Rayons de librairies, réseaux sociaux, émissions télévisées : le développement personnel est omniprésent. Ces dernières années, la recherche de bien-être et la volonté de réussir sa vie se sont imposées chez beaucoup de nos contemporains. KTO en parle dans l’émission « Sans langue de buis ».
Pourquoi ces approches séduisent-elles ?
Ouvrent-elles à la vie véritable ? Détournent-elles de la foi
chrétienne ? Comment exercer un discernement entre les différentes
méthodes en vogue ? Pour en parler, KTO reçoit :
Natalia Trouiller – Écrivaine, journaliste
Bertran Chaudet – Auteur de « SOS Développement Personnel – Discernement » (Artège) et diacre du diocèse du Mans
Etienne Séguier – Journaliste à La Vie et coach en développement personnel
Sandrine Dusonchet – Formatrice à l’ennéagramme, vice-présidente de l’Institut Européen de Développement Humain
Frère Raphaël de Bouillé – Frère dominicain, professeur en théologie pastorale.
Historien des religions, sociologue, Université de Strasbourg. Sur le site TheConversation
Dans La Meilleure version de moi-même, Blanche Gardin
propose une mosaïque grinçante du milieu du développement personnel en
France. À l’aide de l’autofiction et d’un humour qui égare le spectateur
entre les différents degrés possibles d’interprétation, la comédienne
fait découvrir aux spectateurs un univers à part entière, avec son
langage caractéristique, qui peut les laisser pantois s’ils n’y sont pas
initiés, mais trouvera un écho sûr chez ceux qui le sont. La perception
de l’incongruité et de l’absurde dépend donc de la sensibilité du
spectateur au métalangage et au fonctionnement du développement
personnel, ce qui peut ajouter au malaise que crée la série.
La trame de la série est l’archétypique des démarches des adeptes du
développement personnel : perturbée par un problème digestif chronique
que la médecine peine à expliquer, l’héroïne s’embarque dans un voyage
initiatique censé la conduire vers la guérison, la découverte
d’elle-même et le bonheur.
Entre quête d’identité, individualisme et tribalisme
cette série permet de comprendre que le développement personnel
correspond à une démarche spirituelle et donc de dépasser le débat qui
concerne la question du bien-fondé du développement personnel pour mieux
faire ressortir certains traits de la religiosité contemporaine,
caractéristique de notre modernité tardive.
Un univers à part entière
Il est difficile de s’entendre sur une définition du développement
personnel et même de le décrire, tant est vaste ce qui peut entrer dans
ce domaine. La trajectoire de l’héroïne est en cela révélatrice,
puisqu’elle passe entre les mains de différents spécialistes et tente
différents moyens pour résoudre un même et unique problème. Si tout
commence chez un naturopathe, on la voit aussi fréquenter un chamane,
faire appel à un technicien en dynamisation de l’eau, lire un ouvrage
sur les Haut Potentiel Intellectuel (HPI) ou encore constituer un
« cercle de parole ».
De cette liste émergent des outils et des démarches hétéroclites qui
illustrent la complexité du champ, mais font aussi émerger une structure
caractéristique qui unit dans une relation un individu travaillé par
une angoisse existentielle et un médiateur détenteur d’éléments de
réponses qu’il transmet grâce à un médium. Ce médium peut prendre la
forme d’un livre, d’une conférence, d’un groupe de parole ou d’une
thérapie, quelle qu’en soit la nature. S’il existe tout un versant porté
par la psychologie positive qui revendique une scientificité très forte
– bien que discutée
–, les médecines alternatives y occupent également un très grand
espace, tout comme les spiritualités alternatives. Bien souvent, les
discours et les médiateurs du développement personnel cumulent
différentes approches et peuvent les combiner ainsi, par exemple,
psychologie humaniste et astrologie, comme a pu le faire Dane Rudhyar
(1895-1985).
Alors que la série peut donner une impression de marginalité de ce type de pratiques et de démarches, une simple visite des rayons « développement personnel » d’une librairie permet, non seulement d’ajouter à notre description un certain nombre de produits dérivés nécessaires à certaines démarches (cartes, pierres, encens, coussins de méditation, etc.), mais aussi de bien saisir l’ampleur du phénomène et l’importance du marché économique qu’il représente.
Extrait du rapport de la Miviludes 2018-2020, pp.50-53.
On
observe la multiplication de méthodes qui s’intègrent dans des
pratiques de management, d’éducation voire de soins, alliant
bien-être, mieux être, bonheur, se présentant comme des outils de
communication et de développement personnel. Parmi ces méthodes, le
coaching est en plein essor. Il revêt des formes très variées
allant des séances individuelles chez l’habitant au show.
Or, dans le coaching, des dérives inquiétantes sont
signalées comme les confessions intimes et publiques, le coût des
séances,jusqu’à un véritable assujettissement.
La
phase de séduction s’opère en général sur internet et les réseaux
sociaux. Des vidéos et des sites particulièrement attractifs vous
proposent une vision du monde où tout est possible – la guérison,
la richesse – , et où le bonheur est présenté comme un but
exclusif de la vie. Ce phénomène émergent est
particulièrement inquiétant.
La phase de déconstruction se caractérise par un engagement exclusif au leader charismatique qui devient le seul référent pour résoudre tous les problèmes de la vie. Les individus sont encouragés à changer de vie voire à abandonner leur travail, leur famille, leur conjoint et à donner des sommes d’argent exorbitantes pour répondre à des injonctions au bonheur. Il y a une forme d’urgence à quitter son ancienne vie pour adopter celle proposée par le leader. Les slogans sont multiples ; « Osez vivre la vie que vous avez envie », « Libérez-vous de vos pensées limitantes » ou bien encore « Devenez l’entrepreneur à la hauteur de qui vous êtes », « Le bonheur c’est maintenant». Les engagements financiers sont très rapides et peuvent atteindre jusqu’à 40 000 euros pour quelques heures de coaching. Pour atteindre l’épanouissement personnel, il est nécessaire de franchir différentes étapes de formation et de coaching qui constituent autant d’engagements moraux et financiers, le leader étant la tête de proue, le modèle unique. Le culte du secret fait partie intégrante du parcours initiatique réservé aux élus. Ce processus écarte de fait les proches qui émettent des doutes et remettent en question le système.
Coach vient du français cocher : celui qui avait pour mission de conduire la diligence ou le char à banc d’un point précis à un autre. Aujourd’hui, les passagers de ces coachs sont plutôt des otages qui ne savent plus ni d’où ils viennent ni où ils vont. Cet article se voudrait se faire mouche du coach !
Il existe en France une centaine d’écoles de formation au
coaching. Mais les certifications de ces écoles ne sont reconnues, dans la
plupart des cas, que par elles-mêmes.
Le champ de ces formations semble sans limites. Coach
mental, esthétique, santé, stratégie nutritionnelle, sport, amour conjugal,
sexualité épanouie, gestion du stress, gestion des conflits, en entreprise,
gestions des émotions, du rangement, du jardinage, du jogging, du maquillage,
jusqu’aux conseillers funéraires…
Maîtres mots
Pas de souci. Profite. Enjoye.
Sois toi-même. Épanouis-toi.
Ce sont des mots ou des injonctions que nous ne cessons
d’entendre aujourd’hui et qui pourraient résumer l’objectif du coaching ou du
développement personnel. Le carpe diem,
profite du moment, des hédonistes en est la priorité et la finalité.
Ces nouveaux Narcisse contrôlent leurs propres images retouchées sur les miroirs de leurs comptes facebook, tweeter…, tentant d’obtenir le maximum de like. Ils ont besoin du regard d’autrui pour donner du poids à leur (in) consistance.
Pour cela il faut apprendre à positiver toujours et partout, quelles que soient les circonstances ou les événements, entrer de manière volontariste dans la pensée positive ; soit dit en passant, une pensée qui positive plus qu’elle ne pense.
Les coachs brouillent les concepts, emploient des mots génériques
mal définis, dans leurs conseils pour gagner en joie, en paix, en assurance, en
sérénité, en performance.
Julia de Funès rappelle qu’en philosophie, la tendance à
privilégier la réalité des mots sur la réalité des choses s’appelle le
nominalisme. Alors que la pensée philosophique réaliste préfère un réel
douloureux à une illusion réconfortante. Ainsi Albert Camus écrivait :
« Mal nommer un objet, c’est ajouter
au malheur de ce monde.[1]»