Deux phénomènes mystiques hors du commun divisent aujourd’hui le monde catholique : les visions de la vie de Jésus en Palestine de Maria Valtorta (publiées en dix gros volumes sous le nom de « l’Evangile tel qu’il m’a été révélé ») , et les apparitions attribuées à la Vierge Marie, « la Gospa », à Medjugorje .
Curieusement ces deux manifestations revendiquées par leurs admirateurs comme d’origine divine sans que l’Église ne les aient jamais reconnues comme telles ont de nombreux points communs. Toutes deux sont ce que l’on appelle des «prodiges», des phénomènes si extraordinaires qu’il semble en effet tentant de les attribuer à Dieu. Pourtant le Christ lui même nous affirme (Mt 24,24) que les prodiges ne viennent pas tous du Ciel : « En effet de faux messies et de faux prophètes se lèveront et produiront des signes formidables et des prodiges, au point d’égarer, s’il était possible, même les élus ». Il est surprenant que pareil avertissement du Seigneur soit si facilement oublié.
Les deux manifestations ont aussi en commun d’être une parodie d’événements reconnus. Si les défenseurs de Medjugorje présentent ces apparitions comme une continuation de Fatima, c’en est plutôt la caricature. Il avait été confié aux voyants de Fatima un secret en trois parties. Ici six voyants ont reçu ou doivent recevoir chacun individuellement dix secrets ! Le célèbre miracle de Fatima avait été annoncé aux enfants trois mois plus tôt et s’est produit en effet à la date indiquée devant une foule immense venue spécialement pour y assister. A Medjugorje un miracle permanent « le Grand Signe » a été annoncé dès le début des apparitions pour « bientôt, très bientôt » mais on l’attend toujours plus de quarante ans plus tard. Quant aux écrits de Maria Valtorta ils semblent avoir pris pour modèle le « Petit Journal » de Sainte Faustine, auquel ses promoteurs le comparent volontiers : Jésus disait à Sœur Faustine « Tu es la secrétaire de ma Miséricorde », les admirateurs de Maria font d’elle « le porte-plume de Dieu »…
« Un monument de pseudo-religiosité ».Réquisitoire contre le Poème de l’Homme-Dieu
Article publié dans The Catholic Word Report. 14 septembre 2021. Traduction de l’anglais : D. Auzenet, avec l’aide de Linguee. La question de l’antisémitisme est abordée dans le point 4 de l’article.
Photo mise en avant : Maria Valtorta (1897-1961) En 1918, à l’âge de 21 ans, dans l’uniforme d’une infirmière samaritaine, pendant la Première Guerre mondiale. Maria Valtorta a été la première femme à se rendre à l’hôpital.
L’auteure de l’article : Sandra Miesel
Sandra Miesel est une médiéviste et écrivaine américaine. Elle est l’auteur de centaines d’articles sur l’histoire et l’art, entre autres sujets, et a écrit plusieurs livres, dont The Da Vinci Hoax : Exposing the Errors in The Da Vinci Code, qu’elle a co-écrit avec Carl E. Olson, et est co-éditrice avec Paul E. Kerry de Light Beyond All Shadow : Religious Experience in Tolkien’s Work (Fairleigh Dickinson University Press, 2011).
Pourquoi, pendant toutes ces années, si peu de lecteurs du Poème de l’Homme-Dieu, de Maria Valtorta, ont-ils remarqué ses défauts flagrants et choquants ?
Cette
année, Yom Kippour, le jour juif de l’expiation, commence
au coucher du soleil le 15 septembre. C’est le point culminant
des jours saints, lorsque les jugements de Dieu sont scellés sur les
pécheurs impénitents. Il m’a donc semblé opportun d’honorer le
peuple de mon père en examinant un livre criblé d’antisémitisme
grossier, mais longtemps admiré dans certains cercles
catholiques pieux : Le Poème de l’Homme-Dieu de Maria
Valtorta.
1. Le contexte
Voici
un bref aperçu pour ceux qui ne se souviennent pas de l’apogée de
Valtorta dans les années 1990, lorsque le monde chrétien était en
proie à des spéculations sur la fin des temps et que de nombreux
catholiques se ralliaient à l’apparition du mois. Pour ses
partisans, le Poème est une expansion « impeccable »
des Évangiles qui a profondément amélioré l’âme de ses
lecteurs. Mais en 1959, il est devenu l’avant-dernière publication
inscrite à l’Index des livres interdits du Vatican.
Maria
Valtorta est née de parents lombards le 14 mars 1897 à
Caserte, en Italie. Son père était un sous-officier de l’armée.
Son éditeur décrit sa mère comme « insensible »,
« despotique » et extrêmement sévère. La mère de Valtorta
a mis un frein à son éducation et a mis fin à deux amours
prometteuses.
Après
avoir prononcé ses vœux privés en 1931, Valtorta aspire à devenir
une « âme victime » et devient définitivement grabataire
deux ans plus tard en raison d’un problème cardiaque et d’une
ancienne blessure au dos. Son directeur spirituel était le père
Romauld Migliorini, membre des Servites de Marie. Valtorta était
tertiaire dans le même ordre qui n’a cessé de promouvoir ses
écrits et sa réputation de sainteté.
Valtorta
est censée avoir offert à Dieu le sacrifice de son intelligence en
1949. Elle a progressivement cessé d’écrire au fur et à mesure
que ses problèmes mentaux augmentaient au cours de la décennie
suivante. Au moment de sa mort en 1961, elle avait atteint ce que le
père Benedict Groeschel C.F.R. a décrit comme « un état
similaire à la schizophrénie catatonique ». La maladie
suffirait à expliquer son déclin sans rechercher des causes
diaboliques, comme certains critiques l’ont tenté. Elle est
décédée le 12 octobre 1961.
Composé à l’origine de 10 000 pages manuscrites entre 1943 et 1947, le Poème publié est une Vie du Christ de 4 000 pages dans laquelle des scènes décrivant des visions sont entrecoupées de commentaires directs de Jésus et de Marie. Valtorta pouvait se souvenir — et plus tard clarifier — ce qu’elle disait avoir vu dans ses visions, mais pas la dictée qu’elle enregistrait par un procédé ressemblant à l’écriture automatique. Les textes de Valtorta, générés au hasard, ont été dactylographiés et classés dans la chronologie de l’Évangile par le père Migliorini, qui a commencé à en faire circuler certaines parties en privé.
Là où Joachim Bouflet ne consacrait que quatre pages à Maria Valtorta dans sa somme au titre explicite, Faussaires de Dieu (2000), c’est cette fois un chapitre entier et fourni qu’il dédie à la « mystique » italienne dans son dernier opus Impostures mystiques paru en mars 2023.
Les articles de Don Guillaume Chevallier publiés en 2021 dans la revue Charitas, les réponses « aussi peu argumentées que violentes, voire haineuses » (p. 139) qui lui ont été faites, et le « bref avertissement » de la Commission doctrinale des évêques de France paru en septembre 2021, qui relève que « la diffusion des écrits de Maria Valtorta s’intensifie depuis deux ans au moins », ont conduit Joachim Bouflet à se plonger dans les quelque 5000 pages de l’Évangile tel qu’il m’a été révélé et ses Cahiers, avec comme il le dit « une patience de chartreux » devant « la mièvrerie et le sentimentalisme du texte ». Si Joachim Bouflet s’appuie à plusieurs reprises sur les travaux de Guillaume Chevallier et rappelle les nombreuses condamnations de l’œuvre par l’Église, reproduisant in extenso l’article de l’Osservatore Romano intitulé « Une vie de Jésus mal romancée » faisant suite à la mise à l’index de 1960, il n’en apporte pas moins sa contribution personnelle aux aspects problématiques de l’œuvre de Maria Valtorta.
De
nombreux anachronismes
Il relève en premier lieu les nombreux anachronismes qui émaillent l’œuvre, alors même que le président de la Fondazione Maria Valtorta ne craint pas d’affirmer dans une conférence de 2018 que « la science archéologique confirme tout ce qui est écrit dans les dix volumes de l’œuvre ». (p. 96) Hélas, certains détails ne résistent pas à l’examen critique, comme ces « coupoles resplendissantes » du Temple de Jérusalem mentionnées à plusieurs reprises par Maria Valtorta qui n‘ont jamais existé que dans son imagination féconde : tant les fouilles archéologiques menées dans les années 1970-1980, que les descriptions de l’historien juif Flavius Josèphe au 1er siècle de l’ère chrétienne démentent l’existence de ces coupoles, qui d’ailleurs ne font leur apparition qu’au milieu du 1er siècle dans le monde romain, mais pas chez les juifs qui préfèrent les toits en terrasse, puis plus tard dans l’architecture arabo-musulmane.
Autre étrangeté,
l’utilisation par Joseph et Jésus d’un tournevis
pour leurs travaux
de menuiserie, outil totalement inconnu jusqu’à la Renaissance qui
voit l’invention de la vis de fixation. Ou encore la présence dans
le récit de plantes importées du Nouveau Monde au XVIèsiècle :
« tous ces anachronismes en termes de végétation équivalent
à faire cultiver par les contemporains de Jésus des pommes de
terre, des tomates ou du maïs » commente ironiquement Joachim
Bouflet.
Dans une veine toute
romanesque, Maria Valtorta conte aussi que Jésus, âgé de 5 ans,
réfugié avec ses parents en Égypte, cherche à reproduire un petit
lac à l’image de celui de Génésareth pour y faire flotter ses
petits bateaux faits de feuilles mortes. Il place les villes bordant
le lac : Magdala, Capharnaüm et… Tibériade.
Problème : la ville de Tibériade n’a été fondée qu’en
l’an 17, date à laquelle Jésus avait une vingtaine d’années.
La description des sacrements
Les descriptions faites par
Jésus des sacrements de l’Église sont tout aussi anachroniques.
Bien que leur nombre définitif n’ait été arrêté qu’en 1274
par le Concile de Lyon (entériné par le Concile de Trente en 1547),
les sept sacrements sont institués par Jésus en personne dans
l’Évangile revisité par Maria Valtorta. (p. 124) Dans un
long dialogue avec l’apôtre Jacques, « Jésus », après
avoir pris soin de définir ce qu’est un sacrement, dans des termes
qui semblent tout droit sortis d’un catéchisme, détaille chacun
avec un luxe de précisions qui n’appartiennent qu’à la
tradition chrétienne ultérieure. Après avoir donné ses
instructions concernant le baptême, l’absolution des péchés,
l’extrême-onction des malades, Jésus codifie également le
« Sacrement
pour les noces de l’homme »,
autrement dit le mariage dont les modalités n’ont été fixées
que progressivement, notamment par le IVè
concile du Latran en 1215. De même le sacrement de confirmation
dont « Jésus » dit qu’il sera donné « par ceux
qui auront reçu la plénitude du sacerdoce ». Or baptême et
confirmation étaient conférés ensemble dans l’Église primitive
avant qu’en 416 le pape Innocent Ier
confie aux seuls évêques la prérogative de confirmer les baptisés.
Le « Jésus » de Maria Valtorta institue également une
« hiérarchie
ecclésiastique »
comme elle le lui fait dire. C’est donc, selon le mot de Joachim
Bouflet, une « Église clefs en main » que livre Jésus.
Plus gênant, l’explication de chacun des sacrements dont l’apôtre
Jacques est le dépositaire en tant que « chef de l’Église
d’Israël » (sic) est faite par Jésus sous
le sceau du secret, selon un mode de transmission caractéristique
d’une gnose.
La personnalité de Jésus
La personnalité de Jésus dans l’œuvre de Maria Valtorta, décrite par Don Guillaume Chevallier comme celle d’un gourou autoritaire et égocentrique revêt un aspect plus inattendu dans l’analyse que tire Joachim Bouflet de certains passages de l’œuvre : celle d’un « Jésus » homo-sensible qui aime « à embrasser, caresser et étreindre ses disciples hommes » (p. 115) Ainsi le troublant baiser que dépose « Jésus » sur la bouche d’un certain Abel de Bethléem, personnage assimilé dans l’œuvre à Saint Ananie.
Le plus favorisé étant sans surprise « le disciple que Jésus aimait » de l’Évangile dans cette scène racontée par Maria Valtorta. Réveillé un matin par un baiser de Jésus sur la joue, Jean, qui « ne porte que ses sous-vêtements », se jette à son cou et se déclare « enflammé d’amour » pour Jésus qui « brûlant d’amour à son tour le caresse ». Un peu confus de tant de fougue amoureuse, Jean fait promettre à Jésus le silence sur cet épisode intime et s’entend répondre : « Sois tranquille, Jean, personne ne saura rien de tes noces avec l’Amour ». Un « Jésus » manipulateur, commente Joachim Bouflet, qui enferme son disciple dans le secret d’une relation équivoque dont il est l’initiateur.
Cette scène se prolonge dans
d’autres effusions scabreuses au fil des chapitres de l’œuvre,
toujours dans le secret et à l’écart des autres disciples :
« Et Jésus reconnaît son Préféré. Il lui tend les bras et
Jean s’y élance […] à peine vêtu avec sa tunique humide,
déchaussé, glacé. « Tu as froid Jean ! Viens ici sous mon
manteau… » […] Ils restent enlacés dans le seul manteau de
Jésus. ». Ou encore au chapitre suivant : « Ainsi
tu es venu. Cela nous sert, à toi et à Moi, à jouir d’un moment
d’amour »
Mais, « nouveauté
ignorée des Évangiles », commente Joachim Bouflet, le
disciple le plus aimé n’est en réalité pas Jean mais Judas
comme Maria Valtorta le fait dire à Jésus dans ses Cahiers,
un Jésus qui va jusqu’à supplier son Père que ce ne soit pas
Judas qui « a dormi sur ma poitrine […] mon ami, mon apôtre »
qui le trahisse. L’apôtre Jacques
est également poursuivi par les assiduités de Jésus : « […]
« Je te baise sur ta bouche, qui devra répéter ma parole aux
gens d’Israël, et sur ton cœur qui devra aimer » […] Ils
restent embrassés longuement et Jacques paraît s’assoupir dans la
joie des baisers de Dieu » Autant de scènes homo-érotiques
qui siéent mal à la relation, même privilégiée, de Jésus avec
ses disciples.
L’entrevue avec Pie XII
Joachim Bouflet apporte également des précisions utiles sur l’entrevue du 26 février 1948 avec Pie XII, en présence des frères servites de Marie, les pères Romualdo Migliorini, directeur spirituel de Maria Valtorta qui l’avait encouragée à écrire ses visions, son confrère Corrado Berti, enthousiasmé par les « dictées » de la « mystique », et leur supérieur le père Andrea Cecchin. Le pape aurait déclaré : « Publiez l’œuvre telle quelle. Il n’y a pas lieu de donner une opinion quant à son origine, qu’elle soit extraordinaire ou non. Ceux qui liront comprendront » Or, c’est le père Berti seul qui rapporte ces propos, avancés comme argument d’autorité par les partisans de Maria Valtorta. Comme le dit l’adage, testis unus, testis nullus. D’autant que le témoignage du père Berti « qui au fil des années s’est montré de plus en plus exalté pour Maria Valtora » (p. 128) allant même jusqu’à recourir à un radiesthésiste pour démontrer que la mystique disait la vérité au sujet du tombeau de Saint Pierre, est largement sujet à caution.
De son côté, le père
Checcin indique seulement que le pape leur a demandé de trouver un
évêque pour l’imprimatur d’usage. Imprimatur qu’obtiendra à
l’été 1948 le père Berti pour un livret de 32 pages, maquette de
L’Évangile tel
qu’il m’a été révélé,
de la part de Mgr Barneschi, évêque in
partibus,
c’est à dire sans diocèse propre à gouverner. Or cet imprimatur,
que les partisans de Maria Valtorta mettent en avant, ne peut être
accordé que par l’ordinaire du lieu où réside l’auteur et/ou
l’éditeur de l’ouvrage, il n’a donc en l’espèce aucune
autorité.
La
personnalité de Maria Valtorta
Joachim Bouflet aborde enfin la personnalité de Maria Valtorta à travers ses écrits autobiographiques. Il note (p. 134) « l’absence de la joie et de la paix caractéristiques de toute authentique expérience mystique » Devant le manque de soutien apporté à son œuvre, elle se pose en victime incomprise de tous, vindicative envers les servites de Marie (dont elle est membre du Tiers-Ordre) qui selon elle l’ont trahie. Ainsi elle fait dire à Jésus que le père Migliorini, adepte pourtant de la première heure, est « un parâtre et un tentateur ». Servites qu’elle qualifie en 1949, au moment où le Saint-Office examine les textes et interdit leur publication, de « rebelles, orgueilleux, menteurs, fraudeurs, tentateurs d’une âme, dépréciant la Madone, coureurs de jupons… » Contrairement aux trois mystiques données en exemple par Joachim Bouflet, qui montrent un grand détachement vis-à-vis de leurs écrits, Maria Valtorta défend bec et ongle son œuvre, constituant même pour cela un dossier avec l’aide d’un avocat… Elle ne trouve sa consolation que dans les paroles de Jésus qui lui déclare notamment : « Aucune âme ne m’a autant vue que toi » et l’appelle son « petit Jean » martyrisé.
Ainsi apparaît-elle
à ses yeux comme la
plus grande voyante de tous les temps,
ce qui n’est guère gage d’humilité. Saint Pie X du haut du ciel
lui donne sa bénédiction, sa mère aussi, de son purgatoire, vient
la réconforter. Sans nier sa sincérité et sa piété, Joachim
Bouflet la décrit (p. 137) comme « une
femme illusionnée et s’illusionnant sur elle-même »,
sans exclure
cependant chez elle des facultés paranormales
sous la forme de « prémonitions » et autres « faits
étranges » évoqués par l’auteur anonyme de Maria
Valtorta, la persona e gli scritti.
En conclusion, plus qu’à Maria Valtorta elle-même, Joachim Bouflet attribue la fraude à ce que l’historien Yves Chiron qualifie de lobby valtortiste qui, à grand renfort de « contre-vérités » et d’« expertises prétendument scientifiques effectuées par divers « spécialistes » auto-institués », continue de défendre le caractère surnaturel des dictées et visions de Maria Valtorta.
Ce travail documenté de René Gounon met en lumière le fait que ces « visions et messages ne peuvent venir de Dieu »…
Un nouveau livret à diffuser aux addicts de MV, en pièce jointe à vos mails…
Extrait de l’introduction :
Ceux qui se passionnent pour des événements d’origine apparemment surnaturelle justifient
souvent leur enthousiasme par cette phrase de Saint Paul s’adressant aux Thessaloniciens :
« N’éteignez pas l’Esprit. Ne dépréciez pas le don de prophétie mais examinez tout et, ce qui
est bon, retenez le ».
Pourtant cette invitation à accueillir favorablement ce qui pourrait venir du Ciel est aussi un appel à la prudence : s’il faut tout examiner avant de retenir ce qui est bon, c’est évidemment qu’il peut y avoir aussi du mauvais. C’est dans cette démarche de discernement demandée par l’apôtre que s’inscrit cet ouvrage. En effet une manifestation de ce type qui prend toujours plus de place dans le monde catholique mérite un examen: le nouvel Evangile qui aurait été révélé à Maria Valtorta au milieu du XXème siècle. Maria Valtorta est une visionnaire italienne qui a vu quotidiennement le Christ, la Vierge et de multiples saints à partir de 1943 et jusqu’au début des années 50. Son œuvre principale est une monumentale relation de la vie de Jésus en Palestine (10 tomes de plus de 500 pages chacun), écrite à partir de ses visions et baptisée « L’Evangile tel qu’il m’a été révélé ».
Bien que jamais reconnue par l’Eglise, cette oeuvre est toujours plus largement diffusée, elle a été traduite dans une trentaine de langues, est répandue dans le monde entier et toute une littérature se développe aujourd’hui autour d’elle. Une intense activité de promotion contribue à cette expansion, comme en témoignent les multiples ouvrages et vidéos à la gloire de l’oeuvre et de son auteur. Cette œuvre extraordinaire dont l’Eglise conteste absolument l’origine divine a aujourd’hui pignon sur rue, on trouve ce soi-disant « Evangile » et les livres qui s’y rattachent sur les rayons des librairies catholiques et jusque dans certaines librairies généralistes. Il est donc naturel de s’interroger.
Contenu
Introduction
Qui est la visionnaire ?
Quelle est son œuvre ?
Chapitre 1 : Des points qui interrogent
1. La nécessité de disposer d’un
nouvel Evangile
2. Le volume de l’oeuvre
3. L’origine des visions
4. Les conditions dans lesquelles
les visions ont été reçues
5. La forme des messages dictés
6. L’ « encouragement » de Pie XII
Chapitre 2 : Quelques certitudes
1. La condamnation de l’œuvre par
l’Eglise
2. La désobéissance chronique des
défenseurs de l’œuvre
3. Une désinformation systématique
4. Une troublante agressivité envers
les contradicteurs
5. Une activité commerciale et
médiatique en expansion
Chapitre 3 : Un autre Evangile
1. L’essentiel noyé dans le superflu
2. Les évangiles revisités
Chapitre 4 : Des messages qui ne peuvent venir du Ciel
1. Message du « Père Eternel » à
l’intention de Pie XII
2. Message de « Jésus » suite au
décès d’un responsable du Saint-Office
3. Message de « Jésus » critiquant
les évangélistes
4. « Jésus » jette l’éponge
Chapitre 5 : Une œuvre divisée contre elle-même
1. Un évangile ou pas un évangile ?
2. Simple illustration des
évangiles, ou sommet spirituel ?
3. Révélation privée venue du Ciel
ou de son ennemi ?
4. Des visions authentiques de la vie publique, ou une reconstitution?
5. Importance ou vacuité des détails
des visions ?
6. Une Eglise sainte, ou soumise à
la domination de l’Enfer ?
7. Le Père Berti : totalement dévoué
à Maria, ou traître à la cause ?
Chapitre 6 : Des failles dans la validation de l’œuvre par la science
1. Une mauvaise approche
2. Des visions de la Passion
contredites par le Linceul de Turin
Chapitre 7 : De graves problèmes théologiques
Chapitre 8 : De très mauvais fruits
1. La division dans l’Eglise
2. La défiance envers l’Eglise
3. Le doute sur la valeur et
l’authenticité des évangiles
Chapitre 9 : Pourquoi écouter l’Eglise
1. Par esprit d’obéissance
2. Par simple raison
Conclusion
Annexe
1 : Commentaire de l’Osservatore Romano justifiant la mise à l’Index
Annexe
2 : Message reçu du « Père Eternel » le 23 décembre 1948, à transmettre à Pie
XII
Annexe
3 : Analyse du témoignage du Père Corrado Berti
Annexe
4 : Jean L’Evangéliste ne peut être Jean de Zébédée
Annexe
5 : Feuillet de promotion de l’Oeuvre de Maria Valtorta
Contenu : I. « L’ADIEU À L’ŒUVRE » : UNE CONCLUSION QUI CERTIFIE L’INSPIRATION DU LIVRE — II. CONTESTATIONS ET CORRECTIONS DU TEXTE CANONIQUE — III. UNE MALADROITE TENTATIVE DE LUTTER CONTRE « LE MODERNISME » — IV. UN AUTEUR OMNIPRÉSENT ET PLUS QUE SACRÉ — V. UNE CONCLUSION IMPRÉCATOIRE
Extrait de la conclusion :
Il est impossible de séparer dans l’œuvre de Maria Valtorta les narrations avec leurs discours explicatifs, les dictées, les déclarations sur l’inspiration miraculeuse de l’Œuvre, les exhortations divines à ajouter foi à l’ensemble, la révérence dûe à l’auteur. L’Œuvre elle-même refuse d’être lue comme « une vie romancée » – qui pourrait avoir son intérêt en laissant une place au discernement et à l’interprétation. Elle réclame, avec menaces, d’être lue comme un texte prophétique, dont nous avons vu à quel niveau d’excellence et à quelle utilité pour le salut il prétend, et pour cette raison ne peut s’interpréter que par les codes qu’elle fournit.
L’abus spirituel est patent. L’autorité de l’Évangile de Valtorta, malgré quelques précautions rhétoriques, minimise celle des Apôtres et de l’Église. Elle construit un climat spirituel de défiance à l’égard de l’autorité légitime, chargée de discerner les prophéties, et au lieu de se soumettre à la règle commune et apostolique exprimée par le Canon, c’est le Canon qu’elle juge, complète et perfectionne.
Pour ces raisons, il est évident que la mise à l’Index autrefois de l’œuvre de Valtorta était justifiée. Avec un peu de surprise, on constate que la condamnation de 1960 pointait seulement, avec quelques « perles qui ne brillent pas par leur orthodoxie » des fautes de goût, des incohérences, des erreurs et un style prétentieux. L’auteur de cette critique avait-il eu connaissance des passages les plus explicites sur l’ambition de l’Œuvre ? Il aurait probablement été amené à fustiger, plus que la comparaison à Dante, l’orgueilleuse volonté de « s’asseoir sur le trône de Dieu ». Cette prétention autoritaire est, pour l’Église fondée sur les Apôtres et leur témoignage seul, inacceptable.
Un faisceau d’indices remet sérieusement en cause l’origine surnaturelle de L’Évangile tel qu’il m’a été révélé. Les textes font naître un malaise récurrent en entretenant le flou et les formules théologiquement scabreuses, plus souvent que clairement erronées. On ne peut toutefois pas souligner assez qu’engager l’autorité de Dieu contre la règle ecclésiale est un procédé mensonger.