Trouver la juste place de la guérison dans la marche vers la sainteté

CONTENU

La recherche des blessures est-elle inscrite dans l’Évangile ?

= Jésus est un homme blessé

= Jésus n'a jamais parlé de ses blessures

= Jésus regarde les hommes : des enfants de son Père, quel que soit leur état corporel et psycho-relationnel.

= La recherche des blessures risque donc de détourner gravement les personnes du chemin habituel de la vie spirituelle.

= Ne faut-il pas accueillir aujourd’hui ce message de l’Évangile sur la guérison des blessures ?

Une santé psychique équilibrée serait-elle nécessaire pour une vie spirituelle heureuse ?

= Pourquoi une telle importance accordée aux blessures comme si la sainteté exigeait leur guérison ?

= Vouloir découvrir les blessures à tout prix, et se focaliser sur leur guérison… n’est-ce pas une inversion du mouvement de la vie spirituelle ?

= L’accompagnement spirituel ne risque-t-il pas de glisser alors vers la psychothérapie ?

La sainteté est le fruit d’une vie spirituelle autonome, elle n’exige pas la guérison des blessures psychiques

= Par sa vie psychique, l’homme s’affirme sujet se réalisant lui-même au sein du monde et de l’humanité.

= On ne peut admettre que la vie spirituelle chrétienne puisse être déterminée de quelque manière par la vie psychique. 

= La vie spirituelle est donc radicalement autonome par rapport à la vie psychique.

La recherche des blessures est-elle inscrite dans l’Évangile ?

= Jésus est un homme blessé

La Révélation nous dévoile le Dieu Trinité, Père, Fils et Esprit, et elle nous découvre le visage de l’homme juste en ce monde, celui de Jésus, vrai Fils de Dieu : c’est le visage d’un homme blessé dont les blessures ne seront pas guéries.

« Voici l’homme ». Devant Pilate, Jésus est le Fils de Dieu fait homme au terme de son cheminement parmi nous. Il est le juste en qui nul mal ne fut trouvé, l’homme vrai qui assume son insertion dans l’histoire. Il est la Vérité, telle qu’elle est présente en notre monde. Et c’est un homme blessé qui est ainsi devant Pilate, un homme dont les blessures ne seront pas guéries. Le Fils de Dieu qu’il est n’en est pas exempté : il est vrai homme. En vrai Fils de Dieu qu’il est, il nous montre simplement le chemin, c’est-à-dire comment un fils de Dieu vit en homme blessé si bien que l’Esprit répandu dans nos cœurs nous invite à nous comporter comme lui lorsqu’à notre tour nous sommes blessés.

« Voici l’homme ». Qui parcourt le chemin de l’existence se retrouve toujours de quelque façon blessé car les blessures sont inévitables ici-bas. Mais il est de la vocation de l’homme de vivre ces blessures en enfant du Père, donc comme le Fils qui, crucifié, manifeste que ces blessures ne l’empêchent pas d’aimer ses frères humains, même ceux qui le blessent. À son tour, il prend le chemin de la glorification.

Au calvaire, nous contemplons trois hommes crucifiés, trois hommes dans le même état au terme de leur existence, trois hommes blessés à mort.

Seul Jésus ne mérite d’aucune façon pareille sort. S’il est ainsi traité, ce n’est sûrement pas du fait qu’il n’aurait pas su vivre sa vie d’homme. Quoi qu’il en soit, il est blessé autant dans son psychisme que dans son corps : son affectivité est maltraitée par tous, même par ses amis qui doutent de lui ; son intelligence est brutalisée par l’absurdité du comportement des hommes pécheurs ; sa volonté d’aimer est heurtée par le rejet du peuple de Dieu. Mais ainsi blessé de toute manière, il reste divinement libre et témoigne de son amour indéfectible pour les hommes. Les blessures ne l’empêchent pas de rester pleinement lui-même, de se comporter comme il l’a toujours fait jusqu’alors. Il manifeste simplement qu’il est habité par l’amour miséricordieux du Père : »Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font ». Son cœur transpercé laisse jaillir pour tous ceux qui le contemplent les eaux de cette miséricorde.

Auprès de Jésus, deux hommes. Des larrons, comme nous le sommes tous de quelque manière, puisque nous sommes tous pécheurs. Tous deux sont mis dans le même état que Jésus, mais à la différence de ce dernier ils sont pour une bonne part responsables de leur sort. Ni l’un ni l’autre ne seront guéris de leurs blessures. Cependant, l’un s’ouvre à Jésus et meurt dans la paix, déjà bienheureux malgré toutes ses blessures, celles de son corps qui sont les plus récentes, mais aussi celles, tant affectives que rationnelles, accumulées tout au long de son existence. « Tu n’as même pas crainte de Dieu ! Pour nous, c’est justice. Jésus souviens-toi de moi quand tu seras dans ton Royaume » Lc 23, 40-42. Il est sauvé, vraiment ‘guéri’ pouvons-nous dire puisqu’il se comporte enfin comme Jésus, en enfant de Dieu. L’autre larron reste fermé à Jésus et meurt dans les tourments puisqu’il n’a pas accueilli le salut.

La ‘guérison’ en Jésus-Christ s’appelle le salut et le salut se reçoit du Ressuscité. Par l’Esprit Saint, il nous est donné de pouvoir vivre en enfant de Dieu dès ce monde si, avec Jésus, nous mourons aux désirs de la chair. Et parmi les désirs de la chair, il faut bien nommer une certaine idolâtrie de la santé physique ou du bien-être psychique.

= Jésus n’a jamais parlé des blessures

Et cependant dès Bethléem il n’est guère accueilli par son Peuple. Il sera incompris, persécuté, et finalement blessé à mort dans son humanité : « dans ses blessures nous trouvons la guérison » Is 535. Il vit avec ses blessures, quelles qu’elles soient, sûr de faire ainsi la volonté du Père. Loin de demander à son Père de le guérir, il vit son existence d’homme maltraité en aimant jusqu’à l’extrême ceux qui le blessent dans son corps et son âme (son être psychosociologique) et montre ainsi à ses disciples comment vivre en ce monde en enfant de Dieu.

La vie spirituelle ne saurait comporter de blessures car l’Amour n’est pas blessé. Jésus manifeste simplement que l’Amour en lui, la Vie est plus forte que tout le mal dont les hommes ont affligé son corps et son psychisme, transpercé son cœur. Aucune blessure ne peut empêcher celui qui aime de vivre en continuant d’aimer.

= Jésus regarde les hommes : des enfants de son Père, quel que soit leur état corporel et psycho-relationnel

En bonne santé ou malade, riche ou pauvre, honoré ou méprisé… qu’importe ? En présence d’aveugles, de sourds, de lépreux, jamais il ne leur demande : « comment cela t’est-il arrivé ? Qui t’a blessé ? As-tu pardonné ? »

Il ne se centre pas sur le mal qui les défigure aux yeux des hommes, mais il contemple leur cœur. Devant leur manque de foi, d’espérance et d’amour, il les invite à croire davantage en l’amour de Dieu : « où est votre foi ? » C’est à cette fin qu’il leur donne des signes : il parfait la création de l’aveugle né qui va enfin voir. « Tes péchés sont remis », dit-il au paralytique. Ceux qui en sont témoins vont-ils croire davantage à l’amour miséricordieux de Dieu ?

Jésus propose à tous la vie éternelle et à cet effet se laisse voir animé par elle en toutes circonstances :  » Père, glorifie ton Fils afin que ton Fils te glorifie et que selon le pouvoir sur toute chair que tu lui as donné, il donne la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés. Or la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu et celui que tu as envoyé Jésus-Christ » Jn 171-3.

= La recherche des blessures risque donc de détourner gravement les personnes du chemin habituel de la vie spirituelle

Elles s’évertueront à chercher une blessure au lieu de vivre les purifications nécessaires pour cheminer vers une union plus profonde au Christ. Elles sont invitées à se centrer sur elles et à faire de la Parole un moyen alors qu’elle est la Vie. En outre, de longues prières centrées sur l’espoir de trouver la blessure secrète cause de leurs difficultés spirituelles facilite la création de blessures imaginaires.

Le soi-disant pardon que l’on accordera alors à ceux qui auraient été à l’origine de ces blessures établira dans une satisfaction de soi orgueilleuse. Le récit qu’elles feront peu à peu de leur histoire risque de n’avoir plus grand-chose à voir avec la réalité et de n’être plus qu’une fiction.

Nombreuses sont les personnes qui feront donc session après session puisqu’elles n’auront pas trouvé la blessure cachée, soi-disant cause de sa sécheresse spirituelle ou de sa souffrance de ne plus pouvoir goûter comme elles en avaient fait l’expérience la présence aimante du Seigneur. Espérons que le Ressuscité lui-même viendra la surprendre et la délivrera ainsi de son errance en la remettant par grâce sur la voie habituelle des purifications spirituelles.

= Ne faut-il pas accueillir aujourd’hui ce message de l’Évangile sur la guérison des blessures ?

Du moins si par celle-ci nous entendons un rétablissement de l’homme « originel », la restauration d’un bien-être physique et psychique. En effet, si Jésus guérit les corps et restaure les relations sociales chez ceux qui en sont dépouillés tels les lépreux, il ne cesse de nous rappeler que la vraie santé de l’homme est dans son union au Père.

Le reste n’a qu’une importance relative : « ne craignez rien de ceux qui tuent le corps et après cela ne peuvent rien faire de plus » Lc 124. « Aimez vos ennemis et priez pour vos persécuteurs, afin de devenir fils de votre Père qui est aux cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes » Mt 543-45”. La vraie santé de l’homme consiste à être capable de se comporter en toutes circonstances en authentique enfant de Dieu.

C’est bien ainsi que l’ont compris les apôtres. Pierre nous y exhorte : « Heureux quand vous souffririez pour la justice » 1 Pi 314. Paul en est témoin : « Souvent j’ai été mis à mort. Cinq fois j’ai reçu des Juifs les 39 coups de fouet ; trois fois j’ai été battu de verges, une fois lapidé, trois fois j’ai fait naufrage… dangers des rivières, dangers des brigands, dangers des faux-frères ! » 2 Co 1123-26. Paul est un homme en pleine santé du fait que pour lui l’essentiel est de « connaître le Christ avec la puissance de sa résurrection et la communion à ses souffrances, lui devenir conforme dans sa mort afin de parvenir si possible à ressusciter d’entre les morts » Ph 310-11.

Pour le chrétien, il est normal d’être blessé de mille façons tout au long de l’existence. Il y a tant de façons de souffrir en raison des injustices à notre égard ou en luttant contre celles qui blessent les autres ! Cela ne devrait pas plus empêcher un chrétien de vivre en enfant de Dieu que Paul qui écrit : « oubliant le chemin parcouru, je vais droit de l’avant, tendu de tout mon être et je cours vers le but, en vue du prix que Dieu nous appelle à recevoir là-haut dans le Christ Jésus » Ph 313-14.

Une santé psychique équilibrée serait-elle nécessaire pour une vie spirituelle heureuse ?

= Pourquoi une telle importance accordée aux blessures comme si la sainteté exigeait leur guérison ?

Il faudrait en conclure que la vie spirituelle serait déterminée par les événements et les conditionnements de notre histoire psychique et relationnelle. N’est-elle pas un don gratuit que tout homme reçoit par sa foi en Jésus-Christ, quel que soit son état physique et psycho sociologique ?

La vie spirituelle chrétienne est don en nous de la vie qui est en Dieu, don de l’Esprit Saint. Cette vie peut avoir et a des effets sur le corps et la réalité psychique et relationnelle de la personne qui l’accueille, notamment des effets de guérison psychique et biologique. Par contre l’amélioration de la santé du corps et du bien-être psycho relationnel n’induit pas une meilleure vie spirituelle, ni une conversion. « Ce qui est né de la chair est chair, ce qui est né de l’Esprit est esprit ». L’ordre de la charité transcende ceux du corps et de l’être psycho relationnel. Le mouvement de la vie spirituelle tourne la personne vers Dieu. Il est accueil de la Parole et de la miséricorde divine offertes à tous gratuitement. Il oriente la personne vers Dieu.

Le mouvement de la vie psycho relationnelle est œuvre du sujet qui met lui-même en activité ses facultés. Il centre donc le sujet sur lui-même. Quand quelqu’un souffre et que l’on lui demande de se souvenir des traumatismes qui pourraient être à l’origine de sa souffrance, il est bien probable que cette souffrance deviendra l’objet principal de la session ; la Parole risque d’être écoutée seulement comme moyen de guérison et non plus comme présence du Seigneur lui-même. La démarche glissera vers un travail à caractère psychologique. Et le Salut en Jésus-Christ sera-t-il vraiment annoncé ? L’objectif ne se réduit-il pas alors à procurer un mieux-être ? Ne conduit-il pas à réduire la Parole à un moyen au service de celui qui souffre ?

= Vouloir découvrir les blessures à tout prix, et se focaliser sur leur guérison… n’est-ce pas une inversion du mouvement de la vie spirituelle ?

Il est habituel aux accompagnateurs et animateurs de sessions psycho spirituelles d’aider ceux qui viennent à eux en leur demandant de se remettre en mémoire les blessures qu’ils auraient reçues depuis leur conception jusqu’à maintenant et de demander à l’Esprit Saint de les leur révéler s’ils n’en ont pas souvenir. Ils pourraient alors pardonner aux auteurs de ces blessures, auteurs parfois imaginés mais toujours accusés, et ils seraient de ce fait guéris.

Les récits de guérison rapportés par les évangiles l’ignorent. Jésus lui-même n’a pas été guéri des blessures que lui ont faites les hommes. Ressuscité, il nous les présente glorifiées : elles nous manifestent le Salut.

Affirmer que toute blessure est due au traumatisme causé par un manque d’amour et se centrer sur la recherche de la personne qui en serait responsable pour lui pardonner, n’est-ce pas mettre la personne dans une attitude d’accusation de l’autre ? De plus, s’il est demandé à L’Esprit Saint de révéler les auteurs des blessures, n’est-ce pas risquer de faire de l’Esprit Saint un esprit accusateur ? N’est-ce pas interpréter faussement la mission de l’Esprit de Vérité ? En insistant sur la recherche de ceux ou celles qui l’auraient blessée, n’est-ce pas détourner l’attention de la personne concernée de l’essentiel de ce qui blesse sa vie spirituelle : son péché ?

C’est à la conversion que nous sommes appelés. Or la grande attention accordée aux blessures qui nous situent en victime relègue au second plan la conversion. Fermés sur leur univers mental, ceux qui participent à de telles sessions risquent d’oublier que c’est à une conversion qu’ils sont invités : se tourner vers Jésus et se mettre à son école en portant sa croix comme il a porté la sienne. Jésus ne leur lance-t-il pas un appel pour vivre les réalités de l’existence terrestre comme lui, en enfant de Dieu ? en croyant que ce ne sont pas ces « blessures » qui pourraient entraver leur relation filiale avec leur Seigneur.

Spirituellement, parler de guérison est analogique. Le mot qui convient est en effet celui de conversion. Le pécheur qui se convertit, se tourne vers le Seigneur qui est miséricorde. S’il croit, il est sauvé et, quel que soit son état physique et psychosociologique, il recouvre la santé spirituelle qui est sainteté. Dire analogiquement qu’il est spirituellement guéri, c’est affirmer qu’il s’est laissé réconcilier avec Dieu et désire vivre en enfant du Père.

= L’accompagnement spirituel ne risque-t-il pas de glisser alors vers la psychothérapie ?

En focalisant l’attention sur la « guérison des blessures », la personne concernée est invitée à se considérer comme victime plutôt que responsable de sa vie, comme malade plutôt que pécheur, en quête de santé mentale plutôt que de vitalité spirituelle. À la limite, c’est la notion de conscience qui devient floue.

L’accompagnement spirituel peut alors se muer en écoute psychologisante, l’examen de conscience en anamnèse des traumatismes psychiques, le sens moral de la responsabilité personnelle en analyse des origines de la névrose. Sous couvert d’un accompagnement spirituel nommé « psycho spirituel », on glisse alors insensiblement vers des pratiques psychothérapeutiques mal définies, sans respecter les distinctions nécessaires.

Alors que l’accompagnement spirituel vise à aider un chrétien à progresser dans la docilité à l’Esprit saint, en prenant conscience des « signes » de son action dans sa vie, en écartant les affections désordonnées et en luttant contre les passions de l’âme, la psychothérapie, de son côté, est attentive aux « symptômes » d’un dysfonctionnement interne du psychisme, dû en particulier aux carences affectives de l’enfance.

La sainteté est le fruit d’une vie spirituelle autonome, elle n’exige pas la guérison des blessures psychiques

= Par sa vie psychique, l’homme s’affirme sujet se réalisant lui-même au sein du monde et de l’humanité.

Il est une personne, un être conscient de soi, capable de relations et de faire des choix pour des motifs, de s’adapter et de comprendre. C’est le sujet qui génère sa vie psychique tout au long de son histoire en exerçant ses facultés (sens, imagination, intelligence, mémoire, volonté). Cette activité produit en l’homme des phénomènes psychiques (sensations, perceptions, sentiments, images, idées, jugements, raisonnements, souvenirs, désirs, décisions). Le sujet crée et organise lui-même les représentations mentales de cette vie. L’intérêt de l’apport freudien est de souligner que l’ensemble de ces activités est fortement marqué par les tonalités de plaisir et de déplaisir. C’est ainsi que se mettent progressivement en place des structures internes qui seront remaniées tout au long de l’histoire de chacun. La vie psychique est le fruit d’une psychogenèse.

= On ne peut admettre que la vie spirituelle chrétienne puisse être déterminée de quelque manière par la vie psychique.

Il y aurait alors une sorte de primauté de la vie psychique qui serait ainsi de quelque façon condition pour que puisse se déployer une authentique vie spirituelle. Un parallèle erroné avec la primauté de la vie biologique sur la vie psychique inspirerait ce propos : lorsque le cerveau est mal formé, la vie psychique s’en ressent et il en serait de même pour la vie spirituelle lorsque la vie psychique est blessée, malade ou défaillante. Il s’ensuivrait qu’il faudrait soigner d’abord le psychisme pour qu’il puisse y avoir une réelle vie spirituelle. Or la tradition chrétienne affirme la transcendance radicale de la vie spirituelle chrétienne. Une personne handicapée physique ou mentale est reconnue par le baptême capable de vivre pleinement de l’Esprit des enfants du Père. Il serait illusoire de penser qu’en améliorant son état physique ou psychique, un homme accéderait de ce fait plus facilement à une vie spirituelle plus authentique.

= La vie spirituelle est donc radicalement autonome par rapport à la vie psychique.

Nul chrétien n’est en droit d’imaginer, de penser même, que la mise en œuvre de l’une ou l’autre de ses facultés psychiques peut faire naître en lui une vie spirituelle qui ne peut être que don de Dieu. Seul l’Esprit du Seigneur peut nous faire nous écrier : « Abba » Rm 815 et nous donner ainsi de participer par la foi en Jésus-Christ de sa propre relation au Père. C’est ce que Jésus déclare à Nicodème : « Qui n’est pas engendré d’eau et d’esprit ne peut entrer dans le Royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair et ce qui est né de l’Esprit est esprit. Ne t’étonne pas que je te dise : il vous faut être engendrés d’en haut » Jn 35-7.

D’autre part, la vie spirituelle n’est aucunement déterminée par l’état du corps et du psychisme de la personne ; elle est donc autonome. Des personnes handicapées physiques ou mentales manifestent parfois une vie spirituelle bouleversante. Des personnes souffrant de graves troubles psychiques, parfois même psychotiques au dire des médecins, peuvent vivre une authentique sainteté. Cette autonomie de la vie spirituelle chrétienne en l’homme n’exclut pas une action et par conséquent des effets sur son corps (regain de santé, guérisons…) et sa vie psychique.

La vie spirituelle est, pour le chrétien, don de Dieu. « Au fond de sa conscience, l’homme découvre la présence d’une loi qu’il ne s’est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d’obéir. Cette voix, qui ne cesse de le presser d’aimer et d’accomplir le bien et d’éviter le mal, au moment opportun résonne dans l’intimité de son cœur : « Fais ceci, évite cela ». Gaudium et Spes 16

Grâce à la Révélation, le chrétien a une claire conscience de l’inouï de ce don que Dieu propose à l‘homme : celui du « pouvoir de devenir enfant de Dieu » Jn 112. Baptisé, il se reconnaît personnellement animé par l’Esprit Saint ; cette présence se manifeste par la foi, l’espérance, la charité, les dons spirituels et les charismes… qui font de lui un disciple du Christ et de ce fait un enfant du Père. « Ceux-là sont fils de Dieu qui sont conduits par l’Esprit de Dieu » Rm 814. La vie spirituelle chrétienne est celle des enfants de Dieu conduits par l’Esprit de Dieu.

Cependant, bien que d’un autre ordre que celui de la vie biologique et de la vie psychique, cette vie spirituelle ne peut se manifester qu’en animant notre corps et notre psychisme. Mais en tant que don gratuit de Dieu, elle transcende tous les conditionnements de notre univers et donc tous ceux de notre histoire. Elle n’est donc pas déterminée par l’éducation reçue ; cette dernière en favorise ou non l’expression.

La relation de Jésus à son Père n’est aucunement déterminée par les événements, les attitudes de ses contemporains, les insultes ou les rejets qui l’atteignent, les blessures qui marquent son corps. Sa relation à son Père est simplement filiale, toujours confiante même lors de son agonie. Or la vie spirituelle chrétienne est le don d’une participation à cette vie filiale. Ainsi en toutes circonstances le chrétien s’engage à vivre à l’écoute de l’Esprit Saint qui l’invite à ordonner de façon nouvelle toute sa vie psycho relationnelle en la conformant à celle du Christ Jésus.

Ces réflexions résument et revisitent deux communications données par le P. Étienne Garin, s.j., dans le document remis aux évêques (nov. 2011) par la commission établie par eux pour réfléchir sur la question du « psycho-spirituel ».  D.A.

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