Communautés nouvelles

Un article de Sandro Magister, sur le site diakonos.be, le 20 nov. 2023 :

Du triomphe au désastre. Les cinq écueils des communautés nouvelles

Il était une fois les communautés nouvelles. Oui, celles-là mêmes qui avaient été triomphalement convoquées par Jean-Paul II le jour de la Pentecôte 1998. Il voyait en elles les « expressions providentielles du nouveau printemps suscité par l’Esprit avec le Concile Vatican II ». Toutes au service direct du Pape et libérés des tracasseries des diocèses, afin que l’Église puisse refleurir dans le monde. Opus Dei, Focolari, Légionnaires du Christ, Communion et Libération, Communauté de Saint’Egidio, charismatiques, chemin néocatéchuménal, et bien d’autres encore, diverses et variées.

Mais aujourd’hui, le printemps a fait place à une saison sombre et orageuse. Après le triomphe, le désastre. Effondrements numériques, décompositions, scandales intolérables, fondateurs idolâtrés se révélant être des abuseurs de l’esprit et du corps de leurs adeptes, victimes innombrables trahies dans leur confiance.

Pourtant, les signaux d’alarme n’ont pas manqué. En 2004, « La Civiltà Cattolica », la revue des jésuites de Rome publiée avec l’imprimatur des plus hautes autorités vaticanes, publiait un éditorial de son rédacteur-vedette, Giuseppe De Rosa, mettant en garde contre les « dangers » identifiés dans de nombreux mouvements.

SUITE DE L’ARTICLE


Une appréciation de Laetitia Gonfalon

L’article de Sandro MAGISTER du 20 novembre 2023 sur « les cinq écueils des communautés nouvelles », après la publication du livre de Giorgio RONZONI sur « les sectes sœurs » fera date.

Ce texte largement diffusé ressemble fort à une condamnation en bonne et due forme des communautés dites « nouvelles » ou, pour le moins, une façon élégante de leur asséner un fameux coup de boutoir tant la personne de son auteur est reconnue dans les milieux ecclésiaux comme une référence incontournable.. Ces communautés se sont qualifiées ainsi et le vocable leur est resté même si leur nouveauté s’est quelque peu émoussée après un bon demi-siècle d’existence. Elles avaient fait naître une espérance sur les décombres de l’Action Catholique, mais il aura fallu cette longue période pour reconnaître la supercherie. S’en apercevoir, beaucoup avaient déjà fait ce chemin intellectuel, mais reconnaître les abus était chose déjà plus difficile et les dénoncer c’était s’exposer contre la pensée dominante. C’était donc risqué.

Le reproche que l’on pourrait faire à l’article de Sandro MAGISTER c’est son caractère trop intellectuel, la présentation trop exclusive d’arguments « de raison ». Pour nous qui, depuis fort longtemps n’étions pas dupes de ces mouvements, il manque tout simplement une condamnation de ces mouvements pour des raisons morales : le motif de supercherie et de suffisance.

Supercherie dans l’appropriation (j’allais écrire l’instrumentalisation) de l’Esprit Saint au profit des susdits mouvements. Mais peut-on instrumentaliser l’Esprit de Dieu ?

Ce serait bien audacieux ! Il leur a été bon en tout cas de se l’approprier, de garantir haut et fort sa présence parmi eux. Il leur suffisait de dire qu’ils étaient réunis en son nom. C’était automatique, ils l’invoquaient, disaient-ils. Nous dirions plutôt qu’ils le convoquaient pour s’attribuer ses dons et ses pouvoirs. L’Esprit était là avec eux, immanquablement présent : c’était garanti. Ils s’arrogeaient ainsi une compétence universelle leur permettant de traiter avec suffisance de multiples situations et de savoir les résoudre grâce cette aide spirituelle indiscutable. Il pouvait s’agir des cas de personnes malades avec ministère de guérison assuré, des cas de couples en difficulté avec conseils conjugaux garantis, de dirigeants de sociétés fatigués, de drogués, d’homosexuels, d’étudiants révisant leurs examens, de travailleurs humanitaires, de professionnels de santé, d’enseignants déconcertés, d’adolescents en recherche, de supérieurs de communautés religieuses, d’adultes en cheminement personnel, . Pour chaque catégorie professionnelle, pour chaque statut social, pour chaque état de vie, leurs clercs et leurs laïcs consacrés avaient réponse à tout et pouvaient jouer les intrus dans le for interne des personnes. Mais il était rarement question des pauvres… Tiens ! N’est-ce pas étrange ?

Comment s’en sortaient-ils ? C’était très simple : faites des dons, disaient-ils. Encore des dons. Toujours des dons… Vous aurez un crédit d’impôt…Vous avez droit à 66%. Et les bons paroissiens de les suivre…

Quoiqu’ils n’aimassent pas trop les jésuites, ces derniers temps ils avaient tous découvert les méthodes ignatiennes, la spiritualité ignatienne, les récollections ignatiennes et ils croyaient tous utile de s’en prévaloir : c’était porteur comme était porteuse également la promesse de guérison. Même si vous vous portiez bien il leur importait d’abord de vous démontrer que vous aviez besoin d’être soulagé, guéri, libéré, et, pour cela, de leur faire confiance. Etaient-ils missionnaires ? A les en croire, sous le pontificat de Benoît XVI, ils s’étaient portés en avant : « la nouvelle évangélisation, c’est nous. On sait faire ». Sous le présent pontificat c’est différent : finie l’action missionnaire, on est devenu influenceur. C’est plus tendance…

Mais l’Esprit dans tout ce tintamarre ? L’Esprit qui garantissait leur charisme et le mieux-être tout comme on appose des labels « qualité » sur des produits électroménagers. Agissait-il vraiment ? Faisait-il son choix ?

Il est fort probable que tout ce bruit l’importunait. Dans un entretien à LA CROIX le 12 juillet 2021 Elyane CASALONGA insistait sur le fait qu’il fallait écouter le silence de Dieu : L’Ancien Testament en a eu l’intuition dans un texte assez rare disait-elle, un texte, « qu’on appelle la manifestation d’Elie à l’Horeb. Quand Dieu se manifeste à Elie, parce que précisément il ne lui parle pas, c’est par « une voix de fin silence », ou « de silence subtil », que les exégètes traduisent souvent par « le murmure d’une brise légère ». Mais les mots hébreux ne parlent ni de brise ni de légèreté. Le texte dit : « la voix de fin silence ». Et c’est quand Elie entend « la voix du silence » qu’il reconnaît le passage de Dieu. C’est un moment sommet de l’expérience d’Elie, et de la nôtre. »

Souhaitons donc que tous ces mouvements autoréférentiels trop médiatisés découvrent enfin les vertus du silence.

L’Esprit est patient.

Le temps de la vérification

Communautés, Mouvements, Prélature, le temps de la vérification

par Lorenzo Prezzi, dans Settimana news 03/08/2022

Au cours des derniers mois, plus d’une douzaine d’interventions d’évêques individuels ou de dicastères romains ont eu lieu pour corriger, entretenir ou censurer diverses nouvelles fondations communautaires, des mouvements ecclésiaux et la prélature de l’Opus Dei. Il s’agit d’un signal important à ressentir non pas tant du côté de la discipline, mais plutôt du côté de la vérification, 60 ans plus tard, de l’un des fruits importants de Vatican II.

Charisme, gouvernance, abus et censures

Le phénomène des nouvelles fondations et des mouvements ecclésiaux a été particulièrement vif et luxuriant dans la période immédiatement post-conciliaire, mais sa réception dans le corps global du peuple de Dieu connaît les ajustements normaux de parcours chargés de nouveauté, mais aussi exposés à des erreurs ou à des incertitudes. Il est révélateur que dans les centaines de nouvelles familles ecclésiales, il y a une quinzaine de fondateurs sous surveillance et environ 80 instituts « commissariaux ». Les interventions magistérielles peuvent être regroupées sous quatre rubriques : charisme, gouvernance, abus et censures théologico-liturgiques.

Chaque fondateur ou fondatrice a sa propre compréhension originale de l’Évangile ou d’une partie de celui-ci. Et c’est cette racine évangélique et spirituelle qui donne une forme institutionnelle et un style de vie à une fondation. Précisément parce qu’il s’agit d’un patrimoine spirituel, il n’a pas la rigidité d’une définition juridique et est confié à la mise en œuvre et au renouvellement des générations qui suivent le fondateur. Il existe également un critère essentiel pour la reconnaissance d’un charisme :  » la capacité d’une communauté, d’un institut à s’intégrer dans la vie du peuple saint de Dieu pour le bien de tous  » (François, 11 décembre 2021).

Du côté de la gouvernance, on peut citer la lettre apostolique du 1er novembre 2021 (Authenticum charismatis), qui impose aux évêques de consulter par écrit le dicastère des religieux avant une nouvelle fondation religieuse. Une démarche similaire a été entreprise par le dicastère des laïcs pour la reconnaissance diocésaine des associations laïques.

On notera en particulier le décret général que le dicastère des laïcs a publié le 11 juin 2021. Elle prévoit une discipline commune concernant le choix du modérateur ou président et de son conseil : le choix requiert la participation, directe ou indirecte, de chaque membre ; le mandat est de cinq ans (renouvelable une fois) ; le fondateur peut rester plus longtemps mais avec l’autorisation du dicastère.

La question des abus est une blessure qui traverse les nouvelles réalités ecclésiales et affecte toute l’Église. Elle ne se limite pas à la dénonciation des abus sexuels, mais à l’ensemble des actes indus concernant le pouvoir interne et l’influence sur les consciences. Les interventions visant des positions théologiquement incorrectes ou liturgiquement inacceptables sont plus rares.

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