Le statut des apparitions mariales

Le peuple chrétien, sans toujours pouvoir l’exprimer, a considéré la Vierge Mère comme un abrégé de la foi. Et il est vrai que les quatre grandes affirmations dogmatiques sur Marie s’adressent à tout être humain. Ce sont comme quatre icônes de l’amour sauveur et créateur du Père par le Fils dans l’Esprit :
– La maternité divine parle de l’Incarnation du Fils de Dieu également Fils de l’Homme ;
– La virginité révèle la force de Dieu qui crée une nouvelle humanité par l’opération de l’Esprit ;
– L’immaculée conception dévoile le primat de la Grâce du Christ et la victoire suprême de sa Rédemption ;
– L’assomption signifie la Résurrection comme glorification finale et totale de l’Humanité et de la Création par la puissance de la très sainte Trinité.
C’est comme si Marie reflétait et annonçait toutes les facettes de la Révélation. Un plus grand attachement à l’unique Révélation est donc le terreau dans lequel s’enracinent les critères de discernement de nouvelles révélations privées ou de nouvelles apparitions mariales.

1. Révélations et apparitions : quelle place dans la vie du chrétien ?

Le Synode sur la Parole de Dieu
En 2008 s’est tenu à Rome un Synode sur la Parole de Dieu. Benoît XVI en a donné la synthèse dans l’Exhortation Apostolique « Verbum Domini » en 2010 ; voici ce qu’il écrit au n° 14, sur le sujet qui nous intéresse :
« L’Église exprime qu’elle est consciente de se trouver, avec Jésus Christ, face à la Parole définitive de Dieu ; il est « le Premier et le Dernier » (Ap 1, 17). Il a donné à la création et à l’histoire son sens définitif ; c’est pourquoi nous sommes appelés à vivre le temps, à habiter la création de Dieu selon le rythme eschatologique de la Parole ; « l’économie chrétienne, du fait qu’elle est l’Alliance nouvelle et définitive, ne passera jamais et aucune nouvelle révélation publique ne doit plus être attendue avant la glorieuse manifestation de notre Seigneur Jésus Christ (cf. 1 Tm 6, 14 et Tt 2, 13) » (Dei Verbum, 4).
En effet, comme l’ont rappelé les Pères durant le Synode, « la spécificité du Christianisme se manifeste dans l’événement Jésus-Christ, sommet de la Révélation, accomplissement des promesses de Dieu et médiateur de la rencontre entre l’homme et Dieu […]. Saint Jean de la Croix a exprimé cette vérité de façon admirable :
« Dès lors qu’il nous a donné son Fils, qui est sa Parole – unique et définitive –, il nous a tout dit à la fois et d’un seul coup en cette seule Parole et il n’a rien de plus à dire. […] Car ce qu’il disait par parties aux prophètes, il l’a dit tout entier dans son Fils, en nous donnant ce tout qu’est son Fils. Voilà pourquoi celui qui voudrait maintenant interroger le Seigneur et lui demander des visions ou révélations, non seulement ferait une folie, mais il ferait injure à Dieu, en ne jetant pas les yeux uniquement sur le Christ et en cherchant autre chose ou quelque nouveauté » (Montée au Mont Carmel, II, 22).

Le Synode a recommandé
d’« aider les fidèles à bien distinguer la Parole de Dieu des révélations privées », dont le rôle « n’est pas de […] « compléter » la Révélation définitive du Christ, mais d’aider à en vivre plus pleinement à une certaine époque de l’histoire » (CEC 67). La valeur des révélations privées est foncièrement différente de l’unique Révélation publique : celle-ci exige notre foi ; en effet, en elle, au moyen de paroles humaines et par la médiation de la communauté vivante de l’Église, Dieu lui-même nous parle. Le critère pour établir la vérité d’une révélation privée est son orientation vers le Christ lui-même. Quand celle-ci nous éloigne de Lui, alors elle ne vient certainement pas de l’Esprit Saint, qui nous conduit à l’Évangile et non hors de lui. La révélation privée est une aide pour la foi, et elle se montre crédible précisément parce qu’elle renvoie à l’unique Révélation publique. C’est pourquoi l’approbation ecclésiastique d’une révélation privée indique essentiellement que le message s’y rapportant ne contient rien qui s’oppose à la foi et aux bonnes mœurs. Il est permis de le rendre public, et les fidèles sont autorisés à y adhérer de manière prudente. Une révélation privée peut introduire de nouvelles expressions, faire émerger de nouvelles formes de piété ou en approfondir d’anciennes. Elle peut avoir un certain caractère prophétique (cf. 1 Th 5, 19-21) et elle peut être une aide valable pour comprendre et pour mieux vivre l’Évangile à l’heure actuelle. Elle ne doit donc pas être négligée. C’est une aide, qui nous est offerte, mais il n’est pas obligatoire de s’en servir. Dans tous les cas, il doit s’agir de quelque chose qui nourrit la foi, l’espérance et la charité, qui sont pour tous le chemin permanent du salut. »
Ajoutons, sous la plume du P. Alain Bandelier :
« À proprement parler, il n’y a pas à croire aux révélations particulières. En tant qu’événements, elles ne sont pas objet de foi, mais d’enquête : elles sont vraies ou fausses. En tant que signes de Dieu éventuels, elles ne sont pas non plus objet de foi, mais appel à la foi. Elles n’invitent pas à se centrer sur elles, mais sur Celui dont elles témoignent. Ce serait un déséquilibre spirituel que d’en faire un absolu, de nourrir sa vie spirituelle de révélations particulières, de se faire l’apôtre d’un lieu d’apparitions au lieu de prêcher l’Apparition par excellence, qui est le Verbe fait chair. En revanche, quand tel ou tel signe est authentique, et que la Providence permet que d’une manière ou d’une autre il nous atteigne, il serait présomptueux et prétentieux de décréter, comme beaucoup, « je n’ai pas besoin de cela pour croire « . Pour croire, sans doute. Mais pour mieux croire, sans doute pas. Ou alors c’est une façon de dire à Dieu que nous savons mieux que lui ce qui est bon pour nous, et qu’il a bien tort de se déranger. »
(dans « Pentecôte aujourd’hui » n°32, juillet 98).

2. Quels sont les critères retenus par l’Église pour discerner les vraies et les fausses apparitions ou révélations ?

# « L’Église a toujours été prudente en la matière. « Experte en humanité », comme le disait Paul VI, elle sait bien qu’en ce domaine abondent les illusions, les supercheries ou les influences sataniques. En considérant aussi qu’une apparition authentique, en son origine, peut être soumise à ces interférences (psychologiques ou autres). Le cardinal Lambertini au XVIIIe siècle (il deviendra Benoît XIV), avait défini quatre étapes pour le discernement indispensable des apparitions et révélations : 1) examiner la personnalité du voyant ; 2) le contenu de l’apparition ; 3) la nature ou la forme de l’apparition ; 4) la finalité de l’apparition. Aujourd’hui, les Commissions canoniques qui ont à examiner des faits supposés surnaturels procèdent à une investigation critique à un triple point de vue : historique, psychologique et théologique.
D’un point de vue historique, on cherche à répondre à différentes questions. L’événement a-t-il eu lieu ? Dans quel endroit ? À quelle heure ? A-t-il eu des témoins oculaires ou, du moins, a-t-il été rapporté par d’autres personnes que le bénéficiaire ? Le témoignage du voyant est-il cohérent ? S’il y a plusieurs voyants, leur témoignage est-il concordant ? Dans cette première étape, les supercheries, trucages et inventions peuvent être repérés.
Le jugement psychologique s’applique à la personnalité des voyants. On pourra avoir recours à des médecins et à des psychologues. Une sensibilité exacerbée, un tempérament trop impressionnable, une imagination débordante seront autant de traits psychologiques défavorables. Le caractère et la moralité du voyant, ses qualités naturelles seront examinés. Son obéissance aux supérieurs ecclésiastiques et son humilité seront retenues comme des critères indispensables. La modestie de son train de vie, après l’apparition, plaidera en sa faveur. Cette deuxième approche devrait permettre d’éliminer les névropathes ou les imposteurs, et de prendre la mesure des pieuses exaltations et des exagérations.
Enfin, le jugement théologique examinera les faits au regard de la foi. L’interrogation sera ontolo- gique : quelles sont les causes de l’apparition ? Les causes sont-elles naturelles, diaboliques ou divines ? Puis elle sera théologique : elle portera sur la description de l’apparition et le contenu du message. Le contenu du message est, lui aussi, un critère déterminant. Si une seule affirmation contenue dans le message « révélé » est en contradiction avec la Révélation des Ecritures et avec la doctrine catho- lique ou avec la morale et la discipline de l’Église, ou même avec le simple bon sens naturel et chrétien, l’Église considérera l’apparition comme fausse. » (Yves Chiron, Présent, 9/2/08).
# « Le seul point commun aux mariophanies — néologisme cher au philosophe Jean Guitton, qui l’inventa pour définir le phénomène — est l’identité de Celle qui se montre pour ne délivrer toujours, suivant des modalités diverses, qu’un message unique, celui-là même (le seul) qu’elle formula au cours de sa vie terrestre et que nous rapporte l’Évangile de saint Jean : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le » (Jn 2, 5). Par là, Marie nous renvoie à la personne du Christ, à sa Parole, mais aussi à l’Église qui a reçu mission d’annoncer cette parole, de proclamer la Bonne Nouvelle du Salut : toute apparition mariale authentique ramène à l’Évangile et, partant, à la mission évangélisatrice de l’Église. Jamais voyant n’aura été sur ce point aussi explicite que Bernadette Soubirous déclarant à son curé, le peu commode abbé Peyramale : « Je ne suis pas chargée de vous le faire croire, je suis chargée de vous le dire ». La mission du voyant n’est autre que de reformuler la Parole : non pas sa parole, mais l’unique, éternelle et irréfragable Parole, objet de la mission de l’Église.
Le premier critère d’authenticité d’une apparition mariale est son ecclésialité. De ce point de vue, Lourdes fait figure de modèle et il est intéressant de constater, avec le recul d’un siècle et demi, combien l’événement répond aux critères positifs énoncés par les Normes (CDF, 1978 & 2011). Que ce soient les faits eux-mêmes, leurs fruits ou la personnalité de la voyante, les apparitions de Lourdes sont d’une telle limpidité qu’elles emportent l’adhésion : on n’y rencontre aucun élément susceptible de jeter la suspicion sur l’équilibre psychologique de Bernadette, sur la véracité de son expérience, sur la force et la qualité de son témoignage. » (Joachim Bouflet, Le Figaro, numéro spécial sur le 150° anniversaire des apparitions de Lourdes, 2008, pp. 94-101).
# « Le critère des fruits spirituels de l’apparition — fréquemment avancés comme preuves de l’authenticité de celle-ci — est particulièrement délicat à manier. Il est certain que des conversions se produisent en des lieux de fausses apparitions, qu’y fleurissent de réelles vocations, que nombre de fidèles y trouvent des grâces de paix, de réconfort, de réconciliation. À ce qui peut sembler un paradoxe, Mgr Bernareggi, évêque de Bergame, répondait déjà dans le décret du 30 avril 1948 par lequel il déniait aux faits de Bonate tout caractère surnaturel : « Nous n’entendons pas pour autant exclure que la Madone, invoquée avec confiance par tant d’âmes pieuses qui en toute bonne foi ont cru qu’elle apparaissait aux Ghiaie (di Bonate), ait pu concéder des grâces spéciales et même des guérisons non ordinaires, récompensant ainsi leur dévotion envers Elle ». En effet, c’est la foi des croyants qui incline Dieu à accorder ses grâces, et non le fait même de l’apparition, celle-ci serait-elle authentique. » (Id.)

3. La pratique ecclésiale est systématiquement minimaliste. Mieux vaut exagérer dans la méfiance qu’ouvrir la porte aux illusions.

« Depuis le concile de Trente, la responsabilité première du discernement est confiée à l’évêque du diocèse où se produit l’événement soi-disant miraculeux. Il lui appartient de vérifier l’authenticité du phénomène, soit par lui-même, soit par l’intermédiaire d’une commission d’experts désignée par lui. Les critères de discernement sont toujours : 1) la vérité du message ; 2) la crédibilité des témoins ; 3) les fruits spirituels dans la communion ecclésiale ; 4) le caractère miraculeux, échappant aux explications naturelles.
Même dans l’hypothèse la plus favorable où l’évêque du lieu finit par reconnaître une apparition, la vérité de celle-ci ne s’impose pas aux fidèles comme objet de foi. Elle devient seulement objet de croyance humaine. En conséquence on peut encore refuser son assentiment à de telles révélations ou s’en détourner, pourvu qu’on le fasse avec modestie et respect. Seules quelques très rares apparitions, comme celles de Paray-le-Monial, Lourdes et Fatima, bénéficient d’un statut plus proche de la foi, dans la mesure où elles s’inscrivent dans le calendrier liturgique de l’Église. » (J.-M. Bot, L’Esprit des derniers temps, Éd. de l’Emmanuel, 2004, pp. 75-76.)
« Sur le point de la certitude absolue des visions, saint Jean de la Croix insiste sur la difficulté d’interprétation de la part du bénéficiaire. Les passages où il traite du travail inconscient de l’esprit sur les communications reçues de Dieu, sont nombreux et parfaitement clairs :
« L’on ne réfléchit pas que, même lorsqu’il s’agit de visions véritables, l’âme, en se les appropriant et en s’y attachant, peut s’y embarrasser, tout comme dans les biens de ce monde, en sorte qu’elle doit savoir y renoncer aussi bien qu’à ceux-ci » (Montée du Carmel, liv. II, chap. 16. n° 14).
« Les paroles et les révélations ont beau être de Dieu, nous ne devons pas nous y appuyer avec assurance, parce que nous pouvons très facilement nous tromper beaucoup dans le sens que nous leur donnons. En effet, toutes les paroles de Dieu sont un abîme de profondeur spirituelle. Vouloir les limiter à ce que nous en comprenons, à ce que notre sens humain peut en saisir, c’est vouloir palper l’air et une poussière que la main y rencontre : l’air s’échappe et rien ne nous demeure » (Montée du Carmel, liv. II, chap. 19. n° 10).
« Les visions et les paroles de Dieu, toujours véritables et certaines en elles-mêmes, ne le sont pas toujours par rapport à nous […]. Elles n’ont pas toujours le sens que nous leur donnons » (Montée du Carmel, liv. II, chap. 19. n° 11).
Il y a toujours danger pour le voyant de confondre l’action divine avec la sienne ; il lui est pour ainsi dire impossible de discerner là où a pris fin l’influence divine et où l’esprit a commencé à travailler pour son propre compte. L’action divine a provoqué une onde de choc qui ne relève pas directement d’elle, mais où, selon une comparaison du P. Poulain, des cercles concentriques s’engendrent l’un l’autre jusqu’à ce qu’ils atteignent le rivage. Même au cours d’une vision authentique, l’esprit humain peut mêler, et mêle habituellement dans une mesure difficile à déterminer, son action à l’action divine et l’on ne peut attribuer purement à Dieu les connaissances acquises de cette manière. L’altération peut se produire après coup, lorsque l’esprit travaille sur les données reçues de Dieu. Le discernement est quasi-impossible.
C’est la raison pour laquelle le type d’adhésion qu’elles requièrent n’est jamais la foi théologale, mais une foi humaine :
« Il ne faut jamais s’y appuyer avec assurance ni leur donner une créance absolue, serait-il avéré que ce sont des révélations, des réponses et des paroles de Dieu. Les choses révélées peuvent être véritables et certaines en elles-mêmes, mais ne pas l’être […] suivant notre manière de comprendre » (St Jean de la Croix, Montée du Carmel, liv. II, chap. 18, n° 9).
Le critère reste d’une part la raison naturelle dont l’emploi n’est pas facultatif. même en ce domaine, et de l’autre la Révélation telle que l’enseigne le magistère de l’Église.
« Nous devons tellement nous attacher à la raison et à la doctrine évangélique que s’il nous arrivait, malgré nous ou de notre plein gré, de recevoir quelque communication surnaturelle, nous ne devrions en admettre que ce qui se trouverait parfaitement conforme à l’une et à l’autre, et en ce cas l’admettre non parce que c’est une révélation, mais parce que c’est une chose raisonnable, laissant de côté ce qui est purement révélation. » (St Jean de la Croix, Montée du Carmel, liv. II, chap. 21, n° 4).
L’Église n’engage jamais sa responsabilité en matière de révélation privée, sauf pour mettre en garde éventuellement contre tel ou tel message qui se répand dans le peuple chrétien et qui ne présente pas les garanties doctrinales ou spirituelles indispensables ; la valeur de la révélation n’est jamais que celle du témoignage de la personne qui la rapporte, ni plus ni moins. Ce qui est attesté n’est jamais absolument certain.
Même lorsque, à la suite d’une révélation, l’Église a institué une fête liturgique ou approuvé une dévotion (la Fête-Dieu à l’initiative de sainte Julienne du Mont Cornillon par exemple, ou la fête du Sacré-Cœur à celle de sainte Marguerite-Marie Alacoque), la révélation elle-même ne fait pas l’objet d’une approbation expresse ; elle reste une croyance libre. Ce que recherche l’Église est le bien que les âmes peuvent tirer d’une pratique de dévotion conforme à la Révélation. » (Dom Guy-Marie Oury, osb, À propos des révélations privées, quelques rappels de la doctrine traditionnelle. Rev. Esprit et Vie, 18/9/97)

4. Existe-t-il des règles à suivre pour aborder les apparitions et révélations privées ?

Des règles ont bien été établies au cours des siècles, après mûre réflexion, tant par des directeurs spirituels sérieux et des spécialistes des phénomènes mystiques que par des papes, afin de guider les personnes intéressées par les révélations privées. Le capucin américain Benedict Groeschel (prêtre, psychologue, co-fondateur des franciscains du Bronx) donne dans son livre Une douce petite voix, Guide pratique sur les révélations privées, publié aux Éditions des Béatitudes en 2003, quatre règles :
1. Garder une perspective : garder une distance devant toute revendication de révélations.
2. La vérité des révélations privées : aucune révélation privée ne vient directement de Dieu et, en conséquence, aucune ne peut être présumée sans conteste authentique

3. La portée des révélations privées : une révélation privée est, par définition, personnelle et devrait, dès lors, être utilisée avec circonspection par ceux auxquels elle a été destinée, seulement dans les limites que pose habituellement la sagesse humaine et jamais de façon déraisonnée ni contre l’enseignement de l’Église. Elle ne doit jamais être considérée comme un guide infaillible.

4. Les sources d’erreur dans les révélations privées : une personne qui est le récipiendaire d’une révélation authentique, même un saint canonisé, peut faire des erreurs dans ta compréhension de cette révélation ou en rapportant des expériences qui ne sont pas des révélations authentiques.
Il distingue quatre types de révélations :
  • authentiques,
  • discutables,
  • fausses
  • et truquées.
Et il donne quelques critères simples qui permettent de laisser tomber une révélation privée sans se lancer dans trop d’investigations. Il dit : « Pour cela, au moins l’un des facteurs suivants doit se retrouver dans le récit de la révélation. S’il se confirme, on peut rejeter la révélation :
1) Le récipiendaire ou le voyant est de toute évidence malade mental, ou la révélation contient des éléments psychotiques. […]
2) La substance de la révélation est clairement contraire à la révélation divine traditionnelle et à l’enseignement de l’Église. Les révélations étant généralement vagues et quasiment jamais rapportées en termes théologiques, un certain temps est parfois nécessaire avant de parvenir à cette déduction.
3) La révélation, bien que non hérétique, est clairement inconsistante par rapport à l’enseignement de l’Église.
4) Un comportement net du prétendu voyant, qui se montre arrogant, orgueilleux, plein de morgue ou provoquant suffit à disqualifier son récit.
5) Une fausse prophétie, lorsqu’elle vient soutenir la supposée révélation, est un signe certain que l’on a affaire à quelque chose d’inférieur au pouvoir de Dieu.
6) Poulain conseille à la personne qui a reçu la révélation d’accepter l’idée qu’elle peut se tromper. Quelques récipiendaires, parce qu’ils sont des gens simples, peuvent refuser cette éventualité et la considérer comme une infidélité à leur mission.
7) Il faut immédiatement ignorer le récit de la révélation ou le récipiendaire s’ils s’avèrent être impliqués dans la magie, l’occulte ou le diabolique. […] Le psychique, ou même l’occulte, peuvent avoir l’apparence de miracles. Une bonne méthode est d’avoir à l’esprit que l’inexplicable n’est pas nécessairement divin ou surnaturel. […] Dans tous les cas la possibilité de manipulation ou d’interférences venant de forces diaboliques ne doit jamais être ignorée. En résumé, la preuve évidente de l’implication du récipiendaire dans tout ce qui sent l’occulte ou le diabolique est une raison suffisante pour discréditer la totalité de son récit.
[…] On ne doit pas se sentir coupable d’être prudent, même si on est favorablement disposé à l’égard du message de la révélation. L’intelligence, le jugement et le discernement sont autant de dons de Dieu qui doivent être utilisés. L’attitude historique de l’Église, qui démontre la prudence souvent décriée de la hiérarchie de l’Église, justifie amplement de résister à ceux qui exigent une acceptation totale de leurs propres déclarations. » (B. Groeschel, op. cit., pp. 96-99).

5. Le culte marial et ses déviations possibles

Voici ce qu’écrit le Catéchisme de l’Église Catholique (1992, n° 971). « Toutes les générations me diront bienheureuse » (Lc 1,48) : « La piété de l’Église envers la Sainte Vierge est intrinsèque au culte chrétien » (Paul VI, MC 56). La Sainte Vierge « est légitimement honorée par l’Église d’un culte spécial. Et de fait, depuis les temps les plus reculés, la bienheureuse Vierge est honorée sous le titre de « Mère de Dieu »; les fidèles se réfugient sous sa protection, l’implorant dans tous leurs dangers et leurs besoins […]. Ce culte […] bien que présentant un caractère absolument unique […] n’en est pas moins essentiellement différent du culte d’adoration qui est rendu au Verbe incarné ainsi qu’au Père et à l’Esprit Saint ; il est éminemment apte à le servir » (Vat. II, L.G. 66) ; il trouve son expression dans les fêtes liturgiques dédiées à la Mère de Dieu et dans la prière mariale, telle le Saint Rosaire, « abrégé de tout l’Évangile » (Paul VI, MC 42) ».
Sur le culte marial, on pourrait citer aussi le Catéchisme des Évêques de France (1991, n° 355), également le Pape Paul VI, dans son Exhortation Marialis Cultus (1974, n° 22), où il montre que la dévotion mariale se comprend mieux en regardant l’Église dans son rapport à Marie. Mais il y a des déviations possibles que le magistère n’a pas manqué de pointer.
Déjà le Concile Vatican II (1964, L. G. n° 67) pointe deux déviations. « Que les fidèles se souviennent qu’une véritable dévotion ne consiste nullement dans un mouvement stérile et éphémère de la sensibilité, pas plus que dans une vaine crédulité ; la vraie dévotion procède de la vraie foi, qui nous conduit à reconnaître la dignité éminente de la Mère de Dieu, et nous pousse à aimer cette Mère d’un amour filial, et à poursuivre l’imitation de ses vertus. »
Paul VI pointe lui aussi les déviations qu’un culte marial authentique peut éviter (1974, M.C. n° 38-39).
« Nous croyons utile d’attirer l’attention sur quelques aspects erronés de ce culte. Le Concile Vatican II a déjà dénoncé avec autorité aussi bien l’exagération de contenus ou de formes qui en arrive à fausser la doctrine, que l’étroitesse d’esprit qui obscurcit la figure et la mission de Marie. Il a pareillement dénoncé certaines déviations du culte comme la crédulité superficielle substituant à l’engagement sérieux la confiance facile en des pratiques purement extérieures, et aussi le sentimentalisme stérile et éphémère, si étranger au style de l’Évangile qui exige au contraire un travail persévérant et concret. Quant à Nous, Nous renouvelons cette mise en garde : de telles formes de dévotions ne sont pas en harmonie avec la foi catholique et par conséquent ne doivent pas exister dans le culte. Une défense vigilante contre ces erreurs et ces déviations rendra le culte de la Vierge plus vigoureux et plus authentique, c’est-à-dire :
* solide dans son fondement : l’étude des sources révélées et l’attention aux documents du Magistère
prévaudront sur la recherche excessive de la nouveauté et des faits à sensation ;
* objectif dans son contexte historique : on devra donc éliminer tout ce qui est manifestement faux et légendaire ;
* adéquat au contenu doctrinal : d’où la nécessité d’éviter des présentations unilatérales de la figure de Marie qui, en insistant démesurément sur un élément, compromettent l’ensemble de son image évangélique ;
* transparent dans ses motivations : on aura grand soin d’écarter des sanctuaires tout profit mesquin.
Nous voudrions rappeler que le but ultime du culte rendu à la Vierge est de glorifier Dieu, et d’engager les chrétiens dans une vie totalement conforme à sa volonté. »
Et Paul VI va aussi mentionner l’exigence de situer le culte marial dans le cadre du développement de l’œcuménisme (MC n° 32) : « La volonté de l’Église catholique, sans atténuer le caractère propre du culte marial, est d’éviter avec soin toute exagération susceptible d’induire en erreur les autres frères chrétiens sur la doctrine authentique de l’Église catholique, et de bannir toute manifestation cultuelle contraire à la pratique catholique légitime. »

6. Petit inventaire des apparitions reconnues/en suspens/non reconnues

Les apparitions reconnues par l’Église : La Salette (1848), Lourdes (1858), Pontmain (1871), Fatima (1917), Beauraing (1932), Banneux (1933)
Reconnaissances récentes
– Akita, Japon, (1973-1981), reconn. 1984
– Kibeho, Rwanda (1981), reconn. 2001
– Betania, Venezuela (1940-1990), reconn. 1987
– Amsterdam (1945-1959), reconn. 2002
– N-D du Laus (1664) reconn. 2008
Les cas en suspens
– L’Escorial (Espagne) : les apparitions ne sont pas reconnues, mais deux associations canoniques ont été érigées par l’archevêque de Madrid (1993 & 1994), et il a autorisé en 2012 la construction d’une chapelle ; il n’a pas abrogé la note négative de son prédécesseur (1985).
– L’Ile-Bouchard (1947) : apparitions non reconnues, mais pèlerinages et culte public à l’église paroissiale autorisés (2001).
– Pellevoisin (1876) : non reconnues, mais culte autorisé dès 1877 ; en 1983, la guérison de la voyante (+ 1929) est reconnue miraculeuse.
– Rue du Bac (1830) : apparitions non reconnues, mais autorisation de diffuser la médaille.
Une liste des lieux, révélations, ou apparitions, qui ont fait l’objet d’un jugement négatif de l’évêque du lieu. Les dates sont celles des actes épiscopaux. Les textes officiels sont disponibles ici :
– Garabandal (Espagne), 1962
– San Damiano (Italie), 1968
– Kérizinen (F 29), 1973
– Dozulé (F 14), 1985
– Manduria (Italie), 1997
– Naju (Corée), 2009 voyante excommuniée en 2008
– Cénacles de prière de Vallet (F 44), 2010
– Françoise et les Messagers de la Tendresse de Dieu (2005)

7. Le cas difficile de Medjugorje

> Une paroisse 1981
Medjugorje (le nom est d’origine slave et signifie une région entre deux monts) forme une paroisse Catholique Romaine dans laquelle vivent environ 5000 habitants (en 2005). La pastorale de Medjugorje est confiée aux prêtres de la Province franciscaine d’Herzégovine de l’Assomption de Marie.
En 1981, lorsque les apparitions (présumées) ont commencé, la vie de la paroisse a changé : hormis les six voyants, la Vierge a choisi toute la paroisse et les pèlerins pour être ses témoins et ses collaborateurs. C’est particulièrement manifeste dans le message où elle dit : « J’ai choisi spécialement cette paroisse car je voudrais la guider. » (1er mars 1984)
Grâce aux apparitions de la Vierge, Medjugorje – une paroisse rurale ordinaire – est devenue lieu de rassemblement d’une multitude de pèlerins du monde entier, comparable à Lourdes et à Fatima. D’innombrables témoignages de pèlerins disent que c’est précisément en ce lieu qu’ils ont trouvé la foi et la paix. Le message de Medjugorje est un message de paix, de réconciliation, déployé pendant plusieurs décennies.
> Reconnaissance comme sanctuaire 1991-93
A la session régulière de la Conférence Épiscopale Yougoslave à Zadar, les 9-11 Avril 1991, la déclaration suivante a été adoptée :
Depuis le départ, les évêques suivent le événements de Medjugorje à travers l’évêque diocésain, la Commission Épiscopale et la Commission de la Conférence Épiscopale Yougoslave pour Medjugorje. Sur le fondement des recherches effectuées jusqu’à présent, on ne peut affirmer le caractère surnaturel de ces apparitions ou révélations. Mais les rassemblements nombreux de fidèles de divers endroits qui viennent à Medjugorje poussés par des motivations religieuses et autres, exigent l’attention et le soin pastoral en premier lieu de l’évêque diocésain et aussi ceux d’autres évêques avec lui pour qu’à Medjugorje, et en lien avec lui, une saine dévotion envers la Vierge soit promue, en accord avec l’enseignement de l’Église.
Dans ce but, les évêques donneront des directives liturgico-pastorales spéciales et convenables. Aussi à travers leurs commissions, ils continueront à observer la totalité des événements de Medjugorje.
En 1993, il y a eu cette déclaration :
« Après 3 ans de recherches poursuivies par la commission appropriée, nous les évêques, avons accepté Medjugorje comme lieu de prière, comme sanctuaire. Cela signifie que nous n’avons rien contre le fait que quelqu’un vénère la Mère de Dieu d’une façon qui est également en accord avec les enseignements et la foi de l’Église. C’est pourquoi nous remettons cette étude à plus tard. L’Église ne se précipite pas. » Cardinal Dr. Franjo KUHARIĆ, archevêque de Zagreb. (Glas Koncila, 15 août 1993)
On ne peut ignorer que les deux évêques successifs de Mostar (l’évêché dont dépend Medjugorje) ont pris une position absolument négative. Sur le blog Charismata, on pourra trouver un dossier des documents essentiels qui vont dans un sens négatif. J’ai pris cette option face au pilonnage unilatéral dans le sens positif, à commencer par les publications de Mgr Laurentin, puis celles de la Communauté des Béatitudes, et de la Communion Marie Reine de la Paix. On peut ainsi trouver :
* 1990. Mgr Zanic, évêque de Mostar : « LA VÉRITÉ SUR MEDJUGORJE «

* 2003. Le texte de Mgr Brincard : Ce que dit l’Église au sujet des faits de Medjugorje.

* 2004. Mgr Peric, évêque actuel de Mostar, texte d’une conférence faite à Dublin : « Medjugorje, secrets, messages, vocations, prières, confessions, commissions ».

* 2006. Mgr Peric, Fête du Corps et du sang du Seigneur, à Medjugorje, extrait de son homélie.

* 2006. Mgr Peric parle de sa rencontre avec Benoît XVI lors de sa visite ad limina en février 2006 (en anglais).

* 2007, un texte signé de la main de Mgr Peric, où il fait à nouveau le point, en reprenant le tout depuis les débuts, et en soulignant les incohérences.

* 2008. Le P. Tomislav Vlasic (l’un des premiers promoteurs de Medjugorje, ex-directeur spirituel des voyants) suspendu de son ministère sacerdotal pour « diffusion d’une doctrine douteuse, manipulation des consciences, mysticisme suspect, désobéissance à des ordres émis de façon légitime »…

* 2010. L’acte d’accusation de l’évêque exorciste Mgr Gemma : « Les apparitions de Notre-Dame ? Tous est faux : les voyants mentent sous l’inspiration de Satan pour s’enrichir sur le plan économique »

* 2010. Après le passage de Mgr Schönborn fin 2009 à Medjugorje, et la lettre d’excuses qu’il a écrit ensuite à Mgr Peric, le Cardinal Saraiva exprime son scepticisme à l’égard de Medjugorje (le Cardinal portugais José Saraiva Martins fut un collaborateur proche et fidèle d’abord de Jean Paul II, et plus tard du pape Benoît XVI ; Recteur de l’Université « Urbania », très apprécié par Paul VI ; théologien, ancien Préfet de la Congrégation pour les Causes des Saints et grand expert de l’apparition mariale, officiellement reconnue par l’Église, de Fatima).

* 2011 : Dans le diocèse de Mostar, la rébellion de quelques franciscains « confine au schisme » affirme Mgr Ratko Peric, évêque de Mostar…
Sur ces aspects, on peut consulter avec profit ce site internet bien documenté : MEDJUGORJE SANS MASQUE, (2 langues : italien et anglais)
> Le Cardinal portugais José Saraiva Martins (2010) est extrêmement prudent…
Éminence, à votre avis, les prétendues apparitions de Medjugorje doivent-elles être considérées comme vraies ou fausses ?
Cela ne fait aucun doute : les apparitions ne devraient pas être considérées comme authentiques, aussi longtemps qu’elles n’ont pas été approuvées par l’Église en la personne du Saint Père.
On dit que le Saint-Siège veut attendre aussi longtemps que possible avant de s’exprimer lui-même.
Selon moi, cela paraît être la meilleure façon de procéder. L’Église fait bien d’être prudente en face d’événements si délicats, qui impliquent inévitablement les sentiments de millions de fidèles.
Comment doit procéder un fidèle Catholique désirant aller en pèlerinage à Medjugorje ?
Il ne doit pas tenir pour acquis et ne doit pas se convaincre que les apparitions sont authentiques ; par conséquent, il doit s’y rendre pour prier, mais pas pour y reconnaître par sa présence la vérité de phénomènes dont l’approbation dépend uniquement et exclusivement de l’Église, et qui n’enlèvent ou n’ajoutent rien à la révélation, qui est déjà accomplie dans le Christ.
Les conversions sont-elles une raison suffisante de croire à Medjugorje ?
Absolument pas ; que ce soient les conversions, mais aussi les guérisons, ce n’est pas un argument suffisant pour évaluer la thèse de l’authenticité des apparitions. Il n’est pas dit que la Madonna apparaisse, juste parce que les gens se convertissent dans ce lieu. La conversion est aussi possible dans une petite paroisse de campagne.
Tournons-nous vers les « voyants ». Certaines personnes les accusent d’avoir tout inventé et d’avoir des intérêts économiques, et certains pensent qu’en réalité le diable leur apparaît sous l’apparence de la Vierge Marie pour apporter la division dans l’Église, même au prix de quelques conversions. Qu’en pensez-vous 
Je ne sais pas si ces apparitions ont été inventées ou si elles assurent des intérêts économiques ; à coup sûr, dans de tels cas, la main du diable peut y être. Mais Dieu est si grand qu’il sait comment faire servir même le mal pour le bien de l’humanité : de cette façon, il est possible d’expliquer les avantages que de nombreuses personnes déclarent recevoir à Medjugorje.
Encore en référence aux « voyants », aucun d’eux, contrairement à la grande majorité des autres voyants reconnus officiellement par l’Église, n’a choisi la vie consacrée. L’un d’entre eux a même épousé un modèle Américain et vit aux Etats-Unis dans une énorme villa avec piscine. La vie consacrée a été un beau témoignage de la part de ces personnes, mais je vois qu’il y a une grande différence avec Fatima, où les trois petits bergers ont choisi d’être encore plus petits et plus humbles qu’ils ne l’étaient déjà, afin de vivre en plénitude le magnifique don des apparitions.
A ce propos : les « voyants » affirment que les apparitions de Medjugorje sont la continuation naturelle des apparitions de Fatima.
Je ne crois pas qu’ils le soient. Je vois beaucoup trop de divergences. Comme je l’ai déjà dit, les petits bergers de Fatima se sont fait humbles et ont choisi le silence ; à Medjugorje ne sais pas si c’est ce qui se passe ; Sœur Lucie est entrée au cloître, à Medjugorje, aucun n’a choisi la vie consacrée ; la même Sœur Lucie a mis par écrit les secrets que lui a confiés Notre-Dame, tandis qu’à Mejdugorje ils continuent à les garder pour eux-mêmes. Non, je ne vois rien de commun entre Fatima et Medjugorje.
Éminence, dans certaines apparitions, la Vierge aurait demandé aux six « voyants » de Medjugorje ne pas obéir aux interdictions de leur Évêque diocésain, telles que, par exemple, ne plus parler publiquement des prétendue « visions ».
Notre-Dame ne saurait, en aucun cas, être anti-hiérarchique et inciter à la désobéissance, même si l’évêque de Mostar avait tort. Ceci est un autre élément à considérer.
L’Évêque de Mostar, a récemment exprimé son mécontentement de ne pas avoir été informé de la présence du Cardinal Schönborn à Medjugorje. Une présence « lourde », que certains pourraient interpréter à tort comme une reconnaissance des apparitions par le Saint-Siège.
Loin de moi de juger la conduite du cardinal Schönborn, mais moi, étant donné l’attention morbide qui est concentrée sur Medjugorje, et comme je fais toujours chaque fois que je sors de Rome, j’aurais préalablement parlé avec Mgr Perić : lorsque nous Cardinaux nous entrons dans un diocèse, nous entrons dans la « maison » de l’évêque du lieu et nous devons avoir les bonnes manières et le bon sens de nous annoncer.
> Le mercredi 17 mars 2010, le Vatican a mis en place une commission d’enquête sur les phénomènes d’apparitions mariales présumées de Medjugorje, sous la présidence du cardinal Camillo Ruini, auprès de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi.
C’est la première fois dans l’histoire qu’une commission instituée par le Saint-Siège enquête sur une apparition. Il s’agit d’une commission consultative, qui proposera son avis et le transmettra à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. C’est elle qui décidera ou non de publier un communiqué, s’il faut ou non impliquer le pape. Le processus est donc toujours en cours.

8. Les « publications apparitionnistes »

En terminant, il faut dire quelques mots sur les publications de revues qui tournent autour des apparitions et révélations privées non reconnues. Ce sont pour les trois premières, des revues publicitaires qui renvoient à une maison d’éditions, ou à une association d’organisation de pèlerinages.
– Les éditions du Parvis, en Suisse, éditent aussi la revue STELLA MARIS
– Les éditions Résiac, en Mayenne, éditent la revue LE SOURIRE DE MARIE
– L’association de pèlerinages l’Étoile Notre-Dame en Mayenne, édite L’ÉTOILE NOTRE-DAME
CHRÉTIENS MAGAZINE, qui a été fondée à l’origine par le P. Laurentin
Il en existe sûrement d’autres. Malheureusement, ces revues ne peuvent avoir d’autre crédibilité que celle de leur bonne volonté à servir de prétendus messages divins. Le subtil mélange opéré avec les apparitions reconnues d’une part, et les messages du Magistère d’autre part, est parfaitement volontaire pour brouiller les cartes ; par ailleurs, l’aspect « cavalier seul », « électron libre », de ces publications fait qu’elles ne bénéficient d’aucun discernement ecclésial. Elles deviennent le vecteur de tous les pseudo-messages divins dont la plupart sont au mieux des textes de piété, au pire des élucubrations psychiques délirantes, ou des malversations juteuses.
Pour éclairer ce type de prestation, il est bon de regarder ce que cela peut représenter comme volume éditorial, ce nombre impressionnant de livres qu’on nous présente comme étant les paroles du Seigneur par ses prophètes d’aujourd’hui. Parmi d’autres, mais les plus abondants :
M. Valtorta (10 tomes, 4 912 p. + 3 vol. 1920 p.) ; J.N.S.R. (8 tomes, 2 028 pages) ; Jean-Marie (2 tomes, 1 424 p.) ; Jean Marc (13 tomes, 2600 p.) ; Vassula (18 tomes et suppléments, 2 670 p.) ; Françoise (13 livres, 2 396 p.) ; Catalina (2 tomes, 580 p.) ; Mirella Pizzioli (4 vol, 784 p.), Angela (3 vol, 788 p.), Jean (4 vol., 864 p.), Alan Ames (11 vol., 2304 p.), Micheline Boisvert (4 vol., 640 p.), Axelle (3 vol., 800 p.), Domenico (4 vol., 1216 p.), Léandre Lachance (3 vol., 712 p.) Frère Élie (3 vol, 992 p.), Jean, messager de la lumière (6 vol, 992 p.), Jocelyne Genton (2 vol., 1100 p.), Angelina (2 vol., 744 p.), Fille du Soleil (3 vol., 450 p.), Giuliana Buttini (3 vol., 1456 p.) etc. Parutions auxquelles il faudrait ajouter tous les CD, les DVD, les « interviewes » et messages-apparitions « en direct » dont sont favorisés les voyants au cours de leurs conférences, et dont nous lisons les comptes rendus dans cette presse spécialisée… Et le tirage de livres imprimés donne la mesure de la crédulité…
De reconnaissance par l’Église, point. Mais est-ce bien nécessaire, puisque Jésus et la Vierge sont censés parler abondamment en direct ? Pas de prisme psychique du voyant, pas de communauté chrétienne intermédiaire… DU DI-RECT ! Pour ne pas s’y intéresser, c’est que l’Église doit être sourde. Ou bien a-t-elle tout simplement de la sagesse ! Et du discernement.
Et surtout la vraie Parole de Dieu. Pour nous dire que l’Église de tous les temps est sans cesse réinvestie de la force prophétique de la Parole, et envoyée en mission pour la proclamer, saint Jean se met lui-même en scène dans l’une des visions interactives de son Apocalypse :
« Je vis ensuite un autre Ange, puissant, descendre du ciel enveloppé d’une nuée, un arc-en-ciel au-dessus de la tête, le visage comme le soleil et les jambes comme des colonnes de feu. Il tenait en sa main un petit livre ouvert. Il posa le pied droit sur la mer, le gauche sur la terre, et il poussa une puissante clameur pareille au rugissement du lion. […] Puis la voix du ciel, que j’avais entendue, me parla de nouveau : « Va prendre le petit livre ouvert dans la main de l’Ange debout sur la mer et sur la terre. » Je m’en fus alors prier l’Ange de me donner le petit livre ; et lui me dit : « tiens, mange-le… » Je pris le petit livre de la main de l’Ange et l’avalai… Alors on me dit : « Il te faut de nouveau prophétiser contre une foule de peuples, de nations, de langues et de rois. » (Ap 10, 1-11)
Manger le petit livre, c’est recevoir la Parole de Dieu comme une parole de vie et une force prophétique. « Les paroles que je vous ai dites sont esprit et vie. » dit Jésus (Jn 6,63). Manger le petit livre, c’est lire et relire l’Évangile, pour en tirer toujours quelque chose de nouveau. C’est étonnant : lorsqu’on lit et relit l’Évangile et qu’on prend du temps pour prier et méditer avec ces paroles de Jésus, l’Esprit Saint nous donne toujours des lumières nouvelles. Du vieux, l’on tire du neuf (Mt 13,52).
L’Église nous a donné ce petit livre. Elle a reconnu qu’il contenait, en quatre Évangiles, les paroles mêmes de Jésus. Elle n’en a gardé que quatre. Elle en a écarté d’autres comme inauthentiques. Les trois premiers (Mt, Lc, Mc) ont été écrits avant 70. Le quatrième à la fin du premier siècle, quasiment plus de trente ans plus tard. Cet Évangile est comme une relecture de la vie et des paroles de Jésus à travers la méditation de saint Jean, son disciple bien-aimé. À tel point qu’en certains endroits, on se demande si c’est Jésus qui parle lui-même ou saint Jean… (cf. p. ex. Jn 3, 16-21)
Oui, en saint Jean, les paroles de Jésus sont retranscrites à travers le prisme de la très longue méditation de l’un de ses intimes. La part de saint Jean est indéniable. Et pourtant, il ne s’agit pas d’une révélation privée, mais de l’un des quatre Évangiles. Pourquoi ? Parce que l’Église nous dit que ces paroles sont vraiment celles de Jésus. Dès le II° siècle, nos quatre Évangiles actuels ont été reconnus par tous. Et le critère qui a conduit l’Église à limiter la liste des écrits reconnus inspirés à ceux du ier siècle est celui de leur lien aux Apôtres. N’ont été retenus que les écrits qui pouvaient se référer au témoignage des apôtres, et c’est le Nouveau Testament : les Évangiles, paroles authentiques de Jésus ; et les lettres des Apôtres, que l’Église a reconnues comme siennes dans le Canon des Écritures. Ce livre est bien petit. Et il est bien précieux, car il est transmis par l’Église.

9. Un critère essentiel : la sobriété

La dévotion a tendance à développer, à amplifier, parfois de façon débordante ; tandis que l’Évangile résume avec simplicité et sobriété. Voici deux exemples.
La Passion de Jésus. Quel écart étonnant entre le récit de l’Évangile, et le chemin de croix de la piété ! Avez-vous déjà cherché dans le récit évangélique de la Passion : les trois chutes de Jésus, sa rencontre avec sa mère, la présence de Véronique ? Cela fait tout de même cinq stations sur quatorze, et aucun de ces épisodes n’y figure. Avez-vous comparé les longues méditations des mystères du rosaire sur la flagellation et le couronnement d’épines avec les passages de l’Évangile correspondants ? Pas plus d’un demi-verset à chaque fois (voir p. ex. : Mt 27, 26 et 29) ! Sobriété…
– L’Évangile nous rapporte au moins trois récits où Jésus rappelle à la vie une personne décédée. Il s’agit du fils de la veuve de Naïn (Lc 7,11-15), de la petite fille de Jaïre (Mc 5,22-43), et de son ami Lazare (Jn 11). Croyez-vous que les Évangiles soient remplis des « révélations » faites par ces personnes sur le contenu de ce qu’elles avaient vécu après leur mort ? Rien. Le vide complet ! C’est désolant… Mais un vide apparent peut devenir alors un signe évangélique fort, émis dans notre direction, pour nous dire en quelque sorte : vous n’avez pas à chercher à savoir ces choses. Croyons-nous, oui ou non, que l’Évangile est Parole de Dieu pour nous ? Ou allons-nous continuer à nous laisser séduire par des parents qui nous disent qu’ils reçoivent des messages de leur enfant défunt ?
Jésus dit à la fois : « Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; mais je vous appelle amis, parce que tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître. » (Jn 15, 15). Et aussi : « Il ne vous appartient pas de connaître les temps et moments que le Père a fixés de sa seule autorité. » (Ac 1, 7). Ce qui signifie que nous, chrétiens, amis du Christ, trouvons dans l’Évangile tout ce qui nous est nécessaire, et que nous n’avons pas à chercher à connaître ce qui nous est caché.
Que font les gens devant l’étonnant retour à la vie du fils de la veuve de Naïn ? Ils glorifient Dieu et tiennent Jésus pour un prophète. « Tous furent saisis de crainte, et ils glorifiaient Dieu en disant : « Un grand prophète s’est levé parmi nous et Dieu a visité son peuple. » » (Lc 7, 16). Que font les juifs après le retour à la vie de Lazare ? Ils croient en Jésus : « Les grands prêtres décidèrent de tuer aussi Lazare, parce que beaucoup de Juifs, à cause de lui, s’en allaient et croyaient en Jésus. » (Jn 12, 10-11). Cherchons à croire toujours plus profondément en Jésus. Mais pas à « savoir », à connaître les dernières nouvelles du « ciel », prodiguées par tel ou tel voyant(e) bénéficiant de prétendues locutions ou apparitions… Et qui finit par remplir (sans sourciller) des volumes entiers de sécrétions psychiques pieuses… Volumes multipliés à défaut d’avoir la consistance des véritables écrits spirituels (qui sont nécessairement sobres).
J’aime bien, personnellement, l’apparition de la Vierge Marie à Pontmain, en 1871, reconnue par l’Évêque de Laval. Une seule apparition. Un seul message : « Mais priez mes enfants. Mon fils se laisse toucher. » Et encore est-il écrit sur une banderole. Marie se montre, mais reste silencieuse. Un voile finit par la masquer… pour la rendre à nouveau présente à la démarche de la foi.
« Petits enfants, gardez-vous des idoles » (1 Jn 5,21). « Et l’ange la quitta » (Lc 1,38).
P. Dominique Auzenet
mars 2013

7 réflexions sur « Le statut des apparitions mariales »

  1. Nous vous invitons à mettre à jour votre dossier Medjugorje avec la nomination sur place par le pape François de Mgr Hoser …depuis cet été. Et les différentes déclarations de ce prélat.
    Dans un soucis de cohérence…
    Merci

  2. bonjour
    qu’ est il de ND de Guadelupe ?

    devant la relative nouveauté des apparitions depuis 1800 er tout vos commentaires qui tendent à laisser penser que c est bien l animation de la foi qui donnent conversion et non pas des événements ou expérience advenus à quelques uns – et je suis ok
    en quoi serai bon ses apparitions pour notre temps puisque dieu a déjà tout donne par christ?
    ( cette question avec tout le respect et l amour de l église de ce qu elle a admis comme étant reconnu)

    pourtant,les messages même fixer et en adéquation avec l évangile ont produit un torrent de mariologie et d idolatrie et de statuts diverses qui semble plus dans l ensemble etre source de confusion( et de division avec la reforme) que de conversion et egalement entretienne beaucoup de nos freres et soeurs en l identite infantile plutot que de les pousser à la maturite dans la foi en recherchant dans l ecriture la stature de christ!

    votre avis et appuis…?

    1. Bonjour
      ND de la Guadalupe est une apparition mariale reconnue par l’Église (catholique). Rien n’empêche de concilier ce que vous dites : la maturité spirituelle en Christ, avec une vénération équilibrée de la mère de Jésus. Tout nous a été donné dans le Christ; faut-il s’étonner que Marie nous le rappelle dans ses apparitions ? S’il ne s’agissait que d’une vaine « adoration » de statues, ce serait évidemment à mettre à la poubelle et à dénoncer comme hérétique. Mais il s’agit de se convertir et de prier pour tous les hommes. Bien sûr, il faut rester vigilant sur le contenu des messages et de le prière, et c’est le rôle de régulation de l’Église. Car, évidemment, il y a toujours des fausses apparitions et faux messages… Mais j’ai grand bonheur à prier avec Marie tous les jours à travers la récitation du chapelet, en méditant l’évangile.

  3. Le prétendu Évangile tel qu’il m a été révélé de Maria Valtorta vous semble t il digne de « foi » en partie ou dans son intégralité ? Ou bien est ce une exploitation commerciale de la crédulité des gens dévots ?

    1. Je pense que c’est digne de foi, bien que ça demeure toujours une question latente.
      En ce qui le concerne personnellement, je trouve qu’on est envahi et encombré par un style descriptif qui risque d’étouffer la méditation personnelle. De plus on a l’ajout de nombreuses scènes évangéliques dont la validité est incontrôlable. Les évangiles canoniques, de par leur très grande sobriété, validée depuis toujours par l’Église, appellent notre participation méditative… Voyez par exemple comment les exercices de Saint Ignace nous font méditer. Par ailleurs, on fait aussi un business autour de M. Valtorta, et des gens en deviennent « accros »… Voilà quelques éléments. Espérant qu’ils vous éclaireront.

  4. I.Media | 15 septembre 2020. infos de ce jour. ( ATELIA)
    « Les apparitions d’Amsterdam sont fausses. hélas, La “Dame de tous les Peuples” ne doit pas être vénérée et les fidèles doivent cesser toute propagande », a déclaré la Congrégation pour la doctrine de la foi dans un courrier qui remonte au 20 juillet 2020 mais qui vient d’être rendu public. Après plusieurs décennies de controverses, les cinquante-six prétendues apparitions de la Vierge Marie à Ida Peerdeman ont été ainsi formellement rejetées par le Saint-Siège.

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