Physiologie du serpent

Repères analogiques pour un discernement spirituel

Le serpent est le premier animal cité, avant tous les autres animaux dans la Bible.

Ce serpent origine du péché, et de la chute d’Adam et Ève, cet antique serpent deviendra le dragon de l’apocalypse. « Et je vis descendre du ciel un ange qui tenait dans sa main la clef de l’abîme et une grande chaîne ; il saisit le dragon, le serpent ancien, qui est le diable et Satan, et il l’enchaîna pour mille ans. » (Ap 20, 12).

Voici quelques éléments de la physiologie du serpent qui peuvent analogiquement permettre de relire le discernement spirituel.

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Ainsi, loin de toute interprétation d’ordre mythique ou mythologique, ce récit originel reste d’une actualité saisissante, pour peu que nous nous laissions interroger, selon la Foi et la Raison. Il importe que nous entrions consciemment et vaillamment dans ce combat spirituel, dont l’enjeu demeure la Vie éternelle.

Serpent vient du verbe latin serpare qui signifie ramper, glisser, se traîner.

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Le plus rusé

« Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs que Yahweh Dieu ait faits. » (Gn 3, 1).

Rusé se dit aroum en hébreu, que l’on peut traduire aussi par astucieux, intelligent, lucide, éveillé, avisé, mais aussi le plus nu, il y a deux niveaux de traduction possible.

En effet, le serpent a l’intelligence instinctive de la matière, nous le verrons dans les différentes composantes de sa physiologie.

Le serpent est également, le plus nu. Il nous fait entrer dans la connaissance de la nudité, ainsi au verset 7 de ce chapitre III, l’homme et la femme après avoir mangé du fruit de la connaissance du bien et du mal, ont découvert leur nudité. « Alors leurs yeux à tous deux s’ouvrirent et ils se rendirent compte qu’ils étaient nus. » (Gn 3, 7).

L’homme et la femme après leur transgression, ne voient plus la gloire dont Dieu les avait revêtus ; leur corps, leur chair, est devenu objet de concupiscence. Leur obéissance à la parole du serpent les a détournés de l’obéissance à la Parole de Dieu. Ils se voient alors, avec le regard du serpent, dans une perspective purement utilitaire, matérielle, consumériste.

Patrick Lévy après avoir écrit un livre d’initiation à la Kabbale[1], approfondit un peu le sujet dans la Ruse de Dieu, comme si Dieu pouvait être rusé et dissimulateur. Lévy inverse l’interprétation traditionnelle de l’Église catholique. C’est une inversion accusatoire ; ainsi, la ruse du serpent devient dans le titre du livre La ruse de Dieu. Une ruse dont le serpent a l’expertise et la maîtrise : « S’il est le plus aroum de tous, c’est un maître. » « Il est le premier Rabbi. Il est le premier à commenter la Torah. ». « Ce serpent est le maître de nos maîtres, puisqu’il est le premier à faire ce que nos maîtres ont enseigné à faire, et que nous faisons, depuis des millénaires en interprétant et en commentant la Torah. Et comme Icha, (femme) nous y trouvons des fruits précieux pour ouvrir l’intelligence, et rendre sage. [2] » Il faut souligner la perfidie de cette interprétation, car elle est lourde de conséquences et imprègne consciemment ou non la pensée contemporaine, en tout cas certainement celle du New Âge.

Les yeux du serpent

Les yeux des serpents n’ont pas de paupière. Ils ont juste une écaille transparente qui protège l’œil et se détache au moment de la mue. Le serpent ne cille pas et ne semble jamais dormir. Par conséquent les serpents sont toujours aux aguets ; ils n’ont aucun repos à part dans les périodes d’hibernation ou lorsqu’ils sont repus. Cette vigilance leur permet d’être prêts à agir à chaque instant.

Or c’est précisément ce repos auquel Dieu invite. Dès la genèse, le septième jour Dieu se repose et invite l’homme à se reposer pour le louer : « Et Dieu eut achevé le septième jour son œuvre qu’il avait faite, et il se reposa le septième jour de toute son œuvre qu’il avait faite. Et Dieu bénit le septième jour et le sanctifia, parce qu’en ce jour-là il s’était reposé de toute l’œuvre qu’il avait créée en la faisant. » (Gn 2, 2-3).

« Oui, auprès de Dieu seul, je connais le repos, mon salut vient de lui. » (Ps 62, 2).

Jésus proposera cette même invitation au repos auprès de son cœur doux et humble : « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et ployez sous le fardeau, et je vous soulagerai. Prenez sur vous mon joug, et recevez mes leçons, car je suis doux et humble de cœur ; et vous trouverez le repos de vos âmes. Car mon joug est doux et mon fardeau léger. » (Mt 11, 28-30).

Les yeux en hébreu se dit ayin. Et ayin a deux traductions possibles, les yeux ou la source. En effet, des yeux peuvent couler les larmes, et le regard peut-être à la source du désir ou de la convoitise.

« L’appétit sensible nous porte à désirer les choses agréables que nous n’avons pas. Ainsi désirer manger quand on a faim, ou se chauffer quand on a froid. Ces désirs sont bons en eux-mêmes ; mais souvent ils ne gardent pas la mesure de la raison et nous poussent à convoiter injustement ce qui ne nous revient pas et appartient, ou est dû, à autrui.[3] »

C’est le même mot aroun qui dit la nudité du serpent et sa ruse, finalement la perversité de son intelligence.

« Alors leurs yeux à tous deux s’ouvrirent et ils se rendirent compte qu’ils étaient nus. » (Gn 3, 7). Même mot que pour le serpent au pluriel aroumim.

Les serpents peuvent orienter leurs yeux indépendamment l’un de l’autre, ce qui les rend capables d’observer une proie d’un œil, tout en montant la garde contre d’éventuels prédateurs de l’autre.

La vie spirituelle à la suite du Christ demande un choix radical, il ne s’agit pas de regarder et de convoiter deux directions différentes comme les yeux du serpent ! Car « Nul ne peut servir deux maîtres : car ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et la Richesse. » (Mt 6, 24).

Il s’agit d’un combat pour choisir la simplicité et la pureté du regard, du cœur et des actes.

« Mais je crains bien que, comme Ève fut séduite par l’astuce du serpent, ainsi vos pensées ne se corrompent et ne perdent leur simplicité à l’égard du Christ. » (2 Co 11, 3).

« La lampe du corps, c’est l’œil. Si ton œil est sain, tout ton corps sera dans la lumière ; mais si ton œil est mauvais, tout ton corps sera dans les ténèbres. Si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, combien grandes seront les ténèbres ! » (Mt 6, 22-23).

Si l’on suit le grec au plus près, il faut traduire si ton œil est simple et non si ton œil est sain comme dans beaucoup de traductions. Simple, c’est-à-dire sans pli, sans faux plis, sans duplicité, sans complicité, sans complication. Notre œil doit être simple, limpide, transparent, si nous voulons que tout notre corps, tout notre être soit irrigué par la lumière du Christ ressuscité. Nos deux yeux sont alors orientés vers un même objectif, sans duplicité, sans complicité, à la recherche du beau, du vrai et du bien.

Voyant

L’hébreu se sert du même mot pour dire serpent et voyant, na’hash. Il glisse dans son dialogue avec Ève des éléments qu’elle n’avait pas vus. Il incite à voir au-delà de la vue immédiate, il introduit un doute et une promesse aussi alléchante que fausse. « Le serpent dit à la femme : « Non, vous ne mourrez point ; mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme Dieu, connaissant le bien et le mal. » (Gn 3, 4-5).

Il y a également dans ce na’hash une notion de divination, de découverte de ce qui est caché, de sortilège et par conséquent d’occultisme. Cette voyance entraîne dans l’illusion de percer les mystères de la nature, d’aller chercher derrière le voile, de savoir à l’avance ce qui va advenir, de maîtriser l’ordre de la nature. Le serpent incite au dévoilement alors que la révélation remet un voile de gloire sur l’insipide nudité du corps de l’homme privé du Souffle de Dieu.

Hypnose

Certains serpents hypnotisent leur proie. La fixité du regard du serpent fascine, obnubile. Son regard fait oublier le reste du réel, fait entrer dans son regard comme si rien d’autre n’existait. Les hypnotiseurs d’hier et d’aujourd’hui donnent des spectacles, pratiquent l’occultisme ou exercent en milieu médical, procèdent par induction et suggestion, produisant une modification des états de conscience sur leurs sujets pour les amener où ils veulent. Avec parfois des effets qu’ils n’arrivent plus à maîtriser…[4]

Le serpent ne peut pas lever les yeux

Les vertèbres cervicales des serpents ne leur permettent pas de lever la tête. Ils ont la nuque raide.

Les Hébreux, parfois désigné selon la Bible comme un peuple insoumis et rebelle à la volonté de Dieu ont pour le dire autrement, cette caractéristique clinique d’avoir la nuque raide : « Vous êtes un peuple à la nuque raide. » (Ex 33, 5).

« Hommes à la nuque raide, incirconcis de cœur et d’oreilles, toujours vous résistez à l’Esprit-Saint ; vous êtes bien comme vos pères. » (Ac 7, 51).

Le serpent ne voit que l’horizontalité des choses que la matière du monde, il ne peut pas lever les yeux.

Il est une formule qui traverse la Bible : « Ayant levé le regard. »[5] Cette levée du regard est inaccessible au serpent. Elle nous ouvre à une méta réalité inaccessible aux yeux de chair, mais visible aux yeux du cœur.

« Lorsqu’ils furent arrivés au lieu que Dieu lui avait désigné, Abraham y éleva l’autel et arrangea le bois ; puis il lia Isaac, son fils, et le mit sur l’autel, au-dessus du bois. Et Abraham étendit la main et prit le couteau pour égorger son fils. Alors l’ange de Yahweh lui cria du ciel et dit :  » Abraham ! Abraham !  » Il répondit :  » Me voici.  » Et l’ange dit :  » Ne porte pas la main sur l’enfant et ne lui fais rien ; car je sais maintenant que tu crains Dieu et que tu ne m’as pas refusé ton fils, ton unique.  » Abraham, ayant levé les yeux, vit derrière lui un bélier pris dans un buisson par les cornes ; et Abraham alla prendre le bélier et l’offrit en holocauste à la place de son fils » (Gn 23, 9-18).

Jésus levant les yeux, dit la bénédiction. « Après avoir fait asseoir cette multitude sur l’herbe, il prit les cinq pains et les deux poissons, et levant les yeux au ciel, il prononça une bénédiction ; puis, rompant les pains, il les donna à ses disciples, et les disciples les donnèrent au peuple. » (Mt 14, 19).

« De grand matin, le premier jour de la semaine, les saintes femmes vont à la tombe, le soleil étant levé. Elles se disaient entre elles : Qui nous roulera la pierre de l’entrée du tombeau ? Et levant les yeux, elles voient que la pierre est roulée ; or elle était très grande. » (Mc 16, 2-4).

Le serpent n’a donc pas accès à la verticalité, à la transcendance, à une méta réalité, un au-delà de la matière. Son expérience ne peut que se limiter à la nudité de l’apparence des choses et à leur jouissance immédiate.

Le serpent ne peut pas lever le regard, il n’a pas non plus d’oreille pour écouter une Parole Autre.

Pas d’oreille

Le serpent n’a pas d’oreilles, pas de tympan non plus ou très atrophié. Il est quasiment sourd, cependant, il perçoit les vibrations par le moyen de ses vertèbres. Sa perception très fine du monde est indifférenciée. Il n’y a pas cette distance que donne le sens de l’ouïe. Le verbe ouïr est de la même racine étymologique qu’obéir. Le serpent n’obéit qu’à ses instincts soumis aux vibrations du monde. Il n’a pas accès à la Parole créatrice de ce monde. Il ne peut pas entendre une parole qui nomme les choses et discerne les actions.

« Il écoute, dit Bossuet, l’esprit tentateur, et il s’écoute lui-même, au lieu d’écouler Dieu uniquement : sa perte est inévitable » (Disc, sur l’hist. univ., II ep., ch. 1).

Ces instincts qui s’affranchissent de toute parole et de tout apprentissage peuvent se retrouver dans ce que le New Âge[6] prétend avoir redécouvert : le développement des capacités cachées de l’homme nommées à tort intuitions. Intuitions qui ne sont en fait ici que l’exacerbation de capacités médiumniques ou de magnétisme, équivalentes aux perceptions vibratoires du serpent.

À la différence de la vue qui perçoit instantanément l’espace, le sens de l’ouïe nécessite la durée. Écouter demande une attention soutenue dans le temps.

Le premier des sens qui ouvre l’enfant, dans le sein de sa mère, à une autre réalité que lui-même, c’est l’écoute. Il entend les sons et les bruits du monde qui lui sont encore extérieurs, la musique qu’écoute sa mère, les chants qu’elle peut chanter, la voix des proches. L’écoute lui apprend l’altérité.

Dès sa naissance il sera immergé dans un bain de langage et apprendra sa langue maternelle lui permettant de distinguer les choses et les êtres, puis discerner ce qui est bien de ce qui est mal et ensuite de manier des concepts.

Le serpent est incapable d’écouter. En hébreu nous retrouvons ce verbe écouter Shâma plus de 500 fois dans la Bible. Dieu ne cesse de demander à son peuple de l’écouter. Écouter une Parole qui le sort de lui-même et lui donne de reconnaître l’Altérité de Dieu.

Shema Israël, est la prière par excellence du peuple d’Israël que tout juif pratiquant récite à la prière de matin et du soir chaque jour, et à l’heure de sa mort. Elle commence par ce verbe à l’impératif : écoute.

SHEMA’Yisrā’ēl YHWH elohénou YHWH eḥāḏ

« ÉCOUTE Israël, Yahvé notre Dieu, Yahvé est UN » (Dt 6, 4).

« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton être, de toutes tes forces. » (Dt 4, 5).

Tout l’être est concerné par cette écoute.

Moïse après être descendu de la montagne propose au peuple une Alliance avec Dieu s’inscrivant dans des règles à appliquer, et le peuple unanime répond :

« Tout ce qu’a dit le Seigneur, nous le mettrons en pratique et nous écouterons. » (Ex 24, 7).

Ainsi, suivre la pédagogie de Dieu, pratiquer Ses Commandements, permet de mieux les entendre, puis de les comprendre et, par conséquent, de se rendre conforme au désir de Dieu pour l’homme. L’obéissance préalable et confiante permet d’ouvrir à l’intelligence du réel, de la nature, de l’autre, de soi-même et de Dieu. Le serpent procède d’une pédagogie qui inverse la perspective et aboutit à une dé-création.

Dans sa lettre aux Romains, Saint Paul dit que la Foi vient de l’écoute, l’écoute attentive de la Parole de Dieu.

« Ainsi la foi vient de la prédication entendue, et la prédication se fait par la parole de Dieu. » (Rm 10, 17).

Dans la lettre aux Hébreux, il est une citation reprise du psaume 40, qui mérite une attention particulière. « C’est pourquoi le Christ dit en entrant dans le monde :  » Vous n’avez voulu ni sacrifice ni oblation, mais vous m’avez formé un corps ; vous n’avez agréé ni holocaustes ni sacrifices pour le péché. Alors j’ai dit : Me voici (car il est question de moi dans le rouleau du livre), je viens ô Dieu, pour faire votre volonté.  » » (He 10, 5-7). Or le psaume 40 parle d’oreille au lieu de corps « Tu ne désires ni sacrifice ni oblation, tu m’as ouvert les oreilles ; tu ne demandes ni holocauste ni victime expiatoire. Alors j’ai dit :  » Voici que je viens, avec le rouleau du livre écrit pour moi. Je veux faire ta volonté, ô mon Dieu, et ta loi est au fond de mon cœur.  » »

Nous comprendrons alors que ce qui façonne notre corps spirituel, c’est l’ouverture de nos oreilles à la Parole de Dieu ; il est singulier à ce sujet d’observer que sur le tympan de la baie droite de la cathédrale de Chartres, il y a une sculpture représentant la Vierge de l’Annonciation allongée, sa main droite tendant l’oreille, pour accueillir la promesse de l’ange et la venue de l’Esprit-Saint attirée par son obéissance.

Jésus reprend le Shema Israël : « Le premier de tous les commandements est : « Écoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est un seul Seigneur ; tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, et de toute ton âme, et de toute ta pensée, et de toute ta force. C’est là le premier commandement. Le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas d’autre commandement plus grand que ceux-là. » (Mc 12, 29-30).

Dans l’Évangile selon Saint Matthieu comme dans celui de selon Saint Marc, le premier des disciples auquel Jésus s’adresse s’appelle Simon. Shimon en hébreu, vient de la racine Shama, écouter. Le premier des disciples est celui qui écoute, Simon. Il deviendra Pierre.

La première catéchèse de Jésus, le sermon sur la montagne des chapitres 5 à 7 de L’Évangile selon Saint Matthieu, commence par les Béatitudes, Heureux. La fin de cet enseignement de Jésus se termine par la parabole des deux maisons. Celui qui écoute la Parole de Jésus Messie Fils de Dieu, et la met en pratique est comme un sage qui bâtit sa maison sur la pierre. Celui qui écoute cette même Parole et ne la met pas en pratique est comme un sot qui bâtit sa maison sur le sable (Mt 7, 24-27). Les intempéries s’abattent sur les deux maisons, seul celui qui écoute et met en pratique la Parole de Dieu, est bâti sur la pierre et résiste.

Celui qui écoute devient solide comme la pierre, une pierre vivante comme l’atteste la première lettre de saint Pierre (2, 4-8) : « Approchez-vous de lui, pierre vivante, rejetée des hommes, il est vrai, mais choisie et précieuse devant Dieu ; et, vous-mêmes comme des pierres vivantes, entrez dans la structure de l’édifice, pour former un temple spirituel, un sacerdoce saint, afin d’offrir des sacrifices spirituels, agréables à Dieu, par Jésus-Christ. Car il est dit dans l’Écriture :  » Voici que je pose en Sion une pierre angulaire, choisie, précieuse, et celui qui met en elle sa confiance ne sera pas confondu.  » À vous donc l’honneur, vous qui croyez ; mais pour les incrédules,  » la pierre qu’ont rejetée ceux qui bâtissaient, c’est elle qui est devenue une pierre d’angle, une pierre d’achoppement et un rocher de scandale  » : eux qui vont se heurter contre la parole parce qu’ils n’ont pas obéi ; aussi bien, c’est à cela qu’ils sont destinés. »

L’objectif actuel et final de Dieu pour l’homme est qu’il soit heureux. L’homme ne trouve sa plénitude de bonheur que s’il respecte le premier commandement que Jésus associe à un second, aimer son prochain comme soi-même.

Écouter la Parole de Dieu, et lui obéir a pour objectif de rendre l’homme libre et heureux individuellement et collectivement dès ici-bas et pour l’éternité. Le premier mot du premier des 150 psaumes, ashrey, veut dire heureux avec la notion d’être acteur de ce bonheur et non pas passif. Ashrey sera repris par Jésus dans son premier enseignement sur le mont des Béatitudes. « Heureux, les pauvres de cœur le Royaume des Cieux est à eux… » (Mt 5, 3)

Mouvement

Horizontalité. « Tu ramperas sur le ventre » (Gn 3, 17).

Le serpent rampe, il n’a d’autre vision que celle de la matérialité du monde, que l’horizontalité des choses. Certains serpents peuvent se redresser, grâce à leur musculature antérieure.

Sinuosité

Le serpenta l’intelligence des courbes. Il contourne les obstacles pour arriver à ses fins, avec patience et économie de mouvement. Il cherche inlassablement, avec une détermination inflexible, le point faible, la brèche. Le serpent n’a pas de forme précise, il est difficilement saisissable, comme le sable qui glisse entre les mains.

Cette insaisissabilité et cette imprécision du serpent sont à l’inverse de la Parole de Dieu, toujours claire, nette et simple et des enseignements précis du magistère de l’Église. Ainsi l’esprit du serpent réfute les dogmes qu’il trouve intransigeants et restrictifs, alors qu’ils permettent de précieuses acuités sur les mystères de la Foi.

Incapable de reculer

La physiologie du serpent l’empêche de reculer, il peut se détourner, contourner l’obstacle, mais quand la tête entre dans une brèche, il est obligé d’y entrer tout entier.

Les Pères du désert observateurs privilégiés des serpents disaient : « Frappe le serpent à la tête avant qu’il n’entre dans ta cellule ; si le serpent est entré tout entier, la lutte sera infiniment plus laborieuse.[7] » Il parlait ainsi du combat spirituel contre les tentations.

Le serpent est incapable de Teshoûvâh en hébreu, de retour, de conversion.

Les trois niveaux de la conversion, sont ponctués de trois mouvements du cœur de la parole et de l’agir :

  1. A) Tu ne penseras pas du mal. B) Tu ne diras pas de mal. C) Tu ne feras pas le mal.
  2. A) Tu penseras du bien. B) Tu diras du bien. C) Tu feras le bien.
  3. Rentre en toi-même dans un dialogue d’amitié avec Dieu, car grâce à lui, tu n’es plus serviteur, mais ami. Ne plus faire le mal et agir bien sont les fruits de cette prière intérieure que les orthodoxes appellent la garde du cœur.

Voici le fils prodigue de la Parabole selon saint Luc chapitre XV revient vers son Père et découvre son Amour dans un cœur à cœur, source de toute résolution libre et heureuse d’éviter le mal et de faire le bien.

Nourriture

« Tu ramperas sur le ventre et tu mangeras de la poussière. » (Gn 3, 14).

« Yahweh Dieu dit au serpent :  » Parce que tu as fait cela, tu es maudit entre tous les animaux et toutes les bêtes des champs ; tu marcheras sur ton ventre, et tu mangeras la poussière tous les jours de ta vie. » (Gn 3, 14).

Le serpent se nourrira de la poussière du monde, c’est-à-dire de la matière dégradée et inanimée du monde.

L’homme Adam est comme son nom l’indique une terre, Adama. Il est créé à partir de la matière du monde, de la poussière du sol. Mais cet Adam est un terreux animé par le Souffle de Dieu.

« Yahweh Dieu forma l’homme de la poussière du sol, et il souffla dans ses narines une haleine de vie, et l’homme devint un être vivant. » (Gn 2, 7).

Sans le Souffle de Dieu, l’homme redevient poussière, cette matière de mort dont se nourrit le serpent.

Alors Dieu dit à l’homme : « Puisque tu as écouté les promesses du serpent et que tu lui as obéi, sans mon souffle tu n’es que la poussière dont tu as été tiré. »

« Tu gagneras ta nourriture en transpirant beaucoup, jusqu’à ta mort. À ce moment-là, tu retourneras dans la terre d’où tu viens. Oui, tu es fait de poussière et tu retourneras à la poussière. » (Gn 3, 19).

Voici ce que dit saint Bonaventure dans son magnifique traité, Des dons du Saint-Esprit :

« Depuis que le poison de l’antique serpent a infecté le palais de notre cœur, au moyen du sens tout puissant de la chair, notre âme a commencé à ne plus avoir le goût du bien ; un goût pernicieux est entré en elle, le goût de la concupiscence, et les sens de l’homme sont devenus empressés pour le mal. Ainsi beaucoup d’œuvres excellentes s’accomplissent sans que leurs auteurs en savourent les délices, parce que le goût de la chair n’est pas totalement anéanti en eux. Mais maintenant la sagesse, par des efforts sans cesse réitérés, surmonte la malice première dans l’âme où elle fait son entrée ; et elle détruit, en apportant un goût meilleur, le goût pervers qui y avait été introduit. Elle affaiblit par sa présence et rend insipide le goût de la chair ; et par là elle purifie notre intelligence, elle guérit et rend sain le palais de notre cœur, qui, une fois purifié, commence à goûter le bien, à goûter la sagesse elle-même, le meilleur de tous les biens. »

Engeance

La plupart des reptiles sont solitaires et ne croisent un partenaire que brièvement à la période de reproduction. Certains reptiles comme les cobras s’accouplent en se redressant. La montée de la kundalini est représentée ainsi.

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Les serpents sont ovovivipares (les petits éclosent dans le ventre de leur mère), plus souvent vivipares, la femelle pond alors ses œufs sur la terre ferme.

Aussitôt après l’éclosion la mère quitte ses petits. Ainsi, les petits serpents n’ont jamais besoin de leurs parents. Ils n’entrent pas dans une filiation, dans un apprentissage comme chez la plupart des vertébrés. Chacun fait son expérience, son initiation de son côté, s’appuyant sans le savoir sur un postulat de la dogmatique nouvel-âgeuse : « Aie confiance seulement en toi, fais ton expérience. »

Saint Jean-Baptiste traitera la duplicité des pharisiens et des sadducéens demandant le baptême sur les rives du Jourdain « d’engeance de serpent ».

« Voyant un grand nombre de pharisiens et de sadducéens venir à ce baptême il leur dit :  » Race de vipères, qui vous a appris à fuir la colère qui vient ? » (Mt 3, 7).

Jésus reprendra à son compte la désignation des scribes et des pharisiens comme étant une engeance de vipères. « Serpents, race de vipères, comment éviterez-vous d’être condamnés à la géhenne ? » (Mt 23, 33).

Langue bifide

Pour sentir, beaucoup de reptiles utilisent leurs langues, très longues chez de nombreuses espèces. A l’aide de leur langue ils peuvent sentir et poursuivre leur proie, vérifier si elle est comestible ou encore distinguer un partenaire sexuel ou un prédateur.

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La langue bifide dit le vrai et le faux en même temps. Une langue de serpent évoque une personne médisante ou double.

Les anglophones parlent du parler double (double speak) ou de penser double (double think), ce double langage si bien décrit par George Orwell dans 1984, livre prémonitoire.

Chez les sorciers et les hauts grades des sociétés secrètes, il n’y a pas de bien et de mal. Il s’agit de se situer au-delà, car ces deux pôles sont liés par le principe d’harmonie des opposés. C’est le même concept que l’on retrouve dans le Yin et le Yang ou dans le sol en damier des loges maçonniques.

Nous le verrons dans les histoires d’Harry Potter, « il y a deux trames parallèles offrant deux contenus différents à deux publics différents : la trame de surface (ou exotérique) pour les gens ordinaires qui ne connaissent pas trop le monde de l’occultisme ; la trame subliminale (ou ésotérique) pour les sorciers en herbe et le divertissement des sorciers accomplis. [8] »

Voldemort le sorcier qui initie Harry Potter, à travers les combats qui les opposent en surface et les relie en profondeur représente le serpent de la tradition gnostique. « Satan, un moraliste et en même temps le Libérateur et l’Initiateur, l’Etre qui nous a enseigné la désobéissance et la volupté. [9] »

Notons en parenthèse que le colibri, oiseau totem de Pierre Rabhi, possède, lui aussi une langue bifide. Rabhi y trouve-t-il également une source d’inspiration dans ses livres et conférences logorrhéiques ?[10]

Dans le livret Le serpent et sa descendance, nous examinons avec précision la langue bifide du serpent. Au chapitre 3 de la Genèse, on peut distinguer trois degrés successifs dans ce récit de la chute, ou du péché originel.

Conséquences et non-malédiction.

Saint Augustin dira : « Adam et Ève voulurent ravir la divinité, et ils perdirent la félicité. »

Saint Thomas d’Aquin réaffirme, suivant la tradition de l’Église, que le principal péché d’Adam et Ève ne fut ni la désobéissance, ni la gourmandise, mais le désir déréglé de devenir semblable à Dieu.

Tout d’abord Dieu s’adresse au serpent.

« Yahweh Dieu dit au serpent :  » Parce que tu as fait cela, tu es maudit entre tous les animaux domestiques et toutes les bêtes des champs ; tu marcheras sur ton ventre, et tu mangeras la poussière tous les jours de ta vie. Et je mettrai une inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité ; celle-ci te meurtrira à la tête, et tu la meurtriras au talon.  » » (Gn 3, 14-15).

La Tradition appelle le « protévangile » ce verset 15, « celle-ci te meurtrira à la tête, et tu la meurtriras au talon », car il annonce déjà l’espérance du Salut. C’est pourquoi la vierge Marie, est représentée souvent écrasant de son talon la tête du serpent.

Ce récit est d’une actualité brûlante. Ce récit, et non pas ce mythe, ne traite pas d’une production de l’inconscient de celui ou de ceux qui ont ciselé ce récit. Il est le fruit d’une observation méticuleuse, clinique du réel. Cela se passe toujours ainsi, ce n’est pas un mythe, c’est une méta réalité.

Tous les temps de l’histoire sont concernés, confirmant cette observation première inspirée par le Saint-Esprit.

Nous sommes prévenus contre cette séduction, cette fascination qu’exerce le serpent jusqu’à la fin des temps :

« Car il s’élèvera de faux Christs et de faux prophètes, et ils feront de grands prodiges et des choses extraordinaires, jusqu’à séduire, s’il se pouvait, les élus mêmes » (Mt 24, 24).

Écouter

S’il est un verbe qui traverse la Bible, c’est le verbe hébreu shâma un des verbes le plus employé, plus de 900 fois. Il est traduit en français par écouter ou entendre. Le serpent n’a pas d’oreille, il n’a de perception du monde que sensitive, vibratoire. Il ne perçoit que la matière du monde dont il se nourrit. Les peuples de l’antiquité ont vénéré le serpent, tout comme aujourd’hui ceux qui se prétendent initiés.

Ce serpent, nous en avons vu la nudité, l’intelligence, les ruses, la duplicité de sa langue bifide, sa physiologie ; tout cela nous a permis par analogie quelque discernement. L’antique serpent devient le dragon de l’Apocalypse combattu par l’archange Saint Michel. Ce serpent est la personnification du Mal et du péché. Nous avons appris de Jésus que nous devons demander à Dieu Notre Père de nous en libérer. Ce serpent est vaincu définitivement par la mort et la résurrection de Jésus-Christ. Mais ses engeances continuent de faire des ravages et ce jusqu’à la fin des temps.

Shâma, écouter est une demande instante de Dieu. Il ne cesse de demander à ses patriarches, à ses prophètes, à ses sages, à son peuple, et enfin aux disciples de son Fils d’écouter. Écouter une parole autre, une Parole du Tout Autre qui nous demande de lever le regard de notre cœur, « sursum corda », sur une réalité au-delà et au plus proche de la perception que nous avons du monde.

En Notre Seigneur Jésus-Christ, le Verbe vient habiter parmi nous. À la transfiguration, une voix survient de la nuée : « Celui-ci est mon Fils bien aimé, écoutez-Le » (Mc 9, 6).

Nous devons écouter le Verbe de Dieu, et l’Esprit-Saint nous traduit sa langue, une langue qui s’apprend patiemment tout au long de notre vie et donne la vie éternelle :

« Le premier commandement c’est : Écoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur ; tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force. Voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas d’autre commandement que ceux-là. » (Mc 12, 29-31).

Il est un dernier verbe dans la Bible, au terme de l’Apocalypse (22, 17. 20), c’est le cri de ceux qui ont écouté de tout leur cœur Celui qui donne la Vie :

« Amen, viens Seigneur Jésus ! »

Bertran Chaudet, mai 2020


[1] La kabbale est une tradition ésotérique du judaïsme. Voir article sur le site sosdiscernement.org

[2] Patrick Levy, La ruse de Dieu. Le kabbaliste et l’arbre de la connaissance. Ed du Relié, 2013, p. 294-298.

[3] Catéchisme de l’Église catholique, 2535

[4] Sur le site sosdiscernement.org.  1) L’hypnose : une histoire sulfureuse et 2) L’hypnose : technique ou pouvoir. Bertran Chaudet.

[5] Voir la Petite École Biblique n° 23 sur le regard

[6] Dans son livre Les Enfants du Verseau (1980) qui théorisa le New Age, Marilyn Ferguson définit ce dernier comme « l’apparition d’un nouveau paradigme culturel, annonciateur d’une ère nouvelle dans laquelle l’humanité parviendra à réaliser une part importante de son potentiel, psychique et spirituel. »

[7] Paul Evdokimov. Les âges de la vie spirituelle. Ed Desclée de Brouwer, 1995, p. 160.

[8] Mona Mikaël, Harry Potter et l’ordre des ténèbres, ESR, 2008, p.71.

[9] Léo Campion (1905-1992), 33e degré franc-maçon, Le drapeau noir, l’équerre et le compas. p.11.

[10] https://sosdiscernement.org/le-systeme-pierre-rabhi/ et https://sosdiscernement.org/retour-sur-le-systeme-pierre-rabhi/.

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