Retrouver le pouvoir perdu des femmes à travers les cartes, les pierres ou encore les plantes, c’est ce que promet le féminin sacré. Le problème : en promettant de se reconnecter à sa « nature profonde de femme », le féminin sacré fait parfois la promotion de pratiques thérapeutiques non réglementées, aussi dangereuses qu’onéreuses.
Dans le sillage du mouvement
actuel de prise de parole des femmes, le concept de “sorcière moderne“
ne cesse de prendre de l’ampleur, sur les réseaux sociaux comme dans les
cercles féministes. Revendiquant des racines historiques médiévales, il
promeut la prise de conscience de pouvoirs oubliés que
les femmes pourraient cultiver afin de se libérer de l’assujettissement
patriarcal. Mais certaines voix s’élèvent pour dénoncer des croyances
infondées exacerbant l’individualisme et les stéréotypes.
En février 2023, j’étais invitée à intervenir à la médiathèque de Quéven, près de Lorient, dans le cadre de leur cycle de conférences “Esprit [critique] es-tu là ?“ qui propose d’aborder de manière méthodique et rationnelle des sujets parfois épineux, à l’articulation de la science et de la société.
Quelles sont les différentes manières d’être sorcière aujourd’hui ? Existe-t-il un lien avec le féminin sacré ? Quelle contribution les sorcières modernes peuvent-elles apporter à la cause féministe ? Autant de questions abordées pour tenter de définir les contours de ce mouvement florissant sur les rayons de librairie comme dans la vraie vie.
Un podcast de 1h15.
T I M E C O D E S01:37 : Sorcellerie et féminin sacré : mouvement New Age, masculin sacré, essence féminine, potentiel spirituel, empowerment, procès en sorcellerie, opposition à la rationalité, succès de librairie, soins holistiques, qu’est-ce que les énergies vibratoires, qu’est-ce que l’intuition, pensées heuristiques, débrancher le mental. 19:34 : Les différentes manières de se penser sorcière : sorcellerie, sang menstruel, rituels, tentes rouges, sœurcières, actions politiques des sorcières, féminisme, écologie, cercles de femmes, idées spirituelles, jeter des sorts, violences sexuelles, retard de prise en charge psychologique, isolement social, emprise mentale. 28:35 : Un boom des nouvelles spiritualités ? : augmentation des croyances avec la pandémie ? rapport de la Miviludes, les entrepreneurs du bonheur, les apports de la sorcellerie au féminisme ? fausses informations sur la santé des femmes, évasion du monde réel ? passer d’une croyance à l’autre, questionner ses croyances. 40:20 : Questions du public : binarité des genres, essentialisme, stéréotypes de genre, matriarcat originel, sentir les énergies, mécanismes de décroyance, dilatation de l’aura, transe chamanique, confiance en la science. 51:58 : Herboristerie et naturopathie : millepertuis, antidépresseur, effet placebo, appel à la nature, appel à la tradition, formation de naturopathie, vénération de l’utérus, réduction de la femme, Miranda Gray, augmentation de l’essentialisme ? action à un niveau subtil, écovillages, escalade d’engagement, relation amoureuse, peut-on faire sortir quelqu’un d’une croyance ? 01:05:03 : La spiritualité empêche-t-elle le ressenti ? Fuite en avant ? L’idéal des sorcières donne une image rassurante, “La meilleure version de moi-même“.
16 mn. Le féminin sacré est présenté comme l’essence à laquelle les femmes sont invitées à se fier pour être elles-mêmes, se respecter et incarner leur divinité propre. C’est une voie initiatique personnelle qu’il appartient à chacune de trouver pour exprimer qui elle est vraiment, au plus profond d’elle-même, hors de l’image imposée de la mère de famille muette et perdue sans les hommes.
29 mn. Matriarcat, Déesse-Mère, archétypes, puissance des sorcières… Ce deuxième volet nous en apprend un rayon sur les fondements théoriques du concept de “féminin sacré“ ! Il analyse aussi en profondeur les effets de pratiques qui ont pour but de servir une cause noble : la création d’espaces d’expression pour une reprise de confiance des femmes.
Déesses intérieures, cercles de parole, rituels… Entre spiritualité et développement personnel, des coachs et influenceuses inculquent aux femmes une reconnexion avec leur supposée puissance intérieure. Une théorie qui suscite l’inquiétude des autorités.
Depuis
six mois, Théo (les prénoms des témoins ont été changés), 25 ans,
cherche à comprendre. Un soir de juillet, Coline, sa petite amie, a
brutalement acté la fin de cinq ans de relation. « J’ai un chemin et tu
n’en fais pas partie », a-t-elle proclamé au téléphone, garée sur une
aire d’autoroute. Sans autre explication. Elle rentrait alors d’un stage
de quatre jours aux côtés de Malory Malmasson, une thérapeute « psychoénergéticienne ».
Théo
pense deviner la raison de leur rupture : la lente « descente » de
Coline, durant trois ans, dans la mouvance du « féminin sacré ». Il a vu
sa compagne, artiste de formation, en proie à de constantes crises
d’angoisse, dues à des obsessions culpabilisantes. Elle surveillait
quotidiennement son « taux vibratoire », une obscure unité de mesure de
son énergie, de sa positivité, et de sa productivité.
Elle
faisait peu à peu le tri dans son entourage, écartant ceux dont elle
jugeait le « taux » trop bas. Elle croyait également en la loi de
l’attraction : si on subissait une expérience négative dans sa vie — y
compris un viol —, c’était parce qu’on « envoyait dans le monde » une
énergie du même acabit.
Rythme lunaire, célébration des plantes et des astres
Au croisement de la spiritualité et du développement personnel, le « féminin sacré » décrit une énergie, un soi-disant pouvoir inné des