par Vicente Jara. Texte original en espagnol : https://www.oropel.org/lo-que-un-mandala-comunica/1646/. Traduction D. Auzenet, avec DeepL
Faire des mandalas et les colorier, que ce soit sur le sol ou sur un autre support comme le papier ou autres, c’est disposer le candidat ou le disciple qui les génère à la souffrance de ce qu’une telle tâche implique : apprendre à voir la souffrance dans sa propre vie, ce qui est la clé du bouddhisme, mais aussi de l’hindouisme.
Les mandalas sont des figures typiquement hindoues et bouddhistes. Ils ont une signification spirituelle liée à ces traditions religieuses et, pour cette raison, il n’est pas judicieux de les utiliser en dehors de leur contexte. Pour les personnes d’autres confessions, les construire ou les recréer implique des coûts spirituels et le risque de tomber dans le syncrétisme ou le relativisme religieux. Il n’est donc pas approprié de les utiliser dans le christianisme, surtout lorsque Jésus-Christ a dépassé la signification de ces figures.
Qu’est-ce qu’un mandala ?
Les mandalas sont des représentations figuratives spirituelles. Ils appartiennent surtout à la tradition hindoue et bouddhiste. Ce ne sont pas des représentations abstraites ou symboliques neutres, mais elles ont un arrière-plan spirituel. Ils représentent la totalité de la réalité. Un mandala est un fragment du microcosme qui veut embrasser et montrer la totalité du macrocosme, l’ensemble de la réalité. C’est un échantillon de l’ordre de l’univers, de l’ordre cosmique.
Bien que sa source soit la tradition hindoue, elle est également passée de là au bouddhisme. Il existe des variations entre les deux religions en termes de configuration du mandala, très figuratif dans certaines branches du bouddhisme, comme le bouddhisme tibétain.
Les mandalas sont représentés par des dessins. Pour les dessiner, on commence par dessiner les formes linéaires de manière concentrique, puis on les colorie ou on les remplit de couleur. Ces dessins ou figures ont leurs propres formes, présentant une forte symétrie haut-bas et droite-gauche, généralement circulaire, cercle après cercle ; également de forme quadrangulaire, avec inscription des deux polygones, bien que ces figures aient conduit à inscrire des formes plus géométriques et des mélanges entre de nombreuses formes différentes, rendant la structure de base initiale plus complexe.
Les mandalas sont également divisés ou subdivisés, et conduisent à exprimer des aspects figuratifs et spirituels dans différentes parties du mandala, parfois des animaux, des figures de Bouddha ou des dieux hindous. Le mandala, cependant, conserve toujours une cohérence géométrique qui, de l’intérieur vers l’extérieur, perpétue l’ordre symétrique, malgré l’entrelacement des lignes et des figures. En bref, un mandala contient en lui-même la totalité du Tout. Il s’agit d’une représentation du monde dans son ensemble.
Certes, dans une multitude de cultures, nous avons des figures aux formes englobantes, qu’elles soient circulaires (c’est le sens de « mandala », cercle), ou quadrangulaires, même au sein du christianisme, avec la fameuse mandorle de Dieu le Père, qui est le Créateur de toute la réalité, bien que nous ne puissions pas tomber dans la similitude syncrétique entre toutes les cultures et religions.
Il est clair que les figures de base de la géométrie sont connues dans de nombreuses cultures et qu’on leur a donné une signification différente ; et il est normal pour toute culture de regarder le ciel et de voir le cercle dans le Soleil ou la Lune (pour beaucoup de cultures païennes une représentation des dieux), et donc le cercle, ou le carré, comme structure de base, ou le triangle ; nous les trouvons dans toutes sortes de temples ou de religions et de cultures, mais la signification dépend de la religiosité ou de la spiritualité elle-même, donc nous ne pouvons pas amalgamer ou confondre les figures, surtout quand beaucoup d’entre elles présentent des éléments d’un courant spirituel spécifique.
Et les mandalas sont religieusement des cercles, c’est-à-dire la roue des réincarnations qui ne cesse de tourner, et c’est la vie et la mort sans fin des réincarnations. Elle est à la base de l’hindouisme et du bouddhisme, et dans ses éléments, que nous allons maintenant examiner plus en détail, elle est nettement orientale. Elle n’est donc pas chrétienne, elle ne l’est pas. Attention à ne pas tomber dans les syncrétismes et les mélanges relativistes.
Comment fait-on un mandala ?
Nous allons l’expliquer dans son sens le plus profond, un sens spirituel hindou et bouddhiste, afin que soit clair pour nous ce qu’il est et ce qu’est son exécution. Faire des mandalas et les colorier, que ce soit sur le sol ou sur un autre support comme le papier ou autre, c’est disposer le candidat ou le disciple qui les génère à la souffrance de ce qu’une telle tâche implique : apprendre à voir la souffrance dans sa propre vie, une clé du bouddhisme, mais aussi de l’hindouisme.
Le créateur du mandala utilise des couleurs, des peintures, ou bien il utilise des cailloux ou du sable coloré qu’il place dans l’entrelacs des lignes, des petits grains de sable coloré, parfois en utilisant des fils ou des pétales de différents tons et couleurs, et il va souffrir en faisant le mandala, qui va grandir de l’intérieur vers l’extérieur. Celui qui n’est pas initié à son exécution n’atteindra pas le but aussi facilement qu’il l’a imaginé et devra subir le lourd accomplissement de l’atteinte du but. Un mandala compliqué dans ses lignes, ses subdivisions de subdivisions, ses couleurs variées, ses symétries et ses détails prend beaucoup de temps. Le disciple apprend à être patient, à se concentrer, à être passif face à la souffrance.
Sa réalisation conduira à l’apprentissage, de la part de l’adepte hindou ou bouddhiste, de la lourde tâche de la vie, de la formation de l’univers en tant que réalité ordonnée et circulaire, de réincarnations, de mort et de vie continue, d’échec et de commencement. C’est d’autant plus vrai lorsque le mandala est parfois réalisé dans une zone où le vent peut souffler et que le mandala doit être recommencé depuis le début, lorsque tout devient désordonné et que le matériau de remplissage s’envole ou se répand sur la peinture, ou est emporté par le vent ; ou que les grains de couleur sont emportés par le vent à certains endroits et détruisent même d’autres parties du mandala par leur traînée.
Le mandala conduit à la souffrance et à l’apprentissage de la souffrance. Il est très difficile de le terminer. C’est la vie et la souffrance de la vie, la souffrance que l’hindou essaie de surmonter par l’ascèse, la dureté d’esprit et la concentration, ou que le bouddhiste essaie d’apaiser en ne ressentant rien, en faisant taire ses sens, en ne souffrant pas.
Si le mandala est terminé, il ne doit être montré à personne, il ne doit pas faire l’objet de publicité, il ne doit pas être vanté et encore moins rappelé, du moins dans les traditions les plus puristes ; le disciple bouddhiste ne doit pas se réjouir, il ne doit pas ressentir ce qu’il doit taire, mais il doit à cet instant et après un instant où il le regarde, afin de s’approcher du Tout, le détruire.
Un simple geste suffit, peut-être avec le pied, ou un souffle, avec un coup sec, comme un signe de la continuité entre mort et vie, selon la spiritualité bouddhiste et aussi hindoue. Et avec cela, ne pas souffrir parce que personne ne l’a contemplé et personne ne peut le féliciter de l’avoir réalisé. Faire taire les sentiments, dominer les passions.
C’est le mandala, et c’est la religiosité de base de l’Orient dans l’hindouisme et le bouddhisme. L’ascèse consistant à ne pas avoir de mauvaises pensées qui produisent du karma et vous contraignent à une réincarnation sans fin. La grande ascèse hindoue de la mort encore et encore. Vivre la vie et la mort de manière ascétique et contemplative.
C’est l’Orient. C’est le mandala. Nous ne pouvons pas simplement introduire des éléments orientaux dans le christianisme. Non. Fais attention. En Orient et dans ses religions, chaque geste, chaque rituel, chaque élément est imprégné de religiosité. Cela définit en partie l’Orient et sa spiritualité. Le divin imprègne tout et rien n’est neutre, vidé de son sens religieux. C’est pourquoi, en Occident, nous devons être prudents, et surtout les catholiques, les chrétiens, doivent être prudents lorsqu’ils prennent des choses de l’Orient. La même chose se produit avec le yoga, avec les pratiques de méditation orientales, qui sont tellement à la mode dans les cultures chrétiennes.
Les mandalas apprennent au praticien à ordonner le chaos intérieur de la personne qui les réalise. Ils enseignent comment voir le monde : le mandala est détruit, le monde est détruit, mais il est reconstruit. C’est pourquoi, en Orient, il n’y a pas ce sentiment de progrès que nous avons dans la culture chrétienne, d’avancement, linéaire, vers le Christ et la plénitude en Lui de toute la Création. L’Orient considère la mort comme une phase normale qui conduira à de nouvelles renaissances. Et de là à mourir à nouveau. L’Orient tourne en rond sans avancer. Il ne sort pas de sa roue de mort et de vie. Il ne reste que l’ascèse pour endurer (hindouisme) ou ne pas ressentir pour ne pas souffrir (bouddhisme).
Les mandalas sont différents les uns des autres, ils ne sont pas destinés à être copiés les uns sur les autres. Le mandala exprime ainsi la diversité du cosmos et l’impossibilité pour deux esprits différents de se contempler de la même manière. Chaque personne voit un mandala différent ou crée un mandala différent, et à un autre moment, on génère soi-même un mandala différent, car la réalité est changeante et ne peut être saisie. Tout passe, rien ne reste. C’est l’aphorisme de l’impermanence. L’être n’existe pas, c’est le néant. Rien n’a de valeur. Le tout est rien et le rien est tout.
Il existe un film de Martin Scorsese, « Kundun », de 1997, sur l’exil du Dalaï Lama suite à l’invasion communiste du Tibet. Il exprime très bien ce qu’est un mandala.
Les mandalas dans les écoles
Un aspect qu’il convient de mentionner est que les mandalas entrent dans les écoles des pays de culture chrétienne, également dans les écoles religieuses, à l’insu des directeurs, des éducateurs, des congrégations religieuses qui les gèrent, également des centres diocésains, ou des différents charismes catholiques qui ont des écoles.
Comment cela est-il arrivé ? Dans le milieu scolaire, la vente de cahiers dans lesquels les enfants peuvent peindre est devenue monnaie courante. Ils remplacent les carnets précédents de figures à peindre, parfois un oiseau coloré de l’Amazonie, un garçon sur un cheval, ou un jardin et une fille donnant quelques morceaux de pain à des canetons ou des poussins. Ce sont les livres de coloriage pour peindre les personnages avec les bonnes couleurs. Les carnets de peinture d’une vie. Ou du moins ceux d’il y a quelques générations. Aujourd’hui, dans les librairies et les papeteries, on vend des figures de mandala, des cahiers de mandala, pour que les enfants puissent peindre et remplir de couleurs chaque section et subdivision.
Ils sont vendus comme des carnets créatifs, relaxants, comme un objet à contempler en peignant, qui pourtant, comme nous l’avons dit, contiennent un fond spirituel bouddhiste ou hindou, oriental. Ou encore avec des connotations New Age et syncrétiques : thérapies par les couleurs, guérison spirituelle, archétypes, éléments pseudo-magiques de pseudo-guérison avec les énergies des couleurs et des formes géométriques New Age,…
Que pouvons-nous dire à partir du christianisme ?
Rappelons que les mandalas sont imprégnés d’orientalisme. Et même s’ils entrent sans références directes à ces religions, comme de simples dessins, le fait que les enfants s’y habituent sans le savoir et sans la concession et la permission de leurs parents est une porte ouverte au fait que dans le futur ces enfants, devenus adultes, en voyant des mandalas bouddhistes et hindous et en connaissant leurs significations, prendront conscience que c’est ce qu’ils ont peint dans leur enfance sans le savoir.
Il est donc important de savoir ce qui entre dans les centres chrétiens. Et ce que font les enfants. Nous devons respecter la foi de chaque religion, et ne pas tomber dans les amalgames. Ce serait une très bonne idée dans les écoles religieuses chrétiennes de reprendre les cahiers d’antan, ou de peindre des cartes de Noël ou des scènes catholiques ou bibliques. Et dans les écoles bouddhistes ou orientales, ils pourraient peindre des mandalas. Pour une simple cohérence religieuse et éducative.
D’autre part, il faut dire que les mandalas ne sont pas mauvais en tant que figures et couleurs, ils n’éloignent pas de Dieu, mais ils font partie de la religion hindoue ou bouddhiste, des religions qui essaient d’atteindre Dieu, à partir de leurs propres moyens et croyances. Expliquons cet aspect en citant Vatican II dans sa déclaration « Nostra Aetate » sur les religions non chrétiennes, comme une réflexion du christianisme sur ces spiritualités orientales :
« Dans l’hindouisme, les hommes étudient le mystère divin et l’expriment par la fécondité inépuisable des mythes et par les efforts pénétrants de la philosophie, et cherchent à se délivrer des angoisses de notre condition par les modes de la vie ascétique, par la méditation profonde, ou bien en cherchant refuge en Dieu avec amour et confiance. Le bouddhisme, sous ses diverses formes, reconnaît l’insuffisance radicale de ce monde changeant et enseigne la voie par laquelle les hommes, dans un esprit de dévotion et de confiance, peuvent acquérir l’état de libération parfaite ou d’illumination suprême, par leurs propres efforts soutenus par une aide supérieure. […] L’Église catholique ne rejette rien de ce qui est saint et vrai dans ces religions. Elle considère avec un respect sincère les manières d’agir et de vivre, les préceptes et les doctrines qui, même s’ils diffèrent à bien des égards de ce qu’elle professe et enseigne, reflètent souvent une lueur de cette Vérité qui éclaire tous les hommes. Elle proclame et a l’obligation de proclamer constamment le Christ ».
Bibliographie
— Film « Kundun ». Martin Scorsese. 1997.
— Déclaration « Nostra Aetate ». Sur les relations de l’Église avec les religions non chrétiennes. Concile Vatican II. 1965.
– Déclaration « Dominus Iesus ». Sur l’unicité et l’universalité salvatrice de Jésus-Christ et de l’Église. Congrégation pour la Doctrine de la Foi. 2000.