Simon le mage et sa postérité

Bertran Chaudet

 » Beaucoup de faux prophètes sont venus dans le monde. À ceci vous reconnaîtrez l’esprit de Dieu : tout esprit qui confesse Jésus-Christ venu dans la chair est de Dieu. » (1 Jn 4,1-2)

I. À L’ORIGINE DES GNOSES ACTUELLES : SIMON LE MAGE

Pour les juifs anciens, nommer quelqu’un c’est lui accorder une importance. Le nom même est porteur de l’identité de la personne. Or dans le Nouveau Testament, deux personnes ont le même nom : Simon. Cette apparente similitude cache des voies divergentes. Faisons le parallèle entre les deux Simon, pour découvrir que toutes les gnoses actuelles et les dérives de l’Église étaient déjà en germe dans le combat spirituel qui opposa les deux Simon, Simon-Pierre et Simon le magicien.

Il ne s’agit pas ici de se plonger dans les méandres ou plutôt les arcanes du gnosticisme mais de repérer ce qui est dit de Simon le Mage dans les écrits anciens. Car ce Simon est devenu un archétype, présent dans l’imaginaire des théosophes par exemple, et des « maîtres » actuels de rites initiatiques. Et quand il n’est pas expressément cité, il a laissé sa trace !

Interrogeant ces thématiques gnostiques présentes dès le début de l’évangélisation, nous mettrons en évidence des analogies entre les pratiques de Simon le mage et certaines propositions actuelles pour aller mieux, que ce soit au niveau personnel ou au niveau ecclésial. Force est de constater que certaines propositions dans l’Église se confondent avec celles liées au développement personnel. Consciemment ou par imprégnation, car c’est dans l’air du temps, l’héritage gnostique a engendré des dérives qui affectent même des fidèles, confiants dans les fruits visibles et peu regardants sur l’origine des propositions.

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1. Simon-Pierre, celui qui écoute la parole de Dieu

Shimon, vient de la racine hébraïque sh’ma, du verbe écouter, que l’on retrouve dans שמע ישראל : « Écoute, Israël », prière juive centrale du matin et du soir, « Écoute, le Seigneur notre Dieu, le Seigneur est UN… Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toutes tes forces. ».

Simon est le premier disciple, avec son frère André, que Jésus rencontre sur les bords du lac de Galilée. Simon, celui qui écoute en mettant en pratique les Paroles de Jésus qu’il reconnaîtra comme son Seigneur et son Dieu, deviendra Képhas, c’est-à-dire Pierre. Grâce à l’Esprit Saint, il reconnaîtra Jésus comme étant vrai Dieu et vrai homme. Dès cet instant et après bien des vicissitudes, Simon, appelé Pierre par le Christ, réalisera en plénitude sa vocation.

Simon devient Pierre, Kephas, parce qu’il écoute et qui met en pratique la Parole de Dieu. Ainsi Jésus lui permet d’être pierre vivante de la Jérusalem céleste.

« Approchez-vous du Seigneur, la pierre vivante rejetée par les êtres humains, mais choisie et précieuse aux yeux de Dieu. Laissez-vous bâtir, vous aussi, comme des pierres vivantes, pour construire un temple spirituel. Vous y formerez une communauté de prêtres appartenant à Dieu, vous lui offrirez des sacrifices spirituels, qu’il accueillera avec bienveillance par Jésus Christ. Car il dit dans l’Écriture :

 » Voici que je place en Sion une pierre d’angle ; je l’ai choisie, elle est précieuse, et celui qui met sa foi en elle ne sera jamais déçu. » Cette pierre est d’une grande valeur pour vous, les croyants ; mais pour les incroyants, comme le dit l’Écriture : « La pierre que les bâtisseurs ont rejetée est devenue la pierre d’angle. » Et ailleurs, il est dit encore : « C’est une pierre qui fait trébucher, un rocher qui fait tomber. » Ces personnes trébuchent parce qu’elles refusent d’obéir à la parole de Dieu, et c’est ce qui devait leur arriver. » (1 Pierre, 2.4-10)

La première catéchèse de Jésus dans l’Évangile selon saint Mathieu commence au chapitre V, par les Béatitudes : Heureux ! L’objectif est d’être heureux ici et maintenant, d’un bonheur paradoxal, et pour l’éternité. Elle se termine au chapitre VII, par la parabole des deux maisons :

« Ainsi, celui qui entend les paroles que je dis là et les met en pratique est comparable à un homme prévoyant qui a construit sa maison sur le roc. La pluie est tombée, les torrents ont dévalé, les vents ont soufflé et se sont abattus sur cette maison ; la maison ne s’est pas écroulée, car elle était fondée sur le roc. Et celui qui entend de moi ces paroles sans les mettre en pratique est comparable à un homme insensé qui a construit sa maison sur le sable. La pluie est tombée, les torrents ont dévalé, les vents ont soufflé, ils sont venus battre cette maison ; la maison s’est écroulée, et son écroulement a été complet. » (Mt 7, 15-27)

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Le potiron et la grimace

D. Auzenet

Avec le retour du mois d’octobre, nos boîtes aux lettres regorgent de publicités pour les costumes Halloween. Il faut dire que j’habite à côté de l’une des plus grandes zones commerciales de France, qui occupe la moitié du territoire de la commune.

Et effectivement, lorsque je vais faire mes courses, je vois bien que certains de nos magasins sont à nouveau investis par les costumes et autres objets en rapport avec Halloween… On finit par s’y habituer, mais ce n’est pas une raison pour ne rien dire… Je vous propose donc quelques réflexions !

COMMENÇONS PAR FAIRE UN PEU D’HISTOIRE

Depuis l’arrivée massive de la fête d’Halloween sur le continent européen, nous assistons à un curieux débat entre les `pour´ et les `contre´. D’un côté, ceux qui la présentent comme une fête carnavalesque bon enfant, de l’autre ceux qui en soulignent le caractère malsain et délétère. Deux conceptions qui correspondent aux deux versants, aux deux `faces´ de cette fête. Devant le potiron grimaçant, on peut voir le potiron ou voir la grimace. Et si ces deux réalités n’en faisaient qu’une ?

L’origine commune des deux points de vue de l’All Hallow’s Evening — veille de Toussaint — ou `Halloween´ vient de l’ancienne fête celtique qui marquait la fin du cycle des saisons, de l’automne à l’hiver, avant d’entrer dans une période de repos marqué par le froid et le silence. Cette `fin de l’été´, ou sam-fuin en gaélique, serait à l’origine du mot `samhain´. D’un point de vue archéologique ou littéraire, on en connaît trop peu sur les pratiques religieuses et les divinités celtiques, mais il semblerait que l’année religieuse était marquée par quatre grandes `fêtes du feu´ dont la Samhain était la dernière et la plus importante.

Cette nuit-là, tous les foyers étaient éteints puis rallumés à partir de braises ramenées du grand feu druidique allumé sur le mont Tara en Irlande. Il est possible que ce soit le transport des braises dans des pots avec des orifices pour en assurer l’aération qui est à l’origine des navets ou potirons éclairés. Ce temps aurait aussi été celui d’une remise à zéro ; les champs sont laissés en jachère, les animaux rentrés, les provisions terminées et les dettes payées.

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Les nouveaux visages de l’ésotérisme

Le père Jean-Christophe Thibaut, prêtre du diocèse de Metz, est actuellement aumônier d’un centre hospitalier en Moselle et prêtre de paroisse. Comme historien des religions, il se consacre depuis de nombreuses années à l’étude des phénomènes ésotériques et des thérapies alternatives. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet.

La sorcellerie revient à la mode. Les sorcières modernes 2.0 apparaissent de manière exponentielle dans les réseaux sociaux et les sites Internet. Les magnétiseurs ou les propositions de soins énergétiques sont présents dans tous les centres-villes et les plaques de thérapeutes alternatifs côtoient celles de la médecine conventionnelle.

Ces méthodes sont d’autant mieux accueillies qu’elles épousent nos attentes existentielles du moment : comment trouver la paix intérieure, donner du sens à la vie, sauver l’homme et la planète… Assez naturellement, des concepts spirituels, souvent empruntés aux religions orientales, irriguent les principes d’un certain nombre de médecines douces, de techniques de développement personnel, mais aussi de projets éducatifs ou même de méthodes agricoles bio.Des croyants, pourtant soucieux de leur vie spirituelle, peuvent boire à plusieurs sources sans bien mesurer les contradictions qui existent entre ces « nouvelles spiritualités » et l’enseignement chrétien.

Le père Thibaut s’est attelé à une enquête de plus de 20 ans pour nous livrer l’histoire passionnante de ces différentes spiritualités et révéler les implications spirituelles de la pratique de l’ésotérisme et de l’occultisme. Il montre aussi ce qui inspire le yoga, le reiki, le New-Age et les pratiques de certains guérisseurs.La Bible et l’Église ont toujours mis en garde les croyants contre la tentation des pratiques occultes. Cet ouvrage en confirme les risques et périls pour l’âme.

344 p., 19,90 €, Une mine !

Les enfants dans les écoles anthroposophes

Actes du Colloque « Emprise mentale et violences sexuelles » organisé par la Ligue des Droits de l’Homme en 2021.

Amélie, journaliste, enquêtrice privée, et Stéphanie, mère d’un enfant.

 JEAN-PIERRE JOUGLA: Nous devons entendre maintenant madame Amélie G., enquêtrice privée et Madame Stéphanie V. qui aborderont la question des enfants scolarisés dans les écoles Steiner, écoles anthroposophiques. Avant de leur donner la parole, je rappelle que Grégoire Perra est dans la salle et qu'il sera amené à dire quelques mots sur ce sujet également.  

AMÉLIE: Les écoles Steiner, pour vous dire comment ça a commencé, j’étais journaliste je suis tombée sur un podcast de « Méta de choc », une série de cinq heures « ma vie en anthroposophie » avec Grégoire Perra et j’ai découvert l’anthroposophie à laquelle je ne connaissais rien auparavant, Il y a plein de choses en cinq heures qui se sont révélées à travers son témoignage. Jusque là, les écoles Steiner, je les mettais dans le lot des écoles Montessori, une technique un peu alternative si on ne veut pas mettre son enfant dans une école traditionnelle. Steiner parle de « trolls, de karma, de démons, d’énergie » choses qui ne sont pas d’ordre rationnel. Ce qui m’avait le plus choquée, c’était le traitement des enfants et notamment le fait que l’on passe sous silence des abus. Je me suis alors demandé si c’était un cas individuel ou si c’était représentatif d’une sorte de phénomène.

J’ai donc cherché des victimes mais je n’ai pu interroger que des proches parce que les victimes sont des enfants et même si, aujourd’hui, certains ont grandi, ce ne sont pas eux qui témoignent, mais les parents, A ce moment-là, j’ai rencontré Stéphanie qui est maman d’un enfant qui a été dans l’une de ces écoles.

Ce qui est très compliqué quand on n’est pas soi-même touchée et tu nous le raconteras c’est que les parents ne se sentaient pas forcément légitimes d’en parler et ils avaient peur aussi que ce soient des écrits qui restent par rapport à la vie future de leurs enfants et, en plus de ça, ils avaient le poids de la culpabilité d’avoir mis leurs enfants dans une école qui, au final, avait provoqué quelque chose de traumatisant sous l’aspect scientifique que nous avons vu précédemment,

On va faire défiler des photos de Stéphanie faites dans un éco-village dans les Alpes, avec une école, soutenue par l’Education nationale, prônant la pédagogie Montessori, Freinet, Steiner où, dans le double langage on peut trouver la bienveillance, le respect du vivant, la créativité, la nature et finalement cela s’inscrit paradoxalement dans un cadre réactionnaire et complotiste. Et cela, on ne le découvre que sur place, Pour ceux qui ne connaissent pas le« New-Age», c’était mon cas, ni l’anthroposophie, ils jouaient sur l’alternative comme solution indispensable contre les défaillances ou ce qu’ils jugent comme maltraitant au sein du public. Ils étaient censés être une solution alternative dans un cadre bucolique. Il ne m’a jamais été mentionné la dimension religieuse qu’on peut retrouver dans toutes les activités scolaires pour les enfants ou tout autour, en lien avec les parents. Ça peut être des stages de communication non violente pour nous apprendre à fonctionner dans une démarche anthroposophique.

Pour les enfants, c’est au niveau des rituels de l’école qui sont présentés, par exemple, pour l’eurythmie comme de l’expression corporelle – mais pas un mot sur les faces occultes de cette activité scolaire – qui consiste, par des figures en mouvements codifiés dans le langage anthroposophique, à exercer des formes à l’aide des bras pour communiquer ce qu’ils appellent le « verbe universel».

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Biodynamie… à l’anglaise

Biodynamie, médecines alternatives… Charles III, roi anti-sciences et ami des charlatans, sur la site de l’Express, par Stéphanie Benz et Thomas Mahler, le 11 sept. 2022.

Sensible de longue date à la cause environnementale, le nouveau roi Charles III est un toqué de botanique et de jardinage. Dès 1986, il a converti sa ferme de Highgrove à l’agriculture biologique. Mais, on le sait moins, le nouveau roi est aussi un fervent apôtre de la biodynamie, un ensemble de pratiques agricoles imaginé par l’occultiste Rudolf Steiner (1861-1925). Fondateur de l’anthroposophie, ce polygraphe a multiplié les écrits ésotériques, mêlant réincarnation, karma et entités démoniaques, et donné à sa doctrine des déclinaisons pratiques, dans l’éducation (écoles Steiner-Waldorf), la santé (médecine anthroposophique) ou, donc, l’agriculture (biodynamie). 

En 2016, s’exprimant par vidéo devant l’association biodynamique en Italie, le prince de Galles fustige une « science basée sur des preuves » et vante les « conseils visionnaires » de Rudolf Steiner. En 2017, il va jusqu’à délivrer le discours d’ouverture du congrès international de la biodynamie, organisé par la section agricole de l’Ecole libre de science de l’esprit. « Soit le saint des saints de l’anthroposophie », décrypte Grégoire Perra, anthroposophe « repenti » devenu le principal critique de la mouvance en France. « Cela n’a rien d’un colloque public, c’est une cérémonie qui débute avec des lectures des mantras de Steiner. » Une nouvelle fois, l’héritier du trône en fait l’éloge et critique une « pensée scientifique réductionniste ». Un terme qui ne doit à rien au hasard. « Steiner critiquait la science contemporaine en expliquant qu’elle avait un point de vue trop réduit », souligne Grégoire Perra. 

D’autres articles sur la biodynamie sur le site sosdiscernement.org

De quoi séduire Charles, qui a un jour dit qu’il était « fier d’être considéré comme un ennemi des Lumières ». Dans son livre Harmonie : une nouvelle vision du monde (2010), il déplore que « la dimension spirituelle de notre existence » ait été « dangereusement négligée dans les temps modernes ». Il y dépeint l’agriculture biodynamique comme « une méthode de production d’aliments qui s’approche encore de plus près des processus naturels de l’agriculture et de tous les cycles de vie de la nature ». En réalité, cette pratique repose sur de mystérieuses forces « cosmiques ». Pour « dynamiser » les sols, elle préconise de stocker des bouses de vache pendant plusieurs mois dans des cornes enfouies dans la terre, avant de diluer le tout à des doses homéopathiques (entre 3 et 4 CH) pour une pulvérisation. D’autres préparations font appel à des vessies de cerfs, des intestins de bovins ou des crânes d’animaux domestiques. La biodynamie respecte aussi des rythmes lunaires et astrologiques, alors que l’influence des astres sur la croissance des plantes, une croyance ancienne, n’a jamais été démontrée… 

« Steiner se voulait clairvoyant, en lisant soi-disant dans le futur comme le passé. Mais pas un seul de ses concepts n’a été validé scientifiquement », fustige le journaliste indépendant allemand Oliver Rautenberg, spécialiste de l’anthroposophie. « En 1924, Steiner a évoqué la fertilisation des sols. Aujourd’hui, Demeter (la marque qui certifie les produits biodynamiques, NDLR) affirme qu’elle régénère les sols, alors qu’elle fait appel à des remèdes magiques comme les cornes de vache et des doses homéopathiques. Bien sûr, une agriculture sans pesticides est vertueuse. C’est l’agriculture biologique. Mais les protocoles ésotériques de Demeter, censés capter des forces cosmiques, n’ajoutent rien. Ce n’est que de la pseudo-science », dit-il. 

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