme pour tous les autres chrétiens, le Fils de Dieu. Mais il n’est pas Dieu. Dieu le Père est Jéhovah, nom sous lequel il est désigné dans l’Ancien Testament (Yahvé, Yahweh ou Jéhovah en français classique). Jéhovah Dieu a transféré la vie de son Fils, appelé dans les cieux Emmanuel ou l’archange Mickaël ou Michel, dans le sein de la vierge juive Marie pour qu’il naisse comme l’homme Jésus-Christ. En donnant sa vie pour l’humanité le 14 de Nisan de l’an 33 de notre ère, il en est devenu le Rédempteur.

Leur position sur la résurrection ? Grâce à cette rançon, les hommes qui sont morts seront ressuscités (recréés). L’Homme n’a pas d’âme, il est une âme. À sa mort, il disparaît complètement. Seul son souvenir reste dans la mémoire de Dieu qui pourra ainsi le recréer sur la terre après la guerre finale et l’instauration du Paradis. Comme la Bible le stipule clairement à la fois dans l’Ancien et dans le Nouveau Testament, l’âme, le sang et la vie étant liés et appartenant exclusivement à Dieu, les Témoins de Jéhovah refusent la transfusion sanguine et la consommation de viandes non saignées. Les Témoins de Jéhovah attendent toujours la fin de ce monde éloigné de Dieu.

Leurs pratiques reposent sur :
la piété personnelle, l’étude individuelle de la Bible, l’observance de pratiques collectives, la participation régulière au culte hebdomadaire, la place centrale de la prédication, en chaire et dans le cadre d’une activité d’évangélisation domiciliaire systématique dévolue à chaque Témoin (sacerdoce universel des croyants), le refus d’une conception sacrale du clergé, le baptême d’adultes par immersion (baptisme), l’inutilité de la confirmation, la Sainte Cène.

La Sainte Cène est pratiquée une fois l’an à la date correspondant au 14 nisan du calendrier juif (fête mobile) comme mémorial de la Passion du Christ selon la tradition Zwinglienne, le refus de la doctrine de la transsubstantiation.
Durant cette cérémonie, le pain et le vin symbolisant le corps et le sang du Christ circulent parmi les assistants. Seuls ceux qui estiment, en toute conscience, faire partie des 144 000 élus dont parlent le livre de la Révélation ou Apocalypse, considérés comme les derniers des 144 000 qui iront siéger aux côtés de Dieu après leur mort, consomment le pain et le vin ce jour-là. En 2013, ils étaient 13 204.

La prière ? Les services religieux sont peu émotionnels. Ils consistent en réunions d’étude pendant lesquelles les fidèles écoutent des discours, lisent la Bible, commentent les publications bibliques du mouvement, principalement La Tour de Garde, ou s’entraînent à la prédication.
Les Témoins de Jéhovah ne prient pas Jésus, jamais. Ils ne vouent aucune forme d’adoration au Fils de Dieu et le considèrent comme un ange. Ils prient seulement Jéhovah. Et pour eux le Saint Esprit n’est que la « force agissante » de Dieu. Plusieurs témoignages attestent que proposer à des TJ de prier avec eux le Notre Père, la prière de Jésus, les provoque à partir.

Dans la vie quotidienne, les Témoins de Jéhovah refusent, par pacifisme, d’accomplir un service militaire mais acceptent, par civisme, d’effectuer un service civil. Ils considèrent le salut au drapeau comme une marque d’idolâtrie. Ils ne fument pas pour éviter de souiller leur corps mais boivent de l’alcool avec modération.

Leurs pasteurs (anciens) sont des laïcs bénévoles qui exercent pour vivre une activité salariée, sont souvent mariés et pères de famille, bénéficient d’une formation interne longue et continue, assurent les cultes mais aussi les différents actes cultuels (baptêmes, mariages, enterrements), animent différentes activités (études bibliques en groupe, visites des malades et des isolés), représentent leur congrégation locale à l’extérieur, agissent sans hiérarchie au sein d’un conseil presbytéral (collège des anciens) pour la direction de la congrégation locale, assument pour certains d’entre eux des ministères spécialisés – construction de lieux de culte/salles du Royaume, soutien particulier aux malades hospitalisés, activités dans le domaine des médias ; d’autres encore, peu nombreux, assument leur ministère à plein temps dans le cadre de l’organisation du culte au niveau régional.

Leur position sur l’oecuménisme ? La comparaison entre les croyances et les pratiques du protestantisme et celles des Témoins de Jéhovah démontre une appartenance orientée vers le monde protestant, bien qu’ils ne se disent pas protestants au sens institutionnel du terme. Le désir des Témoins de Jéhovah de restituer le message du Christ, de revenir aux usages et aux croyances de la toute première Église, leur inscription dans la rupture avec toutes les autres Églises, leur radicalité théologique, tout cela amène les Témoins de Jéhovah à rejeter l’œcuménisme ou toute affiliation à des regroupements institués d’Églises se réclamant du christianisme et du protestantisme.

> Pour eux, leur mouvement est le seul que Dieu peut agréer du fait de ses positions neutres quant à la politique ou aux guerres. Le christianisme ne peut cautionner aucune violence. Les religions chrétiennes ayant demandé à leurs aumôniers de bénir les conflits armés, elles se sont disqualifiées définitivement aux yeux de Dieu.

3. Un mouvement chrétien millénariste

Les Témoins de Jéhovah sont un mouvement chrétien eschatologique, millénariste, utopique, volontaire, élitiste, protestataire, radical et militant.

Eschatologique. Les Témoins de Jéhovah attendent fébrilement la fin (eschatologie) du monde dans sa forme actuelle à l’issue de la bataille d’Harmaguédon. Les tremblements de terre, les épidémies, les famines mondiales annoncés par le Christ dans les évangiles en seraient la preuve irréfutable.

Millénariste. Ils attendent le rétablissement du Royaume de Dieu, un règne qui, selon l’Apocalypse, durera mille ans (millénarisme). À la fin de cette période, les hommes auront la possibilité de renier Dieu. Ceux qui le feront mourront définitivement. Les autres resteront pour toujours dans le paradis restauré.
Utopique. Le caractère utopique est le corollaire du millénarisme. Les Témoins conçoivent le paradis restauré comme une théocratie où la mort, la maladie, l’exploitation de l’homme par l’homme seront abolies. Pour l’instant, leur organisation constitue dans l’esprit des fidèles un paradis spirituel, une sorte de déjà-là du Royaume.

Volontaire. Ils forment un groupe volontaire au sens où le candidat reçoit le baptême après en avoir fait personnellement la demande. L’eau baptismale peut lui être refusée s’il ne se conduit pas conformément aux principes du christianisme tels qu’ils sont compris par les Témoins de Jéhovah.

Élitiste. Cette confession chrétienne peut être qualifiée d’élitiste dans la mesure où elle prétend être la seule organisation de salut acceptée par Dieu. D’un côté, les profanes qu’il faut respecter, mais ne pas fréquenter parce qu’ils appartiennent sans le savoir à un monde qui repose entre les mains du Diable, de l’autre les fidèles. Seuls les convertis seront sauvés.

Protestataire. Il s’agit aussi d’un groupe protestataire. En effet, les Témoins de Jéhovah condamnent sans ambages les sociétés actuelles violentes et refusent la transfusion de sang total, une pratique médicale communément admise bien que de plus en plus encadrée et surveillée.

Radical. Le mouvement est radical au sens où il rejette par principe tout compromis avec les systèmes politiques sur les questions du militarisme et du patriotisme. Ses membres se considèrent comme neutres, c’est-à-dire qu’ils ne prennent pas position. Par essence chrétienne, ils sont totalement non-violents et ainsi ne constituent jamais une quelconque menace ni pour les biens, ni pour les personnes, ni pour l’ordre public. Même s’ils sont persécutés ou menacés, ils refusent toujours la violence. S’ils sont interdits, ils poursuivent leurs activités religieuses dans la clandestinité.

Militant. Le militantisme est un de leur trait fondamental, peut-être leur label. Leur prédication opiniâtre et mondiale de la venue proche du Royaume de Dieu est désormais légendaire.

4.Les Témoins de Jéhovah dans le monde : effectifs et expansion géographique

Dans un contexte de recomposition religieuse généralisée ou plutôt, devrait-on dire, de décomposition religieuse chrétienne, dans les pays développés, le christianisme jéhovéen, en plus d’un siècle, s’est fait une place. Les Témoins de Jéhovah sont particulièrement nombreux aujourd’hui en Europe, en Amérique du Nord et en Asie de l’Est, surtout au Japon, en Corée du Sud et aux Philippines.

En 2014, les Témoins de Jéhovah regroupaient près de 20 millions d’assistants lors de leur célébration annuelle du Mémorial dans leurs Salles du Royaume dans quasiment tous les pays du monde. Ils étaient plus de 8,2 millions d’actifs dans plus de 115.400 assemblées locales. Aux USA, leur foyer historique, ils sont plus de 2,5 millions ; 2,3 millions au Mexique, 1,7 millions au Brésil, près de 460.000 en Italie, berceau du catholicisme, 307.000 en Argentine.

Voir : http://barbey.jimdo.com/relations-avec-les-etats/monde/

* Les États-Unis et les pays anglo-saxons restent la valeur sûre de la foi jéhovéenne. Les USA et le Canada représentent à eux seuls presque 1.359.700 proclamateurs, soit 16,6 % des effectifs au plan mondial. Mais, les Européens les ont maintenant dépassés.

* Les pays européens sont majoritairement chrétiens, principalement catholiques romains au Centre et au Sud, protestants au Nord et à l’Ouest, catholiques orthodoxes à l’Est. Avec 1.611.036 proclamateurs (19,6 % de l’effectif mondial), l’Europe reste un foyer jéhovéen majeur au plan mondial et compte aujourd’hui davantage de proclamateurs que dans le foyer historique des Témoins de Jéhovah en Amérique du Nord, même si la proportion des Témoins de Jéhovah états-uniens reste supérieure à celle des Témoins de Jéhovah de l’Europe.

En France, leur communauté compte plus de 261.000 personnes (métropole et départements ultramarins), ce qui fait de ce groupe religieux chrétien la cinquième religion de France.

voir : http://barbey.jimdo.com/organisation/effectifs/

* Sans conteste, l’Amérique latine est aujourd’hui le foyer d’expansion des Témoins de Jéhovah au niveau mondial et le nombre d’études bibliques ainsi que le nombre d’assistants au Mémorial laissent entrevoir un accroissement très important dans l’avenir. L’exemple du Mexique (2.306.486 fidèles), de l’Argentine (307.654) et du Brésil (1.728.208) est intéressant à analyser quant aux ressources que trouvent les proclamateurs jéhovéens pour monter à l’assaut de ces bastions catholiques tout en faisant face à la concurrence évangélique, dans des pays à régimes très différents en ce qui concerne les rapports entre l’État et les religions.

* Dans le continent asiatique, immense et bigarré sur le plan religieux, les Témoins de Jéhovah déploient leur charisme d’évangélisation dans un milieu non-chrétien avec un certain succès en Asie de l’Est. Néanmoins, leur implantation est très irrégulière dans la partie orientale de ce grand continent. Les Témoins de Jéhovah se heurtent à des mentalités très différentes de celle de l’Amérique du Nord ou de l’Europe. Le poids des traditions familiales et sociétales est très lourd. La culture religieuse est diverse et marquée principalement par le Bouddhisme et le Shintoïsme. L’Asie de l’Est représente 6,2 % des proclamateurs du monde. Mais, en Chine et en Inde, le scénario a été très différent et l’implantation jéhovéenne dans ces territoires comptant plus de 2,5 milliards d’habitants, a quasiment échoué. D’une part les proclamateurs Témoins de Jéhovah se sont largement buttés à ces obstacles culturels asiatiques quasi insurmontables. D’autre part, le régime communiste chinois a enrayé toute progression religieuse possible par une répression systématique.

* La résistance acharnée de l’Islam aux Témoins de Jéhovah. Au Proche et au Moyen Orient, en Asie centrale, en Asie du Sud-Est, en Afrique du Nord et en Afrique saharienne, l’Islam est installé ou gagne du terrain (Il existe cependant quelques exceptions : Israël, le Liban, les pays du Caucase). Dans ces pays du Sud à majorité islamique dans lesquels l’intolérance religieuse règne, la pénétration jéhovéenne est quasiment enrayée. De fait, les Témoins de Jéhovah sont peu présents dans les pays où l’Islam domine. Pour la plupart des pays arabes du Proche-Orient, les chiffres sont tout simplement indisponibles comme pour l’Arabie saoudite, Bahreïn, les Émirats Arabes unis, l’Iran, l’Irak, la Jordanie, le Koweït, Oman, le Qatar, la Syrie ou le Yémen.

En Asie centrale, des pays comme l’Afghanistan, l’Ouzbékistan ou le Turkménistan ont recours à la violence pour faire taire les prédicateurs jéhovéens. Si les Témoins de Jéhovah sont l’objet de mauvais traitements et de tortures dans un certain nombre de pays intégristes musulmans, d’autres pays musulmans, comme la Turquie (2.465 proclamateurs), choisissent une autre voie. Pourtant, la Turquie ne reconnaît pas de statut d’objecteur de conscience.

Au plan mondial, on constate que partout où les gouvernements construisent un véritable respect des droits de pratiquer librement la religion de son choix et admettent l’objection de conscience en matière politique, militaire et médicale, les Témoins de Jéhovah progressent.

B. Précisions sur quelques aspects particuliers :

1. Aspects financiers

La société Watchtower dispose de revenus financiers assurés par les dons volontaires des fidèles. Une partie de la somme récoltée dans chaque congrégation est généralement reversée à la filiale locale. De plus, chaque fidèle peut aussi faire des dons en espèces ou en nature directement à la filiale locale, sans passer par la congrégation.

En 2001, la société Watchtower était classée parmi les 40 sociétés générant le plus haut revenu à New York, atteignant les 951 millions de dollars de recettes annuelles. Cette même année, elle annonce avoir dépensé « plus de 70,9 millions de dollars pour permettre aux pionniers spéciaux, aux missionnaires et aux surveillants itinérants d’accomplir leur ministère ». Moins de 10 % ! Étonnant pour un mouvement essentiellement prosélyte… Selon certaines estimations, la fortune totale de la société Watchtower s’élève bien au-delà d’un milliard de dollars, et est surtout constituée de biens immobiliers. Cette puissance financière n’est que rarement destinée à des œuvres sociales ou humanitaires, mais est principalement réinvestie dans le prosélytisme.

2. Bible : la Traduction du Monde Nouveau

La Bible, dont ils ne retiennent que les 66 livres figurant dans le canon protestant, est considérée par eux comme intégralement véridique. Elle est donc selon eux scientifiquement et historiquement exacte et digne de foi. De plus, ils considèrent qu’elle a déjà prédit l’avenir, notamment des événements pour notre époque, principalement dans le livre de l’Apocalypse.

Dans les faits, le contenu de la doctrine, que les Témoins de Jéhovah nomment « la vérité », vient de l’enseignement du Collège central. Ce dernier dispense une interprétation plutôt littérale de la Bible, mêlée de commentaires allégoriques concernant principalement (mais pas exclusivement) les livres de Daniel et de l’Apocalypse. Le mouvement prétend qu’il est impossible de comprendre pleinement la Bible sans recourir à son aide. Qu’elles soient littérales ou non, le mouvement présente indistinctement ses interprétations comme étant « bibliques » ou « basées sur les Écritures », même lorsqu’elles sont « spécifiques aux Témoins ». Même si chaque Témoin de Jéhovah est encouragé à lire et à étudier la Bible chaque jour, aucun n’est autorisé à dévier de l’interprétation officielle, sous peine d’être accusé d’apostasie et excommunié.

S’agissant de la Traduction du Monde Nouveau, on peut constater, à la fois dans le texte et dans les commentaires qui en sont faits dans les écrits du mouvement, qu’elle est biaisée ou truquée pour promouvoir pratiques et doctrines du mouvement (divinité du Christ, mort et résurrection du Christ, Saint Esprit, Trinité, l’homme le péché et la mort, etc.). La critique qui revient systématiquement concerne l’introduction du nom de « Jéhovah » dans le Nouveau Testament, qui ne figure dans aucun manuscrit grec de la Bible. Voir :

http://radix.ecclesiae.pagesperso-orange.fr/inf.desinfo.t-j.html

La Bible et les Témoins de Jéhovah

http://www.info-sectes.org/tj/tmn.htm

http://jw-verite.org/les-temoins-de-jehovah-face-a-la-bible/9-traduction-du-monde-nouveau-bible-temoins-de-jehovah.html

3. La Christologie des Témoins de Jéhovah

Le symbole (Credo) provenant des importants Conciles de Nicée et de Constantinople développe la christologie d’une manière peut-être pas très familière pour les croyants d’aujourd’hui, mais qui répond à une société, une culture et, surtout, aux propres hérésies de l’époque : « Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles, Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu, engendré, non pas créé, de même nature que le Père, par qui tout a été fait. Pour nous et pour notre salut, il descendit du ciel ; par la puissance de l’Esprit Saint, il a pris chair de la Vierge Marie et s’est fait homme ».

La christologie des TJ rejette explicitement ceci, parce qu’elle n’accepte pas le « scandale » de l’Incarnation, le mystère d’un Dieu qui s’est fait homme. Cependant, elle célèbre la mort et la résurrection de Jésus, mais en parlant d’un homme exceptionnel qui existait avant nous, comme le plus élevé des anges. Rien de plus. Ce n’est pas nouveau, évidemment, au regard de l’arianisme et de l’Islam. Même en parlant de « christologie basse », l’usurpation du caractère chrétien par les TJ est claire.

4. Morale et vie familiale

Les Témoins de Jéhovah sont encouragés à respecter un code de pureté strict. La fornication, l’adultère et l’homosexualité sont considérés comme des péchés. Les jeux d’argent, l’idolâtrie et le spiritisme sont condamnés, tout comme la violence et ce qu’ils considèrent comme des « atteintes à la vie » comme l’avortement, les sports extrêmes, la drogue, l’ivrognerie et même le tabagisme. L’apostasie, c’est-à-dire le fait de rejeter tout ou partie du dogme jéhoviste, est aussi considérée comme un péché grave.

Selon le sociologue Andrew Holden, la famille jéhoviste est de type patriarcale, c’est-à-dire que la femme se soumet à l’autorité de son mari, et les enfants à celle de leurs parents, même dans le cas où le mari n’est pas Témoin. Le divorce n’est possible qu’en cas d’adultère. Cependant, comme le note l’historien James Penton, ce terme adultère a été interprété différemment au fil du temps. À partir de janvier 1972, il exclut de sa définition l’homosexualité et la zoophilie, pour être compris quelques mois plus tard comme concernant tous les rapports sexuels considérés comme illicites, incluant la sodomie et la fellation entre personnes mariées. Toutefois, à partir de 1978, les pratiques sexuelles entre personnes mariées ne sont plus légiférées.

5. Les affaires de pédophilie

Certains critiques accusent les Témoins de Jéhovah de promouvoir une politique qui encourage les adeptes victimes d’abus sexuels à ne pas s’en plaindre aux autorités compétentes. Ainsi, plusieurs victimes de tels abus affirment avoir été incitées au silence par des anciens de leur congrégation, afin de ne pas porter préjudice au coupable et à l’organisation. Barbara Anderson, une ex-adepte ayant travaillé au siège mondial, constate que de nombreuses affaires de pédophilie sont étouffées en interne, la politique du mouvement décourageant les Témoins de Jéhovah ayant connaissance des faits de porter plainte contre leurs coreligionnaires. William H. Bowen, un autre ex-adepte, constate le même genre de dérives, ce qui le pousse à créer le site internet SilentLambs (« agneaux silencieux ») dans le but d’aider les victimes et de dénoncer les coupables. Le 14 juillet 2002, un documentaire de la BBC, qui fut seulement repris aux États-Unis par les chaînes CBS, CNN, établit — sur les témoignages de Bill Bowen, qui avait passé vingt ans au sein de l’organisation — l’existence d’un fichier secret faisant état de 23 720 cas de pédophilie au sein de la Société de la Tour de Garde. Bill Bowen déclara que les « pédophiles étaient protégés par le système ».

Aux États-Unis, la justice a condamné à plusieurs reprises les témoins de Jéhovah pour leur politique de non-dénonciation des pédophiles aux autorités compétentes. En juin 2012, la Cour supérieure du comté d’Alameda, en Californie, condamne la société Watchtower à verser 21 millions de dollars de dommages punitifs, plus 40 % des 7 millions de dollars de dommages compensatoires à la plaignante, Candace Conti, qui a été abusée par un témoin de Jéhovah pendant plusieurs années sans que la justice ne soit saisie. En octobre 2014, la société Watchtower de New York est à nouveau condamnée pour des faits similaires. Elle doit payer cette fois 13,5 millions de dollars au plaignant. Peu de temps avant que cette dernière affaire éclate, un article du Daily Mail va même jusqu’à parler d’une « épidémie insidieuse d’abus sexuels sur des enfants » chez les témoins de Jéhovah.

Dans le livre : « Faites paître le troupeau de Dieu », véritable code pénal interne, ouvrage ultra-confidentiel, puisque réservé exclusivement à la formation des responsables T.J., on trouve à la page 73 de ce livre de la Watch Tower, une référence biblique, celle de Dt 19, 15-17, énonçant la règle de deux ou trois personnes présentes et témoins pour que l’affaire soit traitée. Évidemment, faute d’avoir deux ou trois témoins, le crime n’est pas traité et le criminel laissé en liberté. Les anciens remettront l’affaire entre les mains de Jéhovah, l’affaire est classée, est-il écrit. Est-ce normal qu’une organisation réclamant le statut de religion loi 1905 ait son propre code pénal et son propre tribunal parallèles à ceux de La République ? Est-il normal qu’une telle organisation laissant des criminels en liberté ne soit pas dissoute et ses activités interdites ? L’Église catholique est elle-même en mesure d’entendre certaines de ces questions… et l’on comprend la ligne de conduite des papes Benoît XVI et François à ce sujet.

6. Rejet des transfusions sanguines

Historiquement, les Témoins de Jéhovah ont toujours refusé de manger des aliments faits principalement à partir de sang. De plus, ils se sont aussi méfiés de certaines pratiques médicales, telles que la vaccination. Cette méfiance n’est plus d’actualité aujourd’hui, les Témoins de Jéhovah faisant désormais confiance à la médecine traditionnelle. Toutefois, les transfusions de sang, qui étaient vues favorablement sous la présidence de Rutherford, ont été interdites à partir de 1945. Ainsi, les Témoins qui acceptent sciemment les transfusions pour eux ou pour leurs enfants, et ce même lorsque le pronostic vital est engagé, commettent un péché et sont excommuniés s’ils ne se repentent pas. Des exceptions sont toutefois admises depuis les années 1980 concernant le cas des hémophiles.

Depuis qu’ils les refusent, les Témoins de Jéhovah font valoir que les transfusions sanguines ne sont pas exemptes de risques et affirment que de nombreux médecins ont reconnu que l’adhésion des Témoins à ce qu’ils considèrent être des normes bibliques, les a avantagés sur le plan médical. Cela n’est cependant attesté par aucune étude indépendante. De plus, ces solutions alternatives ne sont envisageables que dans le cadre strict de la chirurgie programmée, sous certaines conditions définies, alors que dans le cadre de l’urgence, il n’existe pas aujourd’hui de produits disponibles en alternative à la transfusion de globules rouges.

Il n’existe pas de statistique officielle recensant le nombre de décès de Témoins de Jéhovah par refus de transfusion sanguine. Toutefois, le Journal of the American Medical Association du 5 février 1997 publie la recension d’un ouvrage rédigé par un ex-Témoin de Jéhovah qui affirme que des milliers de décès en découleraient.

Selon un article du journal Le Monde du 28 octobre 2001, les responsables du mouvement en France ont reconnu en 1999 que chaque année un témoin sur 300 se trouvait confronté au problème de la transfusion, et que dans pas moins de 15 cas les transfusions étaient nécessaires. Une analyse dans quatre hôpitaux de Nouvelle-Zélande sur une dizaine d’années, comparant les patients transfusés à ceux qui, Témoins de Jéhovah, ne l’étaient pas, a montré que les premiers risquaient dix fois moins de mourir ou d’avoir des complications cardiaques, neurologiques ou infectieuses que les patients Témoins de Jéhovah.

Dans des domaines particuliers, comme celui des femmes enceintes, plusieurs études dans différents pays démontrent le danger de la position des Témoins de Jéhovah. Une étude anglaise sur les causes de mortalité des femmes en couche démontre qu’entre 1994 et 1996, le taux de mortalité des femmes Témoins était de 1 pour 1 000, soit bien plus que le taux général de 1 pour 100 000. Une étude américaine expliquait que les femmes Témoins avaient un risque 44 fois plus élevé que la moyenne de mourir à l’accouchement à l’hôpital du Mont Sinaï de New-York. En 2006, une étude hollandaise indiquait un risque de mortalité de 14 pour 1000 chez les patientes Témoins de Jéhovah contre 4,5 pour 1000 pour le reste de la population.

7. Lieu de culte et réunions

La salle du Royaume est le lieu de culte des Témoins de Jéhovah. C’est un bâtiment ouvert au public, où se réunissent parfois plus d’une congrégation, et qui accueille généralement de 50 à 100 personnes à la fois. Elle n’est pas spécialement ornée et possède une architecture variable suivant les endroits, mais est avant tout conçue de manière à être fonctionnelle. Elle est généralement composée d’une grande salle dans laquelle le public se réunit pour écouter l’orateur, ainsi que d’une salle secondaire plus petite.

lieu de culte tj
Photo de Robert de Jong sur un lieu de culte des témoins de Jéhovah

Les réunions de la congrégation réunions assurent la « formation » continuelle de tous, y compris celle des enfants, leur apprenant à connaître l’interprétation jéhoviste de la Bible et à l’utiliser tant dans leur vie personnelle que durant la prédication. Les réunions sont donc considérées comme fondamentales pour chaque Témoin de Jéhovah, qui est encouragé à y assister régulièrement. Cinq réunions se tiennent chaque semaine dans les congrégations et sont généralement réparties en deux séances, plus particulièrement le week-end et en soirées. L’étude biblique de la congrégation (30 mn), l’école du ministère théocratique (18 mn) et la réunion de service (30 mn) se tiennent en général un soir de la semaine. Le discours public (30 mn) suivi de l’étude de La Tour de garde (1h15) se déroulent pendant le week-end.

À ces réunions hebdomadaires s’ajoutent trois assemblées annuelles, dont la durée varie entre un et trois jours, et qui rassemblent plus ou moins de fidèles suivant leur importance. Du plus petit rassemblement au plus grand, il existe des assemblées de circonscription, régionale, et des assemblées internationales. C’est notamment lors de ces assemblées qu’ont lieu les baptêmes.

8. Prosélytisme

L’activité de prédication, ou « prosélytisme », est considérée par les Témoins de Jéhovah comme étant une œuvre de salut. Puisqu’ils croient que la fin de notre monde est très proche, il est essentiel pour eux d’avertir leurs contemporains, non seulement par amour du prochain, mais aussi pour éviter de se rendre coupable d’une « dette de sang ». C’est leur principale activité. Ils la pratiquent sous plusieurs formes telles que le porte-à-porte, le démarchage par téléphone ou encore de façon informelle, dans les rues ou les marchés. Elle peut revêtir des formes intrusives. Elle bénéficie d’une logistique forte leur permettant de déployer rapidement des publications attractives en plusieurs langues. C’est une vraie question : tout aspect de puissance devrait être passé au crible de l’Évangile (y compris dans la « nouvelle évangélisation » catholique).

Depuis l’époque de Knorr, la prédication est organisée de façon systématique, chaque congrégation ayant la responsabilité d’une zone géographique afin que chaque foyer soit averti au moins une fois. Les Témoins de Jéhovah doivent remplir chaque mois un « rapport de prédication ». Se basant sur ces rapports, l’organisation publie chaque année le nombre d’heures qui a été consacré par les Témoins à la prédication, soit selon elle plus de 1,84 milliard en 2013. À la fin des années 1980, on estime que la moitié seulement des « conversions » intervenues aux États-Unis sont imputables à cette méthode, le reste venant principalement de l’engagement des enfants des adeptes. L’efficacité de cette méthode a décru avec le temps. Selon les statistiques fournies par la société Watchtower, il fallait 1 630 heures de prédication pour parvenir à un baptême en 1970, 2 970 en 1990, et 5 450 heures en 2010.

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Lors de leur activité de porte-à-porte, les Témoins de Jéhovah (TJ) ont pour objectif de s’introduire dans les familles afin d’y conduire ce qu’ils appellent « une étude biblique à domicile » sur des supports comme : « Qu’enseigne réellement la Bible » à raison d’une heure par semaine. Ce support a la caractéristique de comporter des paragraphes et des questions numérotés, le TJ pose la question et la personne qui le reçoit chez elle lit le paragraphe tout en cherchant la réponse induite par la société d’édition new-yorkaise Watch Tower qui dirige les Témoins de Jéhovah du monde entier. La personne est invitée à prendre une règle et un stylo et à souligner la réponse induite, qui n’est pas le produit de sa réflexion.

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En procédant ainsi, cette réponse soulignée dans le livre s’inscrit dans la mémoire. Les personnes sont amenées à franchir des étapes à leur insu, les amenant à penser, agir et réagir en Témoins de Jéhovah. En six mois cette méthode atteint son apogée lorsque l’esprit critique est annihilé. Les personnes ne pensent plus par elles-mêmes, elles sont rendues semblables aux adeptes comme clonées, donc prévisibles et corvéables à souhait. Privés de leur esprit critique, les adeptes obéissent aux injonctions et inductions de la multinationale new-yorkaise Watch Tower. Ils sont amenés à chanter des cantiques dont les paroles sont séditieuses envers l’État, tel le cantique 62 intitulé : « A qui appartiens-tu ? » Il est question de deux dieux et maîtres ? L’un est vérité, l’autre est factice, c’est-à-dire faux, un choix est imposé ; quel est ce faux dieu et maître ? César, c’est-à-dire l’autorité, l’État, ses institutions, ses lois et son Code Pénal ! N’y a-t-il pas là une incitation à la désobéissance envers l’État, ses lois et ses institutions, qu’on retrouve par exemple dans le traitement en interne des cas de pédophilie ?

> Voir Jean-Pierre Coquand, ancien membre, auteur de : Aliénation et prises de conscience.

http://derive-sectaire.fr/jean-pierre-coquand-pourquoi-jai-quitte-les-temoins-de-jehovah/

9. Baptême

Le baptême représente pour les Témoins de Jéhovah une étape capitale dans leur engagement religieux. Il doit se faire en connaissance de cause, c’est pourquoi les Témoins de Jéhovah ne baptisent pas les bébés ou les petits enfants. Il est pour eux le seul moyen de vouer leur vie à Jéhovah et servir son organisation. Devenir un Témoin de Jéhovah actif et le rester est, selon eux, le seul moyen d’échapper à la destruction prochaine du monde actuel à Harmaguédon.

Pour se faire baptiser, le candidat doit en faire la demande aux anciens de la congrégation qu’il fréquente. Ceux-ci vont alors lui demander s’il s’est d’abord voué à Jéhovah dans la prière, vérifier sa connaissance des doctrines du mouvement, et s’assurer qu’il mène une vie conforme aux enseignements. Le baptême a lieu en général lors des assemblées, où les candidats sont présentés à tous les participants. Ils sont ensuite conduits dans une piscine, où on les baptise par immersion complète.

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10. Isolement social

Les Témoins de Jéhovah sont encouragés à se tenir « séparés du monde », qu’ils considèrent comme mauvais et voué à disparaître bientôt. Cette séparation implique que les relations avec ceux qui ne sont pas Témoins, fussent-ils de la famille proche, sont réduites au minimum. Un Témoin de Jéhovah qui suit les conseils donnés par la société Watchtower, ne fréquente pas un non-Témoin de Jéhovah.

De plus, les Témoins de Jéhovah ne fêtent ni les anniversaires, ni les fêtes religieuses comme Noël, Pâques, ni les fêtes patriotiques ou Halloween ou le Nouvel an. Il ne leur est pas interdit d’organiser des fêtes et de s’amuser lors de mariages, d’anniversaires de mariage, ou de sorties récréatives, mais le cadre de ces divertissements est fortement contrôlé.

Les lectures ou les émissions qui pourraient pousser à l’immoralité ou la violence, ou même qui font simplement référence à la magie, ou qui pourrait introduire des doutes comme la philosophie, doivent être proscrites. Les adeptes sont aussi encouragés à limiter l’utilisation d’Internet et des réseaux sociaux, qui sont considérés comme dangereux. En fait, tout contact avec des idées contraires à celles promues par la société Watchtower est prohibé.

La société Watchtower décourage fortement les adeptes de remettre en cause ses doctrines ou ses conseils, et même d’entrer en contact avec des raisonnements critiques. Chacun est encouragé à faire confiance à l’organisation, comme s’agissant de celle de Dieu lui-même.

Le temps réservé de façon hebdomadaire aux réunions et à leur préparation, ainsi qu’aux activités liées à la prédication, laisse de toute façon aux Témoins de Jéhovah peu de temps pour les loisirs. De plus, ils sont encouragés à renoncer à faire de longues études ou à suivre une carrière profane, et ce afin de se consacrer « entièrement à Jéhovah ».

Pour les Témoins de Jéhovah, cette « séparation du monde mauvais » est perçue de manière positive et sécurisante. Ils ont ainsi l’impression de se trouver parmi le « peuple de Dieu », à l’abri d’un monde corrompu et voué à l’échec. La contrepartie est la peur de l’excommunication, qui rejette toute personne déviant des principes fixés par l’organisation.

11. Excommunication

Le souci de préserver la « pureté » des congrégations a particulièrement été mis en avant par l’organisation à partir des années 1950, époque à laquelle sont codifiées les règles d’excommunication. La dénonciation des fautifs est encouragée, et peut même entraîner une violation du secret professionnel. Si cela s’avère nécessaire, les anciens peuvent aussi s’assurer, par des « visites pastorales » à son domicile, que chaque adepte vit conformément à la doctrine. Les anciens doivent reprendre les « transgresseurs » et disposent pour cela de plusieurs mesures de discipline religieuse, en fonction de l’importance des fautes commises. La « notation » et la « réprimande » concernent tout Témoin de Jéhovah qui se conduit d’une manière déviante par rapport aux normes fixées par le mouvement. Il sera conseillé de limiter la fréquentation d’un tel individu pendant quelque temps, et il se peut que les anciens décident de suspendre sa participation à certaines activités cultuelles.

L’excommunication, qui est la mesure la plus radicale, est appliquée à un adepte qui commet ce qui est considéré comme un « péché grave » et ne se repent pas. Elle fait normalement suite à un « comité de discipline religieuse » conduit par plusieurs anciens. Cette mesure implique la coupure immédiate des liens spirituels, sociaux et affectifs entre l’excommunié et l’ensemble des fidèles de la congrégation, fussent-ils de sa propre famille. Les excommuniés ont encore le droit d’assister aux réunions de la congrégation, mais ils sont évités et personne ne les salue. Comme les Témoins de Jéhovah limitent leurs relations avec les gens du monde extérieur, la majorité des excommuniés se retrouvent très seuls. Beaucoup deviennent donc dépressifs, voire suicidaires. Dans bien des cas, ils sont donc contraints de tout faire pour réintégrer le mouvement, principalement pour retrouver un milieu familial et social. Ceux qui décident de quitter le mouvement « n’ont que rarement l’occasion d’en sortir avec dignité. Non seulement leur départ est annoncé depuis le podium, mais ils sont aussi condamnés comme s’ils étaient malades mentalement ou apostats ».

12. L’ostracisme, une pratique cruelle

Passant au crible les Rapports annuels des TJ pour la période 2000-2010, nous découvrons que 1.335.139 membres ont quitté le Mouvement ou sont devenus inactifs. C’est une situation dramatique vu le nombre total répertorié de membres : 7.224.930 pour l’année 2010. Il est clair que le taux élevé de turn-over est dû au grand nombre d’entre eux qui quittent le mouvement.

Tous les Témoins qui quittent le Mouvement pour raison de conscience le font douloureusement, en sachant qu’ils seront étiquetés hérétiques par les « bons » Témoins. Même les membres de leur famille proche devront arrêter de les fréquenter étant donné qu’ils ont été exclus et seront traités comme bannis. Les règles du Mouvement n’envisagent pas de sortie honorable. L’excommunication peut être un outil très efficace de contrôle social, mais le Mouvement, à l’évidence en fait un grossier abus. Ces traitements de rejet causent de gros dégâts affectifs, psychologiques et psychiques.

Dans ce contexte, le système disciplinaire d’expulsion adopté par le Mouvement apparaît comme un instrument de pouvoir sur ses membres. Le recours à la menace de l’ostracisme en cas d’exclusion est une forme d’extorsion spirituelle, un chantage spirituel. Ils sont réellement « poignardés dans le dos » sous des accusations injustifiées et quelquefois perverses, en subissant un « lynchage moral » et on les laisse comme morts spirituellement face à ceux qui les connaissaient. Tout cela est-il de l’exagération ? Loin de là, tant de cas dépeignent ce qui arrive à l’intérieur du Mouvement, et qui relève de « l’emprise mentale », pour « protéger » ses membres d’une « contamination » externe.

13. Caractère sectaire

Au sens sociologique. Le groupe religieux des TJ possède toutes les caractéristiques de ce qu’on nomme une secte au sens sociologique : adhésion volontaire, appartenance accordée selon le mérite, exclusivité (ses membres se considèrent comme un peuple à part), idéal de perfection personnelle revendiqué par les fidèles, pas de clergé mais seulement des laïcs, un engagement militant important, une vie axée autour du christianisme jéhovéen, un refus de la compromission, et l’affirmation d’une identité chrétienne forte. Néanmoins, on ne peut pas le considérer comme une secte du point de vue juridique, mais bien comme un mouvement religieux minoritaire chrétien important au plan mondial, marqué par un certain nombre de dérives sectaires.

Au sens commun. Plusieurs anciens Témoins de Jéhovah font état de dérives sectaires. Raymond Franz, ancien membre du Collège central, accuse ce dernier de faire preuve d’autoritarisme et de refuser d’accorder la liberté d’expression aux adeptes. Il ajoute que le Collège central incite à séparer les familles et briser des amitiés, à la suite des conséquences des excommunications. Alan Rogerson présente ses anciens coreligionnaires comme des personnes endoctrinées dont les croyances et les pensées sont formées par la société Watchtower. Il précise que le Témoin récemment converti doit se conformer immédiatement à toutes les doctrines de la société, ce qui implique que ses croyances personnelles soient progressivement éradiquées s’il reste dans le mouvement. Heather et Gary Botting font remarquer quant à eux que la plupart des Témoins, bien que capable de pensées intelligentes et raisonnées, ont délégué la direction de leurs vies à l’organisation afin d’obtenir le paradis. Ils délèguent toute responsabilité et droits concernant leur vie privée, laissant ainsi la société Watchtower penser à leur place. En France, on le sait, ce groupe religieux a été classé par les rapports parlementaires de la Miviludes parmi les groupes religieux à dérives sectaires, avant d’être promu au rang de religion sous la pression de la CEDH.

Les liens avec d’autres sectes. En octobre 1992, les contacts des Témoins de Jéhovah aboutirent à la fondation de la Fédération Internationale des Religions et Philosophies Minoritaires. Ce cartel regroupe l’Église de Scientologie (reconnue comme religion officielle en Espagne en 2008) dont le fils du fondateur, Ron Hubbard, attestait qu’il était le successeur du sataniste Crowley, l’Église de l’Unification ou secte Moon, les Raéliens (secte ufologiste avec un culte sexuel), les druides celtiques, les satanistes, la Méditation transcendantale, les rites Memphis et Misraïm de la Franc-maçonnerie, ainsi que la secte des sorcières de la Wicca Occidental. Qui connaît comprendra.

14. Appartenance du fondateur à la Franc-Maçonnerie

La question semble saugrenue car les témoins de Jéhovah dénoncent dans leurs publications l’occultisme et la franc-maçonnerie. Cependant certains faits concernant Charles Taze Russell sont parlants en ce sens. Dans une allocution, Russell prétendit qu’il avait accès aux plus grandes loges.

Des réunions dans des temples maçonniques. Lancer une nouvelle religion demande de la logistique. Il est étonnant de constater que la plupart des réunions des premiers Témoins de Jéhovah se tenaient dans des temples franc-maçons ou sociétés secrètes apparentées.

Des symboles franc-maçons dans les publications. Le symbole maçonnique des chevaliers templiers figura sur la couverture de la Tour de Garde. Mais surtout, sur plusieurs livres des témoins de Jéhovah se trouve un autre symbole occulte à la présence inexpliquée : le « Disque solaire ailé ». Ce symbole est utilisé par les maçons du 33e degré (degré le plus élevé) et eux seuls en connaissent le sens. Dans les rituels de magie égyptienne, il est suspendu au-dessus de l’autel en direction de l’est et est utilisé pour invoquer le sylphe (génie de l’air dans la mythologie gauloise et germanique), pour lui demander sa protection et sa coopération. On ne peut que s’étonner de la présence de ce symbole maçonnique « magique » sur des livres à destination des « chrétiens ».

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source :info-secte.org – disque solaire ailé sur livres de tj

Les funérailles du pasteur Russell. Plusieurs symboles occultes et maçonniques sont présents lors des funérailles du pasteur Russell, celles-ci sont décrites en détail (mais probablement sans arrière-pensées) dans la Tour de Garde (Watchtower) du 1er décembre 1916, version anglaise. Le déroulement des obsèques de Charles Taze Russell ne tient pas du hasard : dans ses dernières volontés publiées dans la Tour de Garde du 1° décembre 1916, Charles Taze Russell signale avoir donné à sa sœur M. M. Land et aux filles de celle-ci, Alice et May toutes les consignes qu’il voulait faire respecter. Les cérémonies qui accompagnèrent l’incinération de son corps et son enterrement se déroulèrent selon les Rites rosicruciens.

Un cimetière maçonnique ? Le cimetière où sont enterrés Russell et les premiers responsables de la société des témoins de Jéhovah est aujourd’hui au sein d’un immense complexe maçonnique à Pittsburgh, il n’y a pas de clôture entre les deux. Qu’en penser ? Pourquoi avoir choisi cet aménagement si Russell n’avait aucun lien avec la maçonnerie ? La franc-maçonnerie aurait voulu l’honorer, qu’elle n’aurait choisi meilleur lieu pour conserver à sa vue un mémorial de C.T. Russell. Sur cet aspect, voir :

http://www.info-sectes.org/tj/russel.htm

15. La marche vers la reconnaissance comme religion officielle

Les TJ sont reconnus comme religion officielle en Italie, en Norvège et en Bulgarie. En France, la loi de séparation de l’Église et de l’État de 1905 stipule que le culte est organisé par le régime juridique des associations cultuelles. Même si les Témoins de Jéhovah ont été mentionnés en France parmi les mouvements sectaires par des commissions d’enquête parlementaire sur les sectes, ils ont entrepris les démarches nécessaires pour bénéficier du statut d’association cultuelle et ainsi se distinguer des mouvements considérés comme sectaires. En effet, devenir une association cultuelle permet à un groupe « sectaire » d’asseoir de façon définitive sa reconnaissance sociale. Suite à de longues démarches administratives et judiciaires et à une jurisprudence construite en leur faveur, les autorités françaises ont décidé de leur accorder ce statut cultuel, y compris à leurs instances nationales depuis 2002. Le mouvement des Témoins de Jéhovah en France est de loin celui qui a revendiqué avec le plus de succès le bénéfice d’une reconnaissance officielle, relative en particulier à son statut de culte.

Un virage décisif a été pris le 30 juin 2011 : la Cour européenne des Droits de l’Homme, à l’unanimité, a condamné la France pour ‘atteinte à la liberté de religion’ dans la question de la taxation des offrandes cultuelles faites par les fidèles entre 1993 et 1996. Par cette décision susceptible d’appel, la CEDH confirme que les Témoins de Jéhovah sont bien une ‘religion’.

L’agrément de leurs ministres du culte comme aumôniers des prisons par le Garde des Sceaux est considéré comme la dernière étape de reconnaissance du culte des Témoins de Jéhovah. En juin 2011, la Cour administrative d’appel de Paris a confirmé « que l’association  » Les Témoins de Jéhovah de France  » bénéficiait du statut d’association cultuelle régie par la loi du 9 décembre 1905 ». Le 16 octobre 2013, le Conseil d’État a entériné la jurisprudence censurant les arguments de l’administration pénitentiaire pour refuser l’agrément des aumôniers Témoins de Jéhovah, en confirmant les arrêts des cours administratives d’appel de Paris, de Douai et de Nancy. Outre les textes fondamentaux, les juges ont rappelé que le code de procédure pénale prévoit que « chaque détenu doit pouvoir satisfaire aux exigences de sa vie religieuse » et « participer aux offices ou réunions organisés » par des aumôniers agréés. Ils ont également considéré que le refus ne peut se baser légalement sur « l’insuffisance du nombre de détenus se revendiquant de la confession des Témoins de Jéhovah ».

Les Témoins de Jéhovah font désormais partie des sept confessions agréées au niveau national. Au 1er janvier 2015, ils disposaient ainsi d’un aumônier national des prisons et de 105 intervenants cultuels répartis sur le territoire français. Leur rôle est « de célébrer les offices religieux, d’animer des réunions cultuelles et d’apporter l’assistance spirituelle aux personnes détenues ».

Selon le secrétaire général de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), « les témoins de Jéhovah ne sont pas une secte parce qu’en France, il n’y a aucune secte ». Il considère cependant « que les Témoins de Jéhovah posent un certain nombre de problèmes qui, [du] point de vue [de la Miviludes], sont caractéristiques des dérives sectaires », même s’il considère que cela ne constitue pas de troubles à l’ordre public.

J’ajoute personnellement qu’il faut garder une conscience vive concernant trois axes problématiques dans la doctrine, la vie, et la pratique des TJ :

– l’imposture chrétienne évidente

– le prosélytisme intrusif et logistique

– l’emprise sectaire (nombreux témoignages).

L’espace dialogal est quasiment absent dans le rapport aux TJ : on ne peut les connaître vraiment qu’à travers les témoignages de ceux qui en sont sortis, ou en y entrant soi-même.

D. Auzenet +, mars 2016

DES RESSOURCES POUR ALLER PLUS LOIN

*** http://jw-verite.org : La vérité sur les Témoins de Jéhovah, jw.org, Watchtower. Très nombreuses ressources. Site d’un homme dont les parents étaient T.J., et qui a tout étudié en détail à la naissance de son premier enfant…

* Des livres pouvant venir en aide aux TJ :

http://lestemoinsdejehovahlenversdudecor.blogspot.fr

* Dossier sur les TJ sur le site Vigi-Sectes

http://vigi-sectes.org/categorie/mouvements-religieux/temoins-de-jehovah/

* Témoins de Jéhovah : les dessous de l’histoire (livre de 430 p. de Pierre Oddon en lecture sur le site ou en téléchargement) http://www.info-sectes.org/tj/tjldh/index.htm

* Tous les sites et groupes de discussion connus (malheureusement, beaucoup de liens inactifs)

http://www.info-sectes.org/pages/liens.htm

> Site-phare belge sur la problématique des TJ

http://www.aggelia.be

> Témoignages d’ex-membres

http://www.info-sectes.org/tj/temoign/index.htm

> Histoire insolite et secrète des TJ, Ed. Book on demand, 2015. Par un ancien adepte.

> Dossier sur « l’excommunication, une atteinte aux droits de l’homme » sur le site de l’ADFI :

http://www.unadfi.org/bibliothèque/l’excommunication-une-atteinte-aux-droits-de-l’homme

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