Gnose, foi, et psychologie

Dans un commencement Dieu a créé le monde visible et invisible par sa Parole.

« Et Il vit que cela était bon. » Gn 1

« Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il les créa, homme et femme il les créa. » Gn 1,27.

« Et il vit que cela était très bon. » Gn 1, 31.

Tous les mots de la Genèse comptent, or chacun de ces mots est contesté par la gnose et les gnostiques.

Commencement, Bereshit en hébreu, Dieu crée le monde ex nihilo c’est-à-dire à partir de rien. Les gnoses donnent d’autres explications et contestent cette création de Dieu.

Dieu a créé. Les gnostiques disent que ce n’est pas Dieu qui a créé le monde, mais un démiurge indifférencié qui l’a organisé.

Par sa Parole. Pour la Bible, la Parole de Dieu est créatrice, à l’origine de toute création, et salvatrice en Jésus-Christ. Cette conception est contestée et même combattue par les gnostiques.

Homme et femme créés à l’image et à la ressemblance de Dieu.

Cela est bon. Pour eux la création n’est pas bonne, elle est la conséquence de la chute de l’esprit dans la matière

Et le serpent arrive. « Le plus rusé de tous les animaux des champs» Gn 3,1.

« Alors il dit à la femme. »

Avec qui voulons-nous engager le dialogue ?

Ce dialogue est fait de subtilités, qu’il s’agit de détecter dès le début. Le serpent est maître en subtilité mensongère, il fait dire à Dieu :

« Alors Dieu a dit : vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin ? » Gn 3, 1.

Dieu en réalité avait dit : « Tu peux manger de tous les arbres du jardin. Mais de l’arbre de la connaissance du bien et du mal tu ne mangeras pas, car le jour où tu en mangeras, tu mourras. » Gn 2,16.

La femme répondit au serpent. Et là est le drame, il ne faut pas écouter le serpent et il faut encore moins lui répondre, car il est le maître de l’embrouille.

« Nous pouvons manger du fruit des arbres du jardin. Mais du fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit, vous n’en mangerez pas, vous n’y toucherez pas, sous peine de mort. » Gn 3, 2.

La femme ajoute à l’interdiction une chose que Dieu n’a pas dite et commet une distorsion concernant le fruit. Elle ajoute à l’interdit de ne pas en manger, celui de ne pas le toucher. Elle est subtilement en train de commencer à justifier la transgression.

Alors le serpent se précipite dans cette faille. Le serpent aime les failles ; il passe sa vie à chercher la faille, et dès qu’il en trouve une il se précipite et y entre tout entier.

« Le serpent répliqua à la femme : Pas du tout ! Vous ne mourrez pas ! Mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme des dieux, qui connaissent le bien et le mal. » Gn 3, 4.

La connaissance, la gnose révélée par le serpent, traverse l’histoire des hommes ; ici commence le grand combat de la gnose et de la Foi.

Nous retrouverons ce combat aux moments clés de l’histoire biblique. C’est le combat entre Moïse et pharaon et ses mages, Élie et les initiés du culte de Baal…

Dans les tentations du Christ au désert ce combat est à son comble ; il aboutira à l’ultime combat sur la croix, scandale pour les juifs et folie pour les païens.

Dans les actes des Apôtres avec Simon le magicien, les apôtres auront à discerner et exercer un choix radical.

Simon le magicien. Actes 8, 9-24.

« Il exerçait, la magie et jetait le peuple de Samarie dans l’émerveillement. Il se disait quelqu’un de grand, et tous, du plus petit jusqu’au plus grand s’attachaient à lui. « Cet homme est la Puissance de Dieu, celle qu’on appelle la grande ». Ils s’attachaient donc à lui, parce qu’il y avait longtemps qu’il les tenait émerveillés par ses sortilèges. » Mais ces hommes ont cru aussi à Philippe et à la Bonne nouvelle qu’il leur annonçait, et se sont fait baptiser. Simon se fait baptiser lui-même et reste avec Philippe, émerveillé des signes et des miracles qui s’opéraient sous ses yeux.

Pierre et Jean arrivent en Samarie, ayant appris l’abondance des conversions, pour imposer les mains à ces hommes et ces femmes pour qu’ils reçoivent l’Esprit-Saint. Et Simon le magicien veut recevoir lui-même ce pouvoir d’imposer les mains en proposant de l’argent.

Mais Pierre lui répliqua : « Périsse ton argent, et toi avec lui, puisque tu as cru acheter le don de Dieu à prix d’argent !… Ton cœur n’est pas droit devant Dieu, car tu es, je le vois, dans l’amertume du fiel et les liens de l’iniquité. »

Acheter ce qui est spirituel, c’est-à-dire ce cadeau d’amitié d’une juste et vraie relation à Dieu, croire que cette relation est monnayable donnera le mot simonisme.

Simon le magicien, nous en savons la doctrine par les gnostiques et les Pères de l’Église qui en ont parlé, particulièrement saint Irénée de Lyon[1], disciple de Polycarpe, disciple de l’apôtre saint Jean.

Simon le magicien place un principe universel qui est une sorte de feu spirituel. Ce feu spirituel se manifeste à l’extérieur en donnant naissance, par émanation, à des esprits appelés éons. Cette notion d’éons est courante dans le monde antique. Il y a des convergences entre cette notion et les sephiroth que l’on retrouve dans la Kabbale juive.

Ces éons procèdent deux par deux, un mâle et une femelle, formant une syzygie qui est une sorte d’androgyne angélique. On retrouve là, la vieille légende gnostique qui donne naissance à l’homme et à la femme. L’initié sera celui qui aura su réintégrer ses dimensions masculines et féminines en vivant toutes les expériences possibles. L’androgynie serait la fin vers laquelle nous tendons, puisque nous en sommes issus. Pour la gnose, le péché originel est un péché d’ignorance, nous ignorons que nous sommes issus de cet hermaphrodisme.

Face à cette ignorance primordiale, la gnose permettrait par voie initiatique d’expérimenter et de saisir les mystères de la vie en intégrant les contraires, la dualité hommes-femmes au-delà de notions de bien et de mal.

Simon fut aidé dans sa prédication par sa compagne Hélène, une prostituée qui avait des dons de prophétie. La doctrine de Simon le magicien est un mélange d’Écriture Sainte, de textes de la première Église naissante, et de théories philosophiques d’initiés aux mystères antiques comme Platon et Philon. Ainsi sa doctrine complétait sa magie. Sa connaissance est gnostique, intuitive, spéculative. Cette connaissance ne vient pas de Dieu, mais du voisin du dessous, du serpent, de Satan qui se met en travers et fait obstacle dans la relation entre Dieu et l’homme…

Nous retrouvons trois éléments fondamentaux dans cette gnose :

– Un principe universel indifférencié qui va en se dégradant par émanation jusqu’à la création de la matière.

– Un démiurge comme organisateur de la matière, très proche du grand horloger de Voltaire ou du grand architecte de la franc-maçonnerie.

– La contemplation mystique selon ces présupposés, réservée aux initiés comme source de toute connaissance.

C’est en Samarie que l’on rencontre le premier foyer gnostique après Jésus-Christ. C’est en Samarie que l’on fait connaissance avec son premier successeur Ménandre.

Ménandre eut deux disciples : Saturnin qui fonda une école gnostique à Antioche, et Basilide à l’origine de la gnose à Alexandrie.

Saturnin opposera le Dieu de l’Ancien Testament et le Dieu de Jésus-Christ. Théorie qui fut reprise par Marcion que les Pères de l’Église condamneront comme hérétique. Marcion osa dire devant saint Polycarpe évêque de Smyrne, disciple de saint Jean : « Me connaissez-vous ? »

Quand à Basilide, il fit usage du docétisme, autre hérésie qui prétendait que Jésus ne s’était jamais incarné, qu’il s’était manifesté en apparence mais pas en réalité.

Cela donnera naissance au valentinisme de l’école d’Alexandrie. Valentin était d’une grande culture synthétisant les théories gnostiques et la philosophie néoplatonicienne, le christianisme le plus orthodoxe et les doctrines païennes de l’ancienne Égypte (ancienne Égypte très appréciée des lecteurs de l’auteur franc-maçon Christian Jack.)

Dans ce monde filandreux de la gnose, certains écrits étaient censés être composés par Zoroastre, le fondateur du mazdéisme en Perse. (Ainsi parlait Zarathoustra de Nietzche ; Steiner s’en empare aussi et construit son anthroposophie et sa science de l’occulte à partir de ces mythes.)

D’autres écrits étaient censés être écrit par Manès qui a donné son nom au manichéisme avec un monde tout en dualité. On retrouvera cela chez les Cathares remis à la mode aujourd’hui. Les Cathares qui opposent la matière mauvaise et exaltent le spirituel.

D’autres écrits viendraient d’Orphée et de son mythe du légendaire Hermès Trismégiste antique sage d’Égypte d’où vient le nom d’hermétisme.

Ces doctrines imprègnent les Évangiles apocryphes de Thomas, Philippe, Judas… Il y a aussi des épîtres et mêmes des apocalypses gnostiques, d’Adam, d’Abraham, d’Élie. Nous sommes noyés dans ces écrits dans un univers merveilleux, mais désincarné. Les Évangiles contrastent par leur simplicité et leur proximité avec la vie concrète des hommes.

La première Église eut à lutter pied à pied contre ces doctrines gnostiques que l’on voit réapparaître aujourd’hui. Il y eut de grands intellectuels dans l’école néoplatonicienne qui influenceront saint Augustin avant qu’il ne se convertisse. Plotin, Porphyre Jamblus, Proclus ne voulaient pas qu’on les confonde avec les gnostiques. Ces gnostiques, surtout issus des gens du peuple qui croyaient à la magie et à l’astrologie. Et pourtant pour résumer, ils sont syncrétistes, panthéistes, immanentistes, mystiques.

En 313, l’empereur Constantin accorde la liberté à l’Église ; le dogme catholique, après bien des combats, s’impose. Le Christ est vrai Dieu et vrai homme. Le Salut nous vient de Jésus-Christ, mort et ressuscité.

Ainsi nous pouvons dire que la Gnose est la mère de toutes les hérésies

La gnose moderne opère exactement comme l’ancienne. Elle ne combat pas l’Église de front. Elle ne désire pas son abolition. Elle veut plus intelligemment se la subordonner. Elle travaille à une synthèse du christianisme et de toutes les religions, même les plus contradictoires pour aboutir à une religion universelle.

La gnose se présente donc comme une science, la science des choses divines ou secrètes. Le gnostique ne contemple pas les mystères de la Foi, il prétend élucider le mystère divin par une connaissance intuitive. Pour un chrétien avisé la gnose est un christianisme inversé. Pour la gnose, il y a un niveau superficiel exotérique, forme publique et officielle des religions, le niveau le plus profond réservé aux seuls initiés est ésotérique. Ce niveau se rattacherait à une tradition primordiale transcendant tous les particularismes.

Pour le chrétien, il y a un mystère d’en haut qui se révèle en Jésus-Christ mort et ressuscité, il est la Voie, la Vérité et la Vie. Les mystères d’en bas sont réservés aux initiés, qui acceptent de recevoir d’en bas la connaissance du mystère du monde. Les hérétiques ne refusent pas tous les énoncés de la Foi catholique, mais seulement tel ou tel point. Ainsi Arius refuse la divinité du Christ. Pélage conteste la nécessité de la grâce et prétend que l’homme peut se sauver par ses moyens naturels.

Tout au long de l’histoire la gnose réapparaîtra sous une forme ou sous une autre, elle inspirera les théosophes, les rose-croix, les francs-maçons. Au XIXe siècle le mage Papus, et de nombreux autres, puiseront dans ces doctrines gnostiques, ainsi que la théosophie mère du New-Age contemporain…

Gnose psychologie et spiritualité

La Psychologie comme religion

Le selfisme (de self, Soi en anglais) s’inspire de la pensée positive.

Ainsi le moi humain est divin et donc capable de tous les possibles. Il s’agit alors de développer toutes ses potentialités, toutes ses capacités, en n’étant référent qu’à soi-même.

L’éducation des jeunes américains est imprégnée dès l’école primaire jusqu’aux grandes universités par cette idéologie néognostique.

D’autre part une néognose imprègne tout le système universitaire européen. Ainsi, à Budapest, il y a l’université Comenius, d’ailleurs jumelée avec la Catho d’Angers. Ce nom n’a pas été choisi au hasard ; Comenius est d’origine tchèque (1592-1670), il fut humaniste et pédagogue, maniant beaucoup de langues européennes. Il était Rose-Croix et gnostique. On retrouve son nom cité dans Harry Potter. Son ouvrage majeur, jamais publié, s’appelle « Pansophia », c’est-à-dire toute la sagesse, prétention de connaître tout de la sagesse, sans l’aide de la Révélation.

Jung

Psychiatre suisse (1875-1961). Il faut savoir que Jung s’inscrit dans le courant théosophe. Anselm Grün, moine bénédictin se recommande dans presque tous ses livres de Jung.

Jung a élaboré la notion d’inconscient collectif et ne rechigne pas à parler de Dieu en des termes positifs contrairement à Freud. Un certain nombre de chrétiens prennent appui sur son œuvre. Mais le Dieu de Jung est le dieu des théosophes et des gnostiques. En effet le Dieu de Jung est assimilable au Soi. Ce Soi est différent du moi superficiel appelé égo, dont il faut se débarrasser. Ce Soi serait le centre d’une personnalité psychique totale, illimitée, universelle et finalement indéfinissable car incluant tous les possibles. Ce Soi est le symbole du Christ. Le Christ devient le symbole de la divinité du Soi de l’homme, comme d’ailleurs Bouddha pourrait l’être également. Nous sommes loin du Christ vrai Dieu dans sa transcendance et vrai homme dans son humanité, défini par les Pères de l’Église à la suite des Évangiles.

Il n’y a dit Jung, qu’une humanité dotée d’uns seule âme. Nous sommes là en plein panthéisme. Pour les gnostiques, comme pour la Kabbale juive, les âmes humaines sont des étincelles divines tombées du ciel après une chute catastrophique dans les corps. L’âme aspire alors à un retour au divin. Cette idée, nous l’avons vu, s’oppose à celle proposée dans la Bible où la création est belle ; l’homme et la femme image et ressemblance de Dieu sont très beaux, mais le serpent initiateur entraîne la chute dans le péché. Pour un chrétien ce retour à Dieu ne s’opère que par la grâce d’un Dieu créateur et Sauveur qui se risque en une kénose, un abaissement, en Jésus-Christ, dans notre humanité et plus bas encore puisqu’il est descendu aux enfers. Le retour de l’homme vers Dieu, ne s’effectue pas par initiation, par gnose, par connaissances des mystères cachés, mais par le baptême, les sacrements, la lecture savoureuse et la Parole de Dieu et l’authenticité d’une vie fraternelle. Notre corps n’est pas un tombeau comme pouvaient le dire les gnostiques mais le Temple de l’Esprit-Saint.

Jung ajoute que les étincelles divines sont des parcelles d’une unique âme universelle. D’où l’idée d’un inconscient collectif. Cette âme universelle assimilée à Dieu prend conscience d’elle-même grâce aux hommes qui ont accès à cette connaissance suprême.

Pour Jung, l’expression de la perfection ou de la Totalité, c’est le carré, la Tétrade, la trinité divine est en réalité pour lui, une réalité inachevée. Il faut y ajouter le mal ou Satan pour atteindre la perfection de l’essence divine.

Le mal est en Dieu, Dieu et le Soi sont identiques. La quadriplité, Trinité plus démon, est appelé par Jung Abraxas (nom donné par une secte satanique nommée dans le procès du pédophile Dutroux). En Dieu comme en l’homme, il y a une part d’ombre, que le Soi bien réalisé a intégré.

Nous retrouvons cela dans la psychologie de l’Ennéagramme avec ces 9 types et la part compulsive ou part d’ombre qui lui est attaché. Jung, comme l’ennéagramme et bien des psychologues qui se réclament de cette approche, ne font pas clairement de différence entre la réalité d’un complexe psychologique et la réalité du péché. Jung aboutit à une sacralisation de cette psychologie qui englobe tout dans le Soi et à une psychologisation du christianisme.

Jung comme Gurdjieff, fondateur de l’ennéagramme, exalte et déifie l’exacerbation des sens, justifiant ainsi leurs comportements amoraux et débauchés. Nous assistons à la déification de l’homme, mais aussi la déification de Lucifer comme étant l’ultime garant de la connaissance à atteindre. Le démon, en imitant Dieu, propose une divinisation en raccourci, en faisant fi de l’incarnation.

« Mais Dieu sait que le jour où vous mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme des dieux qui connaissent le bien et le mal. » Gn 3. La divinisation par l’expérience sans limite morale de tous les possibles de la nature remplace la déification par la grâce. Jung aura beaucoup influencé le New-Age. La libération de la souffrance et de la faiblesse humaine, le développement de tout notre potentiel conduiraient selon cette vision à un contact accru avec notre divinité intérieure. « Vous serez comme des dieux ». Gn 3.

Anselm Grün

Il est pour le moins surprenant qu’Anselm Grün reprenne les thèses gnostiques de Jung. « Le manque de totalité crée l’ombre » répète Grün. Le problème essentiel de l’homme c’est l’intégration de l’ombre, c’est-à-dire le travail de l’inconscient.

Alors on aboutit à cette évidence : Soignez-vous au lieu de vous convertir ! L’élimination du refoulement des pulsions de Freud correspond à l’intégration de l’ombre chez Jung. Ainsi cette psychologisation des confins de l’âme a pour résultat une conversion à la religion de la gnose.

Le message gnostique de la théosophie de Jung reprise par Anselm Grün a pour conséquence de psychologiser la spiritualité et de remplacer la religion par une psychothérapie qui devient une forme d’initiation. Nous retrouvons cette même tendance chez Annick de Souzenelle.

Ainsi vous devez vous soigner à tout prix, (c’est souvent le cas de le dire). Ce que vous appelez mal ou le péché est en réalité une maladie de la profondeur de votre par d’ombre ou d’inconscient. La notion même de péché disparaît, ainsi s’efface de la conscience morale la notion du bien et du mal. Le Soi permettant d’assumer le bien et le mal, de se situer par conséquent au-delà du bien et du mal. L’homme qui a éliminé le dualisme illusoire du bien et mal se situe au-delà, et par conséquent devient plus doux et plus tolérant. Mais cette douceur et cette tolérance se traduisent par une totale indifférence morale et une tiédeur religieuse accomplie. Tout se vaut tout s’équivaut. C’est la Religion universelle qui se situe au-delà des particularismes générant les conflits. Pour avoir la paix, selon cette vision, voilà ce qu’il convient de provoquer.

Le péché ne se réduit pas, dans l’héritage chrétien, à une maladie. Le péché appartient au mystère du mal, à notre volonté d’y consentir ou de le rejeter. Un mal dont le Christ nous délivre. Il faut respecter et distinguer les domaines, même s’il n’y pas d’étanchéité. Le mouvement spirituel du chrétien consiste à sortir à la recherche du bien-aimé, à sortir de nos conforts et sécurités matérielles, de nos pouvoirs et de nos avoirs, de nos savoirs idéologiques, pour mieux nous connaître nous-mêmes, grâce à la vie du Christ en notre vie. Le père des croyants Abraham reçut cette invitation de Dieu « lech lecha » qui veut dire simultanément : va vers toi-même et va au loin. La thérapie de Jung est essentiellement un mouvement qui se tourne vers l’intérieur, à la recherche d’une enstase à la différence de l’extase des mystiques chrétiens qui sont attirés en dehors d’eux-mêmes à la rencontre du Bien-Aimé.

Grün assimile le langage de Jung, qui parle de la lutte des Pères du désert contre les démons. Mais pour eux cette lutte est d’ordre symbolique, c’est une manière à eux de parler de l’inconscient, disent-ils. Ainsi : « les énergies démoniaques ne sont pas mauvaises par nature. » écrit Grün dans « Aux prises avec le mal ». Les énergies démoniaques sont assimilées ici au refoulement de l’ombre. C’est une confusion entre psychologie de l’inconscient et combat spirituel. En réalité il ne s’agit que de l’exaltation de la psychologie et de l’abaissement de la spiritualité. C’est le remplacement de la Foi par la gnose.

Quelques citations

« Ne vous fiez pas à tout esprit, mais éprouvez les esprits pour voir s’ils viennent de Dieu, car beaucoup de faux prophètes sont venus dans le monde. » 1 Jn 4,1.

« Satan lui-même se déguise en ange de lumière ». 2 Cor. 11,14.

« Le diable est le spécialiste de la fausse mystique ». Thomas Merton.

« Chaque charisme peut être imité, chaque vision mystique peut être contrefaite. » St Jean de la Croix.

Dans ces dérives, il y a remplacement de la conscience morale, par la conscience psychologique. Il y a abandon de la dimension rationnelle-morale-légale par une spiritualité laïque qui surfe sur les modes du moment. Modes qui ne sont pas si innocentes que cela.

Le primat de l’expérience instantanée donne à l’initiation de type gnostique ou occulte les références ultimes de ce qu’il convient de réaliser. Ainsi la technique devient un rituel et la thérapie devient une initiation. L’objectif est de tendre par soi-même à une conscience cosmique en expérimentant tous les possibles au-delà de la notion du bien et du mal.

Ne soyons pas naïfs.

Spangler un des principaux idéologues du New-Age, à la suite des occultistes du 19ème siècle, ou des grands initiés rose-croix, ou maçons comme Oswald Wirth, écrivait : « Lucifer vient nous donner l’initiation luciférique… ultime… c’est-à-dire l’initiation de l’Ère nouvelle. » « Le Christ est la même force que Lucifer… Lucifer prépare à l’expérience de la christicité..»

Lucifer serait ici un agent de l’évolution intérieure de l’homme. Le courant théosophique de d’Helena Blavastky repris subtilement par Rudolph Steiner ne dit pas autre chose.

Le Christ n’est pas venu pour guérir les problèmes spirituels, psychologiques ou corporels pour notre propre épanouissement psy, spi ou somatique. Il n’a pas demandé à la belle-mère de Simon, à Zachée ou à Bartimée s’ils avaient des problèmes spi ou psy. Le Christ les a aimés, ils ont aimé le Christ, ils ont reçu son pardon et ils ont commencé à Le suivre sur la route qui même à l’oblation de soi par amour de Dieu et du prochain.

La vie spirituelle est un combat contre le péché, contre les passions qui nous tourmentent. Ce combat ne peut être gagné sans la Grâce donnée par le Christ. Il s’agit non pas de regarder en arrière et d’être transformé en statue de sel, mais d’exercer les vertus dans l’humble quotidien, de lever notre regard ou d’élever notre cœur vers Celui seul qui est notre Seigneur et notre Dieu.

Bertran Chaudet

Notes

[1] Irénée de Lyon, Contre les hérésies. Dénonciation et réfutation de la gnose au nom menteur. Les Editions du cerf, Paris, 1985. Origine du valentinisme, I, 23 et suivants, p. 106 à 134.

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