Vous avez dit « systémique » ?

par Ludovic Gonfalon

Ne rien faire, c’est préparer l’explosion !

Voici une interview de Diane Vaughan. Cela concerne le crash de la navette spatiale Challenger en 1986 à Cap Canaveral.

Dans un livre important paru exactement dix ans après le crash, la sociologue états-unienne proposait une analyse très documentée de la banalisation du risque à la Nasa, qui avait conduit les ingénieurs à prendre des décisions mortelles.

A priori cela n’a rien à voir avec ce que vit l’Église actuellement.

Mais Diane Vaughan s’est aperçue que, comme tout le monde était au courant d’un dysfonctionnement depuis longtemps, c’était chose admise et on ne faisait rien. Ce fut la cause du crash.

L’idée c’est qu’il en est de même pour l’Eglise catholique : tout le monde, dans la hiérarchie était au courant des problèmes de pédocriminalité et de la façon de les régler en déplaçant les coupables et ça marchait ainsi.

Et puis vient un moment où c’est le crash planétaire : le système ne fonctionne plus. Les victimes n’acceptent plus et c’est une crise majeure.

L’analogie est très intéressante car elle est expliquée de façon objective par une sociologue qui a conquis droit de cité après avoir mené une remarquable enquête très approfondie qui a bluffé toute la communauté scientifique. Elle est passée du diagnostic technique au diagnostic sociologique.

Il nous faut également passer du discours théologique ou de droit canon à une explication du même ordre pour l’institution ecclésiale pour comprendre ce qui se passe, qui est quand même une crise majeure et sans véritable précédent.

Lorsque la CIASE parle du caractère « systémique » des violences sexuelles dans l’Eglise, elle « signifie qu’ayant eu connaissance d’un nombre récurrent d’abus en son sein, elle s’est généralement abstenue de prendre les mesures nécessaires pour les traiter de manière adéquate, c’est-à-dire y mettre fin ou les prévenir. C’est cette passivité prolongée qui engage la responsabilité de l’institution et autorise à parler d’un phénomène systémique.»

Télécharger le livret de Ludovic Gonfalon, qui développe cette analogie.

Mieux comprendre la pédophilie

Jonas, espace collaboratif contre la pédocriminalité.

En mai 2021, la police judiciaire allemande a annoncé le démantèlement d’un réseau de pédopornographie sur le Darknet présenté comme l’un « des plus grands au monde » et comptant plus de 400 000 membres. La base de données « Jonas » est d’une grande utilité pour réfléchir…

Objectif : ne pas laisser la pédophilie dans un angle mort. « Le viol d’un enfant, c’est l’innommable. Le tabou absolu. Parce qu’ils nous écœurent, on ne veut pas se représenter ces crimes. On ne cherche qu’à les fuir », poursuit le fondateur. Au contraire, sous la houlette de François Debelle, ceux qui œuvrent à nourrir la plateforme « Jonas » – une douzaine de citoyens lambda bénévoles, des enseignants, un journaliste à la retraite, un ancien commissaire, un avocat… – préfèrent « regarder là où c’est moche ».

Avec cette base documentaire qui s’articule autour de trois axes – « comprendre », « contribuer » et « prévenir » –, l’initiative vise le grand public. Ce sujet, aussi ténébreux et effrayant soit-il, François Debelle en est convaincu, chacun doit se l’approprier, le cerner, pour mieux le combattre.

http://plateformejonas.fr/