Les expériences de mort imminente : une ouverture vers la médiumnité occulte ?

Dominique Auzenet, exorciste diocésain

Je voudrais aborder ici un aspect des expériences de mort imminente (en abrégé : EMI, ou NDE en anglais : Near Death Experience) rarement abordé, celui des phénomènes paranormaux qu’elles contiennent ou qu’elles déclenchent ensuite.

Ces quelques pages de réflexion sont menées à partir du visionnage de deux vidéos « Je reviens de l’au-delà », un documentaire réalisé par Temps Présent, magazine d’information de référence de la Radio Télévision Suisse.

Les deux vidéos : « je reviens de l’au-delà »

– La première nous présente plusieurs personnes qui racontent leur expérience de mort imminente (en abrégé : EMI, ou NDE en anglais : Near Death Experience)

La seconde, qui nous intéresse ici, tourne autour de la question : après des expériences de mort imminente, certaines personnes reviennent avec des facultés paranormales qu’ils n’avaient pas auparavant. C’est de cette seconde vidéo dont nous allons extraire quelques citations.

Témoignages : les EMI développent les capacités paranormales

Certes, les EMI donnent aux bénéficiaires une conviction forte de l’existence de l’au-delà1. Ce n’est cependant que le côté pile ; le côté face est bien différent.

Patricia Stohr raconte son expérience d’Amour inconditionnel lors de l’EMI dans la première vidéo. Puis, dans la seconde vidéo,elle parle d’autre chose : « Je pouvais scanner l’état de santé de la personne ; c’était pour moi très troublant. Je voyais de la lumière (les auras) autour des personnes… ». Elle est parasitée par des phénomènes paranormaux auditifs et visuels s’apparentant à de la divination et du spiritisme. « J’ai des réponses avant même de poser les questions… » « Je me suis sentie décalée ; j’ai beaucoup pleuré ». Patricia anime maintenant des ateliers de méditation

Karine, thérapeute, a fait une EMI à l’âge de 22 ans (foudre). « Après, ça me demandait des efforts en montant dans un bus de ne pas être le bus en entier ». Elle se retrouve avec une hypersensibilité XXL. « C’est épuisant… Comment tu vis ta vie pour toi sans être perturbé ? » « Une NDE ; ça fait partie de toi » Elle affirme que pendant sa NDE, son beau-père lui est apparu.

Laurence Musy, Lons-le-Saulnier. Depuis sa NDE, elle a conservé la faculté de sortir de son corps, la décorporation. « En étant dissociée de son corps physique, la conscience est beaucoup plus libre… Il n’y pas longtemps, j’ai été sollicitée par une famille pour rechercher une personne disparue dans le Mont Blanc ». Elle exerce donc médiumnité2 et divination3.

Lukas, 45 ans, artiste plasticien (vidéo n° 1). Après une EMI due à la foudre, il perçoit qu’il garde la faculté possible de sortir de son corps. Il constate aussi qu’il se trouve en partie à côté de son corps physique ; une infirmière magnétiseuse perçoit qu’il est en-dehors de son corps, et lui permettra de réaligner son corps physique avec « ce qui est à côté de moi »…

Florence Hubert, médium spécialisée dans la communication avec les défunts, affirme qu’elle a développé ce pouvoir après une NDE. « Médium depuis l’enfance, j’ai toujours refusé ces capacités. En août 2001 en Corse, une NDE, ou EMI, expérience aux frontières de la mort, me fait réellement prendre conscience de ce que j’étais venue faire… Le contact avec l’autre côté a été pour moi une vraie révélation. Ma vie a basculé dans ce monde à coté de nous »

Universitaires et médecins s’interrogent

– Janice Holden, professeure émérite de psychopédagogie aux USA. Présidente de l’Ass. Intern. des études des états proches de la mort (IANDS). 35 ans de travaux sur les NDE.

« Un bon nombre d’« experiencers » ont des capacités paranormales qu’ils n’avaient pas avant leur NDE ». Elle est à l’origine de l’expression : « Expérience spontanée de médiumnité ». « Après leur NDE presque la moitié des « experiencers » disent voir des personnes décédées. La NDE ouvre les portes de la perception4. Des défunts leur demandent de transmettre des messages aux vivants… »

« Parfois, ils voient l’avenir, parfois ils continuent de sortir de leur corps… parfois ils se souviennent de vies antérieures »

« Plus la NDE est profonde, plus les personnes sont susceptibles de développer des capacités paranormales ». « Les rêves et les hallucinations ne provoquent pas de changement spécifique à long terme, alors que c’est le cas avec une NDE ».

« Pendant leur NDE, certains expériencers perçoivent qu’ils ont été guéris des maux dont ils souffraient ; et nombreux sont ceux qui ont acquis des capacités de guérison ».

– Pim Van Lommel, Cardiologue, Pays Bas, a publié en 2001 la première grande étude sur les EMT dans The Lancet. « C’est un traumatisme spirituel » dit-il.

« Quand vous avez un arrêt cardiaque, il n’y a plus aucune activité dans le corps et dans le cerveau. Mais dans la NDE la conscience est manifestée, alors que le cerveau ne fonctionne pas du tout. Il faut donc rediscuter la relation entre la conscience et le cerveau ». Il émet l’hypothèse que « la conscience n’est pas dans le cerveau, elle serait délocalisée, un peu comme le cloud pour un ordinateur, et notre cerveau fonctionnerait comme un émetteur-récepteur. Après une NDE, l’interface de réception a été modifiée de façon permanente dans le sens d’une sensibilité intuitive renforcée ». On aborde là des thèmes proches du Nouvel Age, déjà amorcés dans la façon dont les bénéficiaires décrivent leur expérience de plénitude.

– Le Dr François Lallier, médecin généraliste français, Reims, a consacré sa thèse aux EMI. Il parle lui aussi de « conscience extra-cérébrale » et adopte les mêmes perspectives que Pim van Lommel. Il pense que toutes les personnes faisant un arrêt cardiaque font une EMI ; mais que peu s’en souviennent : 10 à 15 % des personnes qui survivent à un arrêt cardiaque ont des souvenirs d’EMI ; mais les enfants sont 4 fois plus nombreux à avoir des souvenirs d’EMI (60 %) parce qu’ils ont une meilleure capacité à se souvenir.

Elle a vécu des prières de délivrance et d’exorcisme pour être libérée de sa médiumnité

Cette personne tient à rester anonyme5 ; je lui ai demandé de visionner ces vidéos. Voici ce qu’elle partage.

« Ce que racontent les personnes quand elles décrivent ce qu’elles vivaient correspond à 100 % aux perceptions de médiumnité que j’avais avant la délivrance… La personne qui dit « lorsque je monte dans un bus mon problème est de ne pas être le bus en entier »… C’était exactement ça… l’horreur…

Ce qui est intéressant ce sont les témoignages des personnes ayant fait une EMI. Je me retrouve dans ce qu’elles racontent… Elles sont passées du « monde où je suis maintenant », sans perceptions, à celui où j’étais avant… Le sens inverse en somme. Elles décrivent bien les perceptions, le fait que ça s’impose, ce que ça fait vivre, leur tentative de les « maîtriser », la peur d’être prise pour des folles… Elles tombent dans les écueils propres à la possession de ces pouvoirs : exercice de pouvoirs de guérison, pratique du yoga pour tenter de maîtriser les choses… Ce sont ces points-là des témoignages que j’ai trouvés intéressants.

Les EMI sont ambivalentes. Les témoignages relatent bien « cette ouverture totale » et ses effets : médiumnité, pouvoirs de guérison… Je pense qu’une EMI est une expérience qui rend extrêmement vulnérable durant le temps où elle a lieu et qu’elle laisse ensuite des « blessures invisibles » comme l’occulte en laisse aussi. Cela semble rendre vulnérable sur le plan spirituel.

« L’autre » rôde et s’il peut aliéner un nouvel humain à cette occasion, je pense qu’il ne va pas s’en priver… D’autant plus que la plupart des gens qui en ont vécu une, découvriront donc ces « pouvoirs » et se penseront donc « exceptionnels » en plus d’avoir survécu à la mort… Ça fait une bonne place potentielle à l’orgueil et à ses pièges…

Pour ma part… je n’ai eu qu’une obsession : revenir au Seigneur et me débarrasser de ces fichus pouvoirs qui étaient devenus exponentiels avec le bouddhisme. »

Ma réflexion personnelle en tant qu’exorciste

L’accueil de personnes marquées par des parasitages provenant de leurs compromissions avec l’occulte m’amène à entendre très fréquemment la confidence de phénomènes paranormaux. Elles les vivent comme une entrave à leur liberté. J’en fais état dans le livret « Paranormal, le jeu de la peur et de la séduction ». J’insiste sur les deux aspects : les phénomènes paranormaux peuvent être parasitants, ou bien gratifiants (ce sont les deux premiers chapitres de mon livret). Je vous invite à le télécharger et à le lire, car il n’est pas possible de reprendre ici toute l’argumentation, qui sous-tend mes réflexions sur les EMI.

Toutes les capacités paranormales dont parle (objectivement et honnêtement) Janice Holden sont repérables dans les confidences des personnes accueillies dans les services diocésains d’exorcisme :

– médiumnité rendant les personnes comme des éponges

– phénomènes paranormaux auditifs et visuels dus aux esprits se faisant passer pour des défunts

– capacités de magnétisme guérisseur, de conjuration magique des maladies

– décorporation (dans une moindre mesure) et entrée en transe

– divination due à la médiumnité permettant de s’introduire dans l’intime des personnes.

J’en fais la liste en long en large et en travers dans les livrets que j’ai publiés depuis 10 ans sur le site occultismedanger.free.fr

Les personnes qui vivent cela l’éprouvent comme un fardeau épouvantable dont elles demandent à être délivrées, reconnaissant qu’elles sont souvent allées chercher les problèmes en touchant à tout ce qui relève du domaine occulte.

Ce dont ces personnes demandent la délivrance en tant que paranormal d’origine diabolique, voici que c’est imposé aux personnes ayant vécu une EMI qui les déstabilise. Et il est intéressant d’entendre Janice Holden dire que les personnes n’avaient pas ces capacités paranormales avant leur NDE. Ce qui élimine les prédispositions dues à des compromissions antécédentes.

Les EMI ne provoquent donc pas un développement spirituel, mais un traumatisme paranormal, pour reprendre l’expression de Pim Van Lommel (en le ramenant au niveau paranormal et non pas spirituel). On peut se poser la question de savoir si les EMI ne provoquent pas une sorte de « fracassement » de la personne, sur les plans physique, psychologique, psychique6 et spirituel.

Les personnes qui vivent des EMI-NDE pensent faire une expérience spirituelle d’approche de l’au-delà avec tout le côté gratifiant de plénitude dont elles se sentent comblées. Cependant, beaucoup d’entre elles éprouvent concrètement l’esclavage dû aux « perceptions augmentées parasitantes ». « Plus la NDE est profonde, plus les personnes sont susceptibles de développer des capacités paranormales » (Janice Holden).

***

On peut donc affirmer que les EMI-NDE sont des expériences totalement ambiguës et problématiques. Elles sont truquées. Elles font passer pour spirituel (la bouffée de plénitude si bien décrite dans les récits) ce qui est d’ordre paranormal et qui va se révéler ensuite (les parasitages subséquents).

On ne peut donc pas utiliser une analyse des EMI-NDE comme une possibilité de preuve de la vie en Dieu après la mort (« enfin, on en a la preuve » !), comme une apologétique tendant à prouver la véracité de l’espérance chrétienne. On ne peut en faire une propédeutique permettant une approche de la théologie et de la spiritualité de l’au-delà de la mort, les « fins dernières » pour le chrétien (le ciel, le purgatoire, l’enfer).

C’est faire fausse route, je tiens à l’affirmer à l’encontre d’un certain nombre de publications (livres, conférences, sites internet7). Il convient de respecter en ces domaines la plus élémentaire prudence.

Dominique Auzenet, Exorciste diocésain, 11 octobre 2021

Notes

1Un au-delà habité par des personnages flous et sans visage… Cela devrait déjà attirer notre attention…

2Voir le livret sur la médiumnité

3Voir le livret sur la divination

4Petite note sur les « portes de la perception ». Aldous Huxley l’auteur du roman d’anticipation « Le meilleur des mondes » (1931) faisait des expériences de modification d’états de conscience en utilisant une substance psychédélique, la mescaline, dans une perspective d’approche soi-disant spirituelle. Milton Erickson, psychiatre américain qui a renouvelé la pratique de l’hypnose, faisait à la même époque l’expérience de transes auto-induites ; ensuite, ils comparaient leurs trips.

Le livre d’Aldous Huxley « The Doors of perception, Les portes de la perception » paru en 1954 est entre autres, le résultat de ces recherches croisées. En creusant un peu sur l’origine de ce titre, nous trouvons la référence au poète sulfureux William Blake (1757-1827) qui écrivit un recueil intitulé : « Le mariage du Ciel et de l’Enfer », dans lequel il y a cette citation : « Si les portes de la perception étaient nettoyées, chaque chose apparaîtrait à l’homme telle qu’elle est, infinie. » Blake réinterpréta le récit biblique de la création de manière totalement inversée au regard de la tradition chrétienne.

5Voir son témoignage sur le site sosdiscernement.org

6Peut-on, a-t-on, laisser sans soins Karine, qui s’exprime son égarement dans la vidéo 2 ???

7 Dr Patrick Theillier, Expériences de mort imminente, Ed. Artège (2015). Le bandeau de l’éditeur porte : « un signe du ciel qui nous ouvre à la vie invisible ». Et dans la préface, Marc Aillet, Évêque de Bayonne, risque un « Qui ne verrait dans cet ouvrage, l’opportunité d’une apologétique pour notre temps ? »…

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