Lithothérapie, énergie minérale et géobiologie

Bertran Chaudet, diacre permament

I. La lithothérapie

Il y aurait une énergie particulière, ou une mission secrète dévolue à chaque pierre, capable d’améliorer bien-être et santé, la lithothérapie. Le terme lithothérapie vient du grec lithos pierre et de thérapeuein, soigner.

Cette croyance dans les « pouvoirs » de certaines pierres remonte à la Mésopotamie, à l’Egypte ancienne, à la Grèce antique. Leur couleur, leur éclat ou leur forme permettaient des analogies symboliques, selon leurs croyances, susceptibles d’être efficientes.

Le célèbre médecin Galien (129-201), pourtant père d’une médecine reposant sur la raison et l’expérience, utilisait certaines pierres comme le jaspe, qu’il pensait susceptible de guérir de douleurs d’estomac ou d’œsophage.

Cette pharmacopée, encore marquée par des traditions sans fondements objectivables, fut contestée à la naissance de la chimie au XVIIe s., faisant notamment reculer l’usage des pierres à visées curatives ou thérapeutiques.

Rabelais en 1542, dans Gargantua, se moquait trivialement de la pseudo vertu des pierres. Dans le chapitre VIII Comment on vêtit Gargantua :

« Pour la braguette furent levées seize aunes un quart de ce même drap, et fut la forme de celle-ci comme un arc-boutant, bien attaché joyeusement à deux belles boucles d’or, que prenaient deux crochets, à chacun desquels était enchâssée une grosse émeraude de la grosseur d’une pomme d’orange : car, ainsi que le dit Orphée, dans libro De Lapidibus, et Pline, libro ultimo, elle a une vertu érective et réconfortante du membre naturel. » (Ref. : voir note 0)

Depuis les années 1970, avec les courants de pensée issus du New Age, et son approche holistique où tout est dans tout et inversement, l’usage des pierres pour la guérison, appelée désormais lithothérapie, fut encensé (parfois au sens propre du terme). Mieux-être, santé, amélioration de ressources cachées, magnétisme, médiumnité devenaient le possible attribut des pierres, pour qui savaient…

Aujourd’hui l’application Tik Tok, les hashtags # lithothérapie ou crystal healing en anglais, proposent des dizaines de milliards d’occurrences. C’est dire l’ampleur de ce phénomène de société.

Selon les explications de lithothérapeutes autoproclamés, chaque pierre aurait à une vibration spécifique entrant en résonance avec une partie du corps, une fonction, une émotion, une intention, afin de réactiver de « ré-harmoniser », ou encore d’atténuer les effets négatifs. Par prudence, les lithothérapeutes disent que les pierres n’agissent que sur les troubles fonctionnels (c’est-à-dire quand l’organe ou la partie du corps n’est pas lésé) ou émotionnels. Cependant certains promettent également un effet thérapeutique pour soigner cancers ou déficiences physiques avérées.

Sainte Hildegarde de Bingen (1098-1179)

Cette moniale bénédictine allemande, devenue abbesse, est une mystique qui écrivit une œuvre protéiforme, allant de la théologie à la cosmologie, de la « biothérapie » à la diététique, de la composition d’œuvres musicales, à l’architecture. Il faudrait examiner de près ce qu’elle a vraiment écrit elle-même, ce qu’elle a dicté, ce qui a été interprété de ses écrits et ce qui a été inventé plus récemment. Dès après sa mort au XIIè s., elle fut déclarée bienheureuse ; il fallut attendre 2012 pour qu’elle fût canonisée et proclamée Docteure de l’Église par le pape Benoît XVI. Son combat pour la défense de la doctrine catholique, notamment contre les hérésies cathares, repose sur des arguments théologiques très pertinents.

Mais ce qui nous intéresse ici est la fulgurance de ses allégations concernant les vertus de certaines pierres, devenant une référence de premier plan en lithothérapie, et en naturothérapie, non seulement dans la sphère catholique, mais dans tout le monde écolo, bio-compatible… Elle tenait ses « recherches » de quelques croyances de l’époque médiévale et de révélations mystiques. Si ses écrits d’ordre théologique ne sont pas contestables, ses affirmations médicales, physiologiques diététiques ou cosmologiques ne sont pas à prendre comme lettre d’Évangile. Une déclaration officielle des autorités ecclésiales pourrait à cet endroit dissiper les confusions, surtout quand sainte Hildegarde est déclarée Docteure de l’Église. Il y a du tri à faire entre affirmations doctrinales et élucubrations magico-superstitieuses.

Son ouvrage « La Physica, parfois également appelée Liber simplicis medicinae, comporte neuf chapitres consacrés, dans l’ordre, aux plantes, aux éléments, aux arbres, aux pierres, aux poissons, aux oiseaux, aux bêtes sauvages, aux reptiles et aux métaux. La nature apparaît comme une corne d’abondance dans laquelle l’homme n’a qu’à puiser pour bien se nourrir, prévenir et guérir les maladies. »1

Hildegarde y décrit une vingtaine de pierres précieuses, comme étant des organismes vivants, engendrés par la terre, ayant des vertus mystiques, susceptibles d’harmoniser les émotions et de soulager les douleurs. Quelques exemples :

  • L’améthyste serait susceptible d’agir sur le vieillissement de la peau, mais aussi sur les inflammations locales ganglionnaires ou piqûres d’insectes.
  • La calcédoine permettrait aux orateurs d’avoir une élocution claire et limpide et concentrée sur leur sujet… (Si cela pouvait être vrai, plus d’un prédicateur en aurait sans doute besoin !) La calcédoine aurait également un effet calmant l’irascibilité.
  • La chrysoprase réduirait également les excès de colère, mais aussi les douleurs articulaires notamment distales.

Ces pierres traiteraient donc non seulement diverses maladies physiques, mais également émotionnelles (améliorant concentration, mémoire), voire spirituelles (renforçant la foi et l’espérance).

Exploitation environnementale et humaine

C’est en Inde, en Chine, à Madagascar, au Brésil, au Congo que l’on trouve les principales zones d’extraction de ces pierres.

Selon les auteurs et leur imagination, les vertus de chacune de ces pierres varient.

Elles sont extraites pour certaines dans des conditions préjudiciables à l’environnement.

Ainsi la chrysocolle et la pyrite sont extraites des mines de Chino au Nouveau-Mexique. La chrysocolle est sensée apaisante, améliorant la compassion la douceur, tandis que la pyrite influerait des pensées positives, aurait une action bénéfique sur les voies respiratoires, sur les inflammations intestinales, et ce n’est pas tout, stimulerait la mémoire et les facultés intellectuelles. Leurs extractions nécessitent l’écoulement de milliards de litres d’eau contaminée à l’acide et aux métaux.

Dans les pays plus pauvres, les recommandations environnementales sont totalement absentes, quant à la protection de travailleurs, elle est inexistante. La silicose est la maladie de mineurs brésiliens qui inhalent de la silice, diminuant considérablement l’espérance de vie. Au Congo, l’exploitation d’enfants qui n’ont qu’un marteau, un burin et un seau, est courante. Ils recherchent quelques pierres de tourmaline, de lapis-lazuli, de quartz blanc, etc. La tourmaline agirait sur les dérèglements hormonaux, protégerait des énergies négatives, améliorerait la circulation sanguine et la confiance en soi, renforcerait le système immunitaire, sans oublier leur effet bénéfique sur la peau. Les Lapis-lazuli sont sensés guérir de chaleurs et de brûlures, de douleurs menstruelles, mais aussi de pensées négatives. Le quartz blanc est utilisé dans le chamanisme, et aussi préconisé pour purifier les chakras, enlever les maux de tête, et diminuer les vertiges.

Cependant les vertiges, que procure la prise de conscience de ces exploitations et de ces inepties, ne sont guéris par aucune pierre…

Une enquête menée par The Guardian a mis en avant les propos de Payal Sampat qui travaille pour l’ONG Earthworks. Ce dernier a mis en lumière la méthode d’extraction des minerais qui impacte l’environnement et viole des droits de l’Homme notamment avec le travail des enfants.

Et ce n’est pas tout, il existe aussi des faussaires qui regorgent d’inventivité pour faire passer de simples cailloux et autres bouts de verre pour des pierres vertueuses.

Commercialisation

En France, les éditions Résiac, ont publié le Manuel de médecine de sainte Hildegarde et Médecine des pierres précieuses des docteurs Hertzka2 et Strehlow3 puis se sont lancées dans la commercialisation de produits naturels et de pierres et de leurs supposées vertus thérapeutiques.

Le mouvement New Age s’est emparé de ces perspectives mirifiques pour théoriser à l’infini sur l’efficacité de certaines pierres. Les sites internet dédiés foisonnent. Certains auteurs ont surenchéri, multipliant le nombre de pierres possédant des propriétés thérapeutiques ou des vertus capables de guérir ou d’éradiquer nos tensions physiques, émotionnelles, existentielles, spirituelles.

Voici un exemple extrait parmi bien d’autres : « Les pierres de notre bien-être selon Hildegarde de Bingen » de Sophie Macheteau.

Sophie Macheteau a écrit des livres traitant de magie de sorcellerie, de Wicca (sorcellerie féminine), d’ésotérisme, de bien-être, de phytothérapie de spiritualité4. Un mélange de genres, caractéristique de ce type d’approche.

Le Père Brune5 chantre du spiritisme n’est pas en reste. Il a préfacé le livre d’Ellen Breindl «Hildegarde de Bingen, Une vie, une œuvre, un art de guérir en âme et en corps ». Dans sa préface, il écrit :

« Un autre aspect de la personnalité d’Hildegarde est son sens développé du Cosmos, de l’unité de tout l’univers et du lien mystérieux, mais réel qui unit toutes les créatures entre elles… cette idée de l’homme, « microcosme » à l’image du macrocosme… Sa pensée rejoint les conceptions modernes, chères à certains de nos scientifiques de pointe, de l’univers comme hologramme… et sur ce point ce sont les tendances de la médecine holistique qu’elle rejoint avec 800 ans d’avance ».

Concept que l’on retrouve en géobiologie, voir le chapitre suivant…

En pratique

Les pierres peuvent être brutes, polies ou taillées. La pierre ou les pierres doivent être portées sur soi, sous forme de pendentif, de collier, de bracelet, ou posées sur la partie du corps à traiter, ou sur des chakras à réharmoniser, ou des points d’acupuncture à tonifier. On peut également en boire sous forme d’élixir, après un simple trempage de la pierre dans de l’eau ! Des pierres peuvent être disposées dans une pièce pour en purifier l’espace.

La composition de la pierre et sa géométrie ont leur importance. La couleur de la pierre également : elle agirait selon les indications tout aussi nébuleuses de la pseudo médecine, connue sous le nom de chromothérapie.

Une précision tout de même, l’effet des pierres serait optimisé en fonction d’affinités avec le signe astrologique du patient.

Mais attention, la pierre peut se charger d’ondes négatives qu’il s’agit alors de purifier régulièrement. Il faut alors la plonger dans de l’eau salée durant quelques heures ou la soumettre à des fumigations à l’encens. Il faut ensuite la recharger en l’exposant au soleil, à la lune, aux astres, ou en la mettant en contact d’autres cristaux, en la plongeant dans une préparation d’huiles essentielles… On peut également projeter les intentions que l’on veut induire dans l’énergie de la pierre, en la posant sur le troisième œil. Les différentes recettes parfois contradictoires pullulent selon les sites, les livres, les écoles et les auteurs. Une constante : elles relèvent toutes de la pensée magique.

Certaines pierres pourraient également favoriser la télépathie, ou aider à percevoir les auras6.

Bien sûr, plus la pierre est onéreuse plus elle est censée être efficace ! Elle revitalise alors efficacement et plus sûrement le portefeuille de celui qui en fait commerce…

Objectivement

Toutes ces affirmations ne reposent sur aucune vérification objective.

La terminologie employée par les géobiologues est à interroger. Quelle est cette « résonance » ou « vibration » qui permettrait l’amélioration du « karma » ou de « la circulation des énergies internes » ?

Nous recommandons le site sonore : https://metadechoc.fr/podcast/chroniques-de-la-spiritualite-contemporaine-2/la-lithotherapie/ particulièrement clair et documenté. En voici un extrait :

« Le super coach américain Tony Robbins, par exemple, ne cache pas l’importance du collier qu’il porte, fait de quartz pour la clarté d’esprit et la concentration, d’onyx noir pour la protection et le calme, de lapis-lazuli pour la vérité, la conscience et la sagesse. De son côté, la star de téléréalité Kim Kardashian déclare s’adonner au soin par les pierres depuis qu’elle a subi un vol à main armée, tandis que la chanteuse britannique Adèle attribue ses fausses notes lors des Grammy awards de 2016 au fait qu’elle avait égaré ses précieux minéraux. »

Ainsi, sur le site internet de France minéraux – une bijouterie en ligne – explique que « telle pierre déclenche au contact de la peau une résonance vibratoire singulière qui va stimuler les minéraux organiques, retirant de potentiels dysfonctionnements corporels. Chaque minéral dispose d’une vibration unique et offre ainsi une activation des centres énergétiques (chakras)».

Plus grave est ce type de prétention : « Une pierre qui « aide à traiter le sida ». Ceci est l’un des nombreux « conseils » parfaitement aberrants qui figurent dans le Guide pratique de lithothérapie, publié par les éditions Trédaniel.

« C’est grotesque, réagit Christian Chopin, directeur de recherche au CNRS, spécialisé en minéralogie. Le monde minéral est caractérisé par son inertie : à la différence du monde vivant, il ne produit pas spontanément d’énergie (hormis les substances radioactives…). Vouloir parer les minéraux d’« énergies bénéfiques » ou d’une quelconque vertu thérapeutique par l’effet d’ondes spécifiques est du charlatanisme. Il n’y a tout simplement aucune interaction possible entre les cristaux et le corps humain. »

Que répondent les lithothérapeutes ? Que « l’énergie » serait « différente » de celle décrite jusque-là par la science. Il s’agirait d’une énergie « spirituelle », « mystique ». (…) Et l’homme a la fâcheuse tendance de relier entre eux des événements (tenir un cristal dans sa main et constater une amélioration de sa santé, par exemple), quand bien même il n’existerait aucun lien de cause à effet. C’est ce qu’on appelle en psychologie l’illusion de corrélation. » 7

L’itinéraire du géobiologue Reynald Georges Boschiero est emblématique : « C’est la personnalité la plus présente aux différents salons et expositions minéralogiques, et l’auteur le plus acheté d’ouvrages sur le sujet…. Son histoire, et celle de la lithothérapie qu’il pratique et enseigne, sont relatées sur son site Internet…

« Après des études scientifiques qui le conduisent en Faculté de Médecine, il fréquente une école d’Arts Décoratifs dans laquelle il découvre les vertus des couleurs. Par la suite, ses activités professionnelles l’amènent a rencontrer le célèbre professeur Abraham MOLE sous l’égide duquel il poursuivra un doctorat de Psychologie sociale. » …

Cette phrase pose problème, car, en lisant attentivement, il n’est spécifié nulle part que R. Boschiero ait obtenu le moindre diplôme… Il étudie la géologie des sols et la minéralogie, en autodidacte. Il subit ensuite diverses influences mystiques : deux initiateurs au New Age, des shamans Navajos, ainsi que des « rituels afro-brésiliens du comdoblé ». Au terme de ses différents voyages, R. Boschiero expérimente ce qu’il a observé sur ses proches. C’est sur la base de ses expériences, dont les protocoles ne sont pas disponibles, qu’il élabore sa lithothérapie et publie son premier livre.

Il revendique également l’influence de divers auteurs qui ont traité de la lithothérapie : Daya Saraï Chocron (auteur New Age porté sur lithothérapie), Michel Dogna (auteur porté sur les élixirs, tant floraux que minéraux, et sur les fleurs de Bach en particulier), Barbara Chinta Strubin (spécialiste du Reiki)… Peu après, il fréquente les salons minéralogiques, donne des conférences et commence à vendre des stages de formation et des pierres au grand public… Hors de toute réglementation, la lithothérapie est donc une formalisation et une modernisation d’un concept pseudo médical New Age, dont l’activité consiste principalement en une vente de formations, de livres et de minéraux… » 8

Les effets de la lithothérapie sont au mieux placébos. Le seul fait de croire à leur efficacité ciblée sur ce dont on veut guérir, peut avoir un effet apparent, dans le cadre de pathologies fonctionnelles ou d’ordre psychosomatique. Cependant il est dangereux de prétendre soigner des maladies graves objectivées par un examen clinique sérieux, des examens biologiques, des images radiographiques scanner, IRM…

Sous une apparence de discours scientifique, les géobiologues utilisent des termes empruntant fallacieusement à de réelles disciplines. Le patient ou le futur lithothérapeute, n’en ayant aucune connaissance, se laisse ainsi berner.

L’effet gri-gri est une explication à cet engouement. Porter une pierre autour du cou, en bracelet, l’apposition pierre peut devenir une sorte de rituel appelant magiquement un bénéfice escompté.

Pour les catholiques, il n’est pas licite de mettre irrationnellement sa foi dans tel objet ou telle dévotion erronée. C’est un acte de superstition.

Précision d’importance, pour sainte Hildegarde, les remèdes n’étaient efficaces que couplés à l’exerce des vertus.

Voici à ce sujet, le paragraphe 2111, du catéchisme de l’Eglise catholique : « La superstition est la déviation du sentiment religieux et des pratiques qu’il impose. Elle peut affecter aussi le culte que nous rendons au vrai Dieu, par exemple, lorsqu’on attribue une importance en quelque sorte magique à certaines pratiques, par ailleurs légitimes et nécessaires. Attacher à la seule matérialité des prières ou des signes sacramentels leurs efficacités, en dehors de dispositions intérieures qu’ils exigent, c’est tomber dans la superstition. »

II. La géobiologie

Au Mans à droite du porche central de la cathédrale saint Julien, il est un menhir ressemblant vaguement à la silhouette d’une femme voilée. Ce menhir présente un petit trou bien poli, en son centre. Selon la tradition populaire, des femmes désirant un enfant peuvent y apposer l’index pour voir exaucer leur vœu. D’autres posent la main sur la pierre pour venir y puiser les énergies.

Les alignements de menhirs de dolmen seraient le témoignage d’une science susceptible de capter énergies cosmiques et telluriques.

La campagne du nord Sarthe est constellée de croix monolithiques en grès roussard (bien sûr sans potentiel énergétique) que nos ancêtres aimaient placer à la croisée des chemins. Elles peuvent être réellement ici, un rappel spirituel bienfaisant !

Soulgé-le-Gasnelon, croix en grès roussard.

Depuis quelques années, des visiteurs viennent se recharger dans des lieux qui seraient chargés en énergies. Ces énergies seraient potentialisées par l’architecture de nos cathédrales, de nos églises, de nos chapelles et de leurs fontaines attenantes. Ces adeptes se laissent parfois guider par un « initié » qui leur indiquera tout un parcours initiatique, en dehors et dans l’édifice, pour capter au mieux les énergies.

Géobiologie, le terme existe réellement en science, c’est l’étude de la constitution des sols et de la vie qu’ils abritent, et de la biologie végétale.

Mais les géobiologues qui s’arrogent ce titre ne parlent pas de la même chose. Ils font remonter fallacieusement leur pseudoscience à l’Égypte ancienne, aux Grecs, aux Romains, aux Celtes, aux Chinois, aux hindous, aux Arabes, aux Mayas, aux Amérindiens, et autres sources tout aussi invérifiables. Ils font également référence au Feng Shui 9 (vent et eau), discipline chinoise et tibétaine, censée apporter l’harmonie de l’habitat.

Quand le médecin, le psychologue ou le vétérinaire n’a pas de réponse thérapeutique à la hauteur de la demande, certains ont recours au géobiologue qui lui a réponse à tout !

Les discours des géobiologues peuvent faire illusion tant ils se réfèrent à une terminologie qui semble scientifique. En effet, des traitements s’appuieraient « sur les microcristallisations et l’holographie fractale » d’après le site www.geobiologiescientifique.fr/ .

Des écoles privées en géobiologie délivrent ainsi des diplômes sans aucune valeur, si ce n’est celle que leur attribuent leurs élèves crédules entrant dans ces croyances sans fondement.

Aucun fondement scientifique

Les géobiologues utilisent donc improprement des termes utilisés en astrophysique, géophysique, géologie, biologie, hydrologie, électronique, et même physique quantique. Ce vernis n’a cependant rien à voir avec les réalités explorées par ces sciences.

La géobiologie peut également se référer au « magnétisme animal » de Messmer10, un hypnotiseur magnétiseur bonimenteur ayant sévi à Paris à la fin du XVIIe. Ou encore plus actuel, à Georges Lakhovsky (1870-1942), médecin d’origine Russe, qui vécut en France puis aux États Unis. « C’est le créateur d’une vision vibratoire de l’ensemble de l’univers, dite « équilibre cosmo-tellurique… Les conceptions de Lakhovsky sur la biologie, la physique des matériaux et sur l’équilibre cosmo-tellurique postulent que les éléments de la cellule vibrent, et parmi eux l’ADN, « qui oscille comme un ressort sous l’action des rayons cosmiques11 ».

Georges Lakhovsky

Les concepts de la géobiologie n’ont jamais fait l’objet d’expériences validées scientifiquement. Notamment la notion de courants telluriques, de rayonnements ionisants, de champs magnétiques. Les maillages et autres réseaux de Hartmann et ses nœuds produisant des effets négatifs sur la santé, ne reposent que sur la subjectivité du radiesthésiste ou du magnétiseur qui sont les seuls à les percevoir. Aucune réalité quantifiable ne peut prouver l’existence de ces ondes. Les quelques appareils, détecteurs d’ondes électromagnétiques, des testeurs de terre, ou autres compteurs Geiger, chers à l’achat, utilisés par des géobiologues donnent des résultats aussi aléatoires que sans signification.

Le discours produit par la géobiologie se trouve au carrefour

  • de notions scientifiques mal comprises, mal utilisées ou détournées de leur champ d’application : l’exemple typique est la référence à la physique quantique que l’on retrouve fréquemment en géobiologie comme dans d’autres pseudosciences. On apprend ainsi l’existence de la géobiologie quantique qui « fonctionne sur les mêmes principes que la physique quantique, la mécanique quantique, la chimie quantique et autres sciences » et « utilise l’énergie vibratoire des particules dans l’univers, dont les nouvelles énergies de l’Ère du Verseau, en obéissant aux lois d’interférence et de résonance ». Cela fait très savant, mais ça ne veut rien dire…
  • de concepts apparemment très techniques qui sont en réalité des fantasmes de pseudo-scientifiques : on citera par exemple le champ de torsion, un champ physique qui serait capable de transmettre « de l’information sans énergie de transmission » et de produire des « nuisances informationnelles » qui seraient « captées par les cellules vivantes dont elles peuvent modifier le fonctionnement par action sur l’ADN ». Mais ce champ ne tord en réalité que l’esprit des géobiologues qui avouent d’ailleurs qu’« il n’y a pas d’appareil électronique officiel, ce qui rend l’étude du champ de torsion difficile  ». (Néanmoins, il y a un petit badge qui vous permettra d’inverser ce champ de torsion difficilement mesurable pour la modique somme de 5 euros…).
  • de la mise à profit de la sensibilité de l’expérimentateur : ici un ingénieur se félicite de rassembler « des qualités scientifiques et sensitives remarquables » . Là, on considère que le corps humain « est l’outil le plus facile à utiliser pour la détection » des ondes puisqu’il « a la capacité de perception et le ressenti nécessaire pour appréhender la qualité de nuisance ou de potentiel que procure une zone » … Or, la sensibilité de l’expérimentateur n’a pas sa place dans la démarche scientifique.
  • de la création de passerelles avec d’autres pseudosciences, comme la bioénergétique, la chromothérapie ou encore la bioélectronique, qui se légitiment les unes les autres .12

Il ne faut pas confondre cette pseudoscience s’appuyant sur des fondements ésotérico-magiques irrationnels, avec la géobiologie scientifique basée sur des critères rigoureux scientifiques objectivement repérables et quantifiables.

La géobiologie est donc une déclinaison de la radiesthésie. Elle prétend appréhender l’influence d’ondes sur l’environnement les hommes et les bêtes…

Le diagnostic en géobiologie

Le diagnostic repose sur la recherche des ondes électromagnétiques qui seraient responsables des problèmes.

Pour cela, différents dispositifs sont recommandés : le pendule, les baguettes de sourcier, des antennes plus extravagantes les unes que les autres, connectées ou non à de soi-disant dispositifs électroniques d’amplification. Le géobiologue repérerait sur les lieux et même parfois sur plan, les lignes de passage et les nœuds des ondes nocives.

Pour réharmoniser les lieux

L’harmonisateur cosmo-tellurique représenté ci-contre a été inventé et mis au point par Adolphe Landspurg, Président d’honneur de l’Association Sourciers et Géobiologues d’Europe, auteur de dix ouvrages sur la radiesthésie, la géobiologie et les hauts lieux d’énergie.

Ce dispositif permet de canaliser les radiations telluriques (champs, flux, ondes) principalement celles qui émanent des failles géologiques ou cours d’eau souterrains. Le procédé mettant en œuvre ce dispositif permet d’éviter de subir les mauvaises influences et les conséquences des ondes et rayonnements que peuvent générer ces radiations et qui peuvent s’avérer nocives pour la santé.13

« Les géobiologues distinguent ainsi plusieurs types de nuisances :

  • les perturbations d’origine naturelle, c’est-à-dire les « champs électriques, magnétiques et électromagnétiques, les failles géologiques, les cours d’eau souterrains, les réseaux telluriques » ;
  • le brouillard électromagnétique, formé « des ondes artificielles d’origines électriques ou radioactives », qui « parasite notre influx nerveux, notre métabolisme et nos biochamps » 
  • les phénomènes invisibles comme la « mémoire des murs (suite à des traumatismes, tout ce qu’a vécu la maison), formes-pensées, âmes humaines (ou âmes errantes), entités » .14

Les églises, lieux d’énergies guérissantes ?

Nos églises, nos cathédrales, en certains endroits prétendument connus des initiés seraient ainsi des lieux de ressourcement énergétiques hautement revitalisants et même thérapeutiques, savoir bien sûr oublié, mais retrouvé, grâce à la géobiologie ou autres « sciences initiatiques. » Les librairies ésotériques regorgent de ce type d’ouvrages.

Ainsi la cathédrale de Chartres présente dans sa nef un labyrinthe. C’est un haut lieu de recherche ésotérique pour en découvrir les mystères cachés par les constructeurs qui en auraient dissimulé les clés. Les francs-maçons opératifs auraient transmis leurs secrets à des francs-maçons spéculatifs qui effectivement se lancèrent alors dans tout type de spéculations.

Invité à parler de ce sujet aux guides bénévoles de la cathédrale de Chartes, je me suis rendu de bonne heure pour me recueillir dans ce si bel édifice de notre patrimoine religieux. Et là, j’ai été stupéfait. Une bonne vingtaine de personnes de tout âge et de toute origine déambulaient sur ce labyrinthe. Certains étaient pieds nus, d’autres gesticulaient silencieusement, d’autres encore marmonnaient des sons, pour mieux capter les énergies qui seraient concentrées ici.

Alors, je suis allé me recueillir dans le chœur, auprès du tabernacle, situé au maître-autel. Quelques instants après, un grand lascar est venu gesticuler silencieusement, le dos tourné au tabernacle juste devant moi. Il avait sans doute perçu le lieu le plus énergétisant. Deux femmes l’accompagnaient les mains ouvertes devant elles. Elles finirent par trouver que c’était la chaire à droite qui était la plus chargée !

Capter physiquement les vibrations énergétiques ou telluriques potentialisées par l’édifice deviendrait-il la finalité de cette cathédrale ?

Dans la grotte de sainte Marie Madeleine, il y a comme dans la cathédrale de Chartres des personnes qui viennent pour capter l’énergie. Des stages y sont organisés :

« Passez une semaine inoubliable à la rencontre de Marie-Madeleine à la Sainte Baume! Développez vos dons naturels en soin énergétique en harmonie avec la nature… L’énergie de Marie-Madeleine est palpable dans ces hauts lieux énergétiques ! … Nous effectuerons un travail énergétique sur le féminin et le masculin. Nous irons à la rencontre des chemins initiatiques qui nous ouvriront les portes intérieures de notre spiritualité. »15

Que dire, que faire ? Pourrions-nous imaginer un même scénario dans une synagogue, une mosquée, un temple bouddhique, ou un temple maçonnique d’ailleurs fermé aux profanes ?

Avec douceur et bienveillance faut-il tenter d’expliquer à ces visiteurs, qu’ils sont dans un lieu saint destiné au culte catholique ? Mais en cas de refus d’entendre, continuant leurs gesticulations, quelle procédure adopter ?

La Présence réelle de Dieu, dans les hosties du tabernacle, est pour les catholiques, la finalité première de la vocation de ces cathédrales et de ces églises. C’est aussi le lieu où l’on entend la Parole de Dieu dans les Écritures saintes. C’est le lieu de l’ecclésia, du rassemblement des croyants. Le respect que ces visiteurs réclament pour eux-mêmes, l’ont-ils à l’égard du lieu où ils ont pénétré, et où des fidèles viennent prier ?

Dans ce groupe de personne marchant sur le labyrinthe, chacun était dans sa bulle, uniquement concentré sur les énergies à capter, aucune parole. Il s’agit de se concentrer pour entrer en résonance avec les énergies chtoniennes16.

Or la Foi naît de l’écoute de l’altérité d’une Parole bien distincte, non d’une vibration confuse avec laquelle on entrerait en résonance.

Une vraie question pastorale

Saint Paul aux Romains rappelle : « Or la foi naît de ce que l’on entend ; et ce que l’on entend, c’est la Parole du Christ. » (Rm 10, 17).

Il s’agit donc d’entendre, d’ouïr (racine d’obéir), une Parole qui me dépasse, qui m’a précédé, qui est toujours actuelle, et qui demeurera. Une Parole distincte qui n’est pas mienne, mais qui me rejoint pour peu que je tende l’oreille de mon cœur, comme le recommande le début de la règle de saint Benoît. Quand plusieurs apprennent à écouter cette langue, à la parler et à la mettre en pratique, ils deviennent un corps : l’Église, communion de croyants.

Sur le linteau du portail à droite du fronton de la cathédrale, il y a la Vierge Marie allongée, dans une position où de la main droite, elle tend l’oreille.

La Vierge Marie engendra son Fils Jésus en entendant la Parole de l’ange Gabriel et en lui disant oui.

Alors que dire que faire en direction de ces personnes qui ne sont plus à l’écoute de la Parole permettant de bâtir sur le roc ? Ils tentent d’entrer en résonance avec la matière du monde, oubliant Celui qui l’a créée et qui vient nous sauver.

Ces questions d’ordre pastoral, mais aussi liturgique, sont de plus en plus prégnantes, tant se multiplie ce type de pratiques. Il grand temps que l’épiscopat exerce une autorité légitime, claire et déterminée. Notre bienveillance molle, mais débordée, n’est pas une réponse adaptée.

« Ainsi, celui qui entend les paroles que je dis là et les met en pratique est comparable à un homme prévoyant qui a construit sa maison sur le roc. La pluie est tombée, les torrents ont dévalé, les vents ont soufflé et se sont abattus sur cette maison ; la maison ne s’est pas écroulée, car elle était fondée sur le roc.

Et celui qui entend de moi ces paroles sans les mettre en pratique est comparable à un homme insensé qui a construit sa maison sur le sable. La pluie est tombée, les torrents ont dévalé, les vents ont soufflé, ils sont venus battre cette maison ; la maison s’est écroulée, et son écroulement a été complet. » (Mt 7, 24-27).

Celui qui écoute comme Simon (de la racine hébraïque shema)devient Pierre quand il met en pratique ce qu’il a entendu des paroles du Seigneur.

La première lettre de saint Pierre nous donne l’objectif spirituel :

« Rejetez donc toute méchanceté, toute ruse, les hypocrisies, les jalousies et toutes les médisances ; comme des enfants nouveau-nés, soyez avides du lait non dénaturé de la Parole qui vous fera grandir pour arriver au salut, puisque vous avez goûté combien le Seigneur est bon. Approchez-vous de lui : il est la pierre vivante rejetée par les hommes, mais choisie et précieuse devant Dieu. Vous aussi, comme pierres vivantes, entrez dans la construction de la demeure spirituelle, pour devenir le sacerdoce saint et présenter des sacrifices spirituels, agréables à Dieu, par Jésus Christ. » (1 P 2, 1-5).


Notes

0 Rabelais, œuvres complètes adaptées au français moderne par Maurice Rat, volume 1, p. 33, 34. Ed Union latine d’éditions.

1 https://www.cairn.info/revue-allemagne-d-aujourd-hui-2018-2-page-45.html.

Article Hildegarde de Bingen et sa médecine – Réflexions sur un engouement Benoît Pivert.

Nous recommandons cet article particulièrement bien documenté.

2 Gottfried Hertzka, médecin autrichien (1913-1997), étudia la médecine à Vienne. Puisant dans la Physica et le Causae et Curae d’Hildegarde, après une trentaine d’années de pratique, il écrit : So heilt Gott. Die Medizin der heiligen Hildegard von Bingen als neues Naturheilverfahren traduit en français, …voilà comment DIEU guérit, Hauteville (Suisse), éditions du Parvis.

3 Wighard Strehlow, né en 1939, chimiste lui succéda. Il multiplia les publications inspirées par sa lecture des écrits médicaux d’Hildegarde, revisités par Hertzka . Die klassische Hildegard-Heilkunde – Das Gesundheitsprogramm, paraît en 2001-2002, en six volumes !

4 https://booknode.com/auteur/sophie-macheteau

5 http://sosdiscernement.org/e-books/sosd_15_fbrune.pdf. Une étude très documentée sur le Père Brune.

6 Halos énergétiques censés entourer les êtres vivants.

7 Cécile Thibert, Lithothérapie, la grande arnaque des pierres « guérisseuses » https://sante.lefigaro.fr/article/la-lithotherapie-ou-la-grande-arnaque-des-pierres-guerisseuses/

8 Jean-François Dufayard, La lithothérapie. Le minéral au service du médical ? https://www.zetetique.fr/wp-content/uploads/2018/02/Lithotherapie.pdf

9 https://sosdiscernement.org/f/feng-shui/

10 https://sosdiscernement.org/h/hypnose/

11 https://web.archive.org/web/20081204012511/http://www.prismeshebdo.com/prismeshebdo/article-lirexpress-imprim.php3?id_article=220

12https://www.afis.org/Geobiologie-de-l-habitat-un-simulacre-de-science

13 http://www.landspurg.com/

14 https://www.afis.org/Geobiologie-de-l-habitat-un-simulacre-de-science

15 https://www.coach-bien-etre.net/stage-soin-energetique-marie-madeleine-sainte-baume.php

16 Dans la mythologie grecque, le chtonien correspond aux divinités infernales ou telluriques, souterraines.

Dans l’Ancien Testament, le peuple hébreu a dû se séparer de ses cultes idolâtriques envers des dieux chtoniens pour suivre le Dieu unique, Yahvé. Cependant le peuple chuta bien des fois, revenant à ses anciennes croyances. Dieu, fidèle à son peuple sans cesse le remit sur le droit chemin.

Une étude sur la physiologie du serpent donne quelques clés à ce sujet, https://sosdiscernement.org/physiologie-du-serpent/

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