Thierry Casasnovas, chantre du cru, l’archétype du dérapeute

Les thérapies alternatives, terrain fertile aux dérives

La Croix du 9 mars 2023, Pascal Charrier

Les assises des 9 et 10 mars 2023 au Ministère de l’Intérieur se pencheront notamment sur les dérives des thérapies alternatives, incarnées entre autres par le naturopathe Thierry Casasnovas, qui fait l’objet d’une enquête judiciaire.

Vendredi 10 mars, des adeptes du « retour vers soi » vont se retrouver à Montescot, un village des Pyrénées-Orientales, pour un stage intitulé « Carême : l’expérience du jeûne et de la détoxication ». Ils seront accueillis par un quadragénaire souriant, Thierry Casasnovas, l’organisateur de cette semaine où se mêlent yoga et bains froids. Son nom est bien connu des participants aux assises des dérives sectaires qui auront lieu les 9 et 10 mars. Ce naturopathe a fait l’objet de plus de 600 saisines de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), dont 54 en 2021.

La majorité des signalements concernent ses propos diffusés sur Internet. Depuis une douzaine d’années, l’autodidacte né à Perpignan prône le jeûne et la « régénération » par un régime à base d’aliments crus, le crudivorisme, pour soigner ou prévenir cancer ou diabète. À l’entendre, les maladies n’existent pas et sont les symptômes d’une mauvaise alimentation. Dans le même temps, il critique la médecine conventionnelle, en proclamant par exemple : « La vaccination ne rend pas plus fort, elle rend plus faible. »

Installé dans les Pyrénées-Orientales, Thierry Casasnovas dispense ses conseils principalement sur YouTube, où il compte près de 600 000 abonnés. Alors que les problématiques liées à la santé prennent de plus en plus d’importance pour la Miviludes (en 2021, 744 des 4 020 saisines de l’organisme concernaient ce domaine), les responsables de la lutte contre les dérives sectaires voient dans le Catalan l’archétype du « dérapeute », contraction de dérapage et de thérapeute.

Pour eux, ce type de rhétorique induit un risque d’emprise mentale sur des personnes fragiles, qui pourraient être tentées d’arrêter leurs traitements. Dans son dernier rapport, publié en novembre 2022, la Miviludes explique ainsi avoir reçu de nombreux témoignages qui font « état de situations particulièrement graves ». En août 2020, la justice a ouvert une enquête sur les activités du chantre du cru pour « abus de faiblesse, pratiques commerciales trompeuses et exercice illégal de la médecine ». L’instruction est en cours.

En 2021, une plainte a par ailleurs été déposée contre lui par l’Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes (Unadfi). Contacté par La Croix, Thierry Casasnovas récuse, par mail, toute dérive sectaire. « Le fait de parler de ”risque” de dérive permet à la Miviludes de jeter l’opprobre sur des personnes comme moi et de les disqualifier médiatiquement sans même avoir à prouver quoi que ce soit », écrit-il.

La possibilité de guérir en mangeant cru ou en jeûnant n’a, en tout cas, aucun fondement scientifique. En revanche, les potentiels effets néfastes de ce type de régime sont réels pour les plus vulnérables. En octobre 2021, un autre naturopathe, Miguel Barthéléry, a été condamné à deux ans de prison avec sursis après le décès de deux personnes atteintes de cancer qui suivaient ses conseils. Il a fait appel. En janvier dernier, Éric Gandon a, lui, été mis en examen pour homicide. Une jeune femme est morte lors d’un de ses stages de « jeûne hydrique ».

Thierry Casasnovas n’a pas de formation médicale. Il s’appuie sur son expérience. « Mettre en avant son histoire pour personnifier la preuve que cela marche est un des premiers mécanismes de l’adhésion, analyse Romy Sauvayre, sociologue des sciences et des croyances à l’université Clermont-Auvergne. Souvent, on considère que la personne qui va adhérer à ce type de théorie manque d’esprit critique. Mais cela peut toucher un public plus large qu’on ne le croit, des gens déçus par la médecine conventionnelle ou qui ont peur de ce qu’on leur propose, comme la chimiothérapie. »

Le naturopathe-vidéaste est aussi chef d’entreprise. Il propose un abonnement payant à une partie de ses vidéos – à 5, 10 ou 15 € par mois, selon la formule –, vend des livres, invite à suivre ses formations… Quant au stage « Carême : l’expérience du jeûne et de la détoxication », il en coûtera 1 000 € à chaque participant. La semaine affiche complet.


Thierry Casasnovas est en garde à vue ce jeudi soir 9 mars, a indiqué le procureur de Perpignan.

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