Le bruit des bots

Grégory Aimar

L’intelligence artificielle et le réchauffement climatique sont les deux grands enjeux du XXIe siècle, et ils ont deux points communs : premièrement, impliquer des risques inédits pour l’humanité, qui ont été identifiés par des scientifiques, des philosophes et des artistes depuis le siècle dernier, et, deuxièmement, ne susciter malgré les alertes que très peu de réactions de la part des gouvernements ou de la population, qui assistent, comme médusés, à l’inflation de leurs effets sur le monde. Com- ment expliquer un tel paradoxe ? Une partie de la réponse se trouve dans les racines mêmes de ces menaces existentielles : le matérialisme.

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Les croyances matérialistes

La possibilité pour un être humain d’imaginer l’existence d’une conscience artificielle repose sur sa vision matérialiste du monde. Une vision qui a émergé à la faveur du recul de la religion dans nos sociétés et avec le soutien d’une partie de la communauté scientifique. À titre d’exemple, citons Guillaume Dumas, professeur agrégé de psychiatrie computationnelle à l’université de Montréal : « Notre modèle démontre comment la convergence neuro-IA met en évidence les mécanismes biologiques et les architectures cognitives qui peuvent […] conduire à la conscience artificielle », déclarait-il à SciTechDaily en novembre 2022 (4). Et l’idée n’est pas nouvelle. En 2014, Christof Koch, scientifique en chef et président du Allen Institute for Brain Science, affirmait déjà dans un article pour le MIT Technology Review : « Si vous pouviez construire un ordinateur doté des mêmes circuits que le cerveau, cet ordinateur aurait également une conscience qui lui serait associée. Il ressentirait le fait d’être cet ordinateur. Je ne dis pas que la conscience est une âme magique. C’est quelque chose de physique. (5) »

Dans cette optique, tout est fait actuellement pour convaincre le public que l’intelligence artificielle pourrait être douée d’une forme de sensibilité, voire de conscience, et qu’un jour les machines seront capables de remplacer les êtres humains dans presque tous les domaines. En fait, si l’on considérait le matérialisme comme une religion, l’intelligence artifi- cielle en serait le dieu. Une divinité omnipotente et omnisciente, dont les technoprophètes attendent la venue comme le messie. Depuis 2021, les membres de certains groupes Facebook peuvent publier des demandes de prières. Une fonctionnalité qui a été développée par l’entreprise en parte- nariat avec le créateur de YouVersion, une application biblique populaire. Et ce n’est qu’un premier pas, Sarah Lane Ritchie, maître de conférences en théologie et en sciences à l’université d’Édimbourg, en est persuadée : « Je ne pense pas que nous sachions encore toutes les manières dont ce mariage entre les Big Tech et l’Église se déroulera. (6) »

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