Psychospiritualité et foi catholique

La psychospiritualité a pour fondement une vision holistique de l’homme : d’emblée celui-ci est défini comme un être psychospirituel, c’est-à-dire non compartimenté en psychique et spirituel.

Un présupposé est posé en corollaire : la foi catholique est dualiste, elle a perdu de vue l’unité de l’homme que l’on trouve dans la Bible, elle sépare le psychique et le spirituel ; seule la vision holistique permettra donc à la théologie de retrouver ses racines perdues. En un mot « holistique » doit remplacer « catholique ».

I. Catholique ou holistique ?

Un changement de mot pour désigner une réalité est toujours à considérer de près. Catholique, Kat’holon veut dire « selon le tout, la totalité » : c’est le Mystère de la foi qui donne forme à l’Eglise et la structure et qui par conséquent donne sa forme propre à la lecture de l’Ecriture et à la vie chrétienne ; et donc aussi à la morale et à la mystique, à la spiritualité comme on dit couramment. « Catholique » implique la référence à une source qui nous précède. Ce principe qui rassemble organiquement le tout de la Révélation est méconnu par l’holisme.

L’holisme, en effet, est une doctrine qui considère les phénomènes comme des totalités. Ce mot a été forgé en 1926, sur le grec holos (entier) par un biologiste sud-africain. Il a donc une origine scientifique. Il qualifie la démarche par laquelle on regarde un phénomène, un objet, comme constituant un tout. L’holisme est donc une approche scientifique de l’être humain et trouve un point d’application dans le domaine médical où une spécialisation à outrance risque de faire oublier qu’un patient ne peut pas se découper en secteurs indépendants les uns des autres.

Mais la psychospiritualité, enracinée dans une démarche holistique, n’a pas seulement une connotation scientifique. Elle est un des fondements des doctrines véhiculées par le Nouvel Âge : elle est alors considérée comme « une propriété de tous les aspects de l’Aimant Cosmique. L’infinitude des manifestations de la psychospiritualité crée les mondes cosmiques ». Ceci nous plonge en plein panthéisme.

Une première question à est considérer : la présence d’une dimension holistique de l’homme dans la Bible. Il faut tout d’abord remarquer que dans une lecture catholique de l’Ecriture, largement présente chez les Pères de l’Eglise, l’esprit (nous, mens) n’est pas de l’ordre de la structure de l’homme. Il ne se rajoute pas à l’âme, au corps. L’esprit ne constitue pas une partie de l’homme : la conception trichotomique de l’homme (esprit, âme, corps) n’est pas de l’ordre de la structure, comme si nous étions faits de trois composés juxtaposés. L’esprit qualifie à la fois le psychique (psuchè, âme) et le charnel de l’homme : il les rend spirituels. Le nous est la partie de l’homme tournée vers Dieu, l’organe de la connaissance spirituelle. L’esprit n’a rien à voir avec le psychisme : il est le lieu de l’image de Dieu. Et le « connais-toi toi-même » qui a été repris par les Pères de l’Eglise n’était pas une invitation à la connaissance de sa subjectivité, mais une invitation à se reconnaître à l’image de Dieu !


II. Un holisme réducteur

La psychospiritualité veut unir la conception de l’homme que l’on trouve dans l’approche psychologique et dans l’approche spirituelle ; on veut unifier le monde intérieur de l’homme. Mais de quelle spiritualité parle-t-on ? de quelle intériorité ? Et que deviennent la vie intellectuelle ? corporelle ? la dimension morale de l’homme ? sa vie relationnelle ? Ce dernier point est d’ailleurs celui qui est le plus malmené par la psychospiritualité, car lorsqu’on regarde quelqu’un comme un tout avec doute a priori sur la valeur de son insertion familiale et sociale, on le détruit purement et simplement et on provoque de très graves ruptures.

La préoccupation holistique, qui a le mérite d’interroger sur l’urgence de prendre en compte l’unité de la personne, conduit paradoxalement à la confusion, car il n’y a plus de distinction entre l’ontologique, le théologal, le psychologique, le spirituel, etc. ; la distinction des ordres, au sens pascalien du terme, a disparu. L’holisme est un système de pensée — on pourrait dire : une idéologie — réducteur.

L’homme est présenté comme composé de psychique et de spirituel ; les deux ont alors entre eux une unité telle qu’on pourrait analogiquement parler de communication des idiomes : ce qui est dit du psychique peut se dire du spirituel et vice versa. On cherchera par exemple à guérir l’être, d’où le néologisme « ontothérapie », ce qui suppose d’ailleurs que l’être et le spirituel sont identiques, affirmation qui serait à démontrer. Et on cherche en même temps à « évangéliser les profondeurs »… du psychisme.

Mais si l’on ne respecte pas les divers ordres, on tombe dans la confusion… Il n’y a plus d’analogie, puisqu’il n’y a plus d’ordres divers : tout est confondu et inclus dans un ordre homogène. La raison est rejetée comme dépassée par la mystique et cela se traduit dans les écrits psychospirituels par un langage d’où la logique est totalement absente : les mots sont pris dans un sens univoque. L’équivocité et l’analogie sont totalement absentes. La psychospiritualité engendre une grave maladie : la confusion, qu’elle est impropre à guérir, car la raison mise entre parenthèses est exclue du « tout »…

III. Holisme et thérapie

Le désir d’atteindre les réalités dans leur globalité, comme un tout, se retrouve essentiellement dans le domaine spirituel et médical puisqu’en fait l’homme est considéré comme ayant deux dimensions — spirituelle et psychique — l’âme, psuchè, étant justement ce que les psychiatres cherchent à guérir. Ainsi un individu holistique est considéré comme une globalité où tout fait corps, il est un tout qu’il ne faut pas compartimenter. Le terrain d’expérimentation du psychospirituel sera par excellence la maladie, car la maladie créant une certaine rupture, un déséquilibre, il faut chercher à les guérir. En effet, si la guérison spirituelle a des retentissements sur la psychologie et même sur le corps, la guérison psychologique apporte souvent une amélioration dans bien d’autres domaines. Mais il y a autant de cas de figure qu’il y a d’individus, et cela on l’oublie ; on généralise le particulier… ce qui est une autre voie vers la confusion.

Puisqu’on cherche à guérir l’homme considéré comme un tout sans distinction, on va user de thérapies. Tout ce qui a une consonance de guérison dans le domaine religieux sera donc instrumentalisé par la pensée holistique. Et l’on trouve alors le mot thérapie inclus dans des mots composés sur le modèle du vocabulaire médical. De même qu’il y a la chimiothérapie, il y a l’agapéthérapie (qui ne signifie pas guérison de la charité mais guérison par la charité), christothérapie (guérison par le Christ). Parallèlement, ce qui sert à la guérison du psychisme sera utilisé pour guérir le spirituel : ennéagramme, psychogénéalogie, ou tout simplement séances de guérison de tout genre.

La démarche holistique pourrait bien être de nature prométhéenne : nous ne devons pas oublier que nous sommes des êtres humains, donc des êtres limités ; seul Dieu est Dieu, donc infini, et lui seul peut tout penser dans l’unité. Ce n’est peut-être pas un hasard si Anselm Grün prône une libération de notre finitude. Mais comment peut-on envisager une guérison de nos limites humaines ?

IV. Conclusion

La psychospiritualité est une gnose qui constitue une véritable hérésie ; elle cause des dégâts dont l’ampleur peut se comparer à ceux qui ont résulté de l’arianisme et du catharisme.

Cette gnose a changé Dieu, l’homme et le monde, sans que les catholiques qui se sont laissés prendre au piège, pensant suivre l’Esprit, s’en soient doutés : il s’agit d’une vaste imposture, d’une véritable manipulation mentale sur le plan religieux.

Article paru dans la revue du CCMM (Centre Contre la Manipulation mentale) Mars / Avril 2010.
© Sœur Marie-Ancilla, o.p.
http://mancilla.op.free.fr

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