Les enfants dans les écoles anthroposophes

Actes du Colloque « Emprise mentale et violences sexuelles » organisé par la Ligue des Droits de l’Homme en 2021.

Amélie, journaliste, enquêtrice privée, et Stéphanie, mère d’un enfant.

 JEAN-PIERRE JOUGLA: Nous devons entendre maintenant madame Amélie G., enquêtrice privée et Madame Stéphanie V. qui aborderont la question des enfants scolarisés dans les écoles Steiner, écoles anthroposophiques. Avant de leur donner la parole, je rappelle que Grégoire Perra est dans la salle et qu'il sera amené à dire quelques mots sur ce sujet également.  

AMÉLIE: Les écoles Steiner, pour vous dire comment ça a commencé, j’étais journaliste je suis tombée sur un podcast de « Méta de choc », une série de cinq heures « ma vie en anthroposophie » avec Grégoire Perra et j’ai découvert l’anthroposophie à laquelle je ne connaissais rien auparavant, Il y a plein de choses en cinq heures qui se sont révélées à travers son témoignage. Jusque là, les écoles Steiner, je les mettais dans le lot des écoles Montessori, une technique un peu alternative si on ne veut pas mettre son enfant dans une école traditionnelle. Steiner parle de « trolls, de karma, de démons, d’énergie » choses qui ne sont pas d’ordre rationnel. Ce qui m’avait le plus choquée, c’était le traitement des enfants et notamment le fait que l’on passe sous silence des abus. Je me suis alors demandé si c’était un cas individuel ou si c’était représentatif d’une sorte de phénomène.

J’ai donc cherché des victimes mais je n’ai pu interroger que des proches parce que les victimes sont des enfants et même si, aujourd’hui, certains ont grandi, ce ne sont pas eux qui témoignent, mais les parents, A ce moment-là, j’ai rencontré Stéphanie qui est maman d’un enfant qui a été dans l’une de ces écoles.

Ce qui est très compliqué quand on n’est pas soi-même touchée et tu nous le raconteras c’est que les parents ne se sentaient pas forcément légitimes d’en parler et ils avaient peur aussi que ce soient des écrits qui restent par rapport à la vie future de leurs enfants et, en plus de ça, ils avaient le poids de la culpabilité d’avoir mis leurs enfants dans une école qui, au final, avait provoqué quelque chose de traumatisant sous l’aspect scientifique que nous avons vu précédemment,

On va faire défiler des photos de Stéphanie faites dans un éco-village dans les Alpes, avec une école, soutenue par l’Education nationale, prônant la pédagogie Montessori, Freinet, Steiner où, dans le double langage on peut trouver la bienveillance, le respect du vivant, la créativité, la nature et finalement cela s’inscrit paradoxalement dans un cadre réactionnaire et complotiste. Et cela, on ne le découvre que sur place, Pour ceux qui ne connaissent pas le« New-Age», c’était mon cas, ni l’anthroposophie, ils jouaient sur l’alternative comme solution indispensable contre les défaillances ou ce qu’ils jugent comme maltraitant au sein du public. Ils étaient censés être une solution alternative dans un cadre bucolique. Il ne m’a jamais été mentionné la dimension religieuse qu’on peut retrouver dans toutes les activités scolaires pour les enfants ou tout autour, en lien avec les parents. Ça peut être des stages de communication non violente pour nous apprendre à fonctionner dans une démarche anthroposophique.

Pour les enfants, c’est au niveau des rituels de l’école qui sont présentés, par exemple, pour l’eurythmie comme de l’expression corporelle – mais pas un mot sur les faces occultes de cette activité scolaire – qui consiste, par des figures en mouvements codifiés dans le langage anthroposophique, à exercer des formes à l’aide des bras pour communiquer ce qu’ils appellent le « verbe universel».

J’ai découvert cela sur le blog de Monsieur Perra qui l’explique très très bien et on comprend mieux toute la dimension pseudo-religieuse qu’il y a derrière, davantage occulte et qui est très inquiétante puisque mon enfant était en micro-crèche, dans une classe unique, il avait deux ans et demi.

Entre deux ans et demi et six ans, voilà ce qu’il se passe pour ces petits qui n’ont pas surtout la capacité à réagir ou à être contre. Ce qui était assez commun dans les témoignages de tous les parents qui y avaient mis leurs enfants, c’est qu’à la base, ils étaient très séduits par le côté : « mon enfant va être plus entouré qu’ailleurs » et en fait tous les parents ont été séduits sans comprendre qu’il y avait un aspect religieux derrière et certains avaient quand même pressenti, au jour de la présentation de l’école, en rencontrant les directeurs ou les maîtresses, qu’ils étaient un peu «perchés», mais comme ils avaient l’air « gentils», ça passait plus pour de la bienveillance, le côté un peu hippy, etc. En fait, l’école cache complètement le côté anthroposophique : c’est un mot qui n’intervient pas du tout dans la présentation. Les parents ne le découvrent qu’au fur et à mesure des mois, une fois que leurs enfants sont déjà à l’intérieur. Certains sont très mécontents mais je ne parle évidemment pas des familles d’anthroposophes qui sont dans des écoles Steiner depuis plusieurs générations. Ces gens-là ne sont pas intervenus dans mon papier car je faisais un papier sur des victimes et, qu’à priori, ces gens-là ne se sentent victimes de rien en tout cas.

Nous allons vous parler de thématiques qui sont des faisceaux d’indices qui peuvent vous dire si la personne ou vous-même êtes dans le cas d’emprise mentale : la face séduction et le côté rituel. J’avais interviewé un ancien élève qui avait fait tout son collège et son lycée et il m’expliquait que, tous les matins, il récitait quelque chose et nous sommes quasiment là dans l’ordre de la prière. On sait que dans certaines écoles, ils font la ronde et se tiennent par la main pour la faire, etc.

STÉPHANIE: Les choses qui choquent le plus sont que chaque matin en micro ­crèches, les parents sont les bienvenus pour accompagner les enfants pendant une demi-heure, autour de ce qu’ils appellent« la table des saisons », que j’appellerais davantage un autel par la dimension religieuse qu’ils accordent aux objets posés sur cette table. Dans toutes les écoles Steiner on trouvera partout les mêmes codes, des couleurs pastel en fonction des quatre saisons, avec des objets de saison piochés dans la nature, des lutins sans visages qui sont posés et qui se servent de lien avec les enfants, des bougies et c’est très important dans leurs rituels de choisir un enfant chaque matin, qui va allumer et éteindre la bougie, pour lui signifier l’importance que le petit lutin lui a accordé en choisissant cet enfant pour allumer la bougie, qui va être un début de cérémonie pour vingt minutes autour de chansons qui sont très troublantes. Il y a encore une fois une dimension religieuse mais on ne peut pas poser de questions, on se retrouve et on va devoir subir avec les enfants.

Ce n’est pas« Pirouette, cacahuète», ce n’est pas du tout le répertoire d’Henri Dès, le lexique est très étrange, c’est malfaisant quand on n’est pas prévenus de cette dimension religieuse. Il y a ensuite des fêtes particulières comme la « fête des lanternes », à l’automne il me semble, les enfants fabriquent des lanternes qui sont identiques – et on retombe là dans l’uniformité de la pensée anthroposophique – vous mettez les lanternes côte à côte et vous ne pourrez pas trouver laquelle est faite par votre enfant, à moins de soulever et de trouver son prénom. Ce n’est pas possible, c’est un moule graphique avec des codes spécifiques, pseudo-artistiques, d’après les méthodes de Steiner. Avec ces lanternes, ils déambulent toujours avec une forme de connotation religieuse derrière, avec de chants particuliers, des chants spécifiques d’inspiration mais qui semblent appartenir davantage au langage anthroposophique que chrétien et toujours dans une passivité : tout le monde adhère. Il y a un effet de groupe derrière cela et personne ne remet en cause, personne ne pose de questions et c’est à deux vitesses parce que justement, il y a des parents qui sont anthroposophes ou du moins qui ont été en école Steiner et qui soutiennent ces rituels. C’est ainsi très compliqué, parce que les familles sont divisées et on ostracise ou on va mettre de côté, ça a été mon cas, parce que je n’adhérais pas, que j’ai voulu poser des questions. On m’a conseillé de faire des stages de communication non-violente. Le mécontentement n’est pas accepté. Je n’ai pas le droit de soulever de questions.

AMÉLIE: Mais des parents n’ont jamais été au courant de ce qui se passait parce que très rapidement ils mettent une distance entre l’enfant qui vient dans l’école et il est ensuite vraiment séparé physiquement de son parent et ils se sentent totalement responsables de l’éducation de l’enfant mais de A à Z et le parent n’a plus son mot à dire même pour ce qui se passe à la maison. Les parents peuvent donc ne pas comprendre l’aspect ésotérique de l’anthroposophie et il y a une loi du silence qui est énorme et qui a une forme de complicité entre le corps enseignant et les élèves, ce sont « les petits secrets entre nous». Si des abus peuvent être entre adulte et enfant, ils peuvent aussi se produire entre les enfants.

Il y avait donc clairement une double problématique et on leur disait : « surtout, il faut que ça reste entre nous ». La première fois que l’on prévenait le Directeur de l’école, il faisait vraiment en sorte que ça ne s’ébruite pas. C’était presque leur principale crainte au début. Quand un couple de parents a commencé à porter plainte, car pour eux, ce qui se passait était très grave, l’équipe pédagogique a pris à témoin d’autres parents et a voulu leur faire signer un témoignage pour discréditer, pour isoler les gens qui se permettaient de remettre en cause cette éducation.

STÉPHANIE: Pour moi, cela a commencé avec l’alimentation: en rentrant de l’école, mon fils me dit : « maman, je ne dois plus manger de lait ou de fromage, ça rend malade » ? Dans le cas de mon fils qui n’a pas de problème alimentaire, il mange de tout, il peut se le permettre, pas de problème de santé spécifique. On m’avait prévenue que le repas du midi était végétarien mais il n’y a ni lait, ni œufs, ni fromage et parfois il n’arrivait pas à me dire ce qu’il mangeait ou il me disait : « j’ai mangé des biscottes » et je l’ai entendu d’un autre enfant. C’est ce que l’on peut leur proposer s’ils n’aiment pas le repas. Ils salent très rarement les repas, il n’y a ni sucre, ni petites douceurs comme on peut retrouver dans les cantines pour nos enfants où on va apprécier le menu à la semaine et anticiper un petit peu. Il n’y a pas de dessert mises à part des pommes ou des bananes. Pour l’école primaire c’est encore en fonction de la bonne volonté de la cuisinière qui fait figure d’autorité (d’une manière approuvée par le corps enseignant et aussi par la mairie du village) et qui en profite d’ailleurs, au moment du repas, pour distiller des croyances cosmiques et c’est très dérangeant de voir des enfants de moins de 12 ans qui se retrouvent perturbés, qui ne peuvent rien dire.

Il y a un double problème au niveau de l’anthroposophie qui est vraiment impliquée avec la mairie et il y a un aval collectif et on revient ainsi dans cette emprise de groupe. Ce qui se passe au village doit rester au village, on me l’a fait comprendre directement. On peut donc imaginer ce qui se passe sur un enfant, sur des parents qui souhaitent manifester leur mécontentement, qui sont seuls, face à une majorité.

C’est une forme aussi de violence psychologique, de crainte, de peur, on nous met en état de peur.

AMÉLIE: tu as senti que ton enfant te cachait des choses. Il y a eu des mots très forts que ton enfant t’a dits et qui t’ont choquée.

STÉPHANIE: un jour, en rentrant de l’école, il me dit : « maman, je dois arrêter de t’aimer pour m’aider tout seul ». Connaissant mon fils, à deux ans et demi, il ne pouvait pas formuler cela tout seul, et il m’a avoué, avec crainte, que c’était une jardinière de l’école qui lui a dit ça. C’était comme si il y avait eu une bascule dans sa confiance avec moi, parce qu’il avait plus peur de la jardinière que de me parler franchement. Un autre fait très dérangeant : pour son anniversaire dans les écoles Steiner Waldorf, j’ai su après coup, qu’ils mettaient une couronne et que ce jour-là il était l’élu et lui était offert un petit lutin sans visage qui avait plus l’air d’un pénitent. Ils lui ont fait comprendre, qu’à présent, c’était son nouveau réparateur de bobos, et il préférait se concentrer sur son lutin dès qu’il avait un petit bobo physique, plutôt que de me demander un bisou magique comme on avait l’habitude de le faire. J’ai eu l’impression que c’était un intrus. Les jardinières donnent un intrus que mon fils avait l’habitude de placer à des endroits stratégiques du salon. Il avait besoin de l’avoir sous les yeux et c’est vraiment très dérangeant.

AMÉLIE : En manière générale dans les écoles Steiner et dans l’anthroposophie, il y a un rejet de l’extérieur. Si vous n’êtes pas anthroposophe c’est que vous n’avez encore pas compris. En fait, ils ont un peu pitié des gens qui ne sont pas anthroposophes. En plus, il y a un rejet de tout ce qui est traditionnel. Nous parlons du système éducatif traditionnel, l’école publique est vraiment horrible. Il y a aussi l’aspect médecine. Si on est malade, c’est que les énergies ne sont pas bonnes. Même les médecins de ces écoles sont dans le système.

Les nouvelles technologies sont aussi rejetées et de ce que je crois savoir, les enfants n’ont que de gros crayons en craie grasse, en pastel et c’est très limité. J’avais lu un rapport d’un inspecteur d’académie qui avait apporté des livres pour les enfants de leur âge et les enfants étaient totalement fascinés par les livres parce qu’ils n’avaient accès à rien et pas à des livres. Ils apprennent à écrire très tard. Il y a beaucoup d’enfants qui sont en retard par rapport aux autres enfants du même âge. Mais l’équipe pédagogique explique toujours qu’il faut être au rythme de l’enfant. Comme ce sont des arguments qui ont séduit les parents, ce sont eux qui ont choisi cette école alternative, ils ne sont pas très inquiétés, on leur dit : « ne vous inquiétez pas, il va rattraper son retard … » sauf que le lycéen que j’avais rencontré et qui a poursuivi jusqu’au BAC, me disait qu’il y avait beaucoup d’échecs scolaires même pour arriver au BAC, et si dans les statistiques cela ne se voit pas trop, c’est parce que les gens abandonnent avant le BAC, ce n’est pas compté comme des échecs. Je n’ai pas eu l’impression que c’était très valorisant pour les élèves.

Il y a un retard global qui se voit dès la micro-crèche puisque les enfants n’ont pas le droit d’écrire quasiment avant l’âge de 7 ans. L’une des jardinières m’a dit qu’ils ont tout le temps dans leurs vies pour voir des chiffres défiler et qu’elle ne voyait pas l’utilité de leur apprendre à compter. A ce moment-là, j’ai eu très peur et je me suis demandé comment faire ? Je vais devoir compléter et il était clair qu’après certains rites qui m’ont beaucoup inquiétée, il n’était plus question de rester, mais j’avais une pensée très forte pour les enfants qui restaient et qui seraient en échec scolaire. C’est aussi un moyen pour les parents d’être obligés de rester dans le système Waldorf. Qui les prendra ailleurs ? Ne seront-il pas doublement pénalisés ? Certaines familles sont tombées de haut lorsque les instituteurs de l’école publique leur ont dit que leurs enfants n’avaient pas le niveau pour entrer en CP, ils savaient à peine lire, à peine écrire, à peine compter, à peine écrire leur prénom. C’est dramatique parce que du coup, ça les isole et les oblige pour beaucoup à rester dans ces alternatives anthroposophes. Il y a finalement un jeu de séduction. Nous on le fait pour bien s’occuper des enfants, ils auront toujours la créativité et il y aura toujours les activités de plein air mais c’est aussi un moyen pour les retenir et les garder.

Dans ce que j’ai découvert d’extrêmement choquant, qu’à la rigueur ils pensent qu’il y a de bonnes énergies, cela n’a pas trop de conséquences, mais l’idée qu’ils ont sur les karmas ont des conséquences sur les enfants, c’est à dire qu’un enfant handicapé, brimé par les autres enfants au milieu de l’école, ne sera pas protégé par les maîtres. Dans les écoles Steiner, il y a eu beaucoup de faits de violences rapportés, beaucoup de souffre-douleurs, et on laisse faire, parce que dans la tête des enseignants et des anthroposophes, tout est idée de karma : s’il vous arrive un malheur dans votre vie aujourd’hui, c’est, qu’en fait, dans une vie antérieure vous avez dû faire quelque chose de mal et qu’alors vous le méritez. J’ai eu des témoignages de gens qui se faisaient insulter et moquer pendant la classe et le professeur, non seulement n’intervenait pas et ne disait pas que c’était mal mais en plus, presque, en rajoutait. Et pourtant c’était des collégiens, des lycéens et pas du tout des petits.

Si j’ai parlé des abus sexuels dans l’article, il y avait aussi beaucoup de faits de violence simple ou des scènes très dangereuses et aucune intervention. Je crois que c’est plus encore ce manque d’intervention, ce laisser faire et ce déni de ce qui se passe vraiment qui a convaincu les gens de témoigner en plus du traumatisme subi.

STÉPHANIE: Par exemple, pour les violences, j’habitais à 60m de l’école et je pouvais voir ce qui se passait dans la cour et un jour, j’assiste au fait qu’un enfant de 6 ans violente mon fils, le bouscule très fortement et j’entends les cris d’appel à l’aide de mon enfant. L’une des jardinières ne réagissait pas et jouait de la flûte autour des enfants dans la cour autour des balançoires. Elle ne bougeait pas, c’est presque surréaliste et il a fallu bien sept minutes, pendant que j’observais derrière la fenêtre, c’est très frustrant dans ces moments-là quand on entend les pleurs, on reconnaît son enfant et on sent qu’il n’est pas en train de « chouiner », il demande de l’aide. Enfin, une jardinière est sortie et est intervenue mais légèrement parce que selon eux et on revient à violence et karma, les enfants doivent se débrouiller tout seuls.

Lorsqu’une mère a révélé que son enfant avait été abusé sexuellement par un autre enfant, une jeune pédagogue, qui n’a pas dû s’en rendre compte, a dit : « il faut laisser les âmes s’affronter». Ce n’est qu’une phrase mais typique de ces situations-là, du genre : « ce n’est rien, il faut que ça reste entre nous, c’est le karma, … ». Ils disent qu’ils font des choses, qu’ils préviennent l’inspection, etc. suivant le processus normal mais en fait, ils ne font rien.

Par exemple, pour avoir eu affaire à une juge des affaires familiales lors de la séparation avec mon ex-conjoint, il m’a été dit clairement que je n’aurais pas dû faire appel au JAF parce que j’avais trahi et que je portais préjudice à mon enfant, comme je le mettais en danger de l’avoir fait vacciner. Pour eux les vaccins sont des accélérateurs de cancer pour plus tard. Dans le jardin d’enfants, sur huit enfants donc huit familles, j’ai été la seule à avoir fait vacciner mon fils. Tous les autres parents arrivent avec leurs propres croyances …

AMÉLIE: C’est un besoin de l’anthroposophie d’ailleurs …

STÉPHANIE: Ils disaient que j’avais inoculé de futures maladies graves à mon enfant et, qu’en plus, il risquait en étant vacciné de les diffuser aux autres enfants. C’est encore une manière de nous ostraciser, de nous mettre de côté et mon fils est un peu diabolisé par les autres familles aussi. Nous n’étions pas les bienvenus et on nous l’a bien fait comprendre. Ils peuvent avoir des méthodes très cruelles, des silences qui sont une manière de vous faire éprouver votre culpabilité qui devient très forte, surtout quand ça touche aux enfants.

Les parents sont aussi invités à s’investir énormément dans l’école et dans le village. J’ai trouvé que c’était presque de l’exploitation. C’est eux qui font le ménage, qui cuisinent pour la fête de Noël, eux qui vont recueillir des fonds pour l’école (car l’école est payante). Les parents recrutés sont ceux en phase « séduction ». Cela créé une confusion car on pourrait penser qu’il s’agit d’une « grande famille » et qu’il n’y a plus trop de différenciation entre le privé et le moment où on va à l’école. Cela devient un peu flou. C’est le principe des «écolages».

Moi, je devais faire le ménage dans l’école, avec une autre famille et si je refusais, j’étais rejetée et on me rajoutait, sur les frais de scolarité qui étaient de 70 € par mois, le reste étant sous contrat, la Caf le prenait en charge, plus 23 € de cantine, 40 € pour ne pas avoir fait le ménage dans l’école.

Une mère de famille, originaire d’Espagne, s’est vue proposer de donner gratuitement des cours d’espagnol à l’école primaire et se trouvait ainsi obligée à devenir moitié institutrice, moitié intervenante à l’école, donc travail bénévole, gratuit au service de la communauté. Pour les parents qui refusent de s’impliquer, comme pour un Noël où on est censé faire de la fabrication artisanale, ils ont les moyens, même financiers, de leur imputer une certaine somme en estimant que ce n’était pas prévu dans le contrat associatif, les fameux« écolages».

Ce qui m’avait aussi beaucoup choquée, c’est que les parents avaient révélé les abus. Non seulement les responsables ne réagissaient pas. Ils étaient dans le déni. Et en plus ils demandaient aux parents de se taire. Lorsqu’à la fin, ils voyaient que la situation leur échappait, c’était la faute de l’enfant.

Quand pour différentes raisons, des parents portaient plainte, et que les responsables réalisaient que ces parents s’éloignaient de l’école Steiner et qu’ils n’étaient plus du tout adeptes de l’anthroposophie, on leur disait du jour au lendemain que leur enfant était ingérable alors que la veille leur enfant était formidable, génial, etc. Dans d’autres témoignages, il a été dit que c’était l’enfant qui posait problème. Ce qui est assez classique dans les abus, c’est qu’on reporte la faute et la culpabilité sur la victime.

Pour mon fils, on lui a reproché d’être sur un même fil de violence qu’un autre enfant. C’est une manière de diaboliser nos enfants. Mon fils et son petit copain étaient reliés par un même fil de violence et pour les parents, c’est une manière de nous déstabiliser psychologiquement et de nous proposer des stages de communication non-violente, de faire de la méditation de pleine conscience, pour essayer de nous cadrer. Si nous courbons la tête dans leur sens et nos enfants redeviennent des « élus » comme les autres enfants. Certains enfants sont perçus comme êtres supérieurs aux autres. Il y a des parents qui y croient vraiment, par rapport aux notions de karma, et on peut parler en plus de la notion d’enfants « indigo ». Ils y croient.

Il y avait justement un enfant qui posait des problèmes parce qu’il avait agressé sexuellement d’autres enfants. Les responsables de l’école ne se sont jamais penchés sur le cas de cet enfant car ils disaient qu’il était très lumineux, solaire et qu’il n’y avait aucun problème.

Amélie : Je voudrais dire pour terminer qu’il était très courageux de la part de Stéphanie de parler parce que toutes les autres personnes que j’ai eues, après l’article, n’ont pas voulu parler. Certains ont été très agressifs peut-être parce qu’ils se sont sentis en insécurité ? Comme il arrive souvent pour les victimes d’emprise, les parents ont honte de s’être faits manipuler et ils ne veulent pas le dire, alors qu’en fait c’est « le dire » qui donne du courage aux autres et donc ce que fait Stéphanie est très important car comme la peur, le courage est contagieux.

Stéphanie : ce qui me révolte, par contre, dans ma position d’adulte, c’est de voir son enfant victime à deux ans et demi de tout un système, de la pieuvre anthroposophe. Et cette révolte est hurlante parce que j’espère une réaction collective, des moyens et tout ce qu’il faut parce que je pense que ces écoles sont des écoles de la haine qui sont là pour formater les enfants à être, plus tard, de futurs éco-fascistes. Il suffit de lire Steiner, mais surtout de lire les blogs des lanceurs d’alerte. Je pense aux citoyens du Web, à tous ceux qui prennent de leur temps bénévolement pour s’impliquer là- dedans et qui sont aussi révoltés. Il faut vraiment une réaction collective, car il est révoltant de voir le mépris, les méthodes qu’ils ont pour harceler, pousser à bout et je pense au cas de Monsieur Perra. En fait, ils se jouent de la justice, ils se jouent de l’Etat, ce sont des réactionnaires et ils sont là pour appuyer le plan de Steiner de reformater la société. Ils ne sont là ni pour la démocratie, ni pour les valeurs de la République, ni pour la laïcité. Ils nous ont définis comme étant leurs ennemis.

JEAN-PIERRE JOUGLA : Nous vous remercions toutes les deux pour le travail que vous avez fait. Nous allons demander à Grégoire d’intervenir car il est tombé dans le chaudron quand il était petit. Il a ensuite enseigné les méthodes de Steiner. Il en est sorti et pris de la distance et, c’est grâce à lui, que le silence se lève maintenant parce que, il y a 30 ans, quand l’Inspection d’académie allait inspecter les écoles Steiner, il n’y avait rien à dire, rien à voir et il fallait se taire. 
Rudolf Steiner (1861-1925), le fondateur de l’anthroposophie.

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