L’écospiritualité

Bertran Chaudet, diacre permanent

Préalablement, il est important de définir ce qu’est la spiritualité qui, selon une acception récente, ne revêt pas du tout la même signification que celle retenue dans le catholicisme.

Quelle définition ?

Ainsi, quand le Dalaï-lama parle de « spiritualité laïque », André Comte-Sponville parle de « spiritualité sans Dieu » (Comte-Sponville, 2006). Cette spiritualité très peu définie est associée implicitement à une recherche d’intériorité, de connaissance de soi, de sagesse, voire de développement personnel. Indifféremment, cette perspective partisane semble aller de soi et être couramment admise. Ainsi,la spiritualité pourrait se vivre au sein d’une religion établie ou en dehors de tout contexte religieux, voire de toute foi en Dieu.

Déjà accepter cette définition inclusive met hors course, ceux qui n’y adhéreraient pas.

Pour le catholicisme, Dieu est trinitaire, Père, et Fils et Saint-Esprit. Dieu crée le monde ex nihilo, à partir de rien par sa Parole. Dieu sauve les hommes tombés dans le péché par son Fils Jésus-Christ. La vie spirituelle est générée et animée par le Saint-Esprit : à travers l’écoute de la Parole de Dieu (Bible) en Église, l’accueil des sacrements que celle-ci nous transmet, et la vie fraternelle vécue en cellules communautaires. Ainsi la vie spirituelle est infuse, elle est irriguée par les trois vertus théologales, la Foi, l’Espérance et la Charité. La notion de grâce est première, la sagesse exercée par les vertus cardinales est seconde : la prudence, la tempérance, la force et la justice. Aussi quand il est question de vie spirituelle, il est fondamental de savoir sur quelle représentation se construit notre réflexion.

La notion d’écologie a également le dos large, discipline scientifique, mouvement politique, idéologique, philosophique, néo-religieux ou engagement pratique. Il ne s’agit pas ici d’évoquer l’agriculture biologique, ou la permaculture qui ont une expertise dans leur domaine de compétence théorique et pratique établi sur des fondements objectivables.

Par contre, l’écospiritualité mélange deux catégories qui sont à distinguer. On serait surpris d’associer, chirurgie et spiritualité. La formule d’Ambroise Paré, « Je le panse, Dieu le guérit » laisse la compétence objectivable au chirurgien dans l’art du bistouri et du pansement, le mystère de la vie revenant à Dieu.

Or, l’écospiritualité fusionne deux mots formant un néologisme ; ainsi écologie et spiritualité seraient indissociables. Nous serions unis à la terre et au cosmos en une unité de vie, de destin et d’âme. L’écospiritualité se situe au-delà des dualismes, apparences illusoires, hérités de la culture judéo-chrétienne. Ainsi, l’écospiritualité dépasse les notions d’esprit et de matière, de visible et d’invisible, de masculin et de féminin, pour se connecter à l’énergie de vie. Pour cela, il s’agit de dépasser la raison qui appauvrirait et enfermerait l’être, et de développer l’intuition, la sensibilité, ouvrant à une spiritualité hors de toutes frontières.

En effet, il s’agirait de se dédouaner de la source néfaste qui serait issue de l’héritage biblique où Dieu bénit l’homme et à la femme qu’il vient de créer, et leur dit : « Soyez féconds et multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la. Soyez les maîtres des poissons de la mer, des oiseaux du ciel, et de tous les animaux qui vont et viennent sur la terre » (Gn 1,28).

Des écologistes y voient la permission que le couple et sa descendance bénis par Dieu sont autorisés à dominer et par conséquent à polluer la terre. C’est ainsi que, l’historien américain Lynn Townsend White Jr (1907-1987) dans un article devenu culte, paru en 1967 dans la revue Science, accusait le christianisme d’avoir contribué au saccage de la planète par son arrogance anthropocentrique.

L’hypothèse Gaïa conçoit la Terre non pas matériellement, mais comme un organisme vivant, capable de conscience, d’autorégulation intelligente où tout est interdépendant. La terre étant considérée alors comme notre mère, la déesse Gaïa. Ce concept panthéiste est né en 1969, sous la plume d’un biologiste britannique James Lovelock.

L’écologie profonde devient alors une religion gnostique qui professe un « culte de la vie », la biosphère étant une entité douée d’une conscience intrinsèque quasiment divine, plus élevée que tout être y compris l’homme. Il s’agit alors par une prise de conscience symbiotique, auto réalisée, de se fondre à cette nature divinisée.

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Le néo chamanisme, une religion qui monte

Il suffit de faire quelques recherches sur Internet pour mesurer à quel point il est facile aujourd’hui de trouver des offres multiples pour participer à des cérémonies, dites « chamaniques ». Plus besoin de partir en Sibérie ou au Pérou, pour participer à de telles cérémonies et être initié au langage, des tambours ou être invité à chercher son « animal totem ».

Denise Lombardi est anthropologue, Docteur associée au laboratoire « groupe, société, religion et laïcité », en lien avec le CNRS et l’Ecole Pratique des Hautes Etudes. Depuis plus de 20 ans, elle étudie ce phénomène du Neo chamanisme en Occident.

Elle vient de publier aux éditions Du Cerf : « le néochamanisme, une religion qui monte ? » Pour nous présenter ce phénomène elle est aujourd’hui au micro de Thierry Lyonnet dans l’Entretien de la Semaine.

Devenir chaman ? Rien de plus facile ! Il n’est plus besoin de rallier l’Asie ou la lointaine Amazonie : le néo-chamanisme s’invite en France et connaît un succès inédit. Évitant les pièges du jugement ou de la dérision et sans jamais tomber dans l’apologie, l’anthropologue Denise Lombardi mène l’enquête et révèle les ressorts cachés d’un véritable phénomène de société.

Réponse à un désir d’exotisme et de spiritualité, le néochamanisme met en scène un ailleurs mythifié dans un monde désenchanté. Et avec lui, c’est tout un univers qui se dévoile. Films et festivals, formations et publications, voyages dans la jungle mexicaine ou séminaires dans la campagne française : ses adeptes espèrent rencontrer leur esprit-guide et leur animal-totem, ou sont simplement en quête de bien-être et d’intériorité. Dans les fumées de sauge et au son du tambour, l’imagerie exotique est mise au service de pratiques thérapeutiques inspirées de « savoirs indigènes » censés remonter aux âges les plus anciens de l’humanité.

Mais par-delà l’image d’Épinal et la somme des clichés, le néochamanisme exprime surtout l’évolution majeure des croyances dans des sociétés contemporaines de plus en plus individualistes et fragmentées.
Voici la première étude scientifique d’envergure consacrée à un sujet devenu majeur. Un livre essentiel pour comprendre la réalité d’un bouleversement d’ampleur de notre société.

Anthropologue d’origine italienne, Denise Lombardi est docteure associée au laboratoire Groupe Sociétés Religions et Laïcités. Elle est l’autrice de nombreux articles scientifiques sur le néo- hamanisme et signe ici son premier livre.

Chamanisme et néo-chamanisme

Un remarquable podcast Métadechoc

Image : Podcast Metadechoc

Parmi les différents moyens de vivre et développer sa « spiritualité » aujourd’hui, le chamanisme occupe une place de choix. De la famille royale britannique à Louis Vuitton, des cercles de réflexion écologistes aux centaines de millions de vues sur TikTok, en passant par votre collègue tout juste revenu(e) d’un stage initiatique, celles et ceux qui en ont fait l’expérience le présentent comme authentique et riche d’enseignements.

Tambour, ayahuasca, champignons hallucinogènes : tous induisent des états modifiés de conscience. Quels dangers peuvent émerger des différentes pratiques du chamanisme ?

Qu’est-ce que le chamanisme ? Quelle est son origine ? Qu’est-ce qu’un chaman de nos jours ? Les réponses dans ce podcast en trois parties ! (3×20′).

Accéder au podcast

  1. Les racines du chamanisme
  2. Le Néo chamanisme
  3. Les dangers du chamanisme

« Féminin sacré » : les dérives sectaires d’une pratique controversée

Retrouver le pouvoir perdu des femmes à travers les cartes, les pierres ou encore les plantes, c’est ce que promet le féminin sacré. Le problème : en promettant de se reconnecter à sa « nature profonde de femme », le féminin sacré fait parfois la promotion de pratiques thérapeutiques non réglementées, aussi dangereuses qu’onéreuses.

Très excellent reportage !

Sorcellerie moderne : les militantes féministes

Une nouvelle sorte de sorcières, ni vieilles, ni moches, ni cruelles. Incarnation d’une nouvelle génération, ces jeunes femmes revendiquent la puissance de la féminité et une approche de la magie toujours bienveillante. On pourrait croire qu’il s’agit du dernier truc à la mode, mais il y a des signes qui ne trompent pas. Les rayons des librairies se sont étoffés de nouveaux ouvrages sur les spiritualités alternatives, les boutiques de magie commencent à essaimer chez nous et il suffit de cliquer « sorcières » sur Instagram pour tomber sur des influenceuses et auto-entrepreneuses d’un genre nouveau.

En somme, l’engouement pour ces nouvelles sorcières répond à de nombreuses interrogations de notre temps : développement personnel, retour à la nature, rituels, attrait des médecines alternatives. Et puis, il y a aussi le message féministe que délivrent ces jeunes femmes : alors qu’on brûlait autrefois les accusées de sorcellerie, elles veulent aujourd’hui rendre justice à la féminité. Leur charme opère particulièrement auprès de la génération MeToo, dont elles sont un emblème féministe, de femmes puissantes et émancipées. C’est un reportage de Mathias Tuosto et Christophe Ungar.

Signalons encore que de récentes études menées en Suisse confirment l’attrait pour des formes de spiritualité qui s’affranchissent des religions traditionnelles. Ainsi, entre 1970 et 2014, le nombre de catholiques a baissé de 20% et celui des protestants a baissé de moitié. La proportion de personnes se disant « sans confession » a considérablement augmenté, passant de 1,2% à 22% entre 2012 et 2014. Une autre recherche menée en Suisse révèle qu’en 2011, 9% de la population suisse, dont une majorité de femmes, adoptait des pratiques dites plus « spirituelles » que religieuses. En 2015, ce chiffre a augmenté à 13,4 %, une forte croissance sur quelques années.

Un reportage de Christophe UNGAR et Mathias TUOSTO. Sur le site de Temps Présent https://www.rts.ch/play/tv/emission/t… Depuis avril 1969, Temps Présent est LE magazine d’information de référence de la @RadioTelevisionSuisse.