Pour connaître la pratique de l’Aïkido, on peut se reporter à l’article Aïkido sur Wikipedia.
Il faut savoir qu’au Japon, l’Aïkido n’est pas une discipline ancestrale, mais est née après la seconde guerre mondiale. Maître Ueshiba avait voulu atteindre la synthèse parfaite de toutes les disciplines martiales pratiquées alors.
En France la discipline est abordée sous l’angle du mieux-être psychique et physique par des exercices physiques exercés sans contact avec un autre. L’Aïkido fut à l’origine présenté comme un art martial de self-défense.
Dans les années 1982, la discipline de l’Aïkido en France a connu un grand bouleversement et s’est scindée en deux fédérations qui ont encore du mal à travailler ensemble, notamment pour l’attribution des grades. La Fédération Française d’Aïkido et Budo (FFAB) se dit la plus proche de l’enseignement de Maître Ueshiba, initiateur de la discipline au Japon, où il est d’ailleurs considéré plutôt comme le fondateur d’une secte.
CHERCHER LES VALEURS VÉHICULÉES PAR LA DISCIPLINE
Les Dojos, ou clubs, dispersés en France ont comme argument incitatif à la pratique de l’Aïkido que cela améliore l’état physique et moral. Il est aussi fait références aux valeurs véhiculées par la discipline : respect de l’autre, de la nature, compassion, harmonie, ouverture d’esprit.
On peut se limiter à des pratiques où l’enseignant se situe dans une simple pédagogie d’apprentissage de gestes permettant une meilleure prise de conscience corporelle dans les respect de l’autre. Mais si l’on se reporte à ce qui est dit dans la revue Seseragi, magazine officiel de la FFAB, notamment le n° 51 d’octobre 2012, on découvre des enjeux bien différents.
« Il s’agit de faire un travail sur soi, faire Un avec l’univers, car c’est à ce niveau que se révèle notre identité. Cette place de l’invisible uni au visible apparaît comme essentielle, car si l’on ne s’intéresse pas à cette communion profonde, on ne comprendra jamais le pourquoi des techniques avec lesquelles on pratique l’Aïkido, on ne comprendra jamais leur sens véritable, et les mouvements coupés de ce lien originel deviennent rapidement de simples gesticulations » (p. 10).
Pages 14 et 15 de la même revue, on découvre un texte écrit dans les années 1980 par André Nocquet, un des premiers maîtres français, alors qu’il s’agissait de faire valider la reconnaissance des formations des instructeurs de l’Aïkido par le ministère de la Jeunesse et des Sports. L’agrément fut d’ailleurs donné. Nocquet définit la relation entre le maître et le disciple, en rupture complète et assumée avec ce que la tradition française propose.
« L’art du maître consiste à choisir en fonction de tel disciple le geste, le mot, le symbole, capable de faire saisir à celui-là la pensée qu’il veut transmettre. Le mot, non plus comme véhicule d’un concept, mais dépouillé de sa valeur sémantique. Le disciple suit aveuglément le maître, sans savoir où il va. Le maître montre, le disciple répète. L’Aïkido ne peut donc être enseigné que par la voie intuitive et non pas de manière rationnelle. »
Dans certains cas, il est demandé en début de séance de s’incliner profondément devant la photo de Maître Ueshiba, et en fin de séance le grand honneur sera d’être désigné pour plier le kimono du moniteur. Cette soumission n’est pas demandée par exemple au judo où l’on s’incline seulement pour saluer son adversaire.
Ce qui est dit du rapport avec l’adversaire éclaire sur cette fameuse « projection », attaque spectaculaire qui met l’autre KO, et qui est un des attraits majeurs de la discipline. Le travail mental sur l’adversaire est le plus important et il fait partie de la préparation de l’attaque.
« Il s’agit de maîtriser l’intention de l’attaquant (ailleurs il est question « d’aspirer l’adversaire ») ; l’adversaire n’est pas défait par la projection, mais bien avant. Il est impossible d’appliquer une projection sur un adversaire qui conserve les moyens de l’éviter. »
RÉFLÉCHIR AVANT DE LANCER SON ENFANT DANS CETTE PRATIQUE
Que disent les moniteurs de la relation maître-disciple ? Est-ce en relation avec ce qui est dit dans la revue ? Dans ce cas, ai-je envie que mon enfant abdique sa volonté face à un adulte ?
Suis-je conscient que je risque de le faire entrer dans une relation intuitive avec les autres, plutôt que dans une relation rationnelle fondée sur une communication où les mots ont un vrai sens ?
Quelle conception de l’univers sera donnée ? Un univers en fusion avec la personne, qui se dissout alors dans le grand tout ; ou bien un univers vécu en séparation, l’homme d’un côté et la création de l’autre, chacun bien à sa place, conception des textes fondateurs de l’anthropologie occidentale, la Genèse par exemple.
Quelle conception du combat sera transmise ? Est-ce respecter l’autre que d’aspirer sa volonté ? Ne s’agit-il pas là d’un combat d’énergies, où finalement le sabre est un prétexte ?
Si aucune place n’est donnée à la parole, sujet de méfiance, comment prononcer le mot pardon ?
PRENDRE CONSCIENCE DES ENJEUX
Nul doute que faire une année d’Aïkido pourra apporter un bienfait corporel, car les mouvements sont faits en douceur et dans le respect des physiologies de chacun. Cela peut être considéré comme un apprentissage qui sert à mieux maîtriser des gestes, et par là, à mieux se maîtriser.
Mais il faut être bien conscient que l’on pénètre en fait dans une discipline énergétique, sous-tendue par une conception du monde et des relations humaines qui ne s’affiche pas directement, mais à laquelle il est néanmoins obligatoire d’adhérer si l’on veut progresser. L’Aï-ki-do travaille sur le « KI », mot qui désigne l’énergie en Orient.
L’Aïkido trouve sa place dans les disciplines qui ont pour but de canaliser l’énergie qui circule dans le monde, pour en prendre le contrôle et l’utiliser. Tous les arts martiaux qui nous viennent d’Orient procèdent de cette conception moniste et énergétique… Mis à part le cas où l’instructeur ne s’appuie pas sur l’aspect « mystique », se cantonnant à une pure pratique dite « sportive », il y a donc un risque réel d’entrer dans une relation médiumnique avec le monde et les autres.
POUR ALLER PLUS LOIN
Un lien avec la magie du reiki : Ueshiba, fondateur de l’aïkido, faisait partie du même groupe Shinto que des maîtres du reiki, discipline centrée sur la guérison magique, qui est apparue au Japon à la même époque. Ils ont commencé à pratiquer la guérison en utilisant le Chinkon-kishin qui était la méditation enseignée par Omoto : « Avec les mains jointes et les yeux fermés, on exerce sa propre nature divine afin de réaliser l’union avec le divin. En répétant cette pratique on a supposé que l’on pouvait recevoir la force des entités divines, qui permettaient de pratiquer le Kiskin. C’est-à-dire guérir les maladies et avoir la capacité de réaliser des miracles. »
Un état corporel modifié : Ueshiba insiste sur un état nécessaire à créer pour que l’aïkido se réalise ; cette voie c’est le Tkemusu Aïki : « La voie où la vibration du corps entier fait écho à la vibration de l’Univers. » Différentes expériences des fondateurs (décorporation, fusion avec l’autre, pouvoir sur la matière) servent d’exemple et sont recherchées.
Des dérives observées : du point de vue du Maître : lorsque la personne fait le choix quasi exclusif de l’Aïkido, lorsqu’elle refuse de s’engager dans une vie professionnelle en accord avec ses diplômes et sa formation initiale, et choisit l’aïkido comme principale source de revenus, les conséquences financières sont sérieuses. Car si la structure pyramidale permet au maître de la Fédération de bien vivre, les autres végètent. Il y a aussi un risque de rupture familiale, au prétexte d’avoir atteint un niveau de conscience supérieur.
Du point de vue de l’élève : quand l’élève a été distingué par le maître, il est sollicité pour faire des stages de perfectionnement qui peuvent prendre le pas sur toutes ses autres activités, sans compter des engagements financiers incessants.
Pncds72 — avril 2013