Entretien. Le père Dominique Salin, jésuite, théologien et historien de la spiritualité, analyse les différences entre le développement personnel et le Salut chrétien. Recueilli par Florence Chatel, site de La Croix
La Croix : Quelle différence y a-t-il entre le bien-être du développement personnel et le Salut annoncé par le christianisme ?
Père Dominique Salin :
L’expérience spirituelle chrétienne, qui consiste à s’engager à la
suite de Jésus, n’est ni une affaire de bien-être ou de mieux-être, ni
tellement une question d’être sauvé ou pas. C’est une histoire d’amour.
Elle ne se décide pas comme d’aller voir un sophrologue.
Spiritualité : quand Dieu nous repose
L’amour
vous tombe dessus brutalement par un coup de foudre ou vient
progressivement. Que ce soit celle du catéchumène ou d’une grande
mystique comme Thérèse d’Avila, l’expérience spirituelle chrétienne est
donc une affaire de passivité et d’attirance : on ne peut pas ne pas
aimer Jésus, vivre de son esprit, essayer de l’imiter…
Qu’est-ce que le Salut ?
Père D. S. : L’expérience du Salut commence par un cri, « SOS, je me noie ! »
C’est une question de vie ou de mort. Pour un chrétien, être sauvé
signifie que la mort cesse d’être le dernier mot de la vie. Le cœur de
la foi chrétienne, le kérygme, c’est le Christ ressuscité, et chacun est
promis à ressusciter comme lui, avec lui. Mais dans la réalité, la
plupart des chrétiens ne sont pas chrétiens parce qu’ils veulent être
sauvés de la mort.
On entend pourtant des personnes dire, quand elles ont été tirées d’une épreuve, qu’elles ont été sauvées…
Père D. S. : C’est vrai, la personne dit : « J’ai été sauvée, je ne suis pas seule. Il y a de l’autre dans ma vie : l’Esprit saint, l’Esprit de Jésus, Dieu… »
C’est ça la foi. À la différence du développement personnel où l’on
cherche à parvenir à une meilleure maîtrise de soi par des techniques,
dans l’expérience du Salut, du compagnonnage avec Jésus de Nazareth, on
expérimente que des choses nous échappent, que nous ne comprenons pas
tout dans notre vie.
Les demandes de bien-être et de bonheur sont légitimes. Que propose Jésus au regard de cela ?
Père D. S. :
Jésus propose la joie, a fortiori à tous ceux qui sont accablés et
croulent sous le fardeau. Je connais des personnes qui sont de vrais
disciples de Jésus et qui vivent de grandes épreuves physiques ou
affectives. Elles ont une espèce de sagesse, de détachement par rapport à
leur souffrance, à leur manque. Ce sont des saints.
Quête de soi, nouvelles pratiques… Qui sont les « nouveaux spirituels » d’aujourd’hui ?
Regardez
Thérèse de Lisieux dans les dix-huit derniers mois de sa vie. Alors
qu’elle vit une nuit de la foi terrible, toutes les carmélites lui
disent qu’elle a un heureux caractère, qu’elle est toujours gaie.
Thérèse écrit : « Si elles savaient »…
Dans le
développement personnel, la demande est individuelle. La question du
Salut n’est-elle pas collective ? Le Christ sauve l’humanité.
Père D. S. : Oui et d’ailleurs, chaque dimanche à la messe, nous disons dans un article du Credo : « Je crois à la communion des saints. »
C’est-à-dire que nous croyons à une solidarité des vivants, et à une
solidarité des vivants et des morts. Nous, les chrétiens, ne sommes pas
seuls. Il y a le Christ avec nous et nos frères humains.
Le Salut par la guérison des corps
Même
ceux que nous n’aimons pas beaucoup, nous sommes solidaires d’eux parce
que nous croyons que nous sommes tous image de Dieu. Tout homme, même
le plus grand criminel, porte au fond de lui l’image du Christ
recouverte par la rouille des mauvaises habitudes. Être sauvé, c’est
accepter cette réalité que nous sommes tous aimés et enfants de Dieu.
C’est pouvoir dire oui à la Vie.