Qu’est-ce que l’ésotérisme ?

Nous reproduisons ci-dessous un article écrit par Luis Santamaría, membre de la Red Iberoamericana de Estudio de las Sectas (RIES), dans Portaluz. Traduction de l’espagnol D. Auzenet, avec Linguee.

Il n'est pas aussi connu que son prédécesseur, le père Gabriele Amorth (1925-2016), célèbre exorciste du diocèse de Rome pendant de nombreuses années. Mais le père Francesco Bamonte (né en 1960), actuel exorciste titulaire de l'Église de Rome et président de l'Association internationale des exorcistes (AIE), est un point de référence pour les prêtres qui exercent ce ministère particulier.

Ordonné prêtre en 1990 et nommé exorciste en 2000, F. Bamonte appartient à la congrégation des Serviteurs du Cœur Immaculé de Marie et est l’auteur de plusieurs ouvrages sur le diable et l’exorcisme. Il a récemment publié un ouvrage destiné à devenir fondamental : Il cristianesimo contemporaneo a confronto con esoterismo, occultismo e satanismo (Le christianisme contemporain en confrontation avec l’ésotérisme, l’occultisme et le satanisme), publié par El Mensajero de San Antonio, dans la ville de Padoue.

Un ouvrage de référence sur l’ésotérisme. Tout au long de ses 22 chapitres et plus de 400 pages, le religieux italien aborde un grand nombre de questions sur ce sujet d’un point de vue confessionnel catholique et avec un large appareil critique (citations qui montrent sa connaissance large et profonde de ce qu’il évalue, sans tomber dans de simples opinions sans fondement). Et la première chose qu’il fait est de définir les termes.

L’auteur remonte le fil de l’histoire pour rappeler que « ésotérique » signifie « intérieur » ou « interne » en grec, et que ce terme est utilisé dès le IVe siècle avant J.-C. pour désigner les conférences « payantes » que donnait Aristote, par opposition à ses enseignements publics. Au fil du temps, il a fini par être utilisé dans le sens de « secret » ou « réservé » aux initiés (ainsi chez les néo-pythagoriciens du 1er siècle avant J.-C.).

Et c’est avec la modernité que, grâce à l’influence exercée par certains auteurs – principalement des francs-maçons – depuis le XVIIIe siècle, il a acquis le sens que nous lui donnons aujourd’hui, qui désigne « une Connaissance ou une Sagesse ou une Tradition primordiale que l’on croit antérieure et supérieure à toutes les religions particulières et à toute forme de spiritualité », comme l’explique le Père Bamonte.

Les doctrines de cette Connaissance « doivent être transmises par un maître aux initiés (ou adeptes) le long d’un chemin personnel », afin que l’adepte puisse « entrer en lui-même, se redécouvrant comme un « être divin » ». Le président de l’AIE explique ensuite ce qu’il considère comme « certaines des caractéristiques intrinsèques » de la pensée ésotérique, qui sont résumées ci-dessous.

1. L’illumination ou la métamorphose de l’homme ésotérique

Pour la personne qui entre dans ces cercles, l’initiation est un processus de transformation en termes d’amélioration personnelle, le passage « d’un plan superficiel (exotérique) de connaissance à un plan profond (ésotérique) ». Ainsi, une « seconde naissance » – ce que les alchimistes appellent « transmutation » – aurait lieu et l’adepte renaîtrait comme un « homme nouveau ».

Tout cela est interprété en termes d’auto-perfectionnement. Ainsi, de l’avis de ce prêtre, « cela montre clairement que l’ésotérisme cultivé et pratiqué n’est pas, en fait, une forme de spiritualité purement spéculative, car il implique une transformation de l’homme, due à une influence spirituelle sur son être avec un changement conséquent de mentalité et de praxis de vie, considéré comme supérieur aux non-initiés ».

2. L’Alchimie

Malgré son aspect mythique, voire désuet, ce concept, qui fait référence à la recherche de la « pierre philosophale » (qui pourrait transformer tous les métaux en or et conférer l’immortalité), est utilisé de manière métaphorique pour symboliser « le chemin initiatique ésotérique qui conduit l’adepte d’un état grossier à l’état parfait et purifié ». La personne acquiert une telle supériorité que « non seulement elle connaît et pénètre les lois de la nature, mais elle devient capable de les manipuler » au moyen de rites magiques.

3. La transmission des secrets

C’est quelque chose qui ne peut faire défaut, car « les enseignements ésotériques doivent être transmis d’un maître à un élève, c’est-à-dire de l’illuminé à l’initié », dans une chaîne temporelle et dans une communauté qui garantit cette succession. « C’est la genèse de la naissance des sociétés secrètes » des temps modernes, rappelle le père Bamonte. Bien que leurs doctrines et leurs rites soient aujourd’hui largement diffusés et accessibles au profane, dans la mentalité ésotérique, « il est impossible de s’initier soi-même. Une initiation par des sujets externes qui ont déjà vécu et accompli l’étape est toujours nécessaire ».

4. La théorie des « correspondances »

existant entre la nature visible et invisible, une idée basée sur un célèbre adage de l’ésotérisme antique, attribué au personnage légendaire Hermès Trismégiste : « Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, ce qui est en bas est comme ce qui est en haut ». Le prêtre italien explique que « selon ce principe, la nature, l’univers matériel et spirituel, et l’homme, sont un seul être vivant imprégné de la même énergie ».

Cela entraîne une vision moniste du monde : tout ce qui existe est une chose, il n’y a pas de diversité d’êtres, et donc « l’univers serait relié par des concordances, des synchronicités et des liens d’interdépendance qui le mettraient en relation avec le monde naturel et avec des « mondes supérieurs » génériques ». Comme le souligne le père Bamonte, cette conviction est à la base des formes les plus connues de magie et d’occultisme, comme l’astrologie, la numérologie, le tarot et autres techniques divinatoires. Et lorsque nous passons des connaissances occultes à la tentative de manipuler la réalité, en utilisant des pouvoirs surnaturels, nous avons affaire à des pratiques magiques et à des rituels occultes.

5. La loi de contiguïté

est l’une des principales expressions de ce que nous venons de voir au point précédent. « Selon cette loi, la partie est identifiée au tout, la partie vaut le tout, de sorte que ce qui est fait à une partie influencera l’individu tout entier », explique le président des exorcistes.

C’est la base des techniques et des rites magiques qui utilisent des éléments corporels (comme les cheveux, le sang ou la salive) pour obtenir un effet – bon ou mauvais – sur la personne dont ils émanent. En d’autres termes, ce que l’on appelle communément la magie, noire ou blanche (qui reste de la magie, à rejeter). Il en va de même pour les objets qui ont été en contact avec un sujet, qui conserveraient un lien direct avec ce dernier et qui pourraient être affectés par tout ce qui est exécuté ou invoqué sur cet objet.

6. La loi de la similitude

Dans ce cas, on pense que les choses peuvent exercer une influence en raison de leur similitude avec d’autres choses. Il s’agit d’une continuité de type symbolique, souvent qualifiée de « magie d’imitation ». Ici, par exemple, il n’y a pas d’utilisation de parties du corps d’une personne, mais une représentation (par exemple une photo ou une poupée).

Tout cela permet à Francesco Bamonte d’affirmer que « la magie est inextricablement liée à l’ésotérisme, et l’ésotérisme à la magie ». Un cas qui illustre bien cela est celui des rituels selon lesquels planter des aiguilles dans une poupée affecterait directement une personne spécifique : « percer les yeux de la poupée qui la représente devrait la rendre aveugle ; percer le cœur de la poupée devrait la faire mourir ». Et il en va de même dans d’autres situations de pratique magique : « verser de l’eau sur la terre devrait provoquer la pluie, défaire des nœuds devrait faciliter l’accouchement », etc.

7. L’existence d’êtres intermédiaires

entre la sphère visible et la sphère invisible, qui ne sont pas des entités personnelles – comme dans le christianisme avec les anges et les démons – mais « différentes manifestations de l’unique énergie divine », selon les termes du Père Bamonte. Pour un initié à l’ésotérisme, la communication avec ces êtres est possible, de sorte que la personne devient un « médium » ou un « canal ».

Dans ce contexte, le président de l’AIE explique ce qu’on appelle en occultisme la « théurgie », qui consiste en l’invocation de ces êtres divins. Popularisé aujourd’hui par le New Age sous le nom de « channeling », qui « est une nouvelle forme de spiritisme » et peut impliquer un contact soit avec les défunts, les esprits de la nature, les extraterrestres, les anges, les maîtres ascensionnés… et même avec la Vierge Marie, le Christ ou Dieu, compris comme des entités cosmiques « qui guideraient l’humanité vers un destin meilleur ».

8. La négation de la divinité de Jésus-Christ

est un principe fondamental de toute la pensée ésotérique. L’auteur est clair : « L’ésotérisme nie que Jésus soit Dieu fait homme. Au contraire, le chrétien croit que Dieu s’est fait homme et qu’en Christ il s’est révélé personnellement aux hommes ».

Les paroles de la foi chrétienne sur le Seigneur ne se réduisent pas à un symbolisme, mais expriment une réalité très concrète, et entraînent des conséquences personnelles : « dans le moment historique de sa vie terrestre, tout homme en tout lieu et à toute époque peut rencontrer le cœur infiniment aimant de Jésus ressuscité et, s’il le veut, entrer dans une communion de vie avec lui et, par lui, avec le Père et l’Esprit Saint ».

9. Différence dans la signification de la foi, de l’espérance et de la charité

dans le christianisme et l’ésotérisme. En effet, ce dernier « entend par foi la foi en l’homme ; par le terme espérance, l’espérance d’un monde meilleur, c’est-à-dire d’un monde marqué dans tous les domaines de la vie individuelle et sociale par les principes de l’ésotérisme ; par le terme charité, la solidarité entre ceux qui appartiennent à sa propre association ésotérique et ceux dont elle décide de faire bénéficier ».

10. La concordance des religions

puisque « la conviction de l’existence d’une seule religion universelle, également définie comme  » naturelle « , qui serait antérieure à toutes les religions particulières, est caractéristique de l’ésotérisme. Elle serait plus ancienne que toutes les religions, constituant le noyau commun présumé de toutes les fragmentations des différentes religions ».

Derrière cette conviction relativiste se cacherait cette connaissance supposée « supérieure » que posséderaient les initiés ésotériques, au-dessus de toute tradition religieuse particulière – puisque celles-ci seraient, en définitive, « la cause des guerres et des divisions entre les peuples ». C’est pourquoi, comme le résume le religieux italien, « ils proposent l’ésotérisme comme une religion ou une spiritualité unique de paix et d’harmonie qui devrait supplanter toutes les religions ».

11. Le rejet des dogmes

qui sont un héritage de la foi de l’Église, car ils expriment des vérités fondamentales basées sur la Bible et la Tradition. Ceci est évidemment inacceptable pour la mentalité ésotérique, dans laquelle « le contact et l’union avec le divin sont considérés non pas dans un sens personnel – c’est-à-dire avec un Dieu personnel, comme dans le christianisme – mais dans un sens impersonnel et indépendamment de toute religion ».

Ainsi, l’ésotérisme, s’il fait à un moment donné allusion à des éléments de la doctrine chrétienne ou à des passages de l’Écriture Sainte, le fait avec une interprétation symbolique qui les dénature, « altérant complètement le sens véritable des paroles que Dieu a adressées à l’humanité dans les livres sacrés ». En outre, les groupes ésotériques « considèrent les dogmes de la foi catholique comme une invention arbitraire ». Cependant, ils défendent eux-mêmes leurs propres dogmes, tels que ceux que le Père Bamonte montre en détail et que nous avons rassemblés dans cet article.

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