Talenthéo : l’entrée du coaching dans l’Église

Dominique Auzenet et une équipe

Vivre au coeur d’une communauté paroissiale. La faire vivre en harmonie et en paix, grâce aux décisions prises en commun à travers l’équipe d’animation pastorale (une communauté où l’on se partage les tâches, grâce aux compétences et à l’engagement des uns et des autres : gérer le budget, faire des prévisions, des travaux, respecter le droit du travail, faire travailler ensemble les bénévoles, entretenir des relations avec les élus…). Annoncer avec cette communauté l’Évangile dans le monde d’aujourd’hui, auprès de personnes demandeuses de services religieux, mais souvent sans connaissances et loin du vécu de l’Église. Donner les sacrements, et les préparer avec des équipes de laïcs formés.

Un défi aux multiples aspects dont on pourrait allonger la liste. Pas simple en effet d’être aujourd’hui curé de paroisse. Heureusement que la présence de laïcs associés à sa responsabilité pastorale lui permet d’éviter de jouer l’homme-orchestre : être à la fois manager, psychologue, sociologue, diplomate, animateur d’équipe, décideur, référent, et en même temps… prêtre de Jésus.

Mais devant le désarroi de certains prêtres, jeunes ou plus âgés, des coaches d’entreprise ont émis depuis une dizaine d’années des propositions de formations et d’accompagnement avec les méthodes du management, souvent issues du marketing américain et des modèles de croissance des Eglises évangéliques. Et les techniques issues du monde de l’entreprise pénètrent pour la première fois en 2000 ans le monde des communautés catholiques.

C’est le réseau Talenthéo qui semble avoir le monopole pour l’Eglise de France. Quand on voit le nombre de témoignages positifs sur internet, il y a de quoi être émerveillé par tant de résultats positifs, par tant d’ardeur au travail. D’immenses sourires, des éclats de rire, des regards joyeux, une franche camaraderie, une promesse d’avenir radieux : « Nos communautés chrétiennes vont devenir tellement fraternelles et attractives, tellement rayonnantes de l’amour du Christ qu’elles seront même provocantes pour les autres ! Toute personne qui nous croisera sera habitée par le désir ardent de nous rejoindre. »1

Et pourtant, les laissé pour compte et les déçus de cette pastorale méritent d’être entendus, leurs questions méritent d’être posées. Nous avons voulu aller un peu plus loin dans l’analyse, pour comprendre d’où viennent ces pratiques, quelle vision de l’homme, du monde et de l’Église elles proposent, et ce que l’on peut en attendre en tant que paroissien ou prêtre.

I. Cherchons à préciser les termes

1. Qu’est-ce qu’une église catholique en croissance ?

« Dieu fournit la graine, la multiplie et donne la croissance » ( 2 Co 9, 10).

Après avoir cherché sur le site Talenthéo une définition de ce concept d’Eglise en croissance, nous avons fini pour par trouver des indices dans la présentation du Guide pratique pour des paroisses transformées2 : « Si notre Eglise était en bonne santé, elle serait en croissance, comme tout être vivant. Pour qu’elle grandisse, nous avons à soigner le corps à travers ces 5 “essentiels”. » 3

S’agit-il d’une croissance du nombre ?

Un voyage d’observateurs français à la rencontre de Dick Warren et de la mega church évangélique baptiste de Saddleback (Californie) a récemment eu lieu. Le père Lionel Dalle, l’un des rédacteur du Guide pour des paroisses transformées explique dans le premier chapitre sa motivation « je voulais comprendre le secret de la paroisse en bonne santé » . Le père Fabrice du Hays raconte : « Nous avons par exemple rencontré une paroisse créée ex nihilo et qui rassemble plusieurs milliers de personnes chaque dimanche ! » 4

Une paroisse créé ex nihilo, n’est-elle pas une paroisse hors sol, totalement artificielle, ne tenant pas compte de l’épaisseur de notre humanité, de l’importance de la durée dans une espace limité à dimension humaine. Une paroisse ex nihilo n’est-ce pas un supermarché du spirituel où l’on viendrait chercher sa dose d’émotion spirituelle, comme l’on va voir un spectacle participatif certes mais évanescent ?

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Dérives possibles dans certaines méthodes de développement personnel et de coaching

Coach vient du français cocher : celui qui avait pour mission de conduire la diligence ou le char à banc d’un point précis à un autre. Aujourd’hui, les passagers de ces coachs sont plutôt des otages qui ne savent plus ni d’où ils viennent ni où ils vont. Cet article se voudrait se faire mouche du coach !

Fouette cocher

Il existe en France une centaine d’écoles de formation au coaching. Mais les certifications de ces écoles ne sont reconnues, dans la plupart des cas, que par elles-mêmes.

Le champ de ces formations semble sans limites. Coach mental, esthétique, santé, stratégie nutritionnelle, sport, amour conjugal, sexualité épanouie, gestion du stress, gestion des conflits, en entreprise, gestions des émotions, du rangement, du jardinage, du jogging, du maquillage, jusqu’aux conseillers funéraires…

Maîtres mots

Pas de souci. Profite. Enjoye. Sois toi-même. Épanouis-toi.

Ce sont des mots ou des injonctions que nous ne cessons d’entendre aujourd’hui et qui pourraient résumer l’objectif du coaching ou du développement personnel. Le carpe diem, profite du moment, des hédonistes en est la priorité et la finalité.

Ces nouveaux Narcisse contrôlent leurs propres images retouchées sur les miroirs de leurs comptes facebook, tweeter…, tentant d’obtenir le maximum de like. Ils ont besoin du regard d’autrui pour donner du poids à leur (in) consistance.

Pour cela il faut apprendre à positiver toujours et partout, quelles que soient les circonstances ou les événements, entrer de manière volontariste dans la pensée positive ; soit dit en passant, une pensée qui positive plus qu’elle ne pense.

Les coachs brouillent les concepts, emploient des mots génériques mal définis, dans leurs conseils pour gagner en joie, en paix, en assurance, en sérénité, en performance.

Julia de Funès rappelle qu’en philosophie, la tendance à privilégier la réalité des mots sur la réalité des choses s’appelle le nominalisme. Alors que la pensée philosophique réaliste préfère un réel douloureux à une illusion réconfortante. Ainsi Albert Camus écrivait : « Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde.[1]»

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