Emprise et abus spirituels

Une interview de Yves Hamant : « Il faut une Ciase 2 sur les phénomènes d’emprise et d’abus spirituels », dans un dossier de La Vie, « Quand la vie spirituelle devient toxique » (8/12/22).

Lanceur d’alerte sur les questions d’abus de pouvoir et de
conscience dans l’Église catholique, Yves Hamant recommande
la création d’une enquête, comparable à celle du rapport Sauvé,
pour analyser le problème en profondeur. 

Par Marie-Lucile Kubacki

Politologue, universitaire spécialiste de la Russie, catholique,
Yves Hamant est engagé aussi depuis plusieurs années dans la lutte
contre les dérives sectaires dans l’Église. En 2013, il
lance au sein d'un collectif de victimes et de leurs proches
l'Appel de Lourdes. Une initiative qui fait progresser la prise
de conscience des dérives sectaires au sein de communautés ou
mouvements d’Église.

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En 2013, vous avez été un des initiateurs de l’Appel de Lourdes, pour alerter l’institution sur la question des abus spirituels. Les choses ont-elles évolué depuis ?

Elles ont avancé en partie, mais un grand chemin reste à faire. Le principal problème est que globalement l’institution et les fidèles tendent encore à minimiser la gravité des phénomènes d’abus spirituels. Parce qu’ils estiment que « ce n’est pas aussi grave qu’un abus sexuel » et que comme cela touche généralement des personnes majeures, « elles étaient en capacité de se défendre ».

Ce genre de discours montre combien la plupart des gens ne comprennent pas ce qu’est l’emprise : un processus de dépersonnalisation au cours duquel l’abuseur prend le contrôle de votre volonté jusqu’à vous demander des choses délirantes. Par exemple : vous dépouiller de vos vêtements devant le saint Sacrement, comme dans l’affaire Santier. C’est extrêmement grave, car cela vous détruit moralement, psychologiquement, éventuellement physiquement et spirituellement. Bon nombre de victimes de ce type d’abus ne croient plus en rien et ne peuvent même plus prier, parce que Dieu leur est devenu comme insupportable.

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Jean-Guilhem Xerri : le processus d’emprise

Le psychanalyste Jean-Guilhem Xerri reçoit des religieuses qui ont été victimes d’abus de la part d’hommes d’Église et intervient régulièrement auprès des supérieures majeures. Pour que de tels actes soient possibles, explique-t-il, l’abuseur a besoin d’un groupe, d’une communauté qui lui donne autorité.

Lire l’article sur le site du journal La Croix

Emprise et abus spirituel

Aujourd’hui, la soif d’absolu est forte dans un monde occidental qui a perdu les fondements de la foi. Cela peut conduire certains à croiser des personnalités manipulatrices, ou même à devenir la proie de personnalités narcissiques qui détournent à leur profit la quête de Dieu. Ce sont même parfois de véritables systèmes d´emprise qui se mettent en place. Le mécanisme de l´emprise mentale conduit à de nombreux abus, dont l’abus spirituel, et peut causer de graves blessures psychologiques. Pourtant, depuis des millénaires, un trésor de sagesse existe dans les monastères où celles et ceux qui consacrent leur vie à la quête de Dieu ont balisé les dangers de cette quête. L’expérience qu’ils nous transmettent est aujourd’hui indispensable à notre discernement, que l’on soit croyant ou non. Ce documentaire a pour vocation d´informer et d´éduquer un large public aux possibles dangers de la recherche spirituelle. UNE COPRODUCTION JCD PRODUCTION/KTO 2018 – Réalisé par Jean-Claude Duret Documentaire du 18/05/2019.

Abus spirituels dans l’Église

Voici un livre qui tombe à point, j’allais presque dire un livre en avance sur son temps. Dans la purification que vit l’Église aujourd’hui, il devient indispensable de regarder de près le « fonctionnement » de l’autorité côté ecclésial. Car les abus sexuels ne sont que la manifestation d’une emprise plus subtile qui est celle de l’abus spirituel.

Il faut lire et travailler ce livre. Je vous propose de regarder la table des matières.

Présentation des auteurs sur le site de l’Éditeur.

Voici la CONCLUSION du livre :

Des personnes sont victimes d’abus de pouvoir spirituel et de dérives sectaires dans l’Église. Les mécanismes pernicieux de démolition des sujets ont été évoqués par celles qui ont retrouvé la parole, au cours d’un long chemin de reconstruction.

Des individus isolés ou des fondateurs de communautés religieuses ont mené des vies dissolues, ont été des menteurs éhontés, des prédateurs sexuels ou des tyrans: cette réalité reste encore difficilement admissible pour beaucoup. Le panorama est sombre. Des groupes catholiques se fourvoient encore dans l’autosuffisance, l’autosatisfaction et l’auto-référencement. Le message chrétien est détourné au profit de maisons sans fondement qui croient avoir inventé la poudre et où l’autre n’existe plus.

Au nom de Dieu, la route qui peut y conduire est donc barrée. Pour reprendre un mot du pape François, c’est « la zizanie ». De fait, le dévoiement des uns entraîne la déroute complète des autres. Pourtant, des vulnérabilités et des pathologies sont connues, des processus menant à des déviances sont connus, la confusion des pouvoirs tout autant. Pour cause d’ignorance, de naïveté ou de mépris des réalités humaines, la prise en compte de victimes d’abus dans l’Église y reste insuffisante et parfois navrante. Pour beaucoup, les motifs d’espérer dans un aggiornamento de l’Église s’amenuisent ou disparaissent. Échanges en privé ou visites canoniques aux résultats non clairement divulgués ne servent pas forcément à écarter des personnalités difficiles, des responsables dangereux ou des faux-prophètes. Ni même à réformer, voire à rayer de la carte ecclésiale des instituts.

Ouvrir les yeux et déplacer son regard avec réalisme et sans cléricalisme conduit à se poser des questions: qui peut être désormais pris au sérieux en interne pour accompagner des changements nécessaires? Ou pour assurer de la prévention des abus? Mais aussi, eu égard à l’ampleur de la crise, qui doit être démis et qui doit partir? Ceux et celles qui se sont sentis très mal, des victimes, ou plutôt des responsables?

« Pécheurs » pardonnés trop vite, victimes écoutées trop lentement: alors, qui va enfin pouvoir dire que tout n’est pas pourri dans l’Eglise catholique? Accueillir le fait qu’il existe des tordus partout, améliorer certaines règles dans l’Église pour arrêter l’hémorragie sans pour autant chercher à faire du nombre, exercer sa vigilance à déconstruire sa naïveté, faire fi de ses résistances culturelles et cultuelles pour agir dans un souci de justice vis-à-vis de ceux et celles qui, courageux, ont levé le voile sur des abus : cela peut servir.

Qu’ils soient ici vivement remerciés pour leur écœurement fondamentalement constructif. Faire quitter le monde des bisounours à ceux et celles qui, forgés dans le culte du oui, ont parfois encore tant de difficulté à savoir dire non quand c’est nécessaire, c’est le début de la prévention des abus.

DA, 8 avril 2019