La mode des oracles et des cartes divinatoires

1. Un article grand public

Dossier « Esotérisme : un essor inquiétant » dans ‘Express d’août 2023. Titre de l’article : « En librairie et sur TikTok, le phénomène des oracles ».

De plus en plus de maisons d’édition font la part belle aux cartes de divination, qui s’arrachent en librairie, notamment chez les jeunes, car plus accessibles que les tarots.

Des petits, des grands, des violacés, des irisants. Des « nature », des « queer », des « féminins sacrés ». Dans la vitrine de la librairie ésotérique Bussière, et un peu partout dans ces quelques dizaines de mètres carrés en bazar nichés au cœur du quartier latin dans le Ve arrondissement parisien, on ne voit qu’eux. « Des oracles, tout le monde en veut, de nos jours », maugrée la guide des lieux, Anne-Laure Le Lidec, présidente des éditions adossées au magasin, en arrangeant ses derniers numéros.

Du haut de ses étagères, la spécialiste a vu l’engouement pour ces ouvrages exploser. Depuis le Covid-19, les ventes liées à l’ésotérisme dans l’édition ont bondi : + 32,8 % en 2021 selon le Syndicat national de l’édition. Un succès, porté principalement par ces petites cartes que certains tirent pour prendre le pouls du futur, de leur destin ou de leur matinée. Les oracles ont même participé à rajeunir la clientèle ésotérique principale, aujourd’hui les 25-30 ans, selon les chiffres de l’édition.

Entre deux grands livres aux symboles mystiques, Anne-Laure Le Lidec pointe la collection Haziel, qui abrite des classiques de l’ésotérisme. Des ouvrages austères aux couvertures sans images. Puis elle montre un oracle en vogue, plein de couleurs et de personnages féeriques :

« Avant, la magie était sérieuse, intimidante, mais le public est maintenant attiré par le ludique et les beaux visuels. Il faut que ça flashe », résume-t-elle.

Continuer la lecture de « La mode des oracles et des cartes divinatoires »

Développement personnel : pourquoi un tel succès ?

Le développement personnel cartonne. Livres et coach fleurissent et nous permettraient de résoudre tous nos problèmes moyennant un certain coût. Alors, vraie solution pour tout le monde ou un sacré coup marketing ?

Avec

  • Albert Moukheiber Psychologue clinicien, docteur en neurosciences cognitives
  • Camille Teste Militante féministe, professeure de yoga et autrice
  • Christie Vanbremeersch Formatrice et écrivain

Si vous avez poussé les portes d’une librairie pour y trouver l’ouvrage de vos vacances, vous avez sûrement remarqué la place prise désormais par le rayon Vie pratique. Auparavant, c’était le refuge des livres de cuisine et des manuels de culture physique. Mais si ces livres existent, leur rayon abrite désormais des ouvrages de développement personnel et il s’étend de plus en plus face au succès de ces manuels, guides et méthodes censés nous apprendre à mieux vivre.

Un podcast de 56 mn, le débat de midi sur France Inter, avec Jean-Matthieu Pernin

https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-de-midi/le-debat-de-midi-du-mardi-01-aout-2023-9521387?utm_source=pocket-newtab-fr-fr

L’altruisme efficace, Les quatre accords toltèques, Le pouvoir de la confiance en soi, sont quelques-uns de ces succès de la littérature de développement personnel. Un genre qui se vend très bien, notamment après la crise sanitaire qui a vu bondir les achats de livres de 19 % en France et 6 millions de livres vendus entre mai 2021 et avril 2022.

Les applications, les podcasts, les émissions se multiplient sur le sujet et le monde entier semble avoir trouvé le chemin pour répondre à ces problèmes existentiels. Très appréciés par certains, décriés par d’autres pour le côté pensée magique enrobée de marketing, pourquoi le développement personnel rencontre-t-il un tel succès ?

Des livres qui correspondent à notre époque ?

Le développement personnel ne date pas d’hier. Il serait né au XIXe siècle, mais aujourd’hui, on voit un véritable phénomène du coaching et sur plein de supports différents. Selon le psychologue Albert Moukheiber, ce sont les mêmes mécanismes que pour les régimes alimentaires : « Que ce soit par la pensée magique ou bien la loi de l’attraction, ce sont toujours les mêmes ficelles. Lorsqu’on va mal, on va avoir tendance à individualiser les sujets. On se sent responsable alors que ce n’est pas le cas. Nous sommes des animaux sociaux, il y a donc plein de facteurs systémiques. Mais ça arrange beaucoup de personnes. Par exemple, s’il y a un problème dans une entreprise, le patron ne va pas augmenter les salaires ou améliorer les conditions de vie et de travail, il va embaucher un coach qui va devenir responsable du bien-être de l’entreprise. »

Aller mal, cela existe depuis toujours, et les solutions magiques ne sont pas nouvelles. On les retrouve dans L’Oracle de Delphes par exemple, où déjà, on retrouve une vision curative de la santé et de la psychologie : « On oublie complètement les déterminants sociaux, hiérarchiques. C’est ce qui se passe actuellement dans certaines boites, où l’on considère que l’entreprise est une famille. »

La quête de la meilleure version de soi-même

Nous vivons dans une époque individualiste où les livres de développement personnel en sont le reflet. Pour Camille Teste : « C’est comme un piège issu du néolibéralisme qui nous rend responsables de nos malheurs et de nos bonheurs. C’est la quête de la meilleure version de soi-même. Là où c’est pernicieux, c’est ce que la philosophe slovène Alenka Zupančič appelle l’impératif bio moral. Non seulement, il faut travailler sur soi, développer tout un tas de pratiques pour aller mieux, mais en plus, si vous ne le faites pas, vous êtes une mauvaise personne. C’est devenu une question morale. » À lire aussi : Le développement personnel fait-il du mal aux femmes ?

Les coachs, les nouveaux psys ?

Aujourd’hui, les coachs sont partout, et pour beaucoup de personnes, il est plus facile de dire que l’on voit un coach qu’un psy. Pour le psychologue Albert Moukheiber : « Au départ, le coaching était uniquement dédié aux compétences professionnelles. Par exemple, si vous aviez une entreprise de dix personnes qui grossissait jusqu’à avoir 200 salariés et que vous ne saviez pas gérer ça, on faisait appel à un coach qui vous formait au management. Petit à petit, il y a eu un glissement où les coachs ont commencé à gérer les angoisses, la qualité du sommeil… Il y a une grande partie du business du coaching, où on forme des coachs à devenir coach, où les gens se découvrent une compétence de coach. Ça rapporte beaucoup plus d’argent de vendre une formation que des séances individuelles qui risquent de s’arrêter.

Le coach n’a pas non plus les mêmes contraintes qu’un psy. Si un psy veut développer sa thérapie, il doit faire un groupe expérimental, valider sa méthode par des confrères, la publier dans une revue scientifique, voir s’il y a des facteurs confondants, alors qu’un coach peut simplement dire qu’il a trouvé une technique qui marche, en faire une méthode, et la certifier. »

L’Ennéagramme n’est ni catho ni casher

La lecture de ce livre, publié aux éditions du Cerf, m’a réjoui. Une documentation extrêmement approfondie. De plus, Anne Lécu tient un rôle non négligeable : celui de Terminator, pour envoyer les contorsions intellectuelles du père Pascal Ide sur l’ennéagramme au tapis…

Voici quelques lignes de sa conclusion :

1. L’Ennéagramme provient de l’occultisme, ce qui est le plus souvent… occulté au profane, qu’il soit croyant ou incroyant. Cette dissimulation a pour but de le rendre encore plus invasif car ni la spiritualité, ni la psychologie authentiques ne sauraient intégrer sa logique mécanique ou ses présupposés gnostiques.

2. L’initiation à l’Ennéagramme repose sur un modèle … initiatique, puisqu’il est proscrit de l ‘« appren­dre » seul et qu’il ne peut être que l’objet d’une « trans­mission » au sein d’un groupe. Ce qui annihile la critique externe et paralyse la critique interne sous couvert de « travailler » à l’émergence d’une conscience libre.

3. L’Ennéagramme est un dispositif axiomatique et totalisant qui plie à son cadre l’exégèse théologique, le commentaire philosophique, l’analyse psychologique, la théorie scientifique qui lui convient et, sinon, l’exclut puisqu’il se veut la norme et la clé de toute réflexion. Quiconque, croyant ou incroyant, veut l’adapter à sa tradition de pensée doit en conséquence distordre celle-ci pour la rendre conforme à ce modèle absolu ainsi que le montre l’assimilation courante de la « trans­formation de soi » à la conversion religieuse ou à la guérison médicale.

4. L’Ennéagramme est autocentré et circulaire, ce qui le rend étanche à la moindre critique, puisque quiconque s’y risque voit ses remarques réduites à une des caractéristiques de son type et doit alors s’en justifier.

5. L ‘Ennéagramme est hors de tout processus de vérification, puisqu’il est à la fois dépourvu de base scientifique et de protocole d’évaluation, le critère souvent avancé de la « satisfaction client » n’ayant rien d’objectif.

6. L’Ennéagramme assigne chaque individu à un type qui s’apparente à un destin, lequel ne se distingue pas d’une fatalité. Or, la liberté humaine, ainsi que définie par les philosophes et à commencer par Aristote, réside dans la possibilité des contraires, le « pouvoir ne pas». Toute caractérologie qui s’abîme dans le détermi­nisme annule à terme le libre arbitre.

7. L ‘Ennéagramme est avant tout un commerce placé sous le signe de l’argent qui parle de compassion et profite au capital. Combien coûte-t-il à ses consomma­teurs ? Combien rapporte-t-il à ses commissionnaires ? Combien gagnent, petits ou grands, ses propagateurs, entrepreneurs, formateurs, animateurs? Et pour quel gain réel chez leurs adeptes-clients ?

8. L’Ennéagramme engendre, potentiellement ou effectivement, inconsciemment ou consciemment, la manipulation. L’aspect en apparence innocent de la typologie des personnalités n’est que l’accroche de l’engrenage envoûtant de ce dispositif. On en arrive ainsi à penser autrui, la place d’autrui la relation avec autrui à son insu et en fonction du dispositif.

9. L’Ennéagramme professe l’éthique et pratique l’amoralité. Que reste-t-il des soucis épistémologique ou déontologique qui sont claironnés pour authentifier l’inoffensivité de la méthode lorsque Fabien Chabreuil écrit que« les types du Père (HUIT) et du Fils (DEUX) sont des types orientés vers l’extérieur. [ … ] Cela permet de faire l’hypothèse que le type de l’Esprit Saint est CINQ (Le Verbe !) et qu’il nous manque, après le livre du Père et celui du Fils, le livre de l’Esprit Saint » ? Ou Helen Palmer que « le système fonctionne si bien que j’ai vu certaines personnes prétendre avoir des dons de voyance parce qu’elles pouvaient typer rapidement et sans erreur » ? Ou Richard Riso et Russ Hudson que « comprendre l’Ennéagramme, c’est comme avoir une paire de lunettes spéciales qui permet de voir au-delà de la surface des gens avec une clairvoyance particulière : nous pouvons en fait les voir plus clairement qu’ils ne se voient eux-mêmes » ?

Et, plus prosaïquement, comment une entreprise, sous couvert de formation continue, peut-elle obliger ses salariés à suivre un stage d’Ennéagramme ?

ÉCOUTER L’ÉMISSION CULTURE-CLUB avec Anné Lécu (25 mn)

ÉCOUTER LE PODCAST « RELIGIONS DU MONDE » avec Anne Lécu et Jean-Philippe Trottier : Ennéagramme, idolâtries modernes, quels sont les dangers? (48′)

Vocation, vocation professionnelle, orientation : la complexité du marché de l’orientation (CGP/A2P)

Bertran Chaudet et une équipe

 Dans notre époque souvent difficile sur le plan économique, les jeunes comme les adultes cherchent leur place, tant dans la société que dans l’entreprise. Pour les jeunes, il s’agit de choisir un cursus d’études supérieures qui sera une porte d’entrée dans la vie active. Ce choix doit correspondre le mieux possible aux potentiels, aux compétences et aux aspirations de chacun. 
Pour les adultes en reconversion, il s’agit d’abord de réaliser un bilan des expériences professionnelles antérieures avant de construire un nouveau projet, en continuité ou en rupture. Ce bilan de compétences est finançable entièrement dans le cadre du compte personnel de formation (CPF) dont bénéficie tout salarié.
C’est dire si l’enjeu du travail du consultant en orientation est important ! Quant aux candidats à l’orientation, ils doivent faire leur choix dans une offre opaque où le meilleur côtoie l’approximatif.
On découvre par exemple en interrogeant ceux qui ont fait un bilan de compétence dans une chambre de commerce et d’industrie (CCI) que c’est l’ennéagramme qui en a été l’outil dominant. La même expérience est relatée dans le cadre de l’année de discernement proposée par des structures éducatives chrétiennes aux jeunes en panne d’idée pour leur avenir. Dans le domaine de la reconversion professionnelle, on pourra lire à titre d’exemple le programme psycho-spirituel teinté de concepts professionnels, intitulé « bilan de compétences », proposé par le cabinet de recrutement EcclésiaRH.1 La certification Qualiopi des organismes formateurs ne certifie en rien le contenu des formations dispensées, puisqu’elle vise essentiellement la qualité administrative de la procédure.
Nous pensons qu’il est difficile de vouloir distinguer une méthode ou une œuvre de son fondateur. Il nous a semblé utile d’apporter des critères de discernement sur une de ces méthodes en particulier, appelée Analyse de la personnalité professionnelle (A2P). En effet, l’analyse de la personnalité professionnelle, appuyée sur l’outil intitulé Centre de Gravité Professionnel (CGP) séduit de nombreuses personnes et de nombreuses entreprises ou institutions, dans le milieu chrétien notamment. Et quel ne fut pas notre étonnement quand nous avons investigué les bases de cette démarche.
Notre objectif est d’éveiller à quelques questions fondamentales afin que chacun puisse mener sa propre réflexion et faire un choix éclairé sur la méthode et le professionnel avec lequel il discutera de ses projets d’avenir. (Toutes les informations sourcées d’internet sont susceptibles de disparaître).

Retrouvez cet article sous forme de livret PDF ou epub

Jourda, l’inventeur du Centre de gravité professionnel

L’inventeur du concept de Centre de Gravité Professionnel et fondateur de l’Institut de la Vocation de Lyon, Mathieu-Robert Jourda, est peu bavard sur sa formation : il revendique une formation commerciale supérieure, trois ans de fac de psycho, une psychanalyse et de nombreuses intuitions personnelles. Sur linkedin il met en évidence son « auto-formation », dont il se montre très fier. On y trouve des traces de psychanalyse jungienne : « j’ai intégré, à l’université, et aussi par mes propres moyens, tout un corpus de sciences humaines dont l’élément de base est évidemment la Conscience Humaine dans ses constituants, son fonctionnement et ses effets. Or de cette chose aussi importante qu’est la conscience, la science n’a pas pu dire un seul mot d’explication scientifique, ni de son origine ni de sa nature, et pourtant je n’ai jamais cessé de croire à l’existence de la conscience ».2

Continuer la lecture de « Vocation, vocation professionnelle, orientation : la complexité du marché de l’orientation (CGP/A2P) »

Une communication sans violence ?

La Communication NonViolente est-elle l’outil idéal pour résoudre tous nos conflits ? Dans le couple, en entreprise, avec nos enfants, nos parents, et même entre communautés hostiles ou pays en guerre ?

C’est en tout cas l’ambition affichée de son fondateur, Marshall Rosenberg. Lancée en 1963 et aujourd’hui pratiquée aux quatre coins de la planète, cette technique semble être la panacée à laquelle nous rêvions tous et toutes pour vivre en harmonie avec notre prochain.

« Il y a sur cette Terre des gens qui s’entretuent : c’est pas gai. Je sais. Il y a aussi des gens qui s’entrevivent. J’irai les rejoindre » disait Prévert. Cette série en cinq chapitres donne la parole à un aventurier de l’esprit, mû depuis plusieurs décennies par le désir de trouver le mode d’emploi de l’interaction, la planète communicationnelle sur laquelle il nous serait donné de nous entrevivre.

Qu’est-ce que la Communication NonViolente ? Qui l’a créée ? Quel est son objectif ? Quels sont les quatre piliers de la CNV ? Comment communiquer sans conflit et sans jugement au quotidien ? La non-violence implique-t-elle de censurer certaines émotions comme la colère ? La CNV mène-t-elle à un discours convenu, vendu au politiquement correct ? Nous explorons ensemble le monde joyeux, mais aussi les aspects inquiétants de la Communication NonViolente : ses règles, ses codes, son vocabulaire et ses figures de proue.

5 podcats d’une heure à écouter sur le site Méta de choc

1. Les bases de la Communication NonViolente — 2. La soif de communiquer — 3. Des ambitions aux résultats — 4. Dérapages contrôlés — 5. Une communication à la dérive