« J’ai élevé mon fils avec la parentalité positive et je culpabilise de ce qu’il impose aux autres »

Un article témoignage intéressant sur l’envers de l’éducation dite « positive » qui dénonce bien le cercle vicieux dans lequel elle entraine les parents et les enfants : culpabilisation, courses aux « recettes toutes faites », surconsommation de livres sur le sujet, difficultés sociales de l’enfant concerné, perte de la spontanéité dans le lien parent/enfant (tout est pensé, analysé, décortiqué, discuté…) ….


Quand Joris* est devenu père, il s’est appuyé sur des méthodes de parentalité positive pour éduquer son fils. Aujourd’hui « un peu au bout du rouleau », voici ce qu’il aurait aimé qu’on lui dise avant de se lancer.

TÉMOIGNAGE – Avant que ma femme ne tombe enceinte de notre premier enfant, je ne m’étais jamais posé de questions sur les différentes méthodes d’éducation. Petit à petit, entre les recommandations de livres et les recherches sur internet, j’ai découvert le vaste monde des conseils en parentalité. Lire aussi L’éducation positive « est une forme d’emprise un peu sectaire », selon l’autrice de BD Emma

Dans l’ensemble, les enseignements soulignaient l’importance d’accompagner le développement de son enfant en fonction de ses besoins et de l’éduquer sans violence, ce à quoi nous avons évidemment adhéré. La plupart des contenus qui nous semblaient pertinents se réclamaient de l’éducation positive.

L’envers du décor de la parentalité positive

Certains conseils étaient très précis (le fameux « il ne faut pas dire non », l’utilisation d’un timer…), d’autres étaient un peu plus vagues. Ce qui ne correspondait pas à cette méthode éducative était presque toujours présenté comme violent, inefficace ou inadapté au regard des nouvelles connaissances scientifiques.

Au gré des « techniques » de parentalité piochées sur les réseaux sociaux, la parentalité positive est devenue notre mode d’éducation principal presque sans le vouloir. Avec ses qualités, mais aussi ses écueils, dont j’aurais aimé qu’on me parle plus tôt. Aujourd’hui, mon fils aîné a 4 ans et demi et je voudrais parler de l’envers du décor. De tout ce que l’éducation positive peut avoir de négatif et culpabilisant, et dresser un bilan de ma vie de parent un peu au bout du rouleau.

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La Communication NonViolente

Bertran Chaudet

Cet article de 2023 remplace un article précédent de 2018.

Une mère de famille avait raconté à un prêtre une situation grave dans laquelle était plongé son enfant. Elle reçut par mail la réponse suivante de ce prêtre : « Je reçois votre message, ainsi que l’expression de votre souffrance ». Elle se dit que cela « sentait la technique de communication », et en effet, elle apprit par la suite qu’il était formé par des coachs Talenthéo à la CNV.

Une autre dame se rappela, que lors d’un rassemblement diocésain, pour évoquer le rapport de la CIASE, qu’elle interpella vigoureusement le vicaire général qui lui répondit « j’entends votre colère ». Oui, et alors ?

Ce qui pourrait paraitre des réponses inadaptées, provient de fait de techniques de communication fort peu conforme à ce que l’on attend de la parole d’hommes d’Église : une vraie écoute, pleine non pas d’empathie, mais de compassion spontanée. La relation est comme aseptisée et tourne court. Les paroles dites selon les principes de la CNV ont enterré le conflit, clôt le débat, il s’agit d’une hypocrisie maitrisée par un apprentissage artificiel, masquant l’exigence de justice et de vérité.

La Communication NonViolente (CNV) a été conceptualisée par un américain d’origine juive, Marshall B. Rosenberg (1934- 2015) docteur en psychologie. La légende voudrait qu’il ait expérimenté préalablement les bienfaits de la CNV en Israël, pour résoudre avec succès les conflits entre des communautés presque irréconciliables. Rosenberg a été l’élève de Carl Rogers (1902-1987) dont il adopté puis adapté les principes d’empathie et de non-directivité ; il s’inspire également des recherches d’Abraham Maslow (1908-1970), théoricien de la hiérarchie des besoins humains. Gandhi est la référence sous-jacente et l’emblème iconique de la non-violence. Son nom souvent cité par Rosenberg justifie le sérieux de la CNV.1

La CNV se fonde sur le présupposé selon lequel nous ne savons pas communiquer nos sentiments, nos besoins, nos demandes dans le cadre d’un conflit. Il s’agit alors grâce à la méthode CNV d’apprendre à communiquer efficacement, en évitant toute agression verbale, et également tout jugement de valeur qui pourrait être pris pour une agression verbale. Les techniques proposées ressemblent aux autres méthodes de communication proposées dans le New Age à savoir : la reformulation du propos de l’autre, dire « je » c’est-à-dire parler de soi à la première personne du singulier, partir de soi et de ce qu’on ressent, et proscrire le « tu » accusateur, le « tu » tue dit-on dans ces milieux. La CNV repose sur quatre piliers dits OSBD : Observation, Sentiment, Besoin, Demande.

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Critique de l’éducation positive

Un podcast du Dr Caroline Goldman (31 mn)

Caroline Goldman, psychologue pour enfants et adolescents, élabore ici une critique de l’éducation bienveillante et positive en 5 points :

1. La confusion entre le besoin d’amour et le besoin de limites

2. Le déni de l’agressivité

3. La négation de la différence des générations

4. Les limites de l’application concrète de cette idéologie

5. L’instrumentalisation culpabilisante de données neuroscientifiques

« La parentalité positive fait semblant de croire que la haine et l’ambivalence (mélange d’amour et de hargne) n’existent pas. »

« Les émotions négatives comme la colère, la frustration ou la peur ont leur rôle à jouer. Il n’y a rien de malveillant dans le conflit. Les parents doivent reprendre confiance en eux en ayant à l’esprit qu’un enfant qui est aimé le sait rofondément. Il ne confond jamais un parent maltraitant avec un parent de mauvaise humeur. »

« Il ne s’agit pas de soumettre l’enfant à l’adulte mais de l’initier à la loi, c’est une nécessité. »

« L’éducation bienveillante est un marché basé sur l’instrumentalisation culpabilisante et grossière de données neuroscientifiques. La culpabilisation est le moteur de ce business. »

« L’éducation positive présente une vision édulcorée de la vie à des fins marketing. La culpabilité des parents est un marché. On joue sur un sentiment qui ne demande qu’à être réveillé pour vendre des livres et des stages de parentalité. »

Caroline Goldman est psychologue pour enfants et adolescents. Elle exerce son métier avec passion depuis une vingtaine d’années. Elle est titulaire d’un doctorat en psychologie de l’enfant, a enseigné 15 ans à l’université et a également publié des livres.

Ce podcast s’inscrit dans une démarche d’information et de prévention en santé mentale de l’enfant.

Il a deux objectifs :

1. Aborder les dimensions éducatives fondamentales : apprendre aux enfants à gérer la frustration à partir de l’âge d’un an, donner à son enfant confiance en lui, annoncer des mauvaises nouvelles, parler des dangers d’internet…

2. Faire le point sur certaines contre-vérités médiatiques qui ont un effet sur la santé des enfants : le haut potentiel intellectuel, l’hypersensibilité, l’éducation positive bienveillante.

Bonne écoute !

Déjouer les pièges de l’éducation positive

Un article de Charled Hadji, Professeur honoraire (Sciences de l’éducation), Université Grenoble Alpes (UGA), sur le site « The Conversation » : Déjouer les pièges de l’éducation positive avec la philosophie de Hegel


L’éducation positive est une belle idée. C’est pourquoi de nombreux parents ont cru trouver en elle les fondements d’une pratique éducative libératrice pour leurs enfants. Cependant, elle expose à des pièges qui, si l’on n’y prend garde, risquent d’interdire tout vrai travail éducatif. La « grande Ombre » de Hegel, telle que Alain l’évoque dans ses Propos sur l’éducation, peut à ce sujet nous « parler » très fort. Écoutons-la.

L’espoir des parents qui adoptent le modèle d’une éducation positive est de travailler à l’émergence d’enfants libres, un peu à l’image des Libres enfants de Summerhill, qui eurent leur heure de gloire dans les années soixante. Il est clair qu’il est difficile de s’élever contre les idées directrices de l’éducation positive, dont les maîtres mots sont écoute, respect et accompagnement : promouvoir une éducation fondée sur l’empathie ; développer une coopération entre les parents et les enfants, les adultes et les jeunes ; accompagner l’enfant en étant à l’écoute de ses besoins ; faire apprendre en s’appuyant sur les forces individuelles et la motivation personnelle. Qui pourrait y trouver à redire ?

Mais l’éducation positive se heurte très vite au problème des limites éducatives. Car il ne faut pas se méprendre sur la liberté. Ce qui est souvent décrit comme une « violence éducative », en tant que contrainte, refus de certains comportements, et inversement imposition de manières d’être et de faire conformes à des normes, ou à une morale, est-il, par principe, et toujours, attentatoire à la liberté de celui-ci ?

Le piège de la liberté du vide

Hegel nous rappelle que la liberté ne se réduit pas au refus de tout contenu extérieur, jugé alors comme étant simplement « une restriction » inadmissible. Cette « liberté négative » n’est qu’une « liberté du vide », qui n’existe que dans la destruction de ce qui s’oppose à elle. Il ne faut pas laisser les enfants, en croyant les respecter, être emportés par une « furie de destruction », refusant « tout ordre social existant », et visant « l’anéantissement de toute organisation voulant se faire jour ».

Certes, d’un côté, « Les enfants sont en soi des êtres libres, et leur vie est l’existence immédiate de cette liberté seulement ». Les enfants n’appartiennent à personne, ni aux parents, ni aux éducateurs. Mais, d’un autre côté, ils ont besoin d’une éducation pour les « élever de la nature immédiate où ils se trouvent primitivement à l’indépendance et à la personnalité libre ». Ce qui apparaît immédiatement comme négativité – l’intervention éducative restrictive et canalisante – a une irremplaçable dimension positive. Cette positivité est appelée et ressentie par les enfants eux-mêmes.

Éducation positive : théorie, pratique, controverses (Débat organisé par Sciences Humaines, 2022).

« La nécessité d’être élevés existe chez les enfants comme le sentiment qui leur est propre de ne pas être satisfaits de ce qu’ils sont. ». Toute pédagogie qui « traite l’élément puéril comme quelque chose de valable en soi (et) le présente aux enfants comme tel… rabaisse pour eux ce qui est sérieux, et elle-même, à une forme puérile peu considérée par les enfants. En les présentant comme achevés dans l’état d’inachèvement où ils se sentent », elle ne peut que déboucher sur « la vanité… des enfants pleins du sentiment de leur distinction propre ».

L’achèvement de la personne devenue libre en soi et pour soi exigera le dépassement de ce que l’on est au « moment » de l’enfance, quand on exerce ce qui risque de n’être qu’une liberté du vide.

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L’éducation positive

Dans La Croix-L’Hebdo du 16 novembre 2019, sous le titre L’éducation positive au banc d’essai.

À propos du livre de Béatrice Kammerer, L’éducation vraiment positive, Larousse, 2019.

L’OBJET

Cet essai explore « l’éducation positive », un concept qui vise à élever les enfants avec bienveillance, sans violence. Cette posture développée dans les années 2000 regroupe des pratiques centrées sur le bien-être. Elle est marquée par les théories du care (prendre soin les uns des autres) et par la psychologie positive, née aux États-Unis en 1998. Ce principe, appliqué à l’éducation, invite à se détourner de la seule réprobation des transgressions pour aider l’enfant à exprimer sa créativité jusque dans l’espace contraint des règles.

L’AUTEURE

Béatrice Kammerer, journaliste spécialisée en éducation et parentalité, découvre, lors d’un congé parental, un foisonnement d’injonctions éducatives. Elle crée, en 2012, un blog de lectures et réflexions sur l’enfance (lesvendredisintellos.com).

L’ENJEU

L’auteure questionne ce courant éducatif, ses origines, ses fondements, ses promesses et ses limites. Troublée par le flot de recommandations qui paralysent les parents plus qu’elles ne les aident, elle montre à quel point ces prescriptions nient des problématiques sociétales centrales: inégalités culturelles et sociales, manque d’implication des pères … Une analyse fine qui ne jette pas ce courant avec l’eau du bain, et se lit comme un roman.

Aziliz Claquin

Extraits

Un nouveau dogme éducatif ?

« Depuis des décennies, les comportements parentaux sont modelés par des dogmes, c’est-à-dire des principes impossibles à remettre en cause, fondés sur des croyances, et émanant souvent d’une « autorité» (scientifique, médicale, religieuse, morale). Pour le meilleur et pour le pire …

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