ENTRETIEN. Zineb Fahsi décrit dans un essai le cheminement qui a conduit le yoga des marges de la société indienne à la culture mainstream. Propos recueillis par Baudouin Eschapasse
Instrument de « réalisation de soi », manière commode de lutter contre le stress en cultivant une « pensée positive », forme de gymnastique douce permettant de prendre soin de son corps mais aussi de soigner son esprit en apprenant à gérer ses émotions, le yoga est aujourd’hui présenté comme une méthode quasi miraculeuse pour gagner en efficacité et en concentration. Cette promesse a converti près de 7,6 millions de personnes en France. Professeure de yoga, diplômée de Science Po Paris et de l’université Pierre-et-Marie-Curie, Zineb Fahsi publie Le Yoga, nouvel esprit du capitalisme (à paraître le 1er mars chez Textuel). Un essai dans lequel elle interroge la manière dont cette pratique méditative indienne s’est propagée en Occident, mais surtout comment elle a été dévoyée, selon elle, par l’industrie du bien-être.
Le Point : Quand et comment avez-vous découvert le yoga ?
Zineb Fahsi :
J’y suis venue assez tard, puisque j’avais 26 ans quand j’ai commencé.
Comme beaucoup de gens, cela s’est fait à la faveur d’un voyage en Asie,
lors d’un séjour à Bali, en 2013. Plus précisément dans la petite ville
d’Ubud, qui est aujourd’hui considérée comme l’un des temples
contemporains du tourisme spirituel. C’est là que j’ai suivi mon premier
cours de yoga. J’y ai retrouvé avec joie les sensations d’expansion et
de vitalité que j’expérimentais, plus jeune, à travers la gymnastique et
la danse. Le yoga m’a permis de réemprunter le chemin du corps, des
sensations, du souffle…
À quel moment vous êtes-vous dit que vous vouliez devenir professeur de yoga ?
Lorsque
je suis revenue de voyage, j’ai poursuivi la pratique du yoga de
manière quasi quotidienne. J’ai compris que cela me donnait l’occasion
de réconcilier deux centres d’intérêt : une passion pour la philosophie,
mais aussi un intérêt pour le fonctionnement de la psyché et du corps
humains. Après avoir travaillé dans l’univers du conseil, d’abord
dans le domaine de l’environnement puis dans celui de l’aide au
développement, j’ai eu envie de me consacrer au yoga à temps plein, car
je voulais avoir un métier davantage au contact des gens ; une activité qui donne aussi du sens à mon parcours.
À quel moment est née l’envie d’écrire ce livre ?
J’ai toujours été intriguée par l’absence de récits critiques sur le yoga. La littérature sur le sujet est abondante mais souvent sans aucun recul. Sont évoqués des textes millénaires qui fondent la pratique mais ceux-ci sont rarement contextualisés. Désireuse d’en savoir plus, j’ai suivi, il y a deux ans, la formation conduisant à l’obtention du diplôme universitaire Cultures et Spiritualités d’Asie, que proposent l’Institut catholique de Paris et l’École française de yoga sous la direction de Ysé Tardan-Masquelier, enseignante-chercheuse en histoire comparée des religions et anthropologie religieuse à l’université de Paris Sorbonne. J’ai envisagé, un moment, de poursuivre une thèse sur le yoga. C’est ce projet qui a donné lieu à l’ouvrage que je publie aujourd’hui.
Le Yoga, nouvel esprit du capitalisme, de Zineb Fahsi (Textuel, 203 pages, 18,90 €). À paraître le 1er mars.
Un livre où l’on apprend l’histoire complexe de la pratique…
Les discours simplistes m’apparaissent toujours douteux. Le terme de yoga dissimule une réalité plurielle. Le yoga postural moderne est très différent des pratiques prémodernes du « hatha yoga » qui englobent une dimension sotériologique [c’est-à-dire soucieuse du salut de l’âme et de la rédemption, NDLR]. Si l’on résume à grand trait, le yoga est au départ une discipline méditative, une forme d’ascèse pratiquée par les marges de la société indienne. Son objectif est de libérer l’âme humaine du cycle des renaissances, et cela passe souvent par un renoncement au monde. On est ici bien loin de la promesse délivrée par l’industrie du bien-être.
On pourrait même dire qu’on est aux antipodes ! Comment est-on passé de l’un à l’autre ?
Mon
livre décrit le cheminement qui a conduit d’un pôle à l’autre. La
transformation de la discipline est liée à sa circulation en dehors du
sous-continent indien et aux influences anglo-saxonnes, notamment, qui
ont conduit à en reformuler certains principes.
Racontez-nous…
Le
yoga naît au départ d’une quête spirituelle liée à une insatisfaction
existentielle. Au milieu du premier millénaire avant notre ère, en marge
de la religion védique, se développe, dans de petits groupes
marginaux, une réflexion pour s’extraire de cette « migration
circulaire » de l’âme connue en sanskrit sous le terme de « samsara » et
que l’Occident résume sous la formule de « cycle des
réincarnations ». La promesse de la pensée bouddhiste, dont procèdent entre autres les yogas prémodernes,
est de se libérer de la souffrance humaine en sortant de ce cycle. À
cette époque, le mot yoga n’est pas encore associé à un ensemble de
pratiques psychocorporelles mais désigne une méthode de maîtrise des
sens. Au IVe siècle de notre ère, le traité Yoga Sutra fonde
un système doctrinal et philosophique. Progressivement vont s’affiner
des techniques de travail sur le corps, le souffle et la psyché qui
donneront la discipline que l’on connaît.
Ce que vous appelez le yoga mental ?
Les
postures de yoga ne sont pas au cœur des yogas prémodernes
contrairement au yoga postural contemporain. Ainsi, le yoga qui va
d’abord être diffusé en Occident est un yoga principalement méditatif et
philosophique. Son exportation s’effectue comme une réaction à la colonisation de l’Inde par la couronne britannique. Au milieu du XIXe siècle, alors que se diffuse en Europe une pensée teintée d’orientalisme dans des milieux non académiques où se multiplient les références occultistes, une
partie de l’élite hindoue reformule l’hindouisme et le yoga sous
l’influence à la fois des valeurs de la modernité et des ésotérismes
occidentaux. Vivekananda (1863-1902), pour ne citer que lui, s’attache à
diffuser dans le pays un hindouisme universaliste qu’il présente comme
une religion compatible avec les valeurs de modernité et de progrès.
Dans cette approche, il redéfinit le yoga comme une approche
scientifique et rationnelle permettant à ceux qui le pratiquent de
« s’améliorer » sur le plan spirituel. Cette manière de l’envisager va
séduire un public occidental, outre-Atlantique, adepte de la « religion métaphysique américaine », l’ancêtre du New Age.
Le
non-dit véhiculé par ce discours, c’est qu’il vaut mieux valoriser le
travail sur soi au détriment d’un changement social de fond.
Ce sont ces va-et-vient entre l’Est et l’Ouest qui expliquent les mutations du yoga ?
Certainement. Après avoir été modifié déjà aux XIXe et XXe siècles – XIXe siècle pour le yoga moderne mental, et XXe siècle pour le yoga moderne postural –, en réaction à la colonisation de l’Inde pour permettre à des individus de renforcer leur corps et leur esprit dans un vaste mouvement collectif, le yoga moderne se transforme alors en pratique centrée sur le perfectionnement individuel : une technique parmi d’autres de « développement personnel ». Le non-dit véhiculé par ce discours, c’est qu’il vaut mieux valoriser le travail sur soi au détriment d’un changement social de fond. Cette manière de voir les choses fait porter aux individus la responsabilité de changer le monde. Cette vision s’accorde bien avec les exigences du système capitaliste en ce qu’elle neutralise toute remise en question du système lui-même.
C’est ici que vous développez la vision politique de la discipline qui justifie le titre de votre ouvrage.
Oui. Si la quête de salut est légitime, si l’on peut saisir les motivations de cette recherche de bien-être et de santé dans un monde de plus en plus anxiogène, la discipline du yoga, en étant ainsi reformulée, se retrouve d’une certaine manière « instrumentalisée » en intégrant la culture mainstream. Ce qui était un apprentissage ascétique visant à sortir du cycle des renaissances se transforme en un instrument aux mains d’une industrie naissante, celle que les Anglo-Saxons envisagent sous le terme de « self-help ».
Pourquoi pensez-vous que c’est dangereux ? Parce que cela ouvre la porte à des dérives sectaires ?
Je ne traite pas ici de ce sujet qui mériterait à lui seul un autre ouvrage. Ce que je relève, c’est la manière dont cette discipline est principalement enseignée aujourd’hui, dans les centres de yoga en entreprise, dans les écoles et les hôpitaux. Elle répond de façon commode aux injonctions contemporaines de réalisation de soi. Là encore, c’est une aspiration légitime, tant qu’elle ne se transforme pas en impératif. Mais là où cette pensée me semble pernicieuse, c’est que la promesse de libérer son vrai « moi », de domestiquer son sommeil, d’être en d’autres termes plus efficace et plus résilient… s’inscrit en complet décalage avec l’objectif premier d’émancipation qui est celui du yoga.
À travers le yoga, l’industrie du “bien-être” en vient à capitaliser sur la souffrance des individus.
C’est-à-dire ?
Le yoga semble être la méthode miraculeuse pour résoudre les problèmes et réaliser les aspirations des individus modernes assujettis par une superstructure tout entière dominée par des exigences de production. À travers le yoga, l’industrie du « bien-être » en vient à capitaliser sur la souffrance des individus, à miser paradoxalement sur le « mal-être » de la société. La promesse de libération qui nous est vendue est désormais un faux-semblant.
Vous militez donc pour un retour à un yoga authentique ?
Je
me méfie toujours de ces expressions. Qu’est-ce que l’authenticité ?
Comme je vous le disais, il n’y a pas un yoga véritable mais une
multitude de pratiques. Je ne cherche pas à promouvoir un yoga
« originel » ou « pur ». En revanche, j’invite mes lecteurs à réfléchir
sur les dangers qu’il y a à faire croire que la réponse aux malheurs du
monde ne peut être qu’individuelle là où les problèmes appellent plutôt,
de mon point de vue, un sursaut collectif.
En 2014, l’ONU vote en faveur de l’instauration d’une “journée internationale du yoga“ sous l’impulsion du Premier ministre nationaliste indien. En 2021, celui-ci vante les “vertus protectrices“ de la pratique contre le coronavirus, dans un pays ravagé par la pandémie.
Au-delà des manœuvres politiques et économiques, le yoga est le
théâtre de nombreux scandales. Entre pseudo-médecine et abus en tout
genre, des gourous à la renommée internationale jouent avec les
aspirations d’Occidentaux en quête de Vérité, de guérison physique ou d’équilibre psychique.
Que peut apporter la pratique du yoga ? Comment éviter les dérives et identifier les signaux d’alerte ? Quels sont les mécaniques d’entrée dans une secte, alors que l’on croit être en pleine possession de son libre-arbitre… ?
Carolyn Chen : « L’entreprise technologique offre la solution la plus efficace pour donner un sens à la vie ». Par Amelia Tait. The Guardian. Traduit de l’anglais (D. A. + Linguee)
Un nouveau livre expose l’utilisation par la Silicon Valley de concepts et de pratiques spirituels pour optimiser la productivité de ses employés.
Carolyn Chen est une sociologue et un professeur de l’UC Berkeley qui fait des recherches sur la religion, la race et l’ethnicité. Son nouveau livre, Work Pray Code : When Work Becomes Religion in Silicon Valley, présente des entretiens approfondis avec des employés et des employeurs afin d’explorer comment la spiritualité engendre la productivité dans le centre technologique mondial.
En tant que professeur de religion, qu’est-ce
qui a suscité votre intérêt pour la Silicon Valley ?
J’ai étudié les
immigrants taïwanais évangéliques, les chrétiens évangéliques,
les bouddhistes dans leurs communautés, mais je pense que toute
personne vivant dans un pays occidental industrialisé, dans une zone
métropolitaine, sait que la religion est en déclin en termes
d’affiliation et de participation religieuses. J’avais
l’impression qu’il manquait quelque chose si je ne tenais compte
que les personnes qui s’identifient comme religieuses. Comment
voyons-nous la religion fonctionner dans le monde ? Quelle est
la manifestation contemporaine de la religion ? J’étais
vraiment intéressé par la présence de la religion dans les espaces
séculiers.
Ce qui vous a amené à visiter des studios de
yoga et ce que vous avez appris en parlant à des personnes laïques
utilisant cette pratique spirituelle ?
J’ai remarqué que
le travail était très présent dans les récits et les biographies
des gens. Quand je demandais aux gens : « Alors pourquoi
pratiquez-vous le yoga, quand le pratiquez-vous ? », la
question était souvent centrée sur le travail. Les gens disaient :
« Eh bien, je pratique le yoga parce que, après une longue
journée, je sens que j’ai besoin d’évacuer le stress. »
Mais il y avait aussi une autre phrase : « Le yoga
m’aide vraiment à me rétablir pour que je puisse devenir un
meilleur X » — et ici vous pouviez remplir le vide —
une meilleure infirmière, un meilleur ingénieur, un meilleur
comptable ou avocat. Il m’est apparu clairement que le travail
était vraiment la religion dans leur vie — que le travail était
ce pour quoi ils étaient prêts à se soumettre, à s’abandonner
et à se sacrifier. Et si le yoga n’était qu’un accessoire
thérapeutique, c’était pour soutenir cette autre chose qu’ils
vénéraient, pourrait-on dire.
Il m’est donc apparu clairement au cours de ces entretiens que je ne cherchais pas au bon endroit. Parce que je regardais quelque chose qui avait des origines religieuses, à savoir le yoga, mais qu’est-ce qu’ils vénéraient réellement, qu’est-ce qui était sacré dans leur vie ? Ce n’était pas le yoga. Le yoga les aidait à vénérer leur travail.
Et votre livre raconte comment les PDG de la
Silicon Valley utilisent cette situation à leur avantage — d’abord
en proposant des cours de yoga au siège de la société, puis en
encourageant les pratiques bouddhistes telles que la pleine
conscience et la méditation. Pourquoi ces dernières ont-elles pris
le dessus ?
Le yoga a été
remplacé par la méditation et la pleine conscience, parce qu’il
existe des milliers d’études sur [les bienfaits de] la méditation
et la pleine conscience — il y a toute une industrie artisanale.
Mais, comme je l’explique dans mon livre, un grand nombre de ces
études ont été réalisées dans des laboratoires contrôlés, et
ne sont donc pas nécessairement applicables sur le lieu de travail.
Et on ne sait même pas ce qu’est la pleine conscience lorsqu’elle
est utilisée dans ces espaces séculiers. J’ai eu l’impression
que ces entreprises étaient toujours à la recherche de la prochaine
grande nouveauté, d’une solution facile. Il fallait que ce soit
pratique et rapide pour optimiser la productivité de leurs employés.
Ce qui est essentiellement le cœur de votre
livre — les géants de la technologie utilisent des pratiques
spirituelles pour optimiser la productivité et des concepts
spirituels (« missions », « histoires d’origine »,
« leaders ») pour que les gens consacrent leur vie au
travail. Mais pourquoi maintenant ? Pourquoi optimiser les
employés de cette manière, entre toutes ?
Cela fait partie d’une tendance plus longue et de changements plus importants dans l’économie — la montée de l’économie de la connaissance et le passage d’une économie industrielle à une économie post-industrielle. Dans une économie industrielle, la façon dont vous pouvez améliorer vos résultats est généralement l’exploitation des ressources naturelles. Dans une économie de la connaissance, l’atout le plus important est le savoir et les compétences de votre main-d’œuvre. Comment les développer ? Vous pouvez augmenter la valeur d’une personne en l’éduquant, mais vous pouvez également améliorer sa production, augmenter sa valeur, en développant son esprit. Comment capter leur côté spirituel, leur côté émotionnel, afin qu’ils puissent s’investir pleinement dans la main-d’œuvre ? De nombreux termes que nous utilisons aujourd’hui pour décrire le travail, tels que « passion » ou « engager tout son être » au travail, renvoient à ce concept de gestion de la main-d’œuvre dans une économie de la connaissance ; il ne s’agit pas nécessairement des compétences du travailleur humain, mais aussi de son aspect spirituel.
En pratique, cela signifie que les entreprises
fournissent aux employés des repas sains gratuits, des coachs de
vie, des centres de bien-être… En lisant, je me suis dit :
« Ça a l’air génial. » Comment convainquez-vous les gens
de relever ce défi ? Quels sont les inconvénients de ce que
vous appelez le maternalisme d’entreprise ?
Tout d’abord,
permettez-moi de dire que j’ai ressenti la même chose. Parce que
ce que l’entreprise technologique offre est la solution la plus
efficace — et efficace est le mot le plus important ici — pour
fournir une vie significative et épanouissante. Lorsque je passais
du temps là-bas, je pensais : « Je serais une bien
meilleure étudiante, enseignante, mère même, si j’étais ici,
parce que l’entreprise s’occuperait de toutes ces choses. »
J’ai donc lutté avec la même question que celle que vous posez.
Les géants de la technologie utilisent des pratiques et des concepts spirituels pour que les gens consacrent leur vie au travail
Mais il y a des inconvénients que j’ai constatés en tant que sociologue. Dans mon livre, j’explique comment le lieu de travail agit comme un aimant géant qui attire le temps, l’énergie et le dévouement d’une communauté. Mais qu’advient-il des autres institutions ? Qu’en est-il de la famille, des communautés religieuses, des écoles, voire des petites entreprises, des organisations artistiques et des associations de quartier ? Dans le modèle américain, nous considérons ces institutions civiques comme fondamentalement importantes pour préserver notre démocratie. Toutes ces autres institutions commencent à devenir de plus en plus petites, parce que vous avez cette institution alpha qui attire tout.
C’est vrai — et vous avez remarqué que les
concierges et les traiteurs n’ont pas les mêmes avantages que les
ingénieurs, et que la dynamique éthique de la spiritualité est
complètement perdue. Certains des avantages offerts font froncer les
sourcils : J’ai été choqué de lire l’histoire de Vijay,
un ingénieur à qui son employeur a donné un coach pour les
rencontres. Quel a été le moment le plus choquant pour vous dans
votre reportage ?
Cette personne des RH a dit : « On ne peut pas faire travailler nos employés 24 heures sur 24 si on ne leur donne pas de flexibilité. » Et quand elle a dit ça, une ampoule s’est allumée dans ma tête. Nous devons vraiment réfléchir à cette question alors que nous évoluons vers un modèle plus hybride. Les travailleurs poussent à la flexibilité, mais quelle peut en être la conséquence ? Cela peut être de travailler 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.
Les travailleurs poussent à la flexibilité, mais quelle peut en être la conséquence ? Il se peut que vous travailliez 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.
Avant d’ouvrir le livre, j’ai pensé qu’il
s’agirait essentiellement du culte de personnes telles que Steve
Jobs. C’est plus compliqué que cela. Qui est le Dieu de votre
équation ? Quelle est la figure de l’adoration ?
Steve Jobs est comme
un saint — il y a cette hagiographie, il y a un culte de Steve Jobs
et les gens ont commencé à pratiquer la méditation à cause de
lui. Mais il s’agit essentiellement de vénérer un système. C’est
cette croyance que le travail va vous sauver, que c’est la chose
qui va vous donner un sens, un but et, en un sens, l’immortalité.
Work Pray Code : When Work Becomes Religion in Silicon Valley par Carolyn Chen est publié par Princeton University Press (£22).
Si vous cherchez sur internet « éveil de la kundalini », ou encore
« kundalini yoga », on vous suggérera des centaines de pages de sites à consulter, avec des affirmations alléchantes à la
clé comme celle-ci : « L’éveil de la kundalini conduit à un éveil spirituel menant à une très haute conscience de soi »… Qu’en est-il
exactement ? S’agit-il de pratiques et d’expériences proches de la mystique chrétienne ?
Quelques médecins
notamment psychiatres, outre Atlantique, ont observé une
augmentation significative de personnes présentant des symptômes
inclassifiables dans la nosologie habituelle permettant le diagnostic
de pathologies. Les années hippies, l’attrait pour l’Orient, les
techniques yogis ont fait apparaître des comportements et des
pathologies inhabituels en Occident.
Avant de décrire
ce qu’est la Kundalini, et ce que sont les chakras, voici quelques
observations faites par des psychiatres décrivant pour partie le
syndrome de la Kundalini.
Les
manifestations liées à cet éveil de la Kundalini encombrent la vie
de nombreuses personnes ; elles peuvent relever de la compétence
du prêtre exorciste accompagné d’une équipe de discernement,
pour une libération spirituelle et physique des personnes impactées.
C’est en ce sens que nous tenterons des réponses possibles.
1. Le syndrome de la Kundalini
Ce syndrome
caractérise les conséquences de pratiques initialement yogiques
ayant pour but une « purification des chakras » avec
éveil de la Kundalini. Des personnes ayant vécu une
expérience de mort imminente peuvent décrire des symptômes
similaires. L’apparition de ces symptômes peut être lente et
progressive ou subite et envahissante, occasionnant de graves
perturbations du sujet.
Charles Bruce
Greyson, né en 1945, ancien professeur de psychiatrie et de sciences
neuro-comportementales de l’Université de Virginie, a travaillé
particulièrement sur les descriptions de dites « morts
imminentes » ou NDE. Il a conçu son « échelle de
Greyson » pour répertorier et hiérarchiser les témoignages
relatant les perceptions des patients ayant vécu de telles
expériences. Il a également conçu une échelle de 19 éléments,
Physio-Kundalini Escalader1,
pour classifier les dires de sujets ayant vécu un éveil, dit
aussi montée de la Kundalini.
La
symptomatologie qui en résulte peut être confondue avec des
troubles psychotiques, bien qu’ils ne soient pas d’origine
psychiatrique2.
Cependant il est observé une intensité symptomatique exacerbée
chez des sujets plus fragiles psychologiquement3.
Quelques
symptômes le plus fréquemment observés :
Phénomènes
sensoriels :
Chatouillements,
sensations de chaud et de froid.
Respiration
inhabituelle, hyperventilation, rétention respiratoire, perturbation
du rythme.
Tremblements.
Phénomènes
psychologiques :
Souvenirs de
traumatismes, envahissants et obnubilants.
Émotions
extrêmes.
Difficultés à
contrôler les comportements.
Certains peuvent
évoquer un trouble de la personnalité schizotypique qui se traduit
par une peur infondée dans les relations interpersonnelles, une
cognition et des perceptions déformées, lumières ou visions
intérieures et sons intérieurs.
Sentiments de
dissociation de la personnalité.
Phénomènes
interprétatifs, des distorsions de la pensée.
Phénomènes
non physiologiques :
Sensations
d’expériences extracorporelles, comme le fait de se voir soi-même
à distance, de voyager dans le temps et dans l’espace sans
limitation.
Sensations
positives euphorisantes ou au contraire pensées morbides sans raison
apparente.
Divers
phénomènes :
Adopter des
positions étranges, se retrouver bloqué dans une certaine position.
Avoir des
mouvements ou sensations involontaires.
Sexualité :
Exacerbée avec
des sensations orgasmiques intempestives.
Parfois
totalement éteinte.
Ce que les psychiatres n’évoquent pas, et que constatent certains exorcistes, dans cet éveil de la Kundalini, c’est l’ouverture à la médiumnité et au magnétisme.
2. Qu’est que la Kundalini ?
Description
Cette Kundalini serait endormie dans le chakra mūlādhāra, lovée comme un serpent, symbolisé par un cobra royal, à la base de la colonne vertébrale, en avant du sacrum. Là est la racine, mūla, de toutes les nāḍīs, ces canaux du corps subtil. La Kundalini est enroulée trois fois et demie autour du lingam symbolique de Shiva. Lorsque la Kundalini est éveillée, elle pénètre à l’intérieur de sushumnā le canal énergétique central, ou voie psychique centrale. Sushumnā est complété de deux autres canaux par iḍā, et, piṅgalā. Au cours de sa montée, la Kundalini éveille les chakras représentés par différents lotus. Lorsque la Kundalini arrive au septième chakra situé proche de la fontanelle, c’est la réalisation de Soi. Les six chakras seraient les centres subtils et divins des enveloppes physiques et psychiques. Le septième ou suprême centre de conscience est Paramashiva.
Cette réalisation
de Soi serait l’affranchissement de toute condition limitative
permettant de sortir de l’individuel pour atteindre l’universel.
La voie royale de l’épanouissement de la conscience, pour parvenir
à l’extinction du cycle des renaissances successives samsara.
Les hindous, qui
ne voudraient pas même toucher un cadavre, et à plus forte raison
le disséquer, ont élaboré toute une cartographie anatomique par
expériences initiatiques, donc incontrôlables selon des critères
d’observations anatomiques de la médecine occidentale.
C’est donc une erreur d’identifier ou d’établir des liens entre les chakras, et le trajet de la Kundalini, avec les plexus physiologiques, les glandes endocrines, ou les structures ganglionnaires, nerveuses, vasculaires ou lymphatiques, comme les théosophes précurseurs du New-Age tenteront de le faire.
Différents types
d’ascèse provoqueraient cet éveil de la Kundalini, dont la
pratique d’asana, ou posture corporelle. Il en existerait
8 400 000, dont 1 600 sont déclarés excellents, et
parmi ces derniers trente-deux seraient bénéfiques pour les hommes.
Voici une asana
qui combinée à d’autres pratiques, comme la récitation de
mantras, ou de pranayama (yoga respiratoire) permettrait d’activer
la Kundalini : cette asana est associée à
un Mudrâ (posture des doigts des mains et des pieds), « dans
lesquels les pieds sont pressés sur la région du centre génital et
ferment l’ouverture anale, les mains fermant les autres
ouvertures : les narines, les yeux, les oreilles, la bouche
(Yonimudrâ). Le talon droit est pressé contre l’anus et le gauche
contre la région du centre génital, et afin de fermer l’ouverture
du pénis, il est contracté et ramené sous la voûte du pubis, si
bien qu’on ne le voit plus. La langue est retournée en arrière en
Khechari Mudrâ pour fermer aussi la gorge, lorsque ces deux Mudrâ
sont combinées. »4
Nous voyons
d’ores et déjà que ce type de pratiques n’a rien à voir avec
l’ascétisme et la mystique chrétienne.
Origine
de la kundalini
Ce terme provient
du sanskrit, une des langues de l’Inde. Selon une tradition
yogique, reprise par le mythique Patanjali qui serait l’auteur du
recueil référent sur le Yoga Sūtra, (dont l’origine est
imprécise, entre l’an 300 av. J.-C. et l’an 500 apr.
J.-C.), la Kundalini serait une énergie cosmique, ou vitale ou
encore divine, spirituelle, lovée à la base de la colonne
vertébrale. De fait, il s’agirait plutôt d’une énergie
sexuelle.
La notion même
de Kundalini ne peut être dissociée de la pratique du Yoga Sûtra.
« Yoga
dérive de la racine yug (en sanskrit) « lier ensemble »,
« tenir ensemble », « atteler », « mettre
sous le joug ». Le vocable Yoga sert en général à distinguer
toute technique d’ascèse et toute méthode de méditation. »5
« Ce qui caractérise le Yoga, ce n’est pas seulement son
côté pratique, c’est aussi sa structure initiatique… Il y faut
la direction d’un maître (gourou). »
C’est dans la Yogatattava6que sont entre autres relatés les prestiges magiques liés à
ces pratiques yogiques. « Une longue liste de siddhis,
pouvoirs occultes, trahit le milieu magique où cette Upanishad a été
élaborée ; car on parle de « clairvoyance, de claire
audience, de la possibilité de se transporter en un instant à de
grandes distances, de la faculté de bien parler, de prendre
n’importe quelle forme, de devenir invisible, et de la possibilité
de transmuer le fer ou d’autres métaux en or, en l’enduisant
d’excréments. »7
La Yogatattava
Up irait encore plus loin. Chacun des cinq éléments cosmiques,
la terre, l’eau, le feu, le vent et l’éther, peut être maîtrisé
par des exercices s’arrogeant la bienveillance du dieu gouvernant
chacun de ses éléments. Il n’y a plus alors de distance, plus de
distinction entre le yogi et l’Esprit universel. « Le yogi
peut alors faire tout ce qui lui plaît ; s’il veut, il peut
être absorbé dans le parabrahman (l’être suprême ou la
réalité ultime) ; si au contraire, il veut garder son
corps, il peut rester sur terre et posséder tous les siddhis.
Il peut devenir dieu, vivre entouré d’honneur, dans les cieux,
prendre toutes les formes désirées. Le ygin devenu dieu peut vivre
autant qu’il lui plaît. »8
La
Dhyänabindu, est un autre texte sacré, à caractère magique,
dont les pratiques dédouanent de toute loi morale et sociale. Il y
est question d’une physiologie subtile, où sont décrits
précisément, Kundalini, chakras et différentes veines et canaux
énergétiques.
À partir des Vème-VIIème siècles le tantrisme développe des pratiques capables de manipuler et de maîtriser ces énergies te type érotique et magique. Elles ont la réputation de donner accès à des pouvoirs occultes et surnaturels (ou siddhis). Le Kundalini yoga est associé aux siddhas, adeptes les plus expérimentés, et enseigné de façon confidentielle.
3. Kundalini et Occident
Ces connaissances ont été introduites en Occident en 1919, par
l’intermédiaire d’un livre : La puissance du Serpent9
de sir John Woodroffe (1865-1936), juriste, indianiste anglais,
traducteur de textes en sanskrit sous le nom de plume d’Arthur
Avalon10.
Ce livre décrit une forme particulière de Yoga tantrique nommée
Kundalini Yoga. « Ces noms évoquent d’une part la
Kundalinî Shakti, Puissance Suprême présente dans le corps humain
et dont l’éveil permet la réalisation du Yoga, d’autre part la
purification des Éléments du corps (Bhûta-shuddhi) qui se produit
lors de cette réalisation. Ce Yoga s’effectue suivant une
technique appelée Shat-chakra-bheda, c’est-à-dire percement des
six Centres ou Régions (Chakra) ou Lotus (Padma) du corps, sous
l’action de la Kundalinî Shakti, que, pour lui donner une
désignation occidentale, j’ai nommé ici la Puissance du
Serpent. »11
Sir John
Woodroffe, grand initié aux pratiques de l’éveil de la Kundalini
et traducteur en anglais de textes tantriques jusque-là inédits, a
eu une connaissance particulièrement rare pour un Occidental de ces
particularités de l’hindouisme et du yoga.
À la fin de son
introduction Arthur Avalon livre la finalité, de cette recherche
ascétique et mystique :
« L’homme
est ainsi, en son essence, le Tout-Puissant statique, ou Shiva qui
est Conscience pure ; et, en tant que Mental et Corps, il est la
manifestation de la Puissance de Shiva, Shakti, ou la Mère. Il est
donc Shiva-Shakti. Il est, dans son état ordinaire, une expression
de la Puissance. L’objet de la Sâdhanâ, ou Adoration, et du Yoga,
est d’élever cette Puissance à son expression parfaite, qui est
parfaite dans le sens d’expérience illimitée. Un moyen d’y
parvenir est le Yoga tantrique, par lequel l’homme échange son
expérience limitée du monde contre celle qui est le Tout sans
limites (Pûrna), ou la Béatitude Parfaite. »
Dans la
Puissance du serpent, Woodroffe prévient qu’il est absolument
nécessaire de suivre les enseignements d’un gourou ou siddha ayant
lui-même expérimenté ce chemin d’éveil, pour éviter à
l’adepte bien des déconvenues, pouvant l’entraîner jusque dans
la folie.
Cette puissance
acquise par ascétisme pour rejoindre ce que serait la Béatitude
parfaite n’a rien à voir avec les Béatitudes promises par le
Christ dans son premier enseignement sur la montagne dans l’Évangile
de Saint Mathieu. Béatitude promise aux humbles, aux doux, à ceux
qui pleurent, à ceux qui ont soif de justice… Béatitudes et repos
réservés aux âmes de ceux qui peinent et sont chargés des poids
de l’existence et viennent à Jésus, doux et humble de cœur.
Kundalini,
Théosophie et New-Age
Le courant
théosophique va être un des principaux vecteurs de la pénétration
de ces pratiques adaptées à des Occidentaux pressés d’avoir des
résultats rapides, et repris dans les pratiques nébuleuses du
New-Age.
Helena Blavatsky
est une référence incontournable du New-Age que l’on retrouve
sous le nom de Vlabatsky dans les aventures d’Harry Potter !
Helena Blavatsky
(1831-1891), férue de sorcelleries, de chamanismes de bouddhisme
tibétain, de yoga, et de spiritisme, fonde en 1875, à New York la
Theosophical Society, la Société théosophique, avec Henry
Steel Olcott, ancien militaire, juriste et franc-maçon. Elle fut
censée posséder des pouvoirs paranormaux tels que ceux qui sont
initiés à l’éveil de la Kundalini. En 1887, elle fonde la
Blavatsky Lodge, puis la revue Lucifer.
Charles Webster Leadbeater (1854-1934), d’abord ordonné prêtre
anglican en 1880, fut fasciné par les écrits d’Helena Petrovna
Blavatsky, et entra dans la Société Théosophique en 1883. Séduit
par l’Inde et les pratiques de purification des chakras par montée
de la Kundalini des gourous yogiques, en
1927, il décrit cela dans son livre Chakras.
Son pouvoir de séduction, son affirmation d’être clairvoyant
l’amène à faire de nombreuses conférences dans le cadre de la
société théosophique. Accusé de perversion sexuelle et de
pédérastie en 1906, il se met en veilleuse. Annie Besant12
succédant à Helena Blavatsky le réintègre dans cette société en
1907.
Annie Besant portant les décors du 33e degré maçonnique
Blason emblématique de la Fabian Society à laquelle adhère Annie Besant, loup camouflé sous une peau d’agneau
En 1915,
Leadbeater rencontre en Australie James Ingall Wedgwood (1892-1950),
théosophe, martiniste et fondateur de l’Église catholique
libérale, dont il se proclame tout simplement évêque. Wedgwood
l’initie en franc-maçonnerie, au martinisme, et le consacrera
évêque en 1916.
Alice Bailey
(1880-1949), membre de la société théosophique écrivit une
vingtaine d’ouvrages traitant d’occultisme et d’ésotérisme.
Elle utilisa fréquemment l’expression du New-Age, dans ses livres.
Les figures emblématiques du mouvement New-Age sont référentes,
explicitement ou non, au mouvement théosophique. Elle associa les
chakras à des glandes endocrines et au système nerveux lymphatique,
ce qui sera repris par la suite comme parole d’Évangile New-Age.
Emblème de la maison d’édition d’ouvrages ésoterico-occultes fondée par Alice Bailey
Paul Lecourt
(1871-1954), astrologue et spirite présentait l’humanité soumise
à des signes astrologiques, d’environ 2160 ans ; ainsi, nous
sortirions de l’ère du poisson, marqué par le christianisme, et
ses dogmes engendrant les guerres, pour entrer dans l’ère du
Verseau où l’homme libéré de ses carcans allait développer
toutes ses potentialités.
Carl Gustave Jung
(1875-1961), autre figure emblématique du New-Age ne sera pas en
reste publiant, l’Ère du Verseau.
Ces pratiques ont
été magnifiées en Occident, par les mouvements issus du New-Age,
faisant feu de tout bois pourvu qu’elles se dédouanent de la
doctrine catholique, ou mieux qu’elle la combatte frontalement ou
insidieusement. Des stars de la musique ou du cinéma, des
influenceurs comme Aldous Huxley se feront les maîtres à penser des
libérations opérées par ces contre-cultures opposées au
christianisme. Ainsi, les Beatles après leur séjour en 1968 dans
l’ashram de Maharishi Mahesh Yogi, le gourou de la Méditation
transcendantale, ou le gourou Swami Satchidananda qui fit l’ouverture
du festival de Pop music de Woodstock en 1969 font l’apologie de
ces techniques, soi-disant libératrices de toutes nos potentialités
cachées. Allan Watts, Timothy Leary, Bob Dylan, Joan Baez et bien
d’autres seront les chantres de ces spiritualités
« libératrices ».
Aujourd’hui
Parler
de l’éveil de la Kundalini peut faire sourire, c’est comme une
curiosité historique, car cela évoque l’univers Hippies des
années 1970. De même parler du New-Age semble suranné,
déjà dépassé, associé à une manière de vivre qui appartient au
folklore. Plus personne ne pourrait reconnaitre vivre comme au temps
des festivals de Woodstock. Et pourtant…. Toutes les idées du
New-Age nous imprègnent à notre insu. Notre culture occidentale les
a totalement absorbées. L’obsession actuelle de vouloir développer
toutes nos potentialités enfouies, de libérer notre mémoire, de
développer toutes nos formes d’intuition, de vivre en contact
direct avec la nature, en est un héritage direct.
Le
new age (démodé) et le transhumanisme (à la mode), sont une même
famille de pensée. Aldous Huxley, chantre du New Age est le frère
de Julian Huxley, chantre du transhumanisme, à la mode en ce moment.
Le Flower Power prônait l’ouverture des sens. La culture Woke des
années 2020 prône l’Eveil, (Woke est le prétérite
du verbe to Wake, se mettre debout, s’éveiller). Et pour être
éveillé, il faut avoir été initié, notamment par l’ouverture
des sens, via l’ouverture des chakras dans la kundalini.
Les mêmes ressorts, habillés sous des oripeaux à la mode du jour pour être séduisants, reviennent inlassablement percuter notre relation au monde, aux autres et à Dieu. Une anthropologie horizontale, issue du péché originel, « vous serez comme des dieux » menace l’anthropologie verticale dont la prière du soir se fait l’écho : « Notre secours est dans le nom du Seigneur, qui a fait le ciel et la terre ».
Les officines inspiratrices, notamment californiennes, demeurent souvent les mêmes, derrière une cosmétique de surface.
Bien entendu,
toutes les formes occidentalisées de yoga n’éveillent pas
nécessairement cette Kundalini. Aujourd’hui 10 millions de
Français font ou ont fait du yoga depuis au moins trois ans ;
plus de 7 millions le pratiquent régulièrement et 2 millions
et demi l’ont commencé durant la récente épidémie de covid 19
13.
Parmi ces nouveaux adeptes certains seront tentés d’aller plus
loin dans la recherche de l’éveil de la Kundalini14.
Certains « initiés » prétendent ouvrir les chakras et éveiller la Kundalini, par initiation spontanée du disciple faisant allégeance. Ainsi des « maîtres » Reiki15 prétendent ouvrir les chakras de leurs patients à l’énergie universelle. C’est ainsi qu’apparaît le plus souvent le syndrome de la Kundalini.
Ces pratiques
sont de nature magique et, ou sexuelle, elles conditionnent notre
corps et nos ressentis psychologiques et n’ont rien à voir avec
une spiritualité chrétienne, si ascétique et mystique soit-elle.
Assimiler ces états psychophysiologiques à des sommets
d’expériences spirituelles16,
entre en contradiction essentielle avec l’accueil de la grâce
gratuite de Dieu et l’exercice des vertus de la tradition
catholique.
La Perle de grand
prix de l’Évangile se recherche dans l’humble quotidien, avec
constance et assiduité, dans les joies comme dans les peines, dans
les chutes, et le pardon reçu et donné. L’objet du combat
spirituel est d’exercer notre volonté à nous conformer à la
volonté de Dieu, cependant cette Perle se reçoit au-delà de tout
mérite, seule la grâce de Dieu peut nous l’offrir.
Jésus-Christ
seul nous ouvre à une ère nouvelle. « Les temps sont
accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous
et croyez à l’Évangile » (Mc 1, 15).
Alors écouterons-nous pour la mettre en pratique, l’exhortation de saint Paul dans sa lettre aux Ephésiens : « Revêtez-vous de l’homme nouveau, créé, selon Dieu, dans la justice et la sainteté conformes à la vérité » (Ep 4, 24).
4. Les chakras, des blessures paranormales et spirituelles ?
Écoutons, pour terminer PLUSIEURS TÉMOIGNAGES transmis par le P. Dominique Auzenet, exorciste du diocèse du Mans. Ils posent une question importante, qui se situe sur un autre plan.
1. Je me suis demandé si les ouvertures de chakras ne sont pas des sortes de blessures spirituelles. Une personne que je connais décrit qu’elle se sent tout ouverte à tout et n’importe quoi. Les perceptions affluent et sont donc incontrôlables comme des entrées démoniaques potentielles. Son vocabulaire que je comprends pour l’avoir malheureusement vécu, me fait vraiment penser à des blessures d’ordre paranormal, sur un plan spirituel. Le Seigneur ne nous a pas créés « tout ouverts », blessés ainsi. S’il nous a « fermés » à tout cela, je me dis que ce n’est que par amour et miséricorde, pour ne pas nous exposer aux dangers du Mauvais et à ses manœuvres.
Mais je constate tout de même une différence entre les personnes tombées dans l’occulte sans le vouloir et sans le savoir, par ignorance et méconnaissance, et celles qui invoquent ouvertement les esprits pour obtenir des pouvoirs divers et variés. Les premières y renoncent quand elles comprennent « la farce », les secondes continuent dans la même voie… Les premières, même si elles peuvent tomber dans le piège de l’orgueil, grisées par les kiffs sensoriels et le développement des pouvoirs, n’y sont pas entrées avec l’idée « de se prendre pour Dieu », de le défier… Autrement dit l’orgueil dans lequel elles tombent n’est pas premier mais secondaire. Ce qui me semble premier chez elles, ce sont des blessures de longue date, des périodes de vulnérabilité… C’est ce qui fait qu’elles cherchent des solutions à leurs maux par tous les moyens et se tournent vers ces pratiques. Il me semble que ces personnes ont avant tout besoin de la miséricorde du Seigneur. Je constate que la confession est le premier pas, puis le renoncement aux pouvoirs, les prières de délivrance et parfois les exorcismes, et aussi le sacrement de l’onction des malades.
Car le Mauvais lorsqu’il vient s’infiltrer dans ces blessures anciennes et non cicatrisées, s’y loge et fait croire que les pouvoirs, les soins énergétiques sont LA solution. C’est là qu’aux blessures d’ordre psychologique et affective, se greffent les blessures spirituelles à travers l’engrenage des consultations de praticiens de toute sorte (médium, reiki, magnétiseurs…). Plus j’écoute des personnes, plus cet engrenage m’apparaît évident et redoutable.
Pour en revenir à cette personne qui s’inquiétait de savoir si ses chakras se refermeront un jour, je répondais que rien n’était impossible à Dieu et qu’il ne nous a pas créés ainsi et que je suis certaine que dans sa grande miséricorde il peut guérir ses enfants blessés par l’occulte et les libérer. Mais je vois que le Seigneur ne fait rien sans nous. Il attend qu’on renonce ouvertement, qu’on se confesse, qu’on le prie…
Une autre personne décrit ce qu’elle pense être une montée de kundalini de la façon suivante :
2.J’ai eu une montée d’énergie forte dans mes chakras et ceux-ci se sont ouverts à nouveau de manière plus ample, et le mal en a profité pour ré-attaquer de manière extrêmement forte sur tout mon être. Des décharges électriques intenses dans mon corps et ma tête, des piqures et des brûlures sur ma tête, ma nuque, mon dos, mon sacrum : clairement des esprits ce sont accrochés à moi et de façon permanente. Je sens mon énergie vitale aspirée quand les attaques arrivent, mes oreilles sifflent, je me sens aspirée du coté gauche de mon corps, mon être se remplie de noirceur et de désespoir, j’ai des blasphèmes contre Dieu et Marie pendant la prière. J’ai des attaques en pensées ainsi que des pensées de suicide malgré tout l’amour que j’ai pour ma famille. Ces attaques me perturbent jour et nuit et m’empêche de dormir et de m’alimenter correctement, je ne peux plus conduire. Cela m’a même envoyé aux urgences suite à une grosse montée d’énergie dans la tête, je me suis sentie sortir par ma tête, une partie de mon visage s’est paralysée, je ne pouvais plus parler, je ne sentais que le coté droit de mon corps. La prise de sang et le scanner n’ont rien donné.
Une autre personne, qui a fait une initiation dans le bouddhisme tibétain, écrit ceci :
3. Il me semble que la montée de la Kundalini correspond à une ouverture totale des chakras de tout le corps. Le Père Verlinde l’évoque dans une de ses conférences. Un de ses amis en ayant souffert lors de leur séjour en Inde et étant depuis en hôpital psychiatrique… C’est très connu dans le milieu des initiations en yoga interne (le mouvement en intérieur car il s’agit de mouvements d’énergie et il y a peu de mouvements du corps extérieur). L’énergie monte de la base du corps (sacrum), à travers tous les chakras alors ouverts jusqu’au sommet du crâne. Dans le bouddhisme tibétain, des initiations censées préparer à la mort (pratique du Powa ou éjection de la conscience par le chakra du sommet de la tête) étaient basées sur cette pratique. Je n’ai jamais été initiée à cela (par refus absolu de ma part), mais je me souviens que le Lama avait dit que cela raccourcissait l’espérance de vie tant l’ouverture au niveau énergétique était totale et qu’il n’était pas souhaitable de faire ce genre d’exercices très souvent. Le signe visible de la réussite de cette pratique par l’initié est un petit trou au sommet du crâne laissant perler un peu de sang et dans lequel on insère traditionnellement un brin de paille comme preuve visible par tous de la réussite de l’initiation.
Je pense aussi que lorsqu’on ressent des douleurs et sensations pénibles dans le corps causées par les attaques, ainsi que les émotions de désespoir, voir de suicide, il faut tourner son coeur vers le Seigneur. Ne pas se laisser « emporter » dans les manipulations sensorielles et émotions que le démon opère sur la personne. Il la tient par ce biais, il la « torture », l’impressionne, l’inquiète, l’aliène… Il adore jouer avec les sens. C’est son terrain de jeu favori… Tantôt il les utilisent pour flatter les humains (++ sensoriels addictifs), tantôt il les utilise pour les tourmenter…
Personnellement dans ces cas là, des temps d’adoration devant le Saint Sacrement m’aidaient à tout remettre à Dieu en confiance. Comme si l’autre à force ne faisait plus que faire du bruit dans mes sensations, mes émotions, mais mon coeur lui restait avec Dieu.
Car l’ANCRAGE, c’est le Seigneur dans ce cas. Et le point d’ancrage, c’est notre coeur tourné vers le celui du Seigneur. Quoi de plus central et intime que cette confiance ? Le démon déteste quand on fait cela… Il ne peut rien contre l’amour et la CONFIANCE EN DIEU. Poser ce genre d’acte de foi le met en rage… Je pense qu’il ne faut pas courir trop « après la solution miracle » qui viendrait d’une prière, ou autre « nouvelle solution ». Ne pas s’éparpiller. Faire simple mais confiant: Garder sa confiance rivée sur le Seigneur dans des actes de foi et d’abandon, surtout au coeur des attaques. Ne pas douter que le Seigneur agit et délivre (le démon cherche à faire douter de la délivrance). Se confesser très souvent. Prier tous les jours et se confier à l’intercession de Marie. Continuer à recevoir les sacrements et à aller à la messe.
Notes
1Bruce
Greyson (1993). « Les
expériences de mort imminente et le syndrome physio-kundalini« .
Journal de la religion et de la santé. En anglais, Le
syndrome de physio-kundalini et la maladie mentale,
Journal de psychologie transpersonnelle, 1993.
9Arthur
Avalon, ou sir John Woodroffe, La
puissance du Serpent, Ed.
Paul Derain 1959. Format PDF.
10Ce
nom de plume d’Arthur Avalon ne doit rien au hasard. L’île
d’Avalon selon les légendes du roi Arthur est le lieu où a été
formée son épée et où repose Arthur après sa dernière bataille
à Camlann. C’est aussi l’île de la fée Morgane, un lieu
mythique de la quête du Graal. Nous sommes là dans un des
épicentres de l’ésotérisme occidental. C’est enfin
l’île où vivait supposément la fée Morgane.
16 Tout un débat a déjà eu lieu dans les années 2000 dans les milieux évangéliques autour des similitudes entre les manifestations prétendument charismatiques dues à l’ « onction de Toronto » ou « bénédiction du Père », et les manifestations de l’éveil de la Kundalini. Voir par exemple : http://www.info-sectes.org/occulte/toronto_kundalini.htm
Quinze années de pratiques assidues, vécues avec fougue… Une conversion en 2018… Il en résulte, dans cette réflexion, au ton radical, des analyses très fines, à l’aune d’un discernement conduit par l’Esprit de Vérité.
« Dès mon entrée dans le monde du Yoga et de la méditation, j’ai commencé à étudier en profondeur toutes ces pratiques et toute la philosophie à la base de cette discipline. Il me semblait enfin avoir trouvé ma voie, me poussant chaque jour à aller plus loin dans la recherche de ces pratiques initiatiques. Il me semblait être guidé, je l’étais certes mais par le faux dieu, par le larron pernicieux !
J’étais le moins que l’on puisse dire un excellent élève. Méthodiquement, j’avais mis en place au bout de quelques années un programme de prières et de pratiques ésotériques qui me conduisait à me lever tous les jours à 4 heures du matin et à enchaîner un programme très précis pendant plusieurs heures d’affilée. »
« Après plusieurs années à ce rythme, je bénéficiais par le biais de ces alliances des « pouvoirs spirituels extraordinaires » qui me permettaient de croire que j’étais devenu un Maître accompli du yoga et de la méditation orientale. Ma capacité à vivre à plusieurs reprises des états de conscience modifiés ou samadhis (décorporation et union de l’âme au monde parallèle), c’était pour moi la confirmation que je touchais à mon but, l’union avec le faux Dieu qui n’est autre que le grand Satan !
J’étais devenu ainsi au bout de plusieurs années un « Maître en Yoga « (ashtanga yoga, Kundalini yoga, Kriya yoga etc. ), un « Maître en reiki » , un guérisseur, un magnétiseur.
Avant d’être libéré par le Christ et par la sainte l’Église catholique, mon âme, vous l’avez compris, s’est perdue pendant de nombreuses années dans des pratiques ésotériques (yoga, méditation, Reiki, Bio Énergie.. ) qui ne cessent de faire des ravages auprès d’âmes innocentes. Certes et fort heureusement le Christ est super vainqueur, raison pour laquelle je peux partager avec vous ces quelques lignes, mais il serait très dangereux de minimiser l’impact très mortifère de ces pratiques ésotériques pour l’âme et le corps. »
LES COMMENTAIRES SUR CET ARTICLE
Frère Paul souhaite rester en retrait et n'est pas "administrateur" du site pour pouvoir répondre directement. Si vous souhaitez poster un commentaire, faites-le; en tant qu'administrateur et modérateur, je le lui ferai parvenir. Il me retournera sa réponse que je posterai, y compris avec des dossiers documentés s'il le fallait, qui seraient alors en téléchargement. Même si le processus est un peu lourd, le dialogue devrait être fécond ! D. Auzenet.